Bottin

L'enseigner

Transcription textuelle de l'image

La conscience du tracé en début de scolarité

L’année précédant l’entrée en première année s’avère une période charnière pour la préparation et la stimulation d’habiletés préalables, telles que celles liées aux habiletés graphomotrices. (Coallier, Morin et St-Cyr Tribble, 2012, p. 11 (tiré de Grapho CTREQ) Par le jeu, il est possible de stimuler les préalables à l’apprentissage du geste d’écriture et de découvrir le sens du tracé des lettres à l’aide d’une approche multisensorielle.

L’enfant doit prendre conscience que le son qu’il veut écrire correspond à une lettre (graphème) ou un groupe de lettres (conscience phonologique). Il doit également mémoriser la forme des lettres pour les reconnaitre et comprendre, entre autres, qu’elles se tracent dans un sens précis, toujours le même, qui inclut un point de départ et un point d’arrivée. Il s’agit de la conscience du tracé. Cette métacognition va continuer de se développer au premier cycle du primaire. Par exemple, l’élève va devenir conscient de l’importance d’asseoir son écriture sur une ligne et des proportions des lettres entre elles.

L’approche multisensorielle

Plusieurs recherches ont démontré qu’une exploration multisensorielle des lettres contribue à l’apprentissage de l’écrit. L'enseignante peut ainsi inciter ses élèves à manipuler des lettres en trois dimensions pour en explorer les traits qui les composent et les comparer entre elles ou permettre aux élèves de former une lettre au sol avec leur corps. Elle peut également faire marcher le tracé d'une lettre géante au sol ou produire le tracé dans les airs avec la main.

Transcription textuelle de l'image

Les contextes signifiants

Au préscolaire, c’est avec l’exposition fréquente à des contextes signifiants de lecture (album, message du matin, etc.) et d’écriture (prénom, recettes, cartes de souhaits, etc.) que l’enfant développe, avec l’aide de l’adulte, la compréhension du fonctionnement de la langue écrite.

Les contextes signifiants d’activités graphomotrices contribuent à développer l’intérêt de l’élève, l’encouragent et le motivent à faire des tentatives d’écriture. Les situations d’écriture en contexte signifiant auront pour effet de solliciter l’engagement des élèves dans une démarche réflexive sur le fonctionnement de la langue écrite. Plusieurs contextes pouvant favoriser l’exposition à la graphomotricité émanent de la routine du préscolaire, comme par exemple :

  • Lors du message du matin, une enseignante peut compléter le message devant les élèves;
  • Après la lecture d’un livre à voix haute, l’enseignante peut inviter les élèves à inventer un nom au personnage principal et écrire leurs idées;
  • La collation peut être un bon moment pour regarder les lettres inscrites sur les contenants des enfants (ex. : Ficello) et s’amuser à trouver quels amis ont la lettre F dans leur nom;
  • Lors des déplacements, une enseignante amène les enfants à regarder les affiches et les questionne sur ce qui peut y être écrit;
  • Lors de la lecture du livre, une enseignante demande aux enfants à quel endroit débuter la lecture et pourquoi.

Le jeu libre et soutenu par l’adulte est également un moment durant lequel l’enseignant peut contribuer à l’exposition, la découverte et l’engagement dans les activités graphomotrices. Entre autres, lors des jeux libres, l’enseignante peut suggérer aux enfants de donner un nom à leur restaurant, leur garage, etc.

En première année, la pratique fréquente en contexte signifiant d’écriture est reconnue comme une pratique d’enseignement exemplaire. Le contexte de l’activité permet à l’enfant de faire le lien entre l’apprentissage fait et sa fonction. Comme par exemple, après l’enseignement de la lettre a, l’enseignante peut demander aux élèves de trouver dans la classe des mots qui contiennent la lettre a et les copier en portant une attention particulière à la formation de la lettre apprise. Certains programmes d’enseignement, comme le programme En mouvement, j’écris !, proposent des activités de pratique en contexte signifiant.

L’enseignement explicite du tracé

Pour progresser en écriture, les élèves doivent être plongés dans un processus d’apprentissage explicite qui les conduira à produire efficacement des lettres lisibles, à acquérir progressivement une aisance graphomotrice et à organiser les lettres dans l’espace défini à cette fin. (Lavoie et Morin, 2016). Le programme En mouvement, j’écris ! (Lavoie et Morin 2016) a été retenu puisqu’il s’inscrit dans une approche multisensorielle.

Le retour métacognitif

En début d’apprentissage, la tâche graphomotrice prend tout l’espace cognitif et l’élève ne peut ajuster sa production pendant le tracé. Il devient alors pertinent de lui faire prendre conscience de sa production en faisant un retour sur ses tracés. Solliciter le jugement de l’enfant sur sa production (p. ex. lui demander d’identifier sa « lettre championne ») l’amène à prendre conscience de sa performance. Le questionnement de l’adulte lui permettra de nommer pourquoi la lettre choisie est championne. Il pourra nommer ce qui la rend championne, identifier ce qui cloche chez certaines lettres et prendre ainsi conscience des étapes du tracé qui sont plus difficiles pour lui et ainsi, refaire une pratique guidée avec ce défi en tête. L’adulte pourra également identifier toutes les lettres produites qui sont championnes et élargir la norme des graphies acceptables de l’élève.

Transcription textuelle de l'image

Le juste défi

Afin de favoriser un apprentissage chez l’enfant, les activités de graphomotricité doivent présenter un juste défi. Qu’est-ce qu’un juste défi ? Un juste défi est un défi approprié pour permettre à l’enfant de s’engager complètement et de développer de nouvelles habiletés. Ainsi, l’activité présentée doit avoir un niveau de complexité adéquat pour que l’enfant s’engage activement, se sente en sécurité et confortable et puisse vivre des succès. En éducation, elle s’appelle la zone proximale de développement.


(adapté de Guadagnoli et Lee, 2004)

Transcription textuelle de l'image

Les habiletés graphomotrices des élèves d’une classe varient d’un enfant à l’autre et d’une année à l’autre. Pour favoriser le développement des habiletés graphomotrices, il importe de présenter aux élèves des activités avec un bon niveau de complexité (ni trop facile, ni trop difficile) pour permettre aux élèves de progresser dans leurs habiletés. Il peut être pertinent de se référer au continuum de développement pour graduer les activités et offrir des activités graphomotrices près de la zone proximale de développement des enfants.

L’apprentissage du geste d’écriture est une tâche complexe. Il est donc d’autant plus important de s’assurer que les activités de pratique d’écriture présentées représentent un juste défi. La pratique d’activités trop difficiles entraînera une surcharge et pourra nuire à la progression de l’élève dans son apprentissage. Par exemple, un enfant qui commence l’apprentissage de l’écriture d’une lettre et peine à utiliser le bon tracé dépensera beaucoup d’énergie à être précis si on lui demande d’écrire la lettre dans les trottoirs, au lieu de mettre tous ses efforts sur l’apprentissage du tracé de la lettre.

La différenciation pédagogique

L’impact des difficultés graphomotrices sur la compétence à écrire est documenté par plusieurs auteurs. Il devient alors important de cibler rapidement les élèves avec des difficultés graphomotrices, car ceux-ci sont à risque de développer des difficultés persistantes en écriture. Certains indicateurs permettent d’identifier les élèves ayant des besoins plus spécifiques pour développer une aisance graphomotrice. Une écriture lente (vitesse) ou une écriture difficile à lire (lisibilité) sont généralement de bons indices de difficultés graphomotrices.

Lors de l’enseignement du tracé de lettres, il est important que l’enseignante différentie l’enseignement en fonction des besoins des élèves. Ainsi, certains élèves auront davantage besoin de guidance motrice en début d’apprentissage, d’autres auront besoin d’une surface d’écriture plus grande. Le tableau suivant guide les observations de l’enseignante pour identifier les aspects en difficulté et répondre aux besoins de l’élève.

Pour certains élèves, il peut être nécessaire d’intensifier la pratique du tracé de certaines lettres qui n’ont pas été bien intégrées. La grille de compilation suivante peut être utilisée pour cibler l’intensification de la pratique des tracés.

Devant un enfant présentant des difficultés de lisibilité, il est important d’identifier le paramètre qui entraîne ce problème pour pouvoir intervenir. Par exemple, un élève a de la difficulté à mettre le bon espace entre les mots, ce qui entraîne une diminution de la lisibilité. Des interventions seront alors faites pour aider l’élève à se trouver une stratégie efficace pour lui permettre de mettre le bon espace entre ses mots. Le tableau suivant aide à identifier le paramètre qui est à l’origine des difficultés de lisibilité et suggère des pistes d’intervention.

L’écriture script ou cursive?

À propos de l’enseignement de la graphomotricité à l’école primaire, un dilemme survient souvent dans les établissements : doit-on enseigner l’écriture script ou cursive? Pour l’instant, les recherches ne montrent pas clairement qu’un style d’écriture serait supérieur à un autre. Toutefois, le fait d’apprendre les deux modes (script et cursif), l’un en première année et l’autre en deuxième année du primaire, entraînerait un double apprentissage qui semble retarder l’automatisation du geste graphomoteur. Faire le choix d’enseigner un seul type d’écriture dans les premières années scolaires paraît donc plus approprié.