Développer des stratégies intégrées, diversifiées, souples et adaptées
L’intervention sur les situations de désorganisation psychosociale les plus critiques ne peut s’appuyer sur une seule stratégie. De la même manière qu’elle ne peut s’appuyer sur une seule organisation publique ou communautaire.
L’intégration de stratégies diversifiées et adaptées à la complexité des situations de désorganisation psychosociale est au cœur d’une approche de stabilisation et de réaffiliation.
Il n’y a pas de hiérarchie préétablie entre les stratégies d’intervention, dans le sens d’un parcours que les personnes devraient suivre, étape par étape. Il faut adapter les stratégies aux personnes, non l’inverse. Et pour cela les maîtres mots sont la diversité et la souplesse.
Mais la diversité n’est pas infinie. On peut ranger les principales stratégies d’intervention à l’intérieur de cinq domaines : l’habitation, le revenu, la santé et la reliance.
Même s’il n’y a pas de hiérarchie préétablie qui forcerait les personnes à suivre un parcours déterminé d’avance, il est important de placer l’habitation au centre. Parce que sans une place à soi, la vie humaine n’est pas vraiment possible. C’est la survie.
Même si les stratégies d’habitation sont au centre de l’intervention, elles doivent être accompagnées d’autres stratégies. Un lit, une chambre, un logement sans soutien et sans service, c’est un abri, ce n’est pas encore un chez soi.
Il est important de bien situer les limites d’une approche de stabilisation centrée sur l’habitation.
Il y a des personnes qui ne sont pas capables de se stabiliser sans un « traitement d’abord » –du moins à certains moments de leur vie-, alors que d’autres ne sont pas prêtes à se stabiliser, pour plusieurs raisons.
L'habitation
Logez les personnes sans abri ou vivant dans des conditions inadéquates pour vivre humainement est la première priorité.
L’expérience nous enseigne qu’il faut avoir recours à plusieurs stratégies d’habitation pour respecter le choix des personnes et répondre aux besoins de l’ensemble de la population cible.
Il faut placer au centre les stratégies de logement permanent.
Autour de ces stratégies, il faut pouvoir s’appuyer sur des stratégies d’hébergement et de logement de stabilisation, ainsi que sur des stratégies d’hébergement d’urgence.
Ces stratégies n’ont pas besoin d’être gérées au niveau de l’équipe d’intervention. Dans un cadre interorganisationnel, ils peuvent être intégrés dans l’entente de partenariat.
Le revenu
Il est nécessaire de développer des stratégies rattachées au revenu pour aider les personnes à se stabiliser.
La fiducie volontaire est une stratégie efficace à coût nul qui permet aux personnes qui ont des problèmes graves de dépendance d’assurer le paiement de leur loyer et d’éviter qu’elles ne se retrouvent à la rue.
Une entente avec la Sécurité du Revenu pour dénouer le processus d’attribution dans les situations problématiques peut éviter que la personne se retrouve sans revenu.
La santé
L’intégration des soins infirmiers au sein de l’équipe d’intervention est une composante essentielle pour répondre aux besoins des personnes et faciliter l’accès aux services de santé.
Le développement d’une offre de soins médicaux de proximité rattachée à l’équipe d’intervention psychosociale, avec des accès aux services spécialisés en dépendance et en psychiatrie est aussi essentielle pour répondre aux besoins des personnes qui, autrement, vont être condamné à une médecine d’urgence inadaptée à leur réalité.
La reliance
La reliance renvoie à la dimension relationnelle de la personne. C’est ce qui relie une personne à ses racines; que ce soit la vie en elle, la communauté au sein de laquelle elle vit, l’humanité qu’elle partage avec tous les êtres humains, le cosmos qu’elle peut contempler ou l’infini dans la profondeur de son âme. La reliance, c’est ce qui fait qu’une personne se sent chez elle.
À l’inverse de la reliance, la déliance c’est ce qui délie la personne de ses racines. Cela ne veut pas dire qu’elle est privée d’information et qu’elle n’est pas réseautée, mais qu’elle est déracinée.
La déliance est un phénomène culturel qui accompagne le développement des sociétés occidentales contemporaines.
Chez les personnes en situation critique de rupture sociale la déliance est profonde; elle atteint toutes les sphères de la vie d’une personne.
On peut ici parler de problème de santé relationnelle, selon l’expression de Léonie Couture.
Deux stratégies prennent en compte spécifiquement l’importance du besoin de reliance des personnes en situation critique de rupture sociale :
Le développement d’une culture de l’accompagnement;
Le développement d’une culture de collaboration interorganisationnelle communautaire/publique.
Pour développer une culture de l’accompagnement :
Distinguer l’accompagnement du suivi;
Placer le savoir expérientiel au centre de l’approche.
Pour développer une culture de collaboration interorganisationnelle :
Placer le développement de la collaboration interorganisationnelle au centre des responsabilités des gestionnaires et des intervenants;
Passer du rapport de force centré sur les intérêts des organisations, à l’engagement et la confiance centrés sur les intérêts des personnes.