L’accompagnement comme mode relationnel suppose une posture particulière de l’intervenant professionnel. Une posture que Meala Paul regroupe en cinq thèmes. J’en retiens deux : la non-violence et le non-savoir, et j’en ajoute un : la non-indifférence.
La non-violence est un principe éthique fondamental. Il signifie que la relation authentiquement humaine est un espace de confiance ou chacun peut être soi-même sans danger d’être traiter et utilisé comme une chose. Le cadre de cet espace relationnel est le respect mutuel. C’est ce qui préserve la dignité de la personne de toute violation.
Dans le cadre de l’accompagnement des personnes en situation de rupture sociale, adopter une posture non violente face aux situations difficiles et chargées émotivement peut changer beaucoup de choses. Les réactions spontanées vis-à-vis ces situations inévitables sont souvent des réactions de blâmes ou d’accusations, soit envers la personne, envers soi-même, envers des collègues, d’autres intervenants ou le « système ». Ces réactions peuvent être exprimées ouvertement ou refoulées pour éviter les tensions et les conflits. La posture non violente est une posture d’ouverture et d’accueil de la fragilité et de la vulnérabilité dans les situations difficiles et chargées émotivement, afin de les transformer en opportunités d’émancipation et de croissance humaine.
La posture non violente est au cœur de l’accompagnement des personnes vulnérables et fragiles. C’est une posture qui doit être développée et soutenue.
« Pour que le professionnel ne se positionne pas dans cette place de toute-puissance dans laquelle un autre peut le placer, encore faut-il qu’il ne s’y tienne pas ! » (Paul 2012) Abandonner cette position à partir de laquelle l’intervenant énonce des opinions, des jugements, des explications et des solutions en surplomb, c’est prendre le risque du dialogue, de la rencontre avec l’autre. Le non-savoir comme posture ne signifie pas que l’intervenant doit être neutre, mais qu’il n’a pas « besoin de savoir » pour accompagner la personne. Ce qui importe, c’est le partage du savoir ou du non-savoir. L’accompagnement n’est pas centré sur une expertise particulière, mais sur une habileté relationnelle qui met en valeur le partage et la co-construction. L’accompagnement n’est pas une prise en charge. Ce qui n’empêche pas de se centrer sur les besoins de la personne et d’explorer les stratégies les plus appropriées pour rendre sa vie plus belle. Mais l’intervenant n’a pas à connaître « la solution » et à avoir dans sa poche les bonnes stratégies. L’intervenant n’a pas à savoir. Il a à partager avec quelqu’un ce qu’il sait ou ne sait pas. Et il a à recevoir de quelqu’un ce qu’il sait ou ne sait pas. Bref, le non-savoir n’est pas un plaidoyer pour l’ignorance ou la neutralité, mais pour le partage et l’engagement relationnel. L’accompagnement est une rencontre. Au coeur de cette rencontre s’ouvre la vie en dialogue, selon l’expression heureuse de Buber. (Buber 1959) Dans l’accompagnement, on connait le point de départ et la direction, mais personne ne sait d’avance le chemin qu’il faudra suivre pour se rendre à destination. Le non-savoir coiffe la relation d’accompagnement d’un voile d’incertitude.
La non-indifférence à l’autre en action, c’est l’écoute empathique. Écouter vraiment ce que l’autre vit derrière ce qu’il dit ou fait n’est pas facile. Ce n’est pas spontané. Les réactions spontanées sont soit sympathiques soit antipathiques. On aime, ou on n’aime pas. On approuve, ou on réprouve. Pour écouter, il faut aller au-delà du jugement. Mais pour aller où ? Nulle part, en fait. Il s’agit d’apprendre à rester présent à ce qui est vivant, afin de soutenir la personne. L’écoute empathique n’est pas une posture d’enseignement, mais de reliance. Elle est au cœur de l’accompagnement. Elle incarne les postures de non-violence et de non-savoir. L’écoute empathique est une non-indifférence à l’autre en action.
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