Michel Simard
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Des balises : résumé des idées

Une approche prétraitement

  • Une approche prétraitement se situe entre l’urgence et la réadaptation.
  • Elle n’est pas une alternative à ces approches. Elle s’inscrit en complémentarité et en continuité avec ces approches.
  • Les services et les interventions en santé sont largement structurés autour du traitement et de la réadaptation. Le traitement et la réadaptation vont ensemble. Ils font partie du même modèle. Lorsque la personne refuse le traitement ou que le traitement échoue, il faut changer de modèle.
  • On passe alors dans un modèle prétraitement. C’est-à-dire un modèle où le sens de l’intervention est indépendant du traitement et de la réadaptation compris dans le sens traditionnel. Ce qui est visé c’est la stabilisation psychosociale de la personne, indépendamment de son adhésion à un traitement et de son engagement dans un processus de réadaptation.
  • Le logement d’abord est une stratégie de stabilisation psychosociale de la personne prétraitement.
  • L’approche de stabilisation psychosociale a pour buts :
    • Éviter que les personnes très vulnérables ne soient abandonnées à elles-mêmes sans ressources, parce qu’elles refusent les traitements offerts et ne s’inscrivent pas dans une démarche de réadaptation ;
    • Rendre accessibles les services de traitement et de réadaptation, dans un contexte où les personnes peuvent les refuser ;
    • Assurer les conditions suffisantes pour vivre ou mourir dignement aux personnes très vulnérables qui pourraient être laissées à elles-mêmes, sans place à soi où vivre et sans ressources, parce que le modèle traditionnel d’intervention n’est pas adapté à leur réalité.

Une approche entre le travail de rue et les équipes de suivi en santé mentale

  • L’accompagnement dans un cadre professionnel remplit deux fonctions sous tension qui peuvent facilement entrer en conflit : la reliance avec la personne et les résultats attendus de l’intervention.
  • Ces deux fonctions sont présentes simultanément. Toutefois, leur importance peut varier significativement selon le contexte.
  • Dans le contexte du travail de rue, l’atteinte d’un but est secondaire. Il est au service de la relation. Ce qui est central, c’est la reliance.
  • Dans le contexte du suivi intensif en santé mentale, l’équilibre s’inverse. C’est la reliance qui est au service du résultat attendu.
  • Dans une approche de stabilisation psychosociale, les deux pôles ont une égale importance. Mais la prédominance d’un pôle sur l’autre peut varier selon les situations.
  • Dans un cadre professionnel, la visée de stabilisation psychosociale est une attente institutionnelle. Cette attente peut fausser le sens de l’accompagnement. Elle peut instrumentaliser l’accompagnement pour « placer les gens en logement ».
  • Il doit être très clair que ce n’est pas l’intervenant qui stabilise la personne. Mais la personne qui se stabilise avec le soutien de l’intervenant et des organisations qui l’appuient.

Une approche décloisonnée

Qu'est-ce qu'une approche décloisonnée?
  • C’est une approche ouverte qui est façonnée par la contribution de plusieurs perspectives et expertises. C’est une approche qui met en valeur la contribution des autres, dans une perspective d’interdépendance.
  • Mais ce n’est pas une approche où les différentes perspectives et expertises sont fusionnées. C’est une approche en dialogue.
Les trois niveaux du décloisonnement

La définition du problème visé

  • Le décloisonnement, ce n’est pas l’éclatement. Il faut un centre de référence à partir duquel il est possible de s’ouvrir et d’intégrer la diversité.
  • Ce centre c’est la situation de vie des personnes.
  • Ainsi les différents problèmes de santé et diagnostics font partie de la situation de la personne, mais n’occupent pas le centre de l’approche. Ils peuvent ainsi s’intégrer naturellement, dans la mesure où les personnes peuvent avoir de multiples problématiques, incluant des problèmes de santé.

La pratique

  • Ce qui est au centre de la pratique c’est l’accompagnement psychosocial. L’accompagnement n’est pas une profession, rappelons-le : c’est un mode relationnel qui a pour visé le soutien de la personne, non la résolution de ses problèmes.
  • À partir de ce centre, les différentes professions et expertises peuvent facilement être mises à contribution dans le soutien et l’aide de la personne.
  • L’accompagnement psychosocial ouvre un espace relationnel avec la personne qui structure la pratique autour de la personne et ses besoins. Autour de ce centre, les différentes perspectives et expertises de chacun peuvent être facilement mises à contribution dans une dynamique intégrée de complémentarité.
  • Mais ce qui confère une unité à la pratique c’est son orientation vers la stabilisation psychosociale hors de l’itinérance.
  • Il s’agit de permettre à la personne d’atteindre une stabilité à partir de laquelle la vie en dehors de l’itinérance soit possible.

La structure

  • Le décloisonnement des structures ne passe pas nécessairement par la fusion.
  • Il est possible de créer des structures interorganisationnelles imputables de services intégrés.
  • La structure interorganisationnelle n’abolit pas les frontières entre les organisations.
  • Elle crée un espace de coresponsabilité où chacune des organisations choisit de mettre en partage leurs ressources et leurs expertises dans une zone d’interdépendance où aucune ne peut agir seule.

Une approche qui priorise les situations les plus critiques

  • C’est une approche qui va à contre-courant d’une tendance lourde de nos institutions à cibler la clientèle en fonction des programmes et à prioriser ceux qui ont le plus de chance de réussir.
  • Adapter les programmes aux besoins des personnes et accorder la priorité à celles qui ont le moins de chance d’atteindre les résultats attendus est un pari risqué.
  • Mais c’est le pari que doit assumer une approche centrée sur les situations les plus critiques.
  • Pour réussir à relever ce défi, l’équipe d’intervention doit être soutenue par les organisations partenaires.

L’approche de stabilisation n’est pas une réponse d’urgence. Ce n’est pas non plus une approche de traitement et de réadaptation. C’est une approche que l’on pourrait qualifier de prétraitement qui se situe entre le travail de rue et les équipes de suivi en santé mentale. C’est une approche entièrement décloisonnée qui accorde la priorité aux situations les plus critiques. Pour être efficace, c’est une approche qui intègre des stratégies d’intervention diversifiées, souples et adaptées à la réalité des personnes.