Les approches traditionnelles centrées soit sur la réponse à l’urgence soit sur le traitement et la réadaptation des personnes sont insuffisantes et inadaptées aux situations plus critiques de rupture sociale. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas nécessaires et qu’il faut les remplacer par une autre approche. Mais que pour intervenir avec la population en situation critique de rupture sociale, il faut penser autrement qu’en terme d’urgence, de traitement et de réadaptation. Il s’agit de penser une approche qui s’inscrive en complémentarité et en continuité entre l’urgence, le traitement et la réadaptation. On pourrait qualifier cette approche de prétraitement, au sens que lui donne Jay S. Levy. (Levy 2010)
Les services et les interventions en santé sont largement structurés autour du modèle médical centré sur le traitement et la réadaptation. D’un côté on évalue une situation problématique, on pose un diagnostic et on administre un traitement, de l’autre on soutient la personne dans son rétablissement et on lui fournit les outils pour réussir. Le traitement précède et accompagne la réadaptation. Mais il faut les deux. Le traitement sans réadaptation mène la personne dans un cul-de-sac. Et la réadaptation sans traitement risque de tourner en rond et de n’aller nulle part. Le traitement et la réadaptation vont ensemble. Ils font partie du même modèle d’intervention. Ils supposent le consentement de la personne au traitement et l’engagement dans le processus de réadaptation. Évidemment, il est possible de soutenir la motivation de la personne à l’adhésion au traitement, ainsi que son engagement vers le rétablissement. Mais jusqu’à un certain point. Lorsque le refus de la personne est catégorique et systématique, ou lorsque tous les traitements ont échoué à stabiliser la situation de la personne et que sa situation se détériore constamment, ou encore lorsque la personne ne correspond pas aux critères diagnostics ou qu’ils sont impossibles à établir, le modèle d’intervention est alors mis en échec. Dans cette situation, il ne sert à rien de refaire continuellement la même chose autrement. Il faut changer radicalement d’approche. Il faut changer de modèle.
Nous passons alors dans un modèle d’intervention que l’on peut qualifier de prétraitement. C’est-à-dire dans un contexte où le sens de l’intervention est indépendant du traitement et de la réadaptation, sans s’inscrire dans un modèle d’urgence. Cela ne veut pas dire que l’intervention est en rupture avec le traitement et la réadaptation, mais qu’elle n’est pas conditionnée par l’adhésion au traitement et l’engagement dans un processus de réadaptation. Dans cette zone d’intervention ce qui est visé d’abord, c’est la stabilisation psychosociale de la personne, indépendamment de son adhésion à un traitement et de son engagement dans un processus de réadaptation. Le logement d’abord est une stratégie de stabilisation psychosociale de la personne. Cette indépendance du sens de l’intervention à l’égard du traitement est une des clés de l’intervention professionnelle dans les zones critiques de rupture sociale. Autrement, cette zone demeure largement hors d’atteinte où elle reste confinée aux services d’urgence. Pour l’atteindre, il faut sortir des modèles traditionnels d’intervention centrés sur l’urgence ou sur le traitement et la réadaptation. Mais l’approche prétraitement n’est pas une alternative aux modèles traditionnels. Elle est centrée sur les besoins de la personne à avoir une place à elle. Le but de cette approche peut se décliner en trois principes :
Une approche prétraitement est une approche d’intervention professionnelle adaptée aux situations complexes du monde d’aujourd’hui, où des personnes avec des problèmes de santé mentale et de santé physique importants peuvent être laissées à elles-mêmes sans aucun recours, dans un dénuement le plus total. Cette approche n’est pas une approche d’urgence ni une approche de traitement ou de réadaptation, du moins dans le sens habituel. Mais ce n’est pas une approche en rupture avec les services d’urgence ou de traitement/réadaptation. Au contraire, c’est une approche qui s’inscrit en complémentarité et en continuité avec les modèles d’intervention d’urgence, de traitement et de réadaptation plus classiques.
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