Qui fait partie du comité de direction ? Ce sont des personnes mandatées par chacune des organisations partenaires promoteurs. Ce doit être des personnes qui croient au projet de coresponsabilité et qui sont en mesure de soutenir une culture de collaboration interorganisationnelle. Elles doivent avoir un certain pouvoir décisionnel au niveau de la pratique et de l’organisation des services. Généralement, ce sont des personnes qui ont des responsabilités d’encadrement clinique et de développement organisationnel.
Pour ce qui est du réseau public, il est important que les programmes santé mentale et dépendance soient parties prenantes de la structure et de l’offre de service.
On peut distinguer les responsabilités en cinq catégories : l’intervention, l’équipe, la gestion et l’évaluation, le développement et le rayonnement.
L’intervention devrait être la principale responsabilité du comité de direction. Il ne s’agit évidemment pas pour les membres du comité d’accompagnement et de suivi de la population cible. Il s’agit de soutenir l’intervention des membres de l’équipe.
Le comité de direction doit maintenir son attention sur la réponse aux besoins de la population cible. Il y a trois axes auxquels ils doivent être attentifs :
Chacune de ces dimensions de l’intervention est importante. Mais au tableau de bord de la vigilance, c’est la domiciliation qui est le principal indicateur. Dans une approche de stabilisation et de réaffiliation des situations les plus critiques en itinérance, il faut s’assurer en priorité que les personnes ne soient pas abandonnées à elles-mêmes sans autre issue que la rue. Et il faut rappeler avec insistance qu’avoir un lit dans un refuge ou un hébergement d’urgence n’est pas un domicile, pas plus qu’être sur une civière à l’urgence de l’hôpital. Ce qui ne veut pas dire que les services d’urgence ne servent à rien, mais qu’il faut s’assurer que les personnes aient un lieu convenable où vivre à leur sortie. Dans une approche de stabilisation dans une zone critique d’intervention en itinérance, il faut placer la domiciliation en haut de la liste des priorités. C’est la préoccupation première. Est-ce que la personne a une place adéquate et durable où vivre ? Si la réponse est non, l’indicateur tourne au rouge. Il faut s’en occuper immédiatement et prioritairement. Le comité directeur devrait être en mesure d’assurer un suivi des situations problématiques relatives au logement des personnes.
Les responsabilités à l’égard de l’équipe sont importantes. Elles sont au nombre de cinq.
La première consiste pour chacune des organisations à mandater un intervenant au sein de l’équipe. Même si ce n’est pas toujours facile à faire, surtout au sein des institutions, le choix de la personne est très important. Il faut s’assurer que la personne est entièrement dégagée de toutes responsabilités au sein de son organisation. Cet enjeu peut devenir très important lorsqu’une organisation est en manque d’effectif, pour une raison ou une autre. Elle peut être sollicitée pour remplacer ou suppléer au sein de son organisation. Il ne doit pas exister de confusion quant au mandat de l’intervenant. Il doit être entièrement dédié à l’équipe interorganisationnelle, sans aucune ambiguïté. Autrement, on fragilise l’équipe. Il ne doit pas exister de vase communicant entre les besoins et les priorités des organisations et ceux de l’espace interorganisationnel de coresponsabilité. L’équipe n’est pas là pour répondre aux besoins et aux priorités des organisations, mais aux besoins des personnes qui se retrouvent dans la zone critique d’intervention.
La seconde responsabilité consiste à veiller au maintien de l’affiliation de l’intervenant avec son organisation d’origine. C’est aussi un défi qu’il faut relever. Et pour cela, il faut prendre des moyens. Il y a différentes façons de le faire, selon les contextes organisationnels. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut simplement dégager l’intervenant, sans se soucier du maintien de son affiliation. Il faut s’assurer de son affiliation à la culture et au fonctionnement de son organisation d’origine. C’est ainsi qu’il peut mieux jouer son rôle.
La troisième responsabilité est en lien avec la précédente. Il s’agit d’accompagner la personne et d’assurer la supervision du processus d’intégration. Mais il doit être clair que la pratique de l’intervenant relève de la structure et de la culture de l’équipe.
La quatrième responsabilité, il s’agit de désigner et mandater le chef d’équipe. Ce rôle est très important pour l’équipe, mais aussi pour le comité directeur. Car c’est le chef d’équipe qui fait le lien entre le terrain et la direction.
Finalement, il faut convenir de l’accompagnement et de la supervision de l’équipe. Il y a différentes formules possibles. Mais la personne choisie doit bien comprendre le contexte de l’équipe interorganisationnel et les enjeux qui y sont associés.
L’évaluation et la gestion de l’équipe relèvent du comité directeur. Dans un environnement interorganisationnel, chaque organisation a ses propres valeurs et règles de fonctionnement qui peuvent entrer en conflits et rendre difficile, voire impossible la gestion du projet. Le développement d’un modèle harmonisé d’évaluation et de gestion de l’équipe et de l’intervention est une tâche cruciale pour le fonctionnement de la structure interorganisationnelle. Un modèle harmonisé n’ignore pas les contraintes et les objectifs des organisations, il en tient compte. Mais il doit refléter la dimension interorganisationnelle de la zone d’intervention et les particularités de l’approche de stabilisation dans cette zone de coresponsabilité. Il y a deux éléments sur lesquels il faut porter une attention particulière : les dossiers et la confidentialité.
La question des dossiers d’abord
Pour certaines organisations, la question des dossiers est simple. La prise de notes et encore davantage la compilation statistique ne sont que du temps perdu pour l’intervention. L’idéal, c’est de ne pas en avoir. Une telle position dans un contexte institutionnel n’est évidemment pas tenable. Les exigences de reddition de compte sont de plus en plus élevées. On ne peut écarter du revers de la main ces exigences, au nom des exigences particulières de la pratique. Il faut aller plus loin et développer un modèle harmonisé de gestion de l’information qui tienne compte à la fois de l’imputabilité du comité de direction et du contexte particulier de la pratique de l’équipe. À Trois-Rivières, nous avons développé un logiciel de gestion de l’information qui répond à ces critères. C’est un logiciel qui a d’abord été pensé pour répondre aux besoins des intervenants dans leur pratique. Mais aussi un logiciel qui compile les données liées aux processus d’intervention et évalue les résultats. C’est avant tout un outil d’intervention qui facilite et structure le travail en équipe, mais qui compile les données nécessaires aux gestionnaires pour assurer le suivi et la reddition de compte.
La question des dossiers s’est avérée importante très rapidement. Pour former une équipe et développer une pratique cohérente, il faut passer pas là. C’est un passage obligé.
La question de la confidentialité
Puisque l’équipe est un consortium formé d’intervenants rattachés à des établissements et des organismes différents, les établissements et les organismes doivent convenir d’une entente de prêt de service qui dégage leurs intervenants de leur organisation et les rattachent à l’équipe. De cette façon, les frontières de la confidentialité du consortium sont établies à deux niveaux : au niveau de l’équipe et au niveau des organismes partenaires.
Voici quelques repères utilisés au sein de l’équipe de Trois-Rivières.
Au niveau de l'équipe
Les informations que les intervenants ont relativement à leurs suivis sont partagées en équipe. Les plans d’intervention, l’évolution des suivis, les problèmes ciblés pour toutes les personnes en suivi sont accessibles à tous les intervenants. Les discussions cliniques et relatives aux interventions sont faites en équipe. Il appartient aux intervenants de discerner ce qui est pertinent de partager comme information en lien avec l’intervention. Le critère de base est de partager l’information nécessaire pour aider la personne dans la situation dans laquelle elle se trouve ici et maintenant. Ce qui ne contribue pas à lui venir en aide, ou peut lui nuire, dois être maintenu confidentiel, même au sein de l’équipe. Tout n’a pas à être partagé, même si c’est autorisé.
La personne qui est suivie doit être informée que les suivis se font en équipe et que l’information qu’elle confie peut être partagée avec les autres membres de l’équipe.
Au niveau des organismes partenaires et collaborateurs
Pour partager l’information nominative relative à leurs suivis avec des intervenants rattachés à des organismes collaborateurs, les intervenants doivent obtenir une autorisation écrite ou au moins verbale des personnes, dans des conditions particulières.
Pour ce qui est des informations des organismes promoteurs, par exemple un centre hospitalier, cette information peut être partagée si l’intervenant de l’équipe rattaché à l’établissement concerné est directement impliqué dans le processus d’intervention. Mais ici aussi la règle de l’information nécessaire au processus d’intervention en cours s’applique. Il n’est pas nécessaire de tout savoir sur une personne. Qu’elle information avons-nous réellement besoin pour agir et aider la personne? Le reste devrait être ignoré et maintenu confidentiel.
Le partage de l’information sans autorisation
L’information relative à une personne peut être partagée sans consentement, lorsque la situation présente un danger pour la personne et pour les autres. Et que le but de ce partage est aider cette personne sans qu’elle soit en état de communiquer. Ou encore de prévenir un évènement potentiellement dangereux, par exemple un suicide ou un homicide.
L’exigence et les règles de confidentialité ne doivent pas être des paravents derrière lesquels dissimuler la peur ou le refus pur et simple de la responsabilité d’intervenir. Mais à défaut de critères objectifs indiscutables permettant d’évaluer la dangerosité d’une situation, nous sommes ici dans une zone grise qui fait appel au discernement des intervenants entre le respect de l’autonomie d’une personne et la responsabilité d’intervenir dans une situation de dangerosité pour la personne ou pour les autres.
L’espace interorganisationnel d’intervention n’est pas un espace refermé sur lui-même. Au contraire, c’est un espace ouvert sur chacune des organisations, ainsi que sur l’intersectorialité. Cette ouverture n’est pas une formalité, mais une dynamique de coresponsabilité élargie, qui vise à soutenir la capacité de répondre aux besoins des personnes. Pour les membres du comité, cela situe leur responsabilité à deux niveaux : leur organisation respective et les collaborateurs intersectoriels.
Au niveau de leur organisation respective, ils doivent soutenir le développement des arrimages entre les services et s’assurer de leur complémentarité et de leur cohérence, en lien avec les finalités du projet. Au niveau intersectoriel, ils doivent soutenir le développement d’ententes de collaboration, voire le développement de services intégrés à l’équipe, lorsque c’est pertinent.
Le développement interorganisationnel et intersectoriel doit être compris comme une composante de l’espace de coresponsabilité interorganisationnel dédié à l’itinérance. À ce titre, le soutien et la gestion des processus de développement interorganisationnel et intersectoriel sont au coeur du fonctionnement de l’équipe et du comité de direction.
Le comité de direction doit soutenir la représentation et la participation de l’équipe au sein des structures de concertation élargie, tant au niveau local, régional que national. Il doit aussi faciliter et soutenir le développement de l’approche et sa diffusion.
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