Il y a deux types de partenaires : les partenaires promoteurs et les partenaires collaborateurs. Cette distinction est importante.
Les partenaires promoteurs sont les organisations qui forment un consortium pour le développement, la mise en oeuvre et la gestion du projet. Ces partenaires sont peu nombreux. Ils doivent être communautaires et publics et doivent être directement concernés par la zone commune d’intervention. Une organisation qui n’aurait pas à intervenir avec la population qui se trouve dans cette zone pourrait difficilement être un promoteur du projet. Les promoteurs sont des organisations concernées qui ont un intérêt commun relié à la zone d’intervention.
Parmi les organismes communautaires, les refuges, les hébergements d’urgence et les travailleurs de rue sont en première ligne. Mais tous les organismes communautaires ne sont pas prêts d’emblée à s’engager dans un projet de coresponsabilité avec le réseau public, parfois pour des raisons idéologiques, parfois pour des questions de survie financière. Mais la participation du milieu communautaire est essentielle à la réalisation de l’espace interorganisationnel d’intervention en itinérance. D’abord parce que ce sont généralement les organismes communautaires qui sont en lien direct avec la population cible. C’est eux aussi qui ont développé une culture d’intervention auprès de cette clientèle. Et si on pense aux refuges et hébergements d’urgence, ils jouent un rôle analogue aux urgences médicales dans le réseau de la santé. De la même manière qu’il est nécessaire d’essayer le plus possible de désengorger les urgences médicales, il est nécessaire de désengorger l’urgence sociale. Au niveau systémique, la structuration d’une zone d’intervention interorganisationnelle a pour fonction de contribuer aux désengorgements des services d’urgences. Les refuges et les hébergements d’urgence sont des acteurs clés dans cette zone d’intervention. Le travail de rue est souvent plus en lien avec une itinérance cachée ou une itinérance de rue qui n’utilise pas les refuges. Ils ont aussi développé une approche centrée sur la personne en situation de marginalité qui peut nourrir le développement d’une pratique mieux adaptée au monde de l’exclusion sociale.
Les établissements publics ont un rôle central et essentiel à jouer dans la création de cet espace de coresponsabilité. D’abord, parce qu’ils ont une responsabilité populationnelle sur une base territoriale. À cet égard, ils sont directement interpelés par la croissance d’une population très vulnérable entièrement abandonnée à elle-même, dans des conditions de survie. Ensuite, parce qu’ils ont des mandats de services qu’ils sont les seules à pouvoir exercer. Même si dans l’approche de stabilisation et de réaffiliation le traitement n’est pas une condition d’accès aux services, les traitements et les soins offerts au sein des établissements doivent être accessibles pour ceux qui en ont besoin et qui choisissent d’y avoir recours. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté là-dessus : les traitements et soins de santé ne sont pas obligatoires, mais ils doivent être accessibles. Une structure interorganisationnelle n’est pas une voie de contournement des services, mais une façon de les rendre accessibles. Et à cet égard, une attention particulière doit être portée afin d’intégrer à la structure les programmes santé mentale et dépendance, première et deuxième ligne. Autrement, on risque de manquer la cible et de reproduire le cloisonnement par programme/clientèle dans la zone interorganisationnelle. Ce qui serait dysfonctionnel. La zone critique d’intervention est une zone transversale relativement aux programmes/clientèles. Il faut le rappeler : la population qui peuple cette zone a toute des problèmes multiples qui interpellent l’ensemble des acteurs. On ne peut être vraiment efficace qu’à l’intérieure d’une approche entièrement décloisonnée où l’ensemble des services peut être accessible et coordonné.
Il faut distinguer les partenaires collaborateurs des partenaires promoteurs. Les partenaires collaborateurs ne sont pas responsables de la création de l’espace interorganisationnel. Ce n’est pas leur rôle. Mais ils ont un rôle très important à jouer dans cet espace de coresponsabilité. Au niveau du logement et plus largement de l’habitation, il y a des ententes de collaboration à établir avec des propriétaires ou gestionnaires soit privés, communautaires ou parapublics. C’est le cas aussi si l’on veut développer un service de fiducie volontaire. Il faut des ententes avec une institution financière et le Centre Local d’Emploi. Il y a aussi des ententes de collaboration qui visent à faciliter l’intervention, sans nécessairement contribuer au développement d’un service. Par exemple, des ententes de collaborations avec le Centre Local d’Emploi peuvent faciliter, voire débloquer le processus d’attribution de l’aide sociale dans certaines situations problématiques. Elles peuvent aussi contribuer à la stabilisation pour des personnes très instables qui ne parviennent pas à la stabilité résidentielle, en leur procurant une adresse, même si elles sont sans domicile. Des ententes de collaboration avec les services correctionnels sont aussi aidantes pour éviter les ruptures de lien en cas d’incarcération et faciliter la transition à la sortie. À cet égard, des modèles d’ententes de collaboration existent déjà pour chacun de ces exemples.
L’espace interorganisationnel de coresponsabilité en itinérance est assumé par les réseaux publics et communautaires de la santé et des services sociaux. Mais c’est un espace ouvert sur l’intersectorialité. C’est un aspect fondamental de la création de cette zone d’intervention. Elle touche toutes les sphères de la vie des personnes et la coresponsabilité doit intégrer toutes ces sphères. Il s’agit de lui redonner les conditions suffisantes pour vivre. Ce qui inclut, en premier lieu, une place décente où vivre et les moyens de vivre, pas uniquement de survivre.
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