Michel Simard
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L'accompagnement : résumé des idées

Qu'est-ce que l'accompagnement?

  • L’accompagnement n’est ni un métier ni une profession. C’est une pratique transversale relativement aux professions, aux disciplines et aux contextes de vie des personnes.
  • En centrant l’intervention sur une pratique d’accompagnement, il est possible d’intégrer différentes expertises liées à des disciplines et à des champs d’intervention multiples.
  • L’accompagnement ne vise pas la résolution des problèmes que peuvent vivre les personnes, mais le soutien des personnes dans la traversée de leurs problèmes.
  • L’accompagnement n’a pas pour centre les problèmes que peut vivre la personne, mais la personne elle-même.
  • L’accompagnement est un mode relationnel avec quelqu’un, non avec quelque chose.
  • C’est un mode relationnel structuré autour de trois idées-forces : « être avec quelqu’un » qui « est en chemin vers », dans une « dynamique de collaboration et de partage ».
  • Dans l’accompagnement la proximité ne désigne pas un rapprochement géographique, mais humain. Il ne s’agit pas tant d’être proche que d’être présent. L’accompagnement n’est pas une proximité de lieu, mais de lien.
  • Aller vers signifie que la personne accompagnée est en mouvement vers une direction et qu’elle a besoin de soutien se rendre à destination.
  • D’accompagnement ouvre un espace relationnel de proximité humaine avec une personne en route vers, au sein duquel s’instaure un partage expérientiel. De telle sorte que l’accompagnant reçoit autant et parfois plus que l’accompagnée.
  • La proximité de l’accompagnement ne repose pas sur l’appartenance à un même groupe social, mais sur le partage d’une commune humanité, en deçà de tout ce qui peut la revêtir socialement.
  • L’espace de proximité relationnelle qu’ouvre l’accompagnement instaure un partage expérientiel qui ne repose pas sur l’expertise, mais sur la confiance. La relation d’accompagnement est essentiellement égalitaire. Ce qui n’empêche pas l’accompagnant de posséder de l’expertise et de la partager.

Habiter un espace relationnel de proximité humaine

  • L’accompagnement ouvre un espace relationnel de proximité humaine qui se structure autour de six dimensions : la rencontre, la présence, la distance, la hauteur, l’intérêt, et l’intégrité.
  • La rencontre, c’est ce qui ouvre l’espace relationnel de proximité humaine. Et la modalité relationnelle de la rencontre avec quelqu’un n’est pas le savoir, mais l’éthique.
  • La présence n’est pas une particularité relationnelle, mais la qualité de la relation elle-même. Être en relation, c’est être présent.
  • La distance n’est pas une séparation, mais une condition de la proximité humaine.
  • La hauteur dans l’espace relationnel désigne les modalités d’exercice du pouvoir. Exercer son pouvoir avec quelqu’un et non sur ou sous, c’est introduire le dialogue au cœur de l’espace relationnel.
  • L’intérêt ne désigne pas une curiosité, mais une non-indifférence à ce que la personne peut vivre, derrière ce qu’elle raconte ou préfère taire. On pourrait appeler cet intérêt pour ce que vit la personne compassion.
  • L’intégrité est une qualité très importante dans l’accompagnement, car on ne peut être avec quelqu’un sans être d’abord avec soi-même.

Adopter et maintenir une posture d'accompagnement

  • La posture d’accompagnement s’articule autour de trois principes : la non-violence, le non-savoir et la non-indifférence.
  • Le principe de non-violence c’est ce qui préserve la dignité humaine de toute violation. C’est un principe éthique.
  • La posture non violente est une posture d’ouverture et d’accueil de la fragilité et de la vulnérabilité dans les situations difficiles et chargées émotivement, afin de les transformer en opportunités d’émancipation et de croissance humaine.
  • Le non-savoir n’est pas un plaidoyer pour l’ignorance ou la neutralité, mais pour le partage et l’engagement relationnel. L’accompagnement est une rencontre. Au coeur de cette rencontre s’ouvre la vie en dialogue.
  • La non-indifférence à l’autre en action, commence par l’écoute empathique. Mais l’écoute empathique ce n’est pas une posture d’enseignement, mais de reliance.

Réaliser des fonctions sous tension

  • L’accompagnement professionnel réalise une double fonction toujours sous tension : l’autonomie vs l’atteinte de résultats et la reliance vs l’indépendance.
  • L’accompagnement ne se déroule pas dans un vide social, une sorte de huit clos entre l’intervenant et la personne accompagnée. Il se déroule dans un cadre institutionnel avec ses normes, ses valeurs et ses attentes de résultats.
  • La culture de performance s’est développée en même temps que la culture de l’accompagnement. Elles forment un couple indissociable dans un contexte professionnel.
  • L’intégration harmonieuse de cette polarité au sein de l’accompagnement professionnel est très importante.
  • Dans le cadre de l’accompagnement psychosocial, la reliance se rapporte principalement à la relation avec les autres et avec le monde. Il s’agit de créer et maintenir un lien avec quelqu’un dont la situation est caractérisée par une déliance qui peut atteindre toutes les dimensions de sa vie relationnelle.
  • La visée ultime de l’accompagnement c’est la réaffiliation sociale. Mais la réaffiliation ce n’est pas l’indépendance, c’est l’appartenance. Il y a une tension inévitable au sein de l’accompagnement psychosocial entre ces deux pôles : le besoin d’appartenance des personnes et les attentes institutionnelles d’efficacité.
  • Il y a une grande pression pour créer des rapports marchands au sein des services publics, alors que la visée de l’accompagnement est citoyenne, voire humaine. Cette tension ne peut être éliminée. Elle doit être intégrée.
  • Il n’y a pas de recette pour l’intégration des tensions qui structurent l’accompagnement, mais il y a des repères.
  • Le premier repère c’est de reconnaitre les tensions et la légitimité de chacun des pôles.
  • Le second c’est de veiller à ne pas subordonner le sens de l’accompagnement à la culture de performance et aux besoins institutionnels. Les besoins des personnes doivent demeurer au centre. Autrement, l’accompagnement perd son sens et son efficacité.

Des repères pour la route

  • Accompagner, c’est marcher derrière la personne. L’intervenant est en soutien.
  • L’accompagnement doit s’adapter au rythme et au cheminement de la personne, non l’inverse. Dans une perspective d’accompagnement psychosocial, il n’y a pas un parcours meilleur que les autres. L’accompagnement n’est pas centré sur un parcours ou une trajectoire particulière, mais sur la personne.
  • Les personnes que l’on accompagne sont comme prises au piège dans les impasses de leur vie relationnelle. Leurs réactions peuvent être souvent excessives, très dérangeantes et parfois même menaçantes. L’intervenant doit apprivoiser une « normalité » hors normes, s’il veut créer un lien de confiance avec la personne.
  • Il y a des situations sans issue où la personne n’est plus atteignable d’une manière persistante, l’autonomie semble complètement passée en arrière-plan. Ce sont des situations limites au sein de l’accompagnement psychosocial. Nous passons alors dans un registre d’intervention de prise en charge qui dépasse le cadre propre de l’accompagnement.
  • Même si la personne est collaborative, il arrive que les portes des services se ferment devant elle. Ces situations d’impasse institutionnelles sont difficiles à vivre. Dans un environnement complexe comme celui de l’itinérance, la meilleure façon de les traverser et de dénouer ces impasses c’est d’intégrer une culture de collaboration interorganisationnelle au sein de la pratique d’accompagnement.

Au-delà de l'accompagnement

  • L’accompagnement n’est pas suffisant pour intervenir avec les personnes en situation de rupture sociale. Il y a des situations et des problèmes qu’il faut prendre en charge.
  • Pour bien comprendre l’accompagnement, il est important de comprendre ses limites. L’accompagnement n’est pas tout.
  • On ne peut accompagner les personnes dans un processus de stabilisation et de réaffiliation psychosociale sans tenir compte des limites de la personne et de l’environnement dans lequel elles se trouvent.

L’accompagnement est au cœur d’une stratégie de stabilisation et de réaffiliation hors de l’itinérance. Mais sans une aide concrète, une prise en charge de certains besoins que les personnes ne peuvent assumer ou entièrement assumer par elles-mêmes, l’accompagnement tourne en rond autour des problèmes de la personne.