L’accompagnement n’est ni un métier ni une profession. C’est une pratique transversale relativement aux professions, aux disciplines et aux contextes de vie des personnes. On peut développer une pratique d’accompagnement dans un cadre hospitalier avec des personnes en fin de vie, avec des enfants atteints d’une maladie chronique, comme avec des personnes sans abri qui vivent sous un pont ou dans un refuge. Des médecins, des infirmiers, des psychologues, des travailleurs sociaux, des psychoéducateurs, etc., peuvent intégrer l’accompagnement dans leur pratique. En centrant l’intervention sur une pratique d’accompagnement, il est possible d’intégrer différentes expertises liées à des disciplines et à des champs d’intervention multiples. L’accompagnement est d’emblée une pratique interdisciplinaire. Mais ce n’est pas n’importe quoi.
L’accompagnement ne vise pas la résolution des problèmes que peuvent vivre les personnes, mais le soutien des personnes dans la traversée de leurs problèmes. C’est le cœur de l’accompagnement : la relation de soutien avec quelqu’un en cheminement vers une destination, dont les enjeux sont importants pour elle, en tant que personne. L’accompagnement n’a pas pour centre les problèmes que peut vivre la personne, mais la personne elle-même. Cette distinction est essentielle pour bien comprendre ce qu’est l’accompagnement et ce qui ne relève pas de l’accompagnement, tout en étant aussi important dans l’intervention. L’essentiel de l’accompagnement tient dans cette phrase : l’accompagnement est un mode relationnel avec quelqu’un, non avec quelque chose.
L’accompagnement est un mode relationnel structuré autour de trois idées-forces : « être avec quelqu’un» qui « est en chemin vers », dans une « dynamique de collaboration et de partage ». Je suis ici librement la pensée développée par Maela Paul. (Paul 2004)
Être avec est l’ouverture d’un espace relationnel avec quelqu’un, non avec quelque chose. Nous ne pouvons pas être avec une automobile. On la conduit. On la lave. On la répare. On la met dans le garage. Etc. Mais on n’est jamais avec elle. Par contre, on peut être avec un enfant ou un ami ou une personne en détresse. On peut être avec quelqu’un, mais pas avec quelque chose. Par contre, les personnes peuvent aussi être quelque chose pour nous. Elles peuvent représenter des obstacles pour la réalisation de nos désirs ou devenir des objets de convoitise. Elles peuvent exister pour nous, en fonction de nos besoins et de nos préoccupations uniquement, sans égard à ce qu’elles sont comme sujet. Pour être avec elles, il faut sortir de soi, en quelque sorte. Il faut que les personnes puissent exister pour elles-mêmes, indépendamment de nos désirs et de nos besoins. Il faut une distance, voire une séparation entre moi et l’autre. Autrement, la relation proprement humaine n’est pas possible. (Buber 1958) La proximité humaine est paradoxale. Elle est possible lorsqu’existe une distinction nette entre moi et l’autre. Le mélange et la fusion rendent très difficile, voire impossible le rapprochement entre les personnes. (Basset 2015) Pour rencontrer l’autre et être avec sans danger, il faut au préalable être capable d’être soi-même, d’être avec soi, comme avec un autre. (Ricœur 1990) Être avec suppose la capacité d’être présent et disponible à ce que l’autre peut vivre et à ce que je peux vivre dans la relation, ainsi que la capacité de faire la différence entre les deux. Être avec est un principe de reliance. Il ne s’agit pas de faire ou de produire quelque chose, mais d’être en lien avec quelqu’un. Peut-être que le meilleur exemple de l’être avec est celui de l’enfant qui demande : « Veux-tu jouer avec moi ? » Il ne s’agit pas de faire quelque chose, mais d’être présent et disponible. Dans l’accompagnement la proximité ne désigne pas un rapprochement géographique, mais humain. Il ne s’agit pas tant d’être proche que d’être présent.
Qu’est-ce qu’aller vers veut dire dans le cadre d’un accompagnement professionnel ? Évitons un premier mal entendu : il ne s’agit pas de sortir les intervenants de leur bureau. Et de les envoyer à la rencontre des personnes là où elles sont : dans la rue, les organismes communautaires, en prison ou chez elles. Cela ne relève pas de l’accompagnement, mais de l’organisation des services. L’accompagnement n’est pas une proximité de lieu, mais de lien. Aller vers désigne un mouvement, une direction dans l’espace relationnel de proximité ouvert dans l’accompagnement. Une direction et un mouvement dans lequel est engagée la personne accompagnée. On va dans la même direction que la personne, à son rythme. C’est la personne qui est en mouvement vers…l’intervenant est avec elle, en soutien à ses forces, à ses capacités. Et il va au rythme de la personne. Il ne marche pas devant elle, mais derrière elle. Aller vers signifie que la personne accompagnée est en mouvement vers une direction et qu’elle a besoin de soutien pour se rendre à destination. « Il s’agit moins de mettre quelqu’un en mouvement que de s’accorder au mouvement qui est le sien. Par extension, il s’agit moins de le « rendre autonome » que de solliciter son autonomie. On se trouve moins dans une logique de réparation qui consisterait à combler des déficiences que dans une logique qui s’appuie sur les ressources des personnes. » (Paul 2012)
L’accompagnement ouvre un espace relationnel de proximité humaine avec une personne en route vers, au sein duquel s’instaure un partage expérientiel. De telle sorte que l’accompagnant reçoit autant et parfois plus que l’accompagnée. Dans l’accompagnement, il n’y a pas quelqu’un qui détient un savoir et un pouvoir que l’autre n’a pas, mais un partage expérientiel qui situe l’accompagnant et l’accompagné au même niveau. La proximité de l’accompagnement ne repose pas sur l’appartenance à un même groupe social, mais sur le partage d’une commune humanité, en deçà de tout ce qui peut la revêtir socialement. Les personnes en situation critique de rupture sociale n’ont souvent plus rien de présentable socialement pour médiatiser la relation. Leur humanité est comme mise à nue. Il n’y a plus ou peu de filtres. Le contact est direct, dérangeant. Un peu comme les personnes atteintes d’Alzheimer. Leur humanité est mise à nue. Tout le reste est enfoui sous les décombres des rêves évanouis ou parti dans l’oubli avec la perte des archives de la mémoire.(Gendron 2008) L’espace de proximité relationnelle qu’ouvre l’accompagnement instaure un partage expérientiel qui ne repose pas sur l’expertise, mais sur la confiance. La relation d’accompagnement est essentiellement égalitaire. Ce qui n’empêche pas l’accompagnant de posséder de l’expertise et de la partager.
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