J’ai étudié et j’ai été chargé de cours en criminologie et en théologie à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Trois-Rivières. En tout une douzaine d’années.
En 1989, je me suis engagé pour une année comme intervenant de première ligne dans un refuge pour sans-abri qui venait d’ouvrir ses portes au cours de la même année. Quel contraste avec le monde universitaire! Une année a passé, une autre, puis au printemps 1991, j’ai fait le saut. J’ai décidé de rester.
Jusqu’à l’année dernière, même si j’ai eu de plus en plus de responsabilités au niveau de la direction et du développement, j’ai continué d’accompagner des personnes et je maintiens encore un lien avec certaines que j’accompagne depuis de nombreuses années. J’ai ainsi accompagné plusieurs centaines de personnes au cours de ces années. Elles m’ont beaucoup appris, certaines m’ont marqué plus que d’autres. Plusieurs sont aujourd’hui décédées. La majorité a trouvé une relative stabilité de vie hors de l’itinérance. Certaines ont même réussi à avoir une vie, à jouer un rôle social significatif et à avoir un statut. Bref à être quelqu’un, quelque part. Mais d’autres n’ont pas encore trouvé d’issue hors de l’itinérance. Elles continuent d’essayer de survivre le mieux qu’elles peuvent. L’accompagnement des personnes est la première source où s’est formée mon expérience.
Au milieu des années 90, j’étais alors directeur général du Centre Le Havre de Trois-Rivières, je me suis engagé dans une aventure qui allait marquer profondément mon expérience dans le domaine de l’itinérance : le développement et la transformation des services.
En tant que directeur d’un refuge pour sans-abri, j’ai pris conscience que nous faisions probablement partie du problème plus que de la solution. Nous étions dans un modèle de services charitables hérité du monde industriel. Alors que ce monde n’existe plus.
Il a fallu changer de paradigme. Passer d’un service d’urgence centré sur l’accueil, sans porte de sortie, à un service d’urgence centré sur la sortie de l’itinérance. Ce changement est le point d’origine d’une dynamique de développement qui se poursuit encore aujourd’hui. Nous sommes passés d’une préoccupation en terme de nombre de lits, à une préoccupation en terme de capacité d’accompagnement des personnes. Le changement d’approche est radical.
Mais assez rapidement, je me suis rendu compte de trois choses importantes :
Un service d’hébergement d’urgence ne peut fonctionner en vase clos replié sur lui-même.
Et le principal défi à cet égard, c’est la responsabilisation des institutions publiques. Si on n’y fait pas attention, l’hébergement d’urgence peut devenir facilement une voie de sortie des services publics. Alors qu’il doit être une voie d’accès aux services;
Un service d’hébergement d’urgence, même dans les meilleures conditions, n’est pas une réponse suffisante pour les situations les plus critiques.
Il faut des réponses au-delà de l’urgence. Ces réponses sont essentielles et doivent être adaptées à la réalité des personnes.
L’itinérance est un phénomène social complexe qui nécessite une responsabilisation collective qui peut s’appuyer sur une culture d’accompagnement des personnes et de collaboration interorganisationnelle communautaire et publique, mais qui exige à la base une dynamique de coresponsabilité.
Dans ce parcours, j’ai été amené à participer à la fondation et au développement de plusieurs organisations et services aux niveaux local, régional et national.
Je me suis rapidement rendu compte de la dimension collective de l’itinérance. Pour une bonne part, le problème de l’itinérance est un problème systémique et politique. On ne peut changer les choses à ce niveau sans une vision commune et une volonté d’agir. C’est ce qui m’a amené à participer à la fondation du Réseau Solidarité Itinérance du Québec et à m’engager à différents niveaux auprès des gouvernements, ministères, établissements et organismes en itinérance.
Depuis le début la fin des années 80, beaucoup de chemin a été fait. Mais la réalité de l’itinérance a aussi beaucoup évolué. La croissance et la généralisation du phénomène se sont considérablement accrues. Les situations plus critiques sont beaucoup plus nombreuses depuis une dizaine d’années. La dimension systémique du problème est de plus en plus claire. Les actions doivent s’inscrire dans une vision systémique et une perspective de longue durée. L’itinérance aujourd’hui n’est pas un problème conjoncturel qui va passer tout seul ou avec une aide temporaire comme une mauvaise grippe. C’est un problème structurel lié à notre manière de vivre. Le monde dans lequel nous vivons génère des risques élevés de rupture sociale qui atteignent une population de plus en plus nombreuse et diversifiée.
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