Michel Simard
Au-delà de la définition : une approche compréhensive

Au-delà de la définition

Introduction

Laissons de côté la définition de l’itinérance, sans l’oublier, pour essayer de comprendre le phénomène qui nous touche tous collectivement de près ou de loin, et ce que vivent les personnes que l’on dit être itinérantes. Deux distinctions clé balises cette approche compréhensive de l’itinérance : la distinction entre les niveaux individuel et collectif d’abord, ensuite la distinction entre les dimensions d’avant-plan et d’arrière-plan de l’itinérance.

Mais attention : cette approche ne remplace pas l’approche épidémiologique, elle la complète. Elle apporte un contenu qualitatif en lien avec l’expérience qui enrichit la définition centrée sur un objet mesurable : le rapport d’exclusion au logement. Elle ne permet pas de mieux circonscrire, mesurer et suivre le phénomène. Elle permet de mieux comprendre ce qu’on essaie de circonscrire, mesurer et suivre. L’approche épidémiologique essaie de circonscrire l’itinérance à partir des problèmes qui le caractérisent et qui lui sont associés : le rapport au logement, les dépendances, les problèmes de santé mentale, etc. Une approche compréhensive cherche à comprendre l’itinérance à partir de l’expérience vécue, indépendamment des problèmes qui lui sont associés. Elle se demande ce que signifie l’itinérance dans la vie des personnes? Et ce que signifie la croissance de ce phénomène dans les sociétés modernes contemporaines? Deux approches distinctes qui se complètent.

On ne fait jamais la distinction entre l’avant-plan et l’arrière-plan lorsqu’on parle d’itinérance, à ma connaissance. D’une manière plus ou moins interchangeable, on utilise plusieurs expressions : sans-abri, sans domicile fixe, itinérance, désaffiliation sociale, rupture sociale, etc.. Il m’est apparu très éclairant et avantageux de faire la distinction entre deux dimensions de l’expérience. D’abord une dimension plus visible que l’on peut observer assez facilement. Une dimension située à l’avant-plan que j’appellerai « itinérance » et une autre comme dissimulée à l’arrière-plan. Une dimension que l’on ne peut observer directement. Une dimension qui est derrière l’itinérance et que j’appellerai la rupture sociale.