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JEANNE D'ARC (1412-1431)
 
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Le texte écrit est extrait de : Tisset, Pierre. 1960. Procès de condamnation de Jeanne d'Arc, Tome premier, Paris : Librairie C. Klincksieck. Il se peut que l'orthographe puisse être différente dans d'autres versions. Les différences entre l'extrait de référence et ce qui est entendu dans la reconstitution sont entre parenthèses.  
 
La reconstitution est une adaptation en discours direct de ce qui a été rapporté par ceux qui ont questionné Jeanne d'Arc lors de son procès. L'adaptation s'observe par des ajouts mis entre crochets. Sous chaque ligne, nous transcrivons le texte parlé en alphabet phonétique international et en donnons une traduction.
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Tenue au courant des pourparlers qui la conduiraient à être vendue aux Anglais, Jeanne pria et, malgré la prudence que lui conseillaient ses ' voix ', décida de s'enfuir. Jeanne a donc, en juillet 1430, délibérément sauté du dernier étage de la tour du château de Beaurevoir (Picardie) où elle était cloîtrée après avoir été capturée par les Bourguignon à Compiègne (mai 1430). Jeanne sauta en se recommandant à sainte Catherine, mais se blessa en tombant dans le fossé. Les gardes accoururent pour la porter à nouveau dans sa cellule. Elle dira plus tard à ses geôliers :
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JEANNE D'ARC (1412-1431)
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    Le texte écrit est extrait de : Tisset, Pierre. 1960.
    Procès de condamnation de Jeanne d'Arc,
    Tome premier, Paris : Librairie C. Klincksieck. Il se peut que l'orthographe puisse être différente dans d'autres versions. Les différences entre l'extrait de référence et ce qui est entendu dans la reconstitution sont entre parenthèses.
    La reconstitution est une adaptation en discours direct de ce qui a été rapporté par ceux qui ont questionné Jeanne d'Arc lors de son procès. L'adaptation s'observe par des ajouts mis entre crochets. Sous chaque ligne, nous transcrivons le texte parlé en alphabet phonétique international et en donnons une traduction.
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    Tenue au courant des pourparlers qui la conduiraient à être vendue aux Anglais, Jeanne pria et, malgré la prudence que lui conseillaient ses ' voix ', décida de s'enfuir.
    Jeanne a donc, en juillet 1430, délibérément sauté du dernier étage de la tour du château de Beaurevoir (Picardie) où elle était cloîtrée après avoir été capturée par les Bourguignon à Compiègne (mai 1430).
    Jeanne sauta en se recommandant à sainte Catherine, mais se blessa en tombant dans le fossé. Les gardes accoururent pour la porter à nouveau dans sa cellule. Elle dira plus tard à ses geôliers :
    Je le faisoye non pas en esperance de moy deesperer,  
    [ʒǝ lǝ fǝ.zw͜ej nɔ̃ pɑ zɑ̃ nεs.pe.rɑ̃s dǝ mw͜e de.es.pe.rer  
    Je le faisais non dans l'espoir de m'enlever la vie,  
     
    mais en esperance de sauver mon corps  
    [mε zɑ̃ nes.pe.rɑ̃s dǝ sa͜w.vεr mɔ̃ kɔr]  
    mais dans l'espoir de sauver mon corps  
     
    et de aller secourir plusieurs bonnes gens qui estoient en necessité.  
    [e da.lεr sǝ.ku.rir ply.zjœr bɔ̃.nǝ ʒɑ̃ ki e.tw͜e tɑ̃ ne.sε.si.te]  
    et d'aller secourir beaucoup de bonnes gens qui étaient dans le besoin.  
     
    Et après le sault, [m'] en [suis] confessee  
    [e a.prε lǝ sa͜w mɑ̃ sɥi kɔ̃.fε.se]  
    et après ce saut, je m'en suis confessée  
     
    et en ai requis mercy a nostre Sire, et en [ai] pardon de nostre Sire.  
    [e ɑ̃ ne rǝ.ki mεr.si a nɔ.trǝ sir e ɑ̃ ne par.dɔ̃ dǝ nɔ.trǝ sir]  
    et j'ai demandé grâce à notre Seigneur, et j'ai eu le pardon de notre Seigneur.  
     
    Et croi[s] que ce n'estoit pas bien fait de faire ce sault; mais fust mal fait.  
    [e krw͜e kǝ sǝ ne.twe pɑ bjε̃ fε dǝ fεr sǝ sa͜w mε fy mal fε]  
    et je crois que de faire ce saut n'était pas bien, mais que cela était mal.(Tisset, p. 153).  
     
    (Greffier)  
    Interrogee sy elle sçait qu'elle soit en la grace de Dieu.  
    [ε̃.tε.rɔ.ge si εl sε kεl sw͜e tɑ̃ la grɑ:s dǝ djø]  
    Interrogé si elle a la certitude qu'elle est dans les bonnes grâces de Dieu.  
     
    (Jeanne D'Arc)  
    Se je ny suis, Dieu m'y veuille mettre; et se je y suis, Dieu m'y veuille tenir.  
    [sǝ ʒǝ ny sɥi djø mi vœ.jǝ mε.trǝ e se ʒy sɥi djø mi vœ.jǝ tǝ.nir]  
    Si je n'y suis pas, que Dieu veuille m'y mettre; et si j'y suis, qu'il veuille m'y tenir.  
    (Tisset, p. 62)  
     
    [Mes voix] [m'] ont dit que Dieu [m'] a mandé par sainctes Katherine et Margarite,  
    [me vw͜e mɔ̃ di kǝ djø mɑ mɑ̃.de par sε̃t ka.trin e mar.ga.rit]  
    Mes voix m'ont dit que Dieu m'a fait savoir, par Sainte Catherine et Sainte Marguerite,  
     
    la grande pitié de la trayson que [j'ay] (~ je) consenty,  
    [la grɑ̃d pi.tje dǝ la tra.i.zɔ̃ kǝ ʒǝ kɔ̃.sɑ̃.ti]  
    la grande pitié de la trahison que j'ai acceptée  
     
    en faisant l' abiuracion et revocacion, pour sauver [ma] vie;  
    [ɑ̃ fǝ.zɑ̃ lab.ʒu.ra.si.jɔ̃ e re.vɔ.ka.si.jɔ̃ pur sa͜w.ver ma vi:]  
    en abjurant l'existence des voix qui me parlent pour sauver ma vie.  
     
    et que [je me] dampnoi[e] pour sauver [ma] vie. […]  
    [e kǝ ʒǝ mǝ dam.nw͜e pur sa͜w.ver ma vi:]  
    et que je damnais pour sauver ma vie;  
     
    Se [je] diroie (~ disoie) que Dieu ne [m'] avoit envoyee, [je me] dampneroi[s];  
    [si ʒǝ di.zw͜e kǝ djø nǝ ma.vw͜e tɑ̃.vw͜e.je: ʒǝ mǝ dam.nǝ.rw͜e]  
    Si je disais que Dieu ne m'a pas envoyée, je me damnerais;  
     
    vray est que Dieu [m'] a envoyee. […] De paour du feu, [j'ay] dit ce que [j'ay] dit.'  
    [vrε ε kǝ djø mɑ ɑ̃.vwe.je: dǝ pa͜wr dy fø ʒe di sǝ kǝ ʒe di]  
    Vrai est que Dieu m'a envoyée. […] De peur de mourir sur le bûcher, j'ai dit ce que j'ai dit.  
    (Tisset, p. 397)  
     
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    Université du Québec à Trois-Rivières (Québec, Canada)
    Mot Annotation
    Je le
    faisoye faisoye = faisais

    Dans bien des cas, la finale d'un verbe conjugué à la première personne n'avait pas de consonne s. Du reste, il n'y en avait pas non plus en latin; mais il y en avait une à la deuxième personne:lat. facio, facis, facit › je fais, tu fais, il fait ; lat. faciebam, faciebas, faciebat › je faisais, tu faisais, il faisait.

    Ce s s'est accolé à la première personne par analogie avec la deuxième personne.

    2. Depuis le XIIe s., le graphème oi (ou oy), comme celui observé à la finale des verbes conjugués à l'imparfait ou au conditionnel présent, était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] (oè).

    Dès le XVIe s., ce graphème était également prononcé [ε] (è), notamment dans les finales verbales et dans quelques mots: Anglois (Anglais), François (Français), congnoistre ~ connoître (connaître).

    C'est ce son [ε] qui s'est imposé dans ces derniers cas. La graphie ai pour [ε] a été officiellement admise avec la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie (1835).

    non pas en esperance de
    moy deesperer, moy deesperer = m'enlever la vie

    Encore au XVIe s., les pronoms directs préverbaux de 1re, 2e et 3e personnes se présentaient sous leurs formes fortes.

    Ainsi utilisait-on moi, toi et soi au lieu de me (m'), te (t') et se (s').

    En français moderne, il nous reste un vestige de cette règle ancienne, à savoir l'adjectif soi-disant (un soi-disant docteur est une personne qui se dit docteur).

    moy = Moi.

    Depuis le XIIe s., le graphème oi (ou oy) était prononcé [w͜e] (oé) en syllabe ouverte en finale de mot (roi, moi, toi).

    La prononciation [w͜a] (oa) n'a commencé à se faire entendre qu'au XVIIe s., chez le petit peuple de Paris.

    C'était là la façon élégante de parler à la cour.

    [ʒǝ lǝ fǝ.zw͜ej nɔ̃ pɑ zɑ̃ nεs.pe.rɑ̃s dǝ mw͜e de.es.pe.rer
    Je le faisais non dans l'espoir de m'enlever la vie,
    mais en esperance de
    sauver sauver = Dans l'ancienne langue, le graphème au était prononcé [a͜w] (ao) et est devenu, vers le XVIIIe s., [ɔ:] long ou [o:] long selon la consonne qui suit.

    Dans l'ancienne langue, la consonne r à la finale des verbes du premier groupe était prononcée, mais elle a commencé peu à peu à s'amuïr à partir du XIVe s.: [sa͜w.vεr] › XVIe [sa͜w.ve].

    Jusqu'au XVIIIe s., la consonne r est roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols, des Italiens ou des Polonais.

    En alphabet phonétique, cette prononciation dite ' r antérieur ' est transcrite [r]. La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée (battement de la luette sur le dos de la langue), transcrite [ʀ], plus tard fricative uvulaire ou vélaire (friction du dos de la langue sur l'uvule ou sur le voile du palais), transcrite [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

    mon corps
    [mε zɑ̃ nes.pe.rɑ̃s dǝ sa͜w.vεr mɔ̃ kɔr]
    mais dans l'espoir de sauver mon corps
    et de aller secourir plusieurs
    bonnes bonnes = Dans l'ancienne langue, toute voyelle devant une consonne nasale, à savoir [n], [m] ou gn [ɲ], était nasalisée: année était dit [ɑ̃.ne.ǝ].

    C'est pourquoi, dans l'enregistrement, on entend [bɔ̃.nǝ] avec [ɔ̃] plutôt que [ɔ].

    À partir du XVIIe s., seule la voyelle dont la consonne nasale se trouvait dans la même syllabe (syllabe fermée) a conservé sa nasalisation en français moderne : XIIe bonne [bɔ̃.nǝ] › XVIIe [bɔ.nǝ] › fr.mod. [bɔn]; XIIe bon [bɔ̃n] › fr.mod. [bɔ̃].

    gens qui
    estoient estoient = étaient

    Dans la langue écrite ancienne, le son [e] (é) était souvent rendu par les graphèmes es-, dont le s, autrefois prononcé, s'est désarticulé à partir du XIIe s.

    On a conservé la graphie es-jusqu'au XVIIIe s., comme dans les mots estoit, espine, estroit et esté prononcés pourtant [e.tw͜e], [e.pi.nǝ], [e.trw͜e] et [e.te].

    en necessité.
    [e da.lεr sǝ.ku.rir ply.zjœr bɔ̃.nǝ ʒɑ̃ ki e.tw͜e tɑ̃ ne.sε.si.te]
    et d'aller secourir beaucoup de bonnes gens qui étaient dans le besoin.
    Et après le
    sault, sault = saut

    Dans l'ancienne langue, le graphème au était prononcée en diphtongue [a͜w] (ao) et est devenu, vers le XVIIIe s., [ɔ:] long ou [o:] long selon la consonne qui suivait.

    La lettre l était étymologique (lat. saltum), mais n'était plus prononcé depuis le XIe s.

    Les clercs du Moyen âge l'ont conservée pour que ce mot puisse être rattaché à son étymon latin.

    En effet, dès le XIIIe s., on préconisait, chaque fois que c'était possible, une correspondance stricte entre les graphies en usage pour le latin et celles du français.

    L'orthographe française a été fortement marquée par cette pratique qui consistait à habiller les mots avec une lettre muette empruntée à l'étymon latin.

    On observe encore aujourd'hui le résultat de cette pratique avec, entre autres, le mot doigt: lat. digitum › XIe doi, doie › XVIe doigt.

    Au XVIe s., le grammairien Étienne a donné à cette lettre étymologique une valeur diacritique : elle était maintenue pour indiquer au lecteur que le graphème au devait être lu comme une seule voyelle (d'abord la diphtongue [a͜w], ensuite [ɔ] ou [o]) plutôt que comme deux voyelles successives bien distinctes [a] et [y] (u).

    [m'] en [suis] [m]'en suis = je m'en suis

    Très souvent, le pronom sujet manquait devant le verbe, notamment lorsque le sujet du verbe était clair dans le contexte et que la forme déclinée du verbe l'était aussi.

    Au XVIe s. Ronsard a exigé le pronom personnel devant le verbe : ' Tu n'oublieras jamais les articles, et tiendras pour tout certain que rien ne peut tant deffigurer ton vers que les articles delaissez, autant en est il des pronoms primitifz, comme je, tu, que tu n'oublieras pas non plus, si tu veux que tes carmes soyent parfaictz et de tous poinctz bien accomplis ' (Ronsard, Abbregé de l'Art poëtique).

    confessee confessee = confessée.

    L'accent aigu pour faire entendre [e] le graphème e aux multiples valeurs phoniques ([e] (é), [ε] (è) et [ǝ] (e)) apparaît en français au XVIe s.

    Toutefois, le grammairien Étienne s'oppose à son emploi, le jugeant inutile puisque le latin n'en avait pas.

    Il a fallu attendre les éditions du Dictionnaire de l'Académie (1740 et 1762) pour que le système d'accentuation tel que nous le connaissons aujourd'hui soit adopté définitivement.

    [e a.prε lǝ sa͜w mɑ̃ sɥi kɔ̃.fε.se]
    et après ce saut, je m'en suis confessée
    et en ai requis
    mercy mercy = demander pardon

    La lettre y mise pour i à la finale du mot proviendrait d'une volonté des clercs de rendre plus lisible les textes qu'ils rédigeaient à la main, parfois rapidement.

    Une lettre avec jambage est toujours plus ' lisible ', déchiffrable, que celle qui n'en a pas. Ce procédé de lisibilité s'observait déjà au Moyen Âge.

    a
    nostre nostre = notre

    La lettre s était étymologique (lat. nostrum), mais n'était plus prononcée depuis le XIe s. Les clercs l'ont conservée par tradition calligraphique et parce qu'elle rappelait l'étymon latin.

    En effet, dès le XIIIe s., on préconisait, chaque fois que c'était possible, une correspondance stricte entre les graphies en usage pour le latin et celles du français.

    L'orthographe française a été fortement marquée par cette pratique qui consistait à habiller les mots avec une lettre muette empruntée à l'étymon latin.

    On observe encore aujourd'hui le résultat de cette pratique avec, entre autres, le mot doigt: lat. digitum › XIe doi, doie › XVIe doigt.

    Sire, et en [ai] pardon de nostre Sire.
    [e ɑ̃ ne rǝ.ki mεr.si a nɔ.trǝ sir e ɑ̃ ne par.dɔ̃ dǝ nɔ.trǝ sir]
    et j'ai demandé grâce à notre Seigneur, et j'ai eu le pardon de notre Seigneur.
    Et croi[s] que ce n'estoit pas bien fait de faire ce sault; mais fust mal fait.
    [e krw͜e kǝ sǝ ne.twe pɑ bjε̃ fε dǝ fεr sǝ sa͜w mε fy mal fε]
    et je crois que de faire ce saut n'était pas bien, mais que cela était mal.(Tisset, p. 153).
    (Greffier)
    Interrogee interrogee = interrogée

    La prononciation [ε̃.tε.rɔ.ge] vient de ce que le verbe interroger orthographié également interroguer (lat. interrogāre) connaissait une prononciation savante avec [g] (qui s'alignait sur [g] de interrogation) et une forme populaire avec [ʒ] ayant suivi l'évolution phonétique normale.

    L'accent aigu pour faire entendre [e] le graphème e aux multiples valeurs phoniques ([e] (é), [ε] (è) et [ǝ] (e)), apparaît en français au XVIe s.

    Toutefois, le grammairien Étienne s'oppose à son emploi, le jugeant inutile puisque le latin n'en avait pas.

    Il a fallu attendre les éditions du Dictionnaire de l'Académie (1740 et 1762) pour que le système d'accentuation tel que nous le connaissons aujourd'hui soit adopté définitivement.

    sy elle
    sçait sçait = sait

    Dès le XIIIe s., on préconisait, chaque fois que c'était possible, une correspondance stricte entre les graphies en usage pour le latin et celles du français.

    L'orthographe française a été fortement marquée par cette pratique qui consistait à habiller les mots avec une lettre muette empruntée à l'étymon.

    On observe encore aujourd'hui le résultat de cette pratique avec, entre autres, le mot doigt: lat. digitum › XIe doi, doie › XVIe doigt.

    En moyen français, époque linguistique de Jeanne d'Arc, on avait fait le rapprochement entre le verbe savoir (lat. sapēre) et le mot latin scire du même champ sémantique et signifiant ' savoir '; c'est ce qui explique l'introduction de la lettre c dans le mot : savoir › scavoir.

    Le grammairien Jean Nicot (1530-1604) a ajouté ensuite la cédille : sçavoir.

    qu'elle soit en la grace de Dieu.
    [ε̃.tε.rɔ.ge si εl sε kεl sw͜e tɑ̃ la grɑ:s dǝ djø]
    Interrogé si elle a la certitude qu'elle est dans les bonnes grâces de Dieu.
    (Jeanne D'Arc)
    Se se = si

    Conjonction servant à introduire une condition (lat. pop. sed)

    je ny suis, Dieu m'y veuille mettre; et se je y suis, Dieu m'y veuille tenir.
    [sǝ ʒǝ ny sɥi djø mi vœ.jǝ mε.trǝ e se ʒy sɥi djø mi vœ.jǝ tǝ.nir]
    Si je n'y suis pas, que Dieu veuille m'y mettre; et si j'y suis, qu'il veuille m'y tenir.
    (Tisset, p. 62)
    [Mes voix] [m'] ont dit que Dieu [m'] a
    mandé mandé = fait savoir
    par
    sainctes saincte = sainte

    La lettre c, muette, a été ajoutée par les clercs pour relier saint à son étymon latin sanctus: XIe sainte › XVe saincte.

    En effet, dès le XIIIe s., on préconisait, chaque fois que cela était possible, une correspondance entre les graphies des mots latins et les mots français.

    L'orthographe française a été fortement marquée par cette pratique qui consistait à habiller les mots avec un graphème muet emprunté à l'étymon.

    On observe encore aujourd'hui le résultat de cette pratique avec, entre autres, le mot doigt: lat. digitum › XIe doi, doie › XVIe doigt.

    La présence de ces lettres muettes exprimait la volonté des écrivants d'émanciper la langue écrite par rapport à la langue orale. Le code graphique ne se substituait plus à l'oral et le graphème recevait désormais une définition nouvelle.

    Katherine et Margarite,
    [me vw͜e mɔ̃ di kǝ djø mɑ mɑ̃.de par sε̃t ka.trin e mar.ga.rit]
    Mes voix m'ont dit que Dieu m'a fait savoir, par Sainte Catherine et Sainte Marguerite,
    la grande pitié de la
    trayson trayson = trahison

    La lettre h, sans valeur phonique, a été ajoutée au XVe s. de crainte que le lecteur ne soude les lettres a et i pour les lire [ε] (è) plutôt que [a.i]. Cette graphie a cohabité avec traïson.

    que [j'ay] (~ je) consenty,
    [la grɑ̃d pi.tje dǝ la tra.i.zɔ̃ kǝ ʒǝ kɔ̃.sɑ̃.ti]
    la grande pitié de la trahison que j'ai acceptée
    en faisant l'
    abiuracion abiuracion = abjuration

    Mot emprunté, fin XIIIe s., au bas latin abiuracio (abjuracio) dont il calque l'orthographe. Le suffixe –cion a été réorthographié –tion au XVIe s.

    Jusqu'au XVIIe s., il arrive souvent que la lettre i à l'initiale ou à l'intérieur de mot renvoie à la fois à la voyelle [i] et à la consonne [ʒ]: isle (île), ieune (jeune), i ay (j'ai), iuer (hiver, jouer), aiouster (ajouter).

    Le graphème j sera définitivement adopté dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694).

    C'est le grammairien Pierre de la Ramée, dit Ramus, qui, dès le XVIe s., a préconisé l'usage du graphème j pour le son [ʒ] en remplacement de i .

    Les imprimeurs flamands et hollandais l'ont suivi et ont fait usage de ce graphème dans leurs impressions de livres français. Les imprimeurs français ont suivi un siècle plus tard.

    et revocacion, pour sauver [ma]
    vie; vie = vie

    Dans l'ancienne langue, le graphème e à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire était prononcé.

    Par exemple, vie se prononçait en deux syllabes : [vi.ǝ]. Peu à peu, le son [ǝ] s'est amuï et, par effet compensatoire, a allongé la voyelle qui le précédait.

    C'est cet allongement que l'on peut entendre, dans l'audio-fiction, dans le mot vie prononcé [vi:].

    [ɑ̃ fǝ.zɑ̃ lab.ʒu.ra.si.jɔ̃ e re.vɔ.ka.si.jɔ̃ pur sa͜w.ver ma vi:]
    en abjurant l'existence des voix qui me parlent pour sauver ma vie.
    et que [je me]
    dampnoi[e] dampnois = damnais (lat. damnāre).

    Il existait une variante orthographique dampner au côté de damner dès le XIVe s.

    La lettre p, non prononcée et non étymologique (absent de l'étymon damnāre) a été ajoutée par analogie avec la lettre p étymologique que les clercs avaient ajoutée pour relier certains mots français à leurs étymons latins : computārer › conter › XVIe compter; sculptor › sculteur › XVe sculpteur.

    L'orthographe française est marquée par cette pratique qui consistait à habiller les mots avec une lettre muette empruntée à l'étymon: lat. digitum › XIe doi, doie › XVIe doigt.

    pour sauver [ma] vie. […]
    [e kǝ ʒǝ mǝ dam.nw͜e pur sa͜w.ver ma vi:]
    et que je damnais pour sauver ma vie;
    Se [je] diroie (~ disoie) que Dieu ne [m'] avoit
    envoyee, envoyee = envoyée

    Dans l'ancienne langue, le graphème e à la finale des noms ou des adjectifs et participes passés déclinés au féminin était souvent prononcé à la pause inspiratoire. Par exemple, envoyée se prononçait en quatre syllabes: [ɑ᷉.vw͜e.je.ǝ].

    Peu à peu, le son [ǝ] s'est amuï et, par effet compensatoire, a allongé la voyelle qui le précédait. C'est cet allongement que l'on peut entendre, dans l'audio-fiction, dans le participe passé envoyee prononcé [ɑ᷉.vw͜e.je:].

    L'accent aigu pour faire entendre [e] le graphème e aux multiples valeurs phoniques ([e] (é), [ε] (è) et [ǝ] (e)), apparaît en français au XVIe s. Toutefois, le grammairien Étienne s'oppose à son emploi, le jugeant inutile puisque le latin n'en avait pas.

    Il a fallu attendre les éditions du Dictionnaire de l'Académie (1740 et 1762) pour que le système d'accentuation tel que nous le connaissons aujourd'hui soit adopté définitivement.

    [je me] dampneroi[s];
    [si ʒǝ di.zw͜e kǝ djø nǝ ma.vw͜e tɑ̃.vw͜e.je: ʒǝ mǝ dam.nǝ.rw͜e]
    Si je disais que Dieu ne m'a pas envoyée, je me damnerais;
    vray vray = vrai

    La lettre y mise pour i à la finale du mot proviendrait d'une volonté des clercs de rendre plus lisible les textes qu'ils rédigeaient à la main, parfois rapidement.

    Une lettre avec jambage est toujours plus ' lisible', déchiffrable, que celle qui n'en a pas. Ce procédé de lisibilité s'observait déjà au Moyen Âge.

    est que Dieu [m'] a envoyee. […] De
    paour paour = peur (lat. pavōrem)

    La graphie paour, en variation dans les textes avec peur depuis le XIIIe s., s'observait encore au XVIe s.

    La forme paour s'est maintenue dans certaines régions.

    du feu, [j'ay] dit ce que [j'ay] dit.'
    [vrε ε kǝ djø mɑ ɑ̃.vwe.je: dǝ pa͜wr dy fø ʒe di sǝ kǝ ʒe di]
    Vrai est que Dieu m'a envoyée. […] De peur de mourir sur le bûcher, j'ai dit ce que j'ai dit.
    (Tisset, p. 397)
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