Contexte
Les principaux acteurs conventionnels
Le marché des quads et des produits vendus en Amérique du Nord adopte le modèle made in. Les marques Artic Cat, Can-Am (BRP) et Polaris sont les plus populaires. Elles offrent des quads (souvent nommés véhicules tout-terrain ou VTT au Québec), des côte-à-côte (UTV ou SSV*), des motomarines ou encore des motoneiges, sous la même marque ou sous une marque distincte selon la catégorie de produits. Chez la canadienne BRP, plusieurs marques sont proposées : Can-Am pour les VTT et les côte-à-côte, Ski-Doo pour les motoneiges et Sea-Doo pour les motomarines. La plupart de ces produits comportent des moteurs thermiques conventionnels, même si Polaris se lance dans la motorisation électrique et que BRP lance pour 2023 une moto électrique.
Pour les manufacturiers asiatiques, les principaux joueurs se nomment Honda, Yamaha ou Kwasaki. Honda a bâti sa notoriété et sa réputation sur des petits moteurs fiables qui équipent les produits qu’elle fabrique: tondeuses à gazon, souffleuses, génératrices, moteurs de hors-bord, motos ou encore quads ou des UTV. Pour les quads, les produits carburent essentiellement à l’essence et le véhicule ne comporte qu’un siège pour un passager. Outre ses produits électroniques grand public et ses motos, scooters, motoneiges et moteurs de hors-bord, Yamaha fabrique aussi des quads récréatifs et sportifs, des motomarines, des souffleuses et des moteurs. Ici encore, la marque japonaise rime avec fiabilité, mais un certain conservatisme avec un moteur thermique. Kawasaki est bien connue des amateurs de motos, mais a aussi développé des côte-à-côte de style utilitaire (Mule) et sportifs, des quads, et des motomarines.
Les nouveaux entrants
L’intérêt du développement des véhicules récréatifs électriques s’appuie sur des données à la fois écologiques et comportementales. De fait,
une étude internationale de prospectives réalisée par Global Market Insights [...] estime que la taille du marché des véhicules tout terrain dépassera 8 milliards USD d’ici 2024 dans le monde, dont la moitié pour le continent nord-américain. Le sport et la randonnée sont des activités recherchées. L’industrie connaît des progrès réguliers dans la production d’une version écologique de ces véhicules qui permettra de réduire la pollution sonore et environnementale. Elle propulsera la croissance du marché des véhicules tout terrain (Quebequad, 2019).
Un joueur qui s’est jadis fait connaître par un système de propulsion individuelle électrique muni d’un gyroscope, Segway, propose aujourd'hui toute une gamme de véhicules axés sur la mobilité électrique : scooters, go-karts, monocycles, motos, VTT, véhicules utilitaires hors route (UTV) et côte-à-côte (SSV). La chinoise CFMoto, qui fabrique motos, VTT, SSV et yachts, est présente sur le marché nord-américain; en 2019, elle a lancé un prototype de quad 100% électrique qui semble encore en développement. Sur le même marché, outre la percée de l’américain Polaris, on trouve l’arrivée de DRR, de la canadienne Daymark et de la britannique Eco-Charger. Notons qu’un des atouts de DRR est de proposer des produits avec batteries amovibles. Dans cet environnement qui semble prometteur mais concurrentiel, de petits joueurs se lancent en proposant un produit distinctif. Le tableau 4 résume les caractéristiques des concurrents directs du Reever de Theron.

Raisons motivant l’adoption ou abandon d’un quad
Une étude sur la pratique récréotouristique du quad au Québec a mis en évidence des raisons motivant l’abandon de son utilisation par les pratiquants. La première est le manque de temps, suivie de l’âge et de la difficulté d’accès aux sentiers. Le coût de l’essence n’arrive qu’en quatrième position, ex aequo avec la réglementation. En parallèle, les chasseurs, les trappeurs et certaines catégories de professionnels (policiers, employés de la sécurité civile et de compagnies de câblodistribution, monteurs de ligne et de tours cellulaires, membres des forces armées) utilisent ce type de véhicule dans le cadre de leur travail. Si performance il y a, elle se situe en termes des capacités motrices, de charge ou de traction du véhicule. Les avantages et les inconvénients du quad électrique sont présentés dans le tableau 5.

Comportement du consommateur et adoption de nouvelles technologies : une brève revue des écrits
À notre connaissance, aucune publication scientifique ne se penche sur le comportement d’achat de VTT électriques. Toutefois, les écrits portant sur l’adoption de nouvelles technologies et en particulier sur l’achat des véhicules électriques est abondante. Un coup d’œil permet d’y identifier les variables pouvant influencer l’adoption des VTT électriques et d’inférer les facteurs à considérer pour sa commercialisation. Les travaux des pionniers en matière d’adoption des nouvelles technologies permettent d’identifier deux principaux vecteurs pouvant influencer l’accueil d’une innovation (Ajzen et Fishbein, 1980; Davis, 1989; Venkatesh et Davis, 2000) :
- l’utilité perçue, soit le degré auquel un consommateur croit que l’utilisation d’un produit ou d’un service améliorera ses performances
- la facilité d’utilisation perçue, soit la mesure dans laquelle le consommateur potentiel s’attend à ce que le produit soit utilisé sans effort.
Ces deux composantes font partie du modèle d'acceptation d'une technologie proposé par Davis (1989) et reprise par plusieurs chercheurs, est synthétisé dans la figure 1.

L’utilité perçue est influencée par des variables externes (niveau d’éducation et degré de familiarisation avec la technologie) et la facilité d’utilisation perçue. À son tour, l’utilité perçue influence l’attitude face à cette technologie ainsi que l’intention de l’adopter. Bien que ce modèle ait été développé pour expliquer l’adoption des technologies de l’information, des chercheurs l’ont adapté à d’autres produits. Ainsi, Ambak et al. (2016) ont l'appliqué à l’intention d’achat des véhicules électriques, qui serait plus élevée chez les consommateurs qui les perçoivent utiles et faciles à utiliser (Ayadi, 2020). Enfin tous les consommateurs ne sont pas égaux devant l’innovation, Rogers (2010) qualifie d’innovateurs ou d’adopteurs précoces, les individus qui prennent le risque d’adopter des innovations. En effet une innovation représente un risque de ne pas savoir l’utiliser, de ne pas répondre à un réel besoin, de ne pas fonctionner tel qu'indiqué par le vendeur ou pas du tout. Face à ces risques, l’adoption d’innovation nécessite un fort degré d’innovativité, soit un trait de personnalité des individus attirés par la nouveauté (Roehrich, 2004). Sur le plan du marketing, la principale difficulté rencontrée dans le domaine de l’innovation est d'identifier les innovateurs et adopteurs précoces afin de mieux cibler les campagnes de communication (Rogers, 2010).
Par ailleurs, il convient de tenir compte, d'une part, des critères d’adoption des véhicules électriques (Trespeuch et al., 2023), dont :
- la protection de l’environnement (Egbue et Long, 2012; Gates, 2021);
- la fiabilité de la batterie et son autonomie (Axsen et al., 2010; Rezvani et al., 2015);
- les coûts d’acquisition et d’utilisation;
- les infrastructures de recharge,
et, d'autre part, du fait que la communication d'information environnementale augmente la sensibilité écologique, encourage le comportement écoresponsable et, par conséquent, réduit le risque perçu en lien avec la technologie verte (Qu et Liu, 2022; Su et al., 2022).
Les critères d’adoption des nouvelles technologies s’appliquent-ils au VTT électrique? Theron devrait-elle appuyer sa communication sur le comportement responsable, l’autonomie et la fiabilité des batteries, les économies réalisées à moyen terme?