Par Cécilia Teillet, étudiante au doctorat sous la supervision de Marco Rodríguez et Andrea Bertolo à l’UQTR.
Alors que je me promenais par une belle journée de printemps, une étendue d’eau a particulièrement piqué ma curiosité. Elle était recouverte d’une pellicule verdâtre/ brunâtre, un peu nauséabonde. Mais qu’était-ce donc?
J’ai appris, à travers ma formation en biologie marine à l’Université de Bordeaux, en France, qu’il s’agissait là du résultat du phénomène d’eutrophisation. Les lacs passent tous par un processus naturel lent, durant lequel des sédiments vont s’accumuler dans un plan d’eau sur des milliers d’années, et qui se termine par la perte du milieu aquatique. Ce processus est souvent accompagné de celui de l’enrichissement de l’eau par des éléments nutritifs, comme le phosphore et l’azote, et c’est ce qu’on appelle l’eutrophisation. Ces dernières décennies, l’eutrophisation est toutefois en nette accélération à cause des activités humaines. Il n’est pas rare d’observer une telle pellicule verdâtre à la surface de certains lacs ou même en zones côtières. J’ai eu l’occasion d’ailleurs d’en voir à plusieurs endroits dernièrement lors de mes travaux de terrain réalisés dans le cadre de mon doctorat à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Au banc des accusés : le phosphore et l’azote ! Ceux-ci sont entre autres contenus dans les engrais agricoles. Ces composés chimiques essentiels à la vie des organismes vivants, et naturellement présents en faible quantité dans l’environnement, sont ajoutés aux champs pour stimuler la croissance des plantes. Lorsqu’il pleut, les terres agricoles vont être « nettoyées » et une partie de l’engrais va finir par rejoindre les rivières et les lacs aux alentours. Résultat : avec l’accroissement de la population et des besoins en nourriture, on retrouve aujourd’hui ces éléments en quantité anormalement élevée dans certains milieux aquatiques.
Nos déchets évacués par les toilettes - eh oui, nous excrétons également du phosphore et de l’azote! - sont d’autres coupables de l’eutrophisation accélérée des plans d’eau. Certaines activités industrielles contribuent aussi à rejeter du phosphore et de l’azote dans l’eau.
Que se passe-t-il quand le phosphore et l’azote deviennent disponibles en plus grande quantité dans l’eau? Prenons l’exemple d’un lac. Les algues de surfaces vont soudainement avoir accès à une sorte de buffet à volonté, ce qui va leur permettre de se développer de manière démesurée. Elles peuvent d’ailleurs devenir si nombreuses que les herbivores aquatiques (certains planctons, insectes, mollusques, poissons …) ne pourront pas toutes les manger. Il peut alors se créer un débalancement dans la chaine alimentaire : les algues en surface prennent possession du lac. Elles vont notamment former une couche à la surface de l’eau, empêchant la lumière du soleil de pénétrer dans le lac. Conséquences? L’eau vire au vert et toutes les plantes aquatiques se trouvant au fond du lac ne pourront plus survivre, coupées de la lumière du jour.
Comme tout être vivant, ces algues de surface ne sont pas éternelles et vont finir par mourir. Elles vont alors servir de nourriture aux bactéries lacustres qui pourraient à leur tour se développer de façon excessive. Celles-ci vont consommer beaucoup d’oxygène présent dans l’eau, ce qui peut priver les autres organismes de ce gaz essentiel. Dans les cas extrêmes, tout ce qui est vivant, les poissons par exemple, mourront asphyxiés.
Quand on y pense, c’est quand même assez impressionnant que toute cette cascade d’événements se produise à la suite de l’ajout d’éléments que l’on ne voit même pas à l’œil nu. Je comprends mieux ce que l’on appelle l’effet papillon!
Toutefois, rassurez-vous, des mesures commencent à être mises en œuvre afin de lutter efficacement contre l’eutrophisation. Il y a, par exemple, des lois qui encadrent la gestion des engrais contenant du phosphore et de l’azote dans le domaine agricole. Les producteurs sont de plus en plus nombreux d’ailleurs à adopter une agriculture plus « verte » - changement de pratique, changement de cultures, remplacement des engrais. Également, les municipalités mettent des efforts pour traiter plus et mieux les eaux usées, qu’elles soient domestiques ou industrielles, afin de diminuer l’apport de phosphore et d’azote dans l’environnement.
Vous pouvez aussi faire votre part, en limitant par exemple l’utilisation de fertilisants sur votre terrain!
Pour en savoir plus :
Publications du GRIL en lien avec l'eutrophisation
Site du MELCCFP : Vos lacs et cours d’eau
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Mis en ligne en janvier 2025
Menaces sur les lacs était un projet du GRIL financé par le Programme DIALOGUE des Fonds de recherche du Québec (2021-2023)