L'univers du naturaliste Nicolas est balisé tantôt par une signification allégorique, proche de la doctrine des Signatures, tantôt par des préoccupations de cueilleurs de racines, de rhizotomes, ceux-là même qui classent les plantes par leur forme, leurs fruits, leurs propriétés médicinales ou économiques. Mais ses descriptions sont très souvent incomplètes et anachroniques. Comparons l'Ehlebore blanc de l'Histoire naturelle et le White Hellibore des New England rarities*.
La description de l'Histoire naturelle de Nicolas est courte. Elle établit une différence avec la variété européenne, s'intéresse au format et à l'usage de la racine: "L'Ellebore est tout different de celuy de l'Europe. Sa racine est grosse comme une rave, les Indiens s'enservent pour abbatre des tumeurs."*.
Nicolas ne parle pas de l'espèce blanche, mais la figure du Codex y réfère. Son hésitation porte à croire qu'il a voulu décrire une autre variété d'Ellébore. Son propos n'évoque pas la croyance populaire voulant que cette plante vivace et purgative puisse guérir la folie, comme en témoignent ces quelques vers de Jean de La Fontaine, un contemporain de Nicolas :
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point.
Sitôt que moi ce but - Sitôt ! êtes-vous sage?
Repartit l'animal léger.
Ma commère, il vous faut purger.
Avec quatre grains d'ellébore.
Sage ou non, je parie encore."*.
Le nom et l'usage de cette plante sont connus des Européens au XVIe et XVIIe siècles et la plupart des traités de botanique décrivent l'Ellébore blanc et mentionnent ses propriétés. Nicolas n'y réfère pas. Croit-il avoir trouvé une espèce nouvelle avec des propriétés différentes?
En 1672, John Josselyn dresse une longue liste de plantes de la Nouvelle-Angleterre, plusieurs de celles-ci sont connues en Nouvelle-France. Voici comment ce naturaliste anglais décrit l'Ellébore blanc, le Vératrum veride (Linné) ou Tabac du diable:
"White Hellibore, which is the first Plant that springs up in this Country, and the first that withers; it grows in deep black Mould and Wet, in such abundance that you may in a small compass gather whole Cart-loads of it. Wounds and Aches Cured by the Indians. For the Tooth-ach. Fer Herpes milliares. The Indians Cure their Wounds with it, annoiting the Wound first with Raccoons greese, or Wild-Cats greese, and strewing upon it the powder of the Roots; and for Aches they scarifie the grieved part, and annoint it with one of the foresaid Oyls, then strew upon it the powder; The powder of the Root put into a hollow Tooth, is good for the Tooth-ach; The Root sliced thin and boyled in Vineager, is a very good against Herpes Milliaris."* .
Josselyn est plus près des descriptions des botanistes importants de son temps qui font, comme Gerard ou Johnson*, une description de la plante, la situent dans son écologie "The Place", mentionnent la période de germination, de floraison et de fructification "The Time " et les propriétés médicinales "The Vertues"*.