Pour terminer ce chapitre, ajoutons à l'étude du Gin-seng, de la Sarracénie et aux comparaisons établies entre les figures de la Description, du Canadensium et de la Natural History, quelques exemples de filiations iconographiques qui font voir la place des figures de l'ouvrage de Charlevoix par rapport à celles de l'Institutiones de Tournefort.
L'iconographie se moule à la méthode de Tournefort et marque un changement important dans l'histoire de l'illustration botanique. Le rendu des parties de l'appareil reproducteur est très important et suppose que
"/... /dans l'établissement des classes, il faut se servir seulement de la fleur, comme étant le fondement et la clef de la botanique, quand il s'agit des plantes à fleurs. Pour établir le genre, il faut prendre à la fois la fleur et le fruit, et leur ajouter les autres éléments qui paraissent nécessaires à leur meilleure distinction. Mais pour la distinction des espèces, il faut utiliser toutes les parties des plantes et toutes leurs particularités."*.
Tournefort conclut en insistant sur l'importance de bien connaître la fleur:
"Donc pour en revenir à mon propos [Résumé des principes de la botanique], puisque cette méthode plus sûre et plus brève de connaître les plantes tient entièrement aux fleurs, il nous faut examiner plus profondément leur nature et leur rôle."*.
Ces figures montrent le Sabot de la Vierge ou la Calceolus Mariae depuis 1633 avec Gerard et Johnson jusqu'à celle de Barrelier en 1714 . À cela s'ajoute la figure de la Description de 1744 qui est une copie de celle de Cornuti .
La parenté entre toutes ces figures est facilement reconnaissable, seule la figure de l'ouvrage de Tournefort marque une césure par rapport à ce type d'illustrations caractéristiques des méthodes du XVIIe siècle. La Calceolus Marianus Canadensis de Charlevoix mime une classification du début du XVIIe siècle .
La suite iconographique du Tuë Chien ou de l'Apocynum minus rectum Canadense s'étend de 1635 à 1744 . Dès 1694, Tournefort précise la constitution de la fleur et de la semence . En 1744, la figure de la Description reprend une iconographie typique du début du XVIIe siècle . Pour sa part, Jussieu réédite en 1714 les figures du milieu du XVIIe siècle de Barrelier .
Ces filiations et beaucoup d'autres montrent que Charlevoix n'utilise pas la méthode de Tournefort pour classer les plantes de la Nouvelle-France et qu'il se contente d'accumuler sans discernement des figures de plantes sur la colonie française d'Amérique.