Ce qui surprend dans la comparaison de ces deux textes de Charlevoix, c'est que dans sa 17e lettre datant de 1721, il fait état des propriétés toxiques de l'Herbe à la puce, alors que dans sa Description éditée en 1744, il parle de ses propriétés tinctoriales. Il n'a certainement pas expérimenté sur lui l'usage qu'il décrit en 1744. Le texte aurait alors été différent et sûrement plus près de sa lettre du juin 1721. En fait, dans la Description, Charlevoix a traduit le texte latin de 1635 de Cornuti sur l'Edera Trifolia Canadensis* . Ce choix de Charlevoix trahit un peu son attitude devant la science du passé. Il préfère reprendre un texte datant de plus de cent ans, plutôt que de donner préséance à ses propres observations, ou peut-être à celles qu'un botaniste a pu lui fournir alors qu'il rédigeait sa lettre du juin 1721.
Non seulement Charlevoix a repris, en le traduisant, le texte datant de 1635 de Cornuti, mais il a aussi utilisé la planche pour illustrer sa Description de 1744. Si nous comparons la figure CHAR-LVII du Lierre à trois feuilles de Charlevoix avec celle du Canadensium de Cornuti , nous remarquons la similitude entre les deux gravures au burin. Seul le format diffère. Les planches de l'ouvrage de Cornuti ont été réduites approximativement de moitié par le graveur des planches de la Description. Or, comme le graveur a copié la planche du Canadensium, la représentation est inversée dans la Description. De plus, en comparant les planches de Cornuti et de Charlevoix avec une représentation de l'Hedera Trifolia Racemosa Canadensis de Jacques Barrelier* , il faut noter, dans la planche du deuxième tiers du XVIIe siècle, un plus grand souci du détail du fruit et de la feuille. Charlevoix a préféré une représentation beaucoup plus ancienne, c'est-à-dire celle de 1635 de Cornuti.
Cette courte démonstration sur la classification botanique de Charlevoix, datable du premiers tiers du XVIIe siècle, introduit la question des sources écrites et iconographiques de sa Description.