Département des langues modernes et de traduction
Section Traduction
Il vous est souvent demandé de faire certains travaux en équipe, ce à quoi vous pouvez réagir en vous disant : « Je travaille mieux en solo. Pourquoi collaborer avec d’autres personnes alors que je préférerais travailler de façon autonome, sans me compliquer la vie? ». Autant cette posture peut être compréhensible, autant il est nécessaire que vous vous posiez les questions suivantes : Qu’est-ce que le travail en équipe en situation d’enseignement-apprentissage? À quoi sert-il? Comment travaille-t-on en équipe? Quels sont les principes qui guident ce mode de travail?
Les pédagogues Deschênes et Parent définissent le travail en équipe ainsi :
Le travail en équipe s'inscrit dans un processus collectif d'apprentissage, où les connaissances individuelles sont mises en commun et où l'échange d'information sert aussi à construire un produit collectif. Dans cette approche, il s'agit d'engager les étudiants dans la construction de leur savoir dans un contexte social. Cette approche place les apprenants en interaction afin qu'ils apprennent avec et par les autres (Deschênes et Parent, 2008).
Cette définition fait indéniablement ressortir l’apport de la collaboration, c’est-à-dire de la mise en commun des connaissances et de l’effort au service de l’apprentissage. La collaboration peut être définie de plusieurs manières. Michael Schrage, auteur et chercheur en innovation, en fournit une définition qui cerne les dimensions essentielles :
Collaboration is the process of shared creation: two or more individuals with complementary skills interacting to create a shared understanding that none had previously possessed or could have come to on their own. Collaboration creates a shared meaning about a process, a product or an event. (Schrage 1990: 40)
Il est essentiel de s’attarder sur les concepts clés de cette définition (shared creation, complementary skills interacting, shared understanding, shared meaning, process, product) et de constater qu’ils englobent l’idée de partage, d’interaction sociale et de travail en équipe (group work). Partant de là, il est aisé de voir à quel point le « processus de création commune » s’applique à la traduction. Les propos suivants apportent un éclairage particulièrement pertinent :
About Group Work
Envisaged as both a process and a product, translation by its very nature lends itself to interaction and negotiation. The translation learner must analyze, clarify, recall, compare and contrast, interpret, apply, imitate, negotiate and even create. Group work is therefore not only helpful; it’s very relevant. It has been said that translation transpires in the little black box “in the mind” of the translator but in professional settings, translators do “connect” to bounce ideas and voice their thoughts as they work out solutions to translation problems. As Education thinker, Bruner (1996: xi),argues: “learning is a social activity, a human mental activity that is neither solo nor conducted unassisted, even when it goes on inside the head.” (Valentine 2013).
En outre, il est important de souligner que le travail en équipe peut également être envisagé sous deux angles différents, mais qui se rejoignent à certains égards. Ainsi, certains auteurs font la distinction entre le travail coopératif et le travail collaboratif.
Travail coopératif
« Dans le cadre d'un travail réalisé de façon coopérative, il y aura une répartition claire du travail entre ses participants. De façon concrète, il sera assigné à chaque élève une tâche claire et concrète. Par la suite, les travaux individuels de chaque élève seront assemblés et formeront le travail final.
Dans cette forme de travail l'apprenant sera responsable de sa propre production, mais il devra néanmoins apprendre à interagir avec les autres participants afin que le travail final puisse être cohérent. »
Travail collaboratif
« Dans le cadre d'un travail réalisé de façon collaborative, il n'y aura aucune répartition du travail entre ses participants. En effet ces derniers travailleront tous ensemble à chaque étape de l'élaboration du travail. Il sera donc impossible, une fois le travail réalisé, d'identifier le travail fourni par chacun. Ce type de travail se base sur les capacités de communication et d'interaction de chacun. »
Selon le contexte, l’une ou l’autre des deux approches pourrait être adoptée. Dans la vie professionnelle, par exemple, il arrive souvent qu’une traduction soit confiée à plusieurs traducteurs en raison de la longueur du texte et d’un échéancier serré. Une telle situation nécessite la fragmentation du texte, l’harmonisation de la terminologie, l’uniformisation du style, l’établissement d’un mode de fonctionnement ainsi qu’un contrôle de la qualité du produit fini. En situation d’apprentissage, en fonction de l’objectif poursuivi et de la tâche à accomplir, le travail en équipe peut varier en ampleur et exiger une ou plusieurs rencontres. Il peut comporter, à titre d’exemple :
La liste n’est sans doute pas exhaustive, mais on voit facilement que, selon la manière d’envisager ou de concevoir l’activité, le travail en équipe fait appel à la coopération et à la collaboration. Les participants joignent leurs forces (ou comme on dirait en anglais put their heads together) afin de réaliser une tâche précise. C’est une activité riche en apprentissage. Le plus important à retenir, c’est que le travail en équipe ne consiste pas tout simplement à regrouper des personnes qui désirent obtenir une bonne note et ce n’est pas non plus une manière pour votre enseignant d’alléger sa tâche de correction. Il s’agit d’une stratégie d’apprentissage véritable qui contribue au développement des compétences interpersonnelles du traducteur, lesquelles font partie intégrante des compétences de traduction. De surcroît, d’après certains témoignages d’étudiants en ligne, « l’imposition de travaux d’équipe permet de briser l’isolement[1] ».
Il est nécessaire de souligner que le travail en équipe peut s’effectuer dans tous les domaines et tous les secteurs. Il permet de développer des compétences et des attitudes qui vous serviront dans la vie, comme le dit si bien, alliant humour et sagesse populaire, ce proverbe africain : « Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ».
Quelques principes pratiques
Que ce soit en présentiel ou à distance, le travail en équipe poursuit les mêmes objectifs. En plus des difficultés habituelles, il importe de souligner celles qui sont propres aux équipes virtuelles (aussi appelées équipes dispersées) dont vous ferez partie. Voici quelques exemples de situations auxquelles vous devrez vous adapter :
Voici quelques principes généraux destinés à guider le travail en équipe :
Création des équipes : On préconise idéalement des équipes de 3 à 5 membres. Il existe différentes façons de former des équipes : constitution par l’enseignant ou par auto-sélection par les membres, selon divers critères (pige, affinité, disponibilité, intérêt et motivation). Si vous ne vous sentez pas à l’aise dans une équipe, discutez-en avec votre enseignant.
Préparation : Vous travaillez en ligne. Sur le plan technologique, vous devez vous assurer à l’avance du bon fonctionnement des outils : Est-ce que j’ai l’équipement nécessaire? Est-ce que mon micro et ma caméra fonctionnent bien? Préparez aussi un inventaire d’outils de communication et de planification (Zoom, Teams, WhatsApp, Skype, Googledocs, Dropbox, Doodle, etc.). Familiarisez-vous avec les ressources en ligne (dictionnaires, glossaires, banques de données terminologies, etc.). Sur le plan de la tâche à accomplir, assurez-vous, au moment des rencontres, que les documents à partager sont prêts pour présentation. Épargnez aux membres de votre équipe et à vous-même la frustration qu’entraîne l’improvisation.
Rôles des membres : Attribuez -vous des rôles (organisateur, animateur, secrétaire, gestionnaire du temps, etc.). Ces fonctions, que vous pouvez remplir à tour de rôle, aident au bon déroulement des rencontres. Par exemple, le ou la secrétaire prendra des notes et préparera un compte rendu à l’intention de tout le monde. Celle ou celui qui « gère le temps » aura le rôle de recentrer, respectueusement, les échanges afin de limiter les débordements. Notez également que la personne qui anime n’est pas un chef d’équipe sur le plan hiérarchique, mais quelqu’un qui se sent à l’aise pour organiser les rencontres. Parfois ce rôle s’attribue de façon spontanée.
Organisation : L’objectif global de l’activité aura déjà été précisé dans la consigne de départ. Assurez-vous que tous les membres ont la même compréhension de la tâche à accomplir. Il faut établir un échéancier et les dates de rencontre. Il faut aussi attribuer les rôles et, selon l’approche adoptée, répartir les tâches et préciser le mode de travail. Il faut enfin fixer les objectifs de chaque rencontre et prévoir, dans la planification, un résumé des progrès accomplis.
Communication : Le climat qui règne au sein d’une équipe est conditionné par les relations interpersonnelles et par la communication : communication quant à la tâche à accomplir, mais aussi quant aux sentiments qui animent les membres. Chacun doit avoir la possibilité de s’exprimer, et il est important de respecter les points de vue individuels (accord, désaccords, réserves). Certaines personnes sont réservées et hésitent à prendre la parole, et il faut les encourager à intervenir; d’autres, par contre, prennent trop de place. L’harmonie et le respect doivent toujours primer, et les intérêts personnels ne doivent pas l’emporter sur ceux du groupe. La discussion et la variété des interactions permettent d’atteindre les objectifs poursuivis.
Prise de décision raisonnée : Dans la résolution des problèmes de traduction, la prise de décision doit être fondée sur des considérations théoriques (d’ordre linguistique ou traductologique) ou pragmatiques (d’ordre contextuel ou situationnel). Elle doit, au besoin, être justifiée, par des références appropriées et non par « une question de feeling ».
Irritants et conflits : Point délicat. Absentéisme, retards, surestime de soi, fortes divergences, autant de comportements qui nuisent au bon fonctionnement de l’équipe et qui risquent de compromettre la qualité du travail. Dès les premières manifestations de ces comportements, il faut être capable de réagir : identifier le problème, envisager les solutions possibles pour trouver un terrain d’entente. Le problème concerne un seul membre? Un échange en privé serait alors fortement conseillé. Plus d’un membre? Alors, il serait, dans ce cas, nécessaire d’aborder la question avec toute l’équipe. Dans l’impasse, vous devez recourir à l'enseignant.
Autoévaluation : Il se peut qu’on vous demande de faire une autoévaluation et une évaluation par les pairs. Vous sentez-vous capable d’évaluer « honnêtement » votre contribution et celle des autres à l’accomplissement de la tâche? C’est l’occasion tout indiquée d’identifier vos forces, de les mettre en valeur et de reconnaître vos faiblesses. L’évaluation peut, selon le cas, être chiffrée ou de type qualitatif.
Conclusion
Ces quelques pages résument l’intérêt du travail en équipe et certains des aspects qui lui sont propres. En mettant à profit les conseils pratiques présentés, vous vous assurez de bénéficier du travail collaboratif autant sur le plan des apprentissages que sur celui du développement professionnel.
Egan Valentine, en collaboration avec l'équipe d'enseignants du Département de langues modernes et de traduction
Sources
Anderson, Lorin et David Krathwohl, Eds. (2001). A Taxonomy for Learning, Teaching, and Assessing: A Revision of Bloom’s Taxonomy of Educational Objectives. New York: Addison Wesley Longman, Inc.
Bruner, Jerome (1996). The Culture of Education. Cambridge, MA: Harvard University Press.
Deschênes, Michelle et Séverine Parent (2008). « Optimiser l’apprentissage du travail d’équipe ». Pédagogie collégiale, No 214, pp. 6-9.
Dubé Dominique (sans date). « Les travaux en équipe » sur le site Université Laval. Consulté le 25 juin, 2020.
« Notions d’accompagnement et de collaboratif » (sans date), sur le site éduscol. Consulté le 18 juin 2020.
Schrage, Michael (1990). Shared Minds: The New Technologies of Collaboration. New York: Random House.
« Travailler en équipe à l’université » (sans date), sur le site HEC Montréal. Consulté le 15 juin 2020.
https://ernest.hec.ca/video/DAIP/travailler-en-equipe/etudiants/
Valentine, Egan (2013). « From Face-to-Face to Cyberspace: Innovation in Translator Training at UQTR » [communication]. International Conference on Translation - FIT 7th Asian Translators’ Forum, Penang, Malaysia.
[1] Évaluation périodique des programmes, Baccalauréat en traduction (7781), Rapport final, octobre 2019, p. 8.
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