Cette mise au point est nécessaire puisque la biomasse et la diversité sont souvent utilisées dans le cas des invertébrés. La biomasse algale est déterminée par le pool des colonisateurs d'origine et par l'interaction de la lumière, de la température et de la disponibilité des nutriments, mais également par le régime des perturbations, principalement les crues importantes et le broutage par les invertébrés. Une telle influence des facteurs physiques rend peu efficace l'utilisation de la biomasse comme indicateur des conditions chimiques aquatiques.
De plus, la relation entre la diversité des peuplements algaux et le degré de pollution n'est pas simple. En effet, la pollution n'est pas le seul facteur susceptible d'agir sur la diversité des communautés d'algues, car tout facteur limitant peut avoir un effet analogue, comme c'est fréquemment le cas pour l'acidité de l'eau ou la vitesse du courant. Ainsi, les indices de diversité faibles ne s'observent pas seulement en cas de pollution grave, mais aussi dans les milieux naturels où l'un ou l'autre des facteurs écologiques est limitant. C'est notamment le cas sur le Bouclier canadien où les communautés de diatomées des cours d'eau non pollués sont dominées par un petit nombre d'espèces acidophiles. De plus, les processus de remplacement d'espèces interviennent au sein des peuplements algaux, de sorte qu'une diminution de la qualité de l'eau ne se traduit pas nécessairement par une diminution de la diversité spécifique. Il a été observé par plusieurs chercheurs qu'une augmentation de la pollution mène, dans un premier temps, à une augmentation de la richesse et de la diversité des taxons selon l'accroissement de l'hétérogénéité des ressources; puis, dans un deuxième temps, les taxons sensibles à la pollution disparaissent, et des espèces tolérantes peuvent dominer. Ainsi, au Québec, on observe souvent que les communautés de diatomées des cours d'eau eutrophes sont plus diversifiées que celles des cours d'eau oligotrophes.
L'étude des peuplements algaux nécessite donc l'adoption de méthodes quantitatives visant à estimer le développement absolu ou relatif de chaque taxon. L'abondance relative fournit une évaluation précise de l'importance d'une espèce dans un peuplement algal, sans être modifiée outre mesure par les perturbations physiques. C'est pour cette raison que l'IDEC est basé sur la structure des communautés de diatomées, c'est-à-dire l'abondance relative de chaque taxon, et non pas sur la biomasse ou la diversité44. L'IDEC varie donc peu en fonction des fluctuations de débit ou du broutage, puisque les espèces résistantes aux courants ou non sélectionnées par les brouteurs ont des tolérances aux nutriments semblables aux espèces qui étaient présentes avant la perturbation.