Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie
Parmi les quelques 800 éponymes anatomiques recensés par Jessie Dobson en 1962, seuls trois perpétuent la mémoire de femmes : le tube de Schachowa, la membrane de Nitabuch, et le ganglion de Winterhalter 1. Avouons humblement que nous n’avons personnellement pas fait mieux dans notre thèse de 1991 : trois femmes — les mêmes bien sûr — parmi 3835 éponymes 2. Certains ont d’ailleurs fait pire en ne mentionnant aucune d’elles dans des références qui pourtant auraient dû rendre un hommage légitime à leurs travaux 3, 4, 5, 6. Rendons aujourd’hui à Cornelia Cinna ce qui appartient à Cornelia Cinna 7.
Seraphima Schachowa
Seraphima Schachowa menait des recherches en histologie du rein à l’Université de Berne. Dans sa thèse de 1876 8, elle décrivit le segment du néphron intercalé entre le tube contourné proximal et l’anse de Henle, segment parfois nommé tube de Schachowa. Seraphima Schachowa fit partie des huit femmes russes diplômées de l’Université de Berne en 1876 (seules deux étudiantes avaient déjà reçu leur doctorat deux années auparavant : Marie Siebold de Saint-Petersbourg et Rosa Simonovich d’Odessa 9). Elle regagna alors sa Russie natale pour y pratiquer la médecine.
Raissa Nitabuch
C’est également à l’Université de Berne que Raissa Nitabuch présenta en 1887 une thèse consacrée au placenta dans l’espèce humaine 10. On y trouve la description de la couche de Nitabuch, substance fibrinoïde située « à l’union de la coque cytotrophoblastique et des cellules déciduales maternelles » 11. Bien que la pourtant très copieuse bibliographie gynécologique de James V. Ricci 12 ne lui consacre que 15 mots, Raissa Nitabuch est reconnue depuis pour sa compréhension de la circulation utéroplacentaire 13. Nous ignorons ce qu’elle devînt par la suite.
Portrait d’Elizabeth Hermine Winterhalter (1887) par son amie Ottilie Roederstein (1859-1937).
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Elizabeth Hermine Winterhalter
La biographie d’Elizabeth Hermine Winterhalter 14 est par contre assez bien documentée 15. Née le 17 décembre 1856 à Munich, elle étudia la médecine à Zurich et à Berne — université décidément avant-gardiste en cette fin de XIXe siècle —, malgré les réticences de sa mère qui voulait qu’elle devienne institutrice. Titulaire d’un doctorat en médecine en 1889, elle mena alors des recherches à l’Institut Senckeberg de Francfort-sur-le-Main sous la direction du professeur Karl Weigert (1845-1904). Dans un article — son premier mais aussi son dernier — publié en 1896 16, elle démontra l’existence d’un ganglion sympathique à l’intérieur de l’ovaire. Elisabeth Winterhalter, devenue l’une des premières femmes gynécologues en Allemagne, milita activement pour les droits des femmes, entre autres pour leur accès à l’éducation. Elle s’éteignit le 13 février 1952 à Hofheim am Taunus. Une rue du district de Niederursel de Francfort porte maintenant son nom.
Notes
1 Dobson J (1962) Anatomical Eponyms. Edinburgh and London, E. & S. Livingstone Ltd, second edition, pp. 153, 185 et 226.
2 Olry R. (1991) Dictionnaire critique des éponymes en anatomie. Nancy, thèse médecine, vol. 2, p. 706, vol. 3, pp. 852-853 et 1034.
3 Gilliland K., Montgomery R. (2011) Anatomists and Eponyms. The Spirit of Anatomy Past. Nottingham, Nottingham University Press.
4 Ionescu M. (1991) Dictionar de Anatomisti. Bucuresti, Editura Litera.
5 Terra P. de (1913) Vademecum anatomicum… Nebst einem Anhang : Die anatomischen Schriftsteller des Altertums bis zur Neuzeit. Jena, Gustav Fischer.
6 Kemper G.W.H. (1905) The World’s Anatomists. Philadelphia, P. Blakiston’s Son & Co.
7 Première femme de Jules César. Adaptation personnelle du Nouveau Testament à l’occasion de cette chronique…
8 Schachowa S. (1876) Untersuchungen über die Nieren. Bern, Inaugural Dissertation.
9 Creese M.R.S. (2015) Ladies in the Laboratory IV. Imperial Russia’s Women in Science, 1800-1900. Lanham, Maryland, Rowman & Littlefield, p. 38.
10 Nitabuch R (1887) Beiträge zur Kenntnis der menschlichen Placenta. Bern, Inaugural Dissertation.
11 Merger R., Lévy J., Melchior J. (1979) Précis d’obstétrique. Paris, Masson, cinquième édition, p. 21.
12 Ricci J.V. (1945) One Hundred Years of Gynaecology. Philadelphia, The Blakiston Company, p. 515.
13 Schneider H., Moser R.W. (2016) Classics revisited. Raissa Nitabuch, on the uteroplacental circulation and the fibrinous membrane. Placenta 40 : 34-39.
14 Son nom est déformé en Winterhalten dans la bibliographie de Ricci, op. cit., p. 109.
15 Tucker R.P. (2013) Elizabeth H. Winterhalter (1856-1952) : The Pioneer and her Eponymous Ovarian Ganglion. Journal of the History of the Neurosciences 22 (2) : 191-197.
16 Winterhalter E.H. (1896) Ein sympathisches Ganglion im menschlichen Ovarium. Archiv für Gynaekologie 51 : 49-55.
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