Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie
Malgré — ou peut-être grâce à? — l’effort requis pour respecter l’épouvantable orthographe de ce patronyme, le nom de Félix Vicq d’Azyr est gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont étudié l’anatomie du système nerveux central. La Terminologia Anatomica, Grande Faucheuse de la culture anatomique, n’est en effet pas toujours parvenue à ses fins : ainsi, le tractus mamillothalamique est encore parfois nommé faisceau de Vicq d’Azyr. Et à juste titre car, à la page 77 de son chef-d’œuvre de 1786 1 nous trouvons la description de ce « cordon blanc qui, de l’éminence mamillaire [tubercule mamillaire, N.d.A.] s’éleve [sic] en formant une courbe vers le tubercule antérieur et interne de la couche optique [thalamus, N.d.A.] ». Le tractus mamillothalamique est là, ainsi que sur la figure 2 de la planche 25, grâce aux talentueux crayons des graveurs Alexandre Briceau et sa fille Angélique.
Un anatomiste hors du commun
Félix Vicq d’Azyr est né le 23 avril 1748 à Valogne, département de la Manche. Dès 1765, il commence ses études de médecine à Paris et, à peine âgé de 25 ans, il se voit confier l’enseignement de l’anatomie humaine et comparée par le professeur Antoine Petit, anatomiste au Jardin du Roy. Membre de l’Académie des Sciences en 1774, secrétaire perpétuel de la Société royale de Médecine, successeur du grand naturaliste Buffon au 1er fauteuil de l’Académie française 2 et de Joseph-Marie-François de Lassonne comme premier médecin de la reine Marie-Antoinette, Vicq d’Azyr brille au firmament de sa profession 3, firmament qui toutefois commence à s’obscurcir de nuages révolutionnaires.
Félix Vicq d’Azyr (1748-1794)
Vicq d’Azyr et la Révolution française
Si certains médecins ne rechigent pas à s’impliquer dans les institutions révolutionnaires — 47 médecins seront députés à la Convention nationale et plus de la moitié voteront la mort du roi en janvier 1793 4 —, d’autres en craignent les conséquences. Félix Vicq d’Azyr est de ceux-là. Or, début avril 1791, il est chargé de l’autopsie d’Honoré-Gabriel de Riqueti, le succulent comte de Mirabeau. Les enjeux politiques sont de taille car il ne faudrait sous aucun prétexte soulever l’hypothèse d’un meurtre. Vicq d’Azyr clame haut et fort : « Il n’est pas empoisonné, il ne peut pas être empoisonné, m’entendez-vous, imprudents! Voulez-vous faire égorger le Roi, l’Assemblée et nous tous? » 5. Plus les mois passent, plus Vicq d’Azyr est terrorisé par le Tribunal révolutionnaire et sa compagne la guillotine. À l’été 1793, lors de la suppression de l’Académie française, l’abbé André Morellet nous le décrit comme « frappé d’une terreur extrême, assez bien fondée sur l’aversion des patriotes pour la reine, dont il était le médecin» 6. Effectivement, Félix Vicq d’Azyr va mourir à cause de la Révolution française, mais Dame guillotine n’y sera pour rien.
La fête de l’être suprême
Parmi ses nombreuses et souvent dévastatrices lubies, Maximilien Robespierre instaure une fête dite de l’être suprême, pitrerie dont la première célébration se déroule le 8 juin 1794. Comme bien d’autres notabilités, Vicq d’Azyr est contraint à faire partie de l’interminable cortège qui se dirige vers le Champs-de-Mars pour rendre hommage à une montagne artificielle couverte de symboles révolutionnaires. Bien qu’il fasse très beau 7, Vicq d’Azyr prend froid et doit rentrer s’aliter chez lui. Malaise, fièvre, toux, voilà qui ressemble à une infection respiratoire. Qu’elle soit pneumococcique, ou tuberculeuse comme le pensent certains 8, elle cause la mort du grand anatomiste à peine douze jours plus tard, le 20 juin 1794.
Félix Vicq d’Azyr avait bel et bien raison de craindre la Révolution française.
Notes
1 Vicq d’Azyr F. (1786) Traité d’anatomie et de physiologie avec des planches coloriées représentant au naturel les divers organes de l’homme et des animaux. Paris, François Ambroise Didot l’aîné, vol. 1 (l’auteur avait prévu de couvrir toute l’anatomie au travers de plusieurs volumes, mais seul celui consacré au système nerveux a vu le jour).
2 Collectif (1935) Trois siècles de l’Académie française. Paris, Firmin-Didot et Cie, p. 519.
3 Hirsch A. (1888) Biographisches Lexicon der hervorragenden Aerzte aller Zeiten und Völker. Wien und Leipzig, Urban & Schwarzenberg, vol. 6, pp. 105-106.
4 Dupont G, Lellouch A, Olry R (2006) Pierre-Joseph Duhem (1758-1807), médecin régicide, et les autres médecins-députés conventionnels face au procès de Louis XVI. Histoire des Sciences médicales 40 (1) : 83-90.
5 Castries duc de (1986) Mirabeau ou l’échec du destin. Paris, Fayard, p. 551.
6 Morellet A. (1988) Mémoires sur le dix-huitième siècle et sur la Révolution. Paris, Mercure de France, p. 337.
7 Célestin Guittard de Floriban, bourgeois de Paris, a noté dans son journal quotidien tous les événements dont il a été témoin du 26 janvier 1791 au 15 mai 1796, y compris les conditions météorologiques. Voir Aubert R. (1974) Journal d’un bourgeois de Paris sous la Révolution. Paris, Éditions France-Empire, pp. 388-389.
8 Lemire D. (1990) Artistes et mortels. Paris, Raymond Chabaud, pp. 414-415.
Suggestions de lecture
Leduc B. (1977) La vie et l’œuvre anatomique de Félix Vicq d’Azyr. Rennes, thèse de doctorat.
Pouliquen Y. (2009) Félix Vicq d’Azyr, les lumières et la Révolution. Paris, Odile Jacob.
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