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19 avril 2016 (15:35)
États et fluctuation du «moi», de la critique moderne de l'amour-propre au néolibéralisme contemporain

Colloque organisé dans le cadre du 84e congrès de l'ACFAS, UQAM (Pavillon Sainte-Catherine (V) – V-1410), 10 Mai 2016, 8 h 30 - 10 h 30.

Présidence/animation : Marc-André BERNIER UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

 

8 h 30

Oberto MARRAMA UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

Le moi chez Descartes : passions de l'âme et actions du corps

(Dans Les Passions de l'âme, Descartes affirme que tout ce qui en nous répugne à notre raison doit être attribué aux fonctions du corps seulement [I, art. 47], et « qu'il n'y a point d'âme si faible qu'elle ne puisse, étant bien conduite, acquérir un pouvoir absolu sur ses passions » [I, 50]. Cette apparente méprise du corps et de ses fonctions, parmi les effets desquelles il y a les passions, masque en fait un effort de naturalisation et d'objectivisation des passions elles-mêmes, révélé dans l'affirmation qu'« elles sont toutes bonnes de leur nature » [III, art. 211]. Ma communication éclaircira d'abord le modèle interactionniste corps-esprit de Descartes, en démontrant pourquoi et comment l'action de l'âme sur le corps est véritablement comprise comme exercice de l'âme sur soi. Deuxièmement, je montrerai pourquoi les passions et l'activité spontanée du corps sont nécessaires pour cet exercice. Finalement, je chercherai à montrer comment la solution cartésienne suit la combinaison des deux principes de base de sa philosophie, à savoir : 1) un principe de spontanéité et d'autonomie physiologique ; 2) un principe d'autonomie et de liberté spirituelle.)

 

9 h 00

Syliane MALINOWSKI-CHARLES UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

Le moi peut-il disparaître dans un amour « pur » de Dieu? Malebranche, Fénelon et Lamy sur l'amour-propre

(En 1687, Rome condamne la doctrine quiétiste en alléguant la menace que ce mysticisme absolu représente pour l'autorité de l'Église (les intermédiaires hiérarchiques et les rituels et sacrements ne sont plus nécessaires pour entrer en contact direct avec Dieu), ainsi que pour l'action morale (quoi que fasse le corps, l'âme n'en est pas responsable puisqu'elle ne s'occupe que de son union mystique). Dans la dernière décennie du XVIIe siècle, le débat est rouvert sous la forme d'une querelle sur la possibilité d'un amour « pur » de Dieu, où le moi disparaîtrait totalement. Cette position, soutenue par Fénelon, sera finalement condamnée par le St-Siège en 1699, sous l'influence notamment de Bossuet. Or, Malebranche se trouve entraîné malgré lui dans cette controverse par son ami François Lamy, qui cite son Traité de morale en faveur d'un désintéressement absolu. Rédigeant en 1697 un Traité de l'amour de Dieu visant à montrer « en quel sens il doit être désintéressé », Malebranche établira des distinctions très fines qui montrent toute l'ambiguïté de la question anthropologique pour un cartésien lecteur de Port-Royal comme il l'est. Le moi est-il irrémédiablement attaché au corps? Peut-il se détacher de sa recherche du plaisir, et du salut personnel?)

 

9 h 30

Samuel LIZOTTE UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

L'acte vertueux doit-il être désintéressé?

(Comme l'avait fait le Père Nicolas Malebranche avant lui, John Gay (1699-1745), philosophe et évêque irlandais, a prétendu que le principe naturel de toutes nos actions n'était rien d'autre que notre bonheur personnel, ce que Malebranche appelait « l'amour-propre ». Cette position, déjà difficile au vu de la connotation généralement négative de l'amour-propre, a mené Gay devant une difficulté qui semble insurmontable : si nous ne sommes motivés que par notre bonheur personnel, peut-on être vertueux ? Mais encore et surtout : pour être vertueux, sommes-nous condamnés à agir avec désintérêt ou même directement à l'encontre de notre bonheur personnel ? Dans cette communication, nous aborderons la réponse originale de Gay à ces questions troublantes et nous constaterons comment il arrive à concilier bonheur personnel et bonheur général, amour-propre et vertu.)

 

10 h 00

Discussion

 

Présidence/animation : Syliane MALINOWSKI-CHARLES UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

 

13 h 30

Sarah CARRIER UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

L'amour-propre : source de toutes les vertus ou fondement de tous les vices?

(Alors que les moralistes français envisagent l'amour-propre comme fondement de tous les vices, Hobbes considère plutôt cette entreprenante avidité comme source de toutes les vertus. C'est pourtant de la même condition humaine qu'ils parlent: l'affirmation de soi pour la satisfaction de ses désirs dans un affrontement compétitif. Toutefois, si Hobbes, constatant ses effets positifs, l'encense, les moralistes la condamnent ou, du moins, demeurent réticents car ils réagissent à un changement qui, en France, se manifeste surtout par des inconvénients moraux. En effet, si la concurrence de la vie de cour et de salon est semblable à celle des industriels, négociants et financiers, elle est concrètement stérile, voire prédatrice, psychologiquement éprouvante et moralement corruptrice. Cette communication mettra au jour les raisons de l'acceptation chez Hobbes et, à l'inverse, de la condamnation de l'amour-propre chez les moralistes français du XVIIe siècle.)

 

14 h 00

Marc LAROCHELLE UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

Le laisser-faire économique : de Mandeville à Hayek

(La Fable des Abeilles de Bernard de Mandeville suscita un véritable scandale en Angleterre lors de la publication en 1723. Nous croyons que la controverse autour des thèses contenues dans la Fable des Abeilles est paradoxale. Premièrement, comment expliquer que les thèses fondamentales de l'anthropologie morale augustinienne anglaise du XVIIIe siècle qui influencent profondément Mandeville aussi bien que ses détracteurs aient pu produire deux théories contraires sur le plan politique et socio-économique? Et deuxièmement, comment expliquer que des athées tels qu'Ayn Rand et Frederich Hayek diffèrent de Mandeville sur l'anthropologie, la morale et la religion mais défendent les mêmes thèses de Mandeville sur le plan économique, politique et éthique? Nous nous pencherons donc sur les raisons ou les valeurs fondamentales qui pourraient, en dépit des croyances religieuses, anthropologiques et morales, justifier la thèse du laisser-faire économique et du vice privé comme vertu publique chez Mandeville et dans sa postérité tardive, après quoi nous entendons procéder à une critique des thèses qui justifient le laisser-faire économique, la vertu de l'égoïsme et celle de l'ordre spontané.)

 

15 h 00

Prince KOSSA UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

L'ère du libéralisme économique : le triomphe du Diable?

(Notre présentation s'interrogera sur les rapports entre morale, économie et politique en montrant comment quelques-unes des critiques formulées dans la modernité classique contre le triomphe du moi peuvent nous fournir les matériaux justifiant une régulation du libéralisme économique actuel. « Les mérites du libéralisme sont trop importants et trop évidents pour qu'on ait besoin de lui en attribuer d'autres, complètement imaginaires» (Losurdo, Contre-histoire du libéralisme, 2014) : afin de maximiser le modèle libéral, peut-être l'imposition d'un cadre moral fort s'avère-t-il une nécessité afin de contenir ou orienter l'intérêt personnel que libère le libéralisme. Nul ne peut douter de l'influence du libéralisme sur les politiques sociales, économiques et dans les idées dominantes des temps actuels. On peut alors parler de l'ère du libéralisme. Toutefois (1) le libéralisme tient d'une vision de l'homme mettant l'accent sur l'intérêt personnel. (2) Il réhabilite pour ainsi dire l'amour-propre, jusque-là combattu par la morale chrétienne, pour le meilleur et pour le pire. Est-ce donc le triomphe du Diable?)

 

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