Département d'anatomie
Anecdotes anatomiques

Une chambre à coucher, un lit, un oreiller et un somnifère : un cerveau fait pour le sommeil

Regis   Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie 

 

Quelques régions de l’encéphale sont plus ou moins directement impliquées dans le contrôle neurologique du sommeil 1. Ce n’est bien sûr que coïncidence, mais certains composants du système nerveux central sont désignés par des métaphores elles aussi en lien, mais cette fois étymologique, avec le sommeil et ses attributs.

 

Une chambre à coucher : le thalamus

La plus ancienne monographie consacrée au thalamus est probablement la thèse de Sophus August Vilhelm Stein (1797-1868) soutenue à Copenhague en 1834 2. Bien que l’étymologie exacte du terme « thalamus » puisse être l’objet de quelques discussions 3, la référence à une « chambre à coucher », et même plus précisément à une « chambre nuptiale », fait quasiment l’unanimité. D’où, d’ailleurs, l’épithalame (terme rappelant cette région de l’encéphale dénommée épithalamus), poème ou chanson destiné à la célébration d’un mariage, comme par exemple celui rédigé en 1549 par Pierre de Ronsard (1524-1585) pour l’union d’Antoine de Bourbon et de Jeanne de Navarre 4.

  

219 Stein

Portrait de Sophus August Wilhelm Stein (1797-1868).

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Un lit : celui de la strie terminale

La strie terminale est la principale efférence du corps amygdalien. On lui décrit un lit — mais nous ignorons ce que ce terme recouvre exactement — puisqu’il existe un noyau du lit de la strie terminale, regroupement plus ou moins dense de neurones formé de trois portions : caudolatérale (à la face dorsale du complexe amygdalien), intermédiaire (le long de la strie terminale), et rostromédiale (à proximité de la commissure antérieure) 5.

 

Un oreiller : le pôle caudal du thalamus

Le terme « pulvinar » désigne le renflement du pôle caudal du thalamus. Il dérive du latin pulvinar, ou peut-être pulvinus, qui signifie oreiller ou coussin. C’est probablement le neuroanatomiste allemand Karl Friedrich Burdach (1776-1847) qui proposa cette métaphore en 1822 : « Hinten liegt das Polster, pulvinar » (en arrière [du thalamus] se trouve le coussin, pulvinar) 6.

 

Un somnifère au besoin : les artères carotides

Il fut constaté de longue date que la compression manuelle des artères carotides provoquait une perte de connaissance, parfois assimilée à un endormissement. D’où, semble-t-il, l’origine du terme « carotide » qui dériverait du grec karos (assoupissement, léthargie), allusion retrouvée également dans la notion de « coma carus » ou de stade III 7.

Dans son Dictionnaire anatomique de 1753, Pierre Tarin (1725-1761) confirme l’étymologie du terme « carotide » : « ainsi nommées [soporariae] de ce qu’on croyait autrefois que ces artères étaient le siège du sommeil » 8. Encore plus explicite, Joseph Hyrtl (1810-1894) énumère quelques anciens synonymes d’artère carotide : arteriae lethargicae, soporiferae, apoplecticae, et même « Schlaffader » (arteria somni), littéralement « artère du sommeil » 9, 10.

 

Vraiment tout pour bien dormir!

 

 

Notes

1 Aire  préoptique ventrolatérale et noyau préoptique médian (sommeil à ondes lentes), noyau pontique sublatérodorsal et substance grise péri-aqueducale ventrolatérale (mouvements oculaires rapides).

2 Stein S.A.W. (1834) De Thalamo et Origine Nervi Optici in Homine et Animalibus Vertebratis Dissertatio Anatomica. Hauniae, Typis Excudebat S. Trier.

3 Hyrtl J. (1880) Onomatologia anatomica. Geschichte und Kritik der anatomischen Sprache der Gegenwart, mit besonderer Berücksichtigung ihrer Barbarismen, Widersinnigkeiten, Tropen, und grammatikalischen Fehler. Wien, Wilhelm Braumüller, pp. 539-541.

4 Maggs B.D., Maggs E.U. (1926) Books printed in France and French books printed in other countries from 1470 to 1700 A.D. London, Catalogue Maggs Bros. No. 484, item 599, p. 298.

5 Nieuwenhuys R., Voogd J., van Huijzen C. (2008) The Human Central Nervous System. Berlin, Springer, 4th edition, pp. 414-415.

6 Burdach KF (1822) Vom Baue und Leben des Gehirns. Leipzig, In der Dyk’schen Buchhandlung, vol. 2, p. 117.

7 Mathé G., Richet G. (1981) Sémiologie médicale. Paris, Flammarion, 4ème édition, p. 857.

8 Tarin P. (1753) Dictionnaire anatomique. Paris, Briasson, p. 8.

9 Hyrtl J. (1880) Onomatologia anatomica. Geschichte und Kritik der anatomischen Sprache der Gegenwart, mit besonderer Berücksichtigung ihrer Barbarismen, Widersinnigkeiten, Tropen, und grammatikalischen Fehler. Wien, Wilhelm Braumüller, pp. 93-94.

10 Hyrtl J. (1884) Die alten deutschen Kunstworte der Anatomie. Wien, Wilhelm Braumüller, p. 182.

 

Suggestion de lecture

Olry R., Haines D.E. (2017) The sleeping brain : Extenuating circumstances of the Marquis de La Fayette on October 6, 1789. Journal of the History of the Neurosciences 26 : 224-227.

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