Département d'anatomie
Anecdotes anatomiques

Pantagruel et son scalpel

Regis   Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie 

On ne présente plus François Rabelais. Ou plutôt si, car l’immortel auteur de Gargantua, déjà reconnu comme moraliste, jurisconsulte, pédagogue, botaniste, philosophe, mathématicien, musicien, géomètre, astronome, peintre, et poète, avait ajouté une autre corde bien moins connue à son arc : celle d’anatomiste.

 

Du rosaire au scalpel

Fils de l’avocat de Chinon Antoine Rabelais, François naquit vers 1494, date qui, malheureusement restée approximative, « a désespéré des générations de critiques » 1. Moine novice au couvent de la Baumette des franciscains d’Angers, puis à celui de Puy-Saint-Martin des cordeliers de Fontenay-le-Comte, il obtint du pape Clément VII (1478-1534) l’autorisation d’être ensuite intégré aux bénédictins de Saint-Pierre de Maillezais. Délaissant alors le bréviaire pour les ouvrages de Galien, il s’inscrivit à la Faculté de médecine de Montpellier le 17 septembre 1530, étudia sous l’œil vigilant de Guillaume Rondelet (1507-1566) et de Jean Schyron (?-1556?), et fut reçu bachelier en médecine en à peine deux mois, alors que le programme nécessitait en général trois années de formation. Il alla ensuite se perfectionner dans diverses villes d’Europe (Lyon, Rome, Paris), et revint à Montpellier pour y passer les quatre examens per intentionem adipiscendi licentium 2 puis, huit jours après, les deux thèses nommées points rigoureux 3. Le 22 mai 1537, coiffé du bonnet noir à houppe cramoisie, Rabelais fit officiellement son entrée dans le corps médical 4. La mort, sans que l’on en connaisse la date précise — décidément une caractéristique rabelaisienne —, le frappa au cours du printemps 1553 5.

169 Rabelais

François Rabelais, peinture anonyme du XVIIème siècle

Musée national du Château et des Trianons

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Ses contributions à l’anatomie

François Rabelais a contribué à la publication de certains traités médicaux — il préface en 1532 le deuxième tome des Epistolarum medicinalium 6 du ferrarois Giovanni Manardi (1462-1536) —, mais c’est surtout comme créateur, avec l’éditeur Gryphe, de l’ancêtre du livre de poche qu’il marqua son empreinte dans la littérature médicale 7. Dans le domaine de l’anatomie, il ne fit pas de découvertes significative car, comme bien d’autres, il était « tributaire des connaissances de son siècle en matière d’anatomie et de physiologie » 8. C’est dans le domaine de l’originalité, et tout particulièrement dans la métaphore anatomique que Pierre Astruc l’honore d’un talent de « non-conformiste doué d’imagination créatrice » 9. Quelques exemples : il compare les vertèbres à des « cornemuses », le crâne à une « gibecière », les cartilages à une « tortue de garrigues », le diaphragme à un « bonnet à la cocarde », les crémasters à une « raquette », et les uretères à une « crémaillère », et bien d’autres encore que l’on retrouve, dans l’ouvrage d’Anatole-Félix Le Double 10, accompagnés d’illustrations explicatives. Imagination fertile mais probablement aussi volonté mnémotechnique avant l’heure.

 

Terminons par un des plus succulents hommages qui furent rendus à l’anatomiste François Rabelais. Lors d’un séjour à Lyon en 1537, celui-ci avait fait la dissection d’un pendu. Le poète et imprimeur Etienne Dolet (1509-1546) donna la parole à ce pendu qui pu ainsi se féliciter « du spectacle honorable et instructif auquel il a servi; lui qui était destiné à être le jouet et la pâture des corbeaux, il est exposé dans un amphithéâtre, entouré de personnages distingués, il est l’objet de l’attention générale, il est comblé d’honneur et de gloire » 11.

 

Notes

1 Diéguez M. de (1960) Rabelais par lui-même. Paris, « Écrivains de toujours », Éditions du Seuil, p. 26.

2 Quatre examens, à raison de un tous les deux jours, sur un sujet donné la veille.

3 Une sur une maladie, l’autre sur un aphorisme d’Hippocrate.

4 Astruc J. (1767) Mémoires pour servir à l’histoire de la Faculté de médecine de Montpellier. Paris, P.G. Cavelier, pp. 316-331.

5 Henry G. (1988) Rabelais. Paris, Librairie Académique Perrin, p. 277.

6 Mayrargues A. (1868) Rabelais. Étude sur le seizième siècle. Paris, L. Hachette et Cie, p. 38.

7 Il publia ainsi en format de poche l’Ars medicinalis de Galien ainsi que les quatre livres d’Hippocrate : les Aphorismes, les Praesagia, le Ratio Victus in morbis acutis et le De natura humana.

8 Fonvieille-Alquier F. (1970) Les géants. Rabelais. Paris, Paris-Match, Numéro culturel Hors-Série, p. 27.

9 Astruc P. (1953) Rabelais botaniste, anatomiste et physiologiste. Revue d’Histoire des Sciences 6 (3), p. 250.

10 Le Double A.-F. (1899) Rabelais anatomiste et physiologiste. Paris, Ernest Leroux, pp. 40, 45, 60, 65, 69 et 185 respectivement. Une illustration de l’organe et de sa métaphore se trouvent pour chaque définition.

11 Ibid., p. 12.

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