sirop

Charles-François Racot de Grandval
 
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AUX LECTEURS  
 
Si l'Histoire, Lecteur, du Roi Sirop-au-cul  
Par faute de bon sens n'a pas l'art de vous plaire?  
Sans rien précipiter goutez-en la matière,  
Et puis permis à vous d'en torcher votre cul.  
Mon but est d'amuser en voulant me distraire,  
Si c'est perdre mon tems, c'est du tems de perdu;  
 
AUX AUTEURS  
 
Par de grands mots sans fin, par des phrases obscures  
Aujourd'hui les Auteurs peignent le sentiment.  
Abjurant du bon sens les expressions pures,  
Le cœur de leur Héros leur sert de fondement.  
Si d'un grand Conquérant ils chantent la victoire,  
Il semble qu'à leurs vers ils doivent sa valeur.  
C'est au goût, au seul goût qu'il faut borner sa Gloire,  
L'humilité toujours fut l'écueil de l'erreur,  
De ces deux qualités je fais mon avantage,  
Et par-là mon succès est brillant, & certain;  
Si l'on ne fait sentir le but qu'on envisage,  
On rend alors son temps infructueux & vain.  
Que cet avis saillant vous serve de lumière,  
ICARE fendit l'air, ICARE fit le saut.  
Le cul de mon Héros m'a servi de matière;  
Auteurs à sentimens, ne montez pas plus haut.  
 
NOMS DES ACTEURS  
 
SIROP-AU-CUL ou SIROP-AU-CU, Roi de Merdenchine.  
ÉTRONIE, Amante de Sirop-au-Cul, Fille d'Étronius, Roi  
détrôné par Saligot, & réfugié à la Cour de Sirop-au-cul.  
CURIDÉ, Confidente d'Étronie.  
DÉGOUTANT, Capitaine des Gardes de Sirop-au-cul.  
MORVENBOUCHE, Confident de Sirop au-cul.  
MERDECOUR, Ambassadeur du Roi Saligot.  
PECORUS, SCAVANTINET, BARBARISME, ARTICHAUD,  
Médecins & grands du royaume.  
COULŒUVRE, Apoticaire.  
CHIANT-LIT, CUBRENEUX, GALENMAIN, NÉ-POURRI, GARDES.  
 
La scène se passe dans la Merdenchine au Palais de Sirop-au-cul.  
C'est de cette Ville d'où vient le muse.  
 
.../2
Mot Annotation
Charles-François Racot de Grandval
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AUX LECTEURS
Si l'Histoire, Lecteur, du Roi Sirop-au-cul
Par faute de bon sens n'a pas l'art de vous plaire?
Sans rien précipiter goutez-en la matière,
Et puis permis à vous d'en torcher votre cul.
Mon but est d'amuser en voulant me distraire,
Si c'est perdre mon tems, c'est du tems de perdu;
AUX AUTEURS
Par de grands mots sans fin, par des phrases obscures
Aujourd'hui les Auteurs peignent le sentiment.
Abjurant du bon sens les expressions pures,
Le cœur de leur Héros leur sert de fondement.
Si d'un grand Conquérant ils chantent la victoire,
Il semble qu'à leurs vers ils doivent sa valeur.
C'est au goût, au seul goût qu'il faut borner sa Gloire,
L'humilité toujours fut l'écueil de l'erreur,
De ces deux qualités je fais mon avantage,
Et par-là mon succès est brillant, & certain;
Si l'on ne fait sentir le but qu'on envisage,
On rend alors son temps infructueux & vain.
Que cet avis saillant vous serve de lumière,
ICARE fendit l'air, ICARE fit le saut.
Le cul de mon Héros m'a servi de matière;
Auteurs à sentimens, ne montez pas plus haut.
NOMS DES ACTEURS
SIROP-AU-CUL ou SIROP-AU-CU, Roi de
Merdenchine. jeu de mots assez clair…
ÉTRONIE, Le mot étron signifie crotte.
Amante de Sirop-au-Cul, Fille d'Étronius, Roi
détrôné par Saligot, & réfugié à la Cour de Sirop-au-cul.
CURIDÉ, jeu de mots assez clair…
Confidente d'Étronie.
DÉGOUTANT, Capitaine des Gardes de Sirop-au-cul.
MORVENBOUCHE, Confident de Sirop au-cul.
MERDECOUR, Ambassadeur du Roi Saligot.
PECORUS, SCAVANTINET, BARBARISME, ARTICHAUD,
Médecins & grands du royaume.
COULŒUVRE, Apoticaire.
CHIANT-LIT, jeu de mots assez clair.
CUBRENEUX, cul merdeux.

Du mot bren signifiant merde

GALENMAIN, qui a la gale, dont la peau est recouverte de croutes purulentes.
NÉ-POURRI, jeu de mots assez clair.
GARDES.
La scène se passe dans la Merdenchine au Palais de Sirop-au-cul.
C'est de cette Ville d'où vient le muse.
.../2
SIROP-AU-CUL
ou
L'HEUREUSE DÉLIVRANCE
Tragédie héroï-merdifique
 
ACTE PREMIER
 
SCENE PREMIERE
 
SIROP-AU-CUL, PECORUS, SÇAVANTINET, BARBARISME, ARTICHAUD, GARDES.  
 
En levant le rideau, on voit Sirop-au-cul sur une chaise percée,  
qui foire abondamment, il est habillé à la Romaine, mais sans culotte comme les Ecossois. Les quatre Médecins font le cercle assis autour du Roi.  
SIROP-AU-CUL
 
Sur sa chaise percée, & dont la chemise est toute embrenée.  
 
Ce n'est point, mes amis, en Héros téméraire, Qu'acceptant le Cartel d'une sanglante Guerre, J'ai fait voir la valeur de mon bras triomphant. Pour maintenir la paix chaque jour étouffant  
De trop justes raisons dont murmuroit ma flamme, Je feignois d'ignorer la honte d'une trâme,  
Dont le Roi Saligot en vil usurpateur.  
Prétendoit se noircir. Étronie en son cœur  
Allumant le flambeau d'un Amour fantastique,  
Ce Roi pour faire agir sa noire politique,  
Par le brillant de l'or couvrant ses attentats,  
Séduisoit mes sujets au sein de mes états,  
Et ne pouvant de gré posséder la Princesse,  
Il voulut par un rapt l'ôter à ma tendresse.  
 
Son Père détrôné par ce Prince inhumain,  
Triste jouet des Dieux vit la flamme à la main,  
En un jour malheureux renverser son Empire,  
Accablé sous le faix du plus cruel martyre,  
Étronius fuyant, trouva dans mes Etats,  
Un refuge assuré sous l'appui de mon bras.  
Vous sçavez de quels feux mon ame fut saisie :  
A l'éclat des attraits de sa fille Étrenie,  
Dont le cœur enflammé de la même vigueur,  
Consentit à l'hymen d'où dépend mon bonheur.  
Je touchois au plaisir ; le juste Ciel me l'ôte.  
 
Eh! qu'à bon droit on dit, il compte sans son hôte;  
J'ai compté sans le mien, Sirop-au-cul vainqueur,  
N'en éprouve pas moins le comble du malheur;  
Je viens de remporter une grande Victoire,  
Mais quels sont des Lauriers entés sur une foire !  
D'un Etat florissant à peine l'héritier,  
Je régne, je triomphe, & ne fais que chier.  
Je me sens distiler ainsi que la matière,  
Et sans votre art divin je ferme la paupiere.  
Sur vos heureux talens j'ose me rassurer.  
 
Ah! sans perdre de tems faites-les opérer.  
Vous avez, Pecorus, toute ma confiance,  
J'ai dans Sçavantinet un homme d'éloquence,  
Barbarisme lui seul a grand soin de mes dents,  
Et la cour, d'Artichaud, admire les talens.  
 
Ainsi quatre Docteurs pleins de sens & lumiére  
Vont sans doute arrêter ma farouche matiére ;  
Qui ne respectant point son Roi Sirop-au-cul,  
Ne couleroit pas mieux, s'il eût été vaincu.  
Mettez, s'il faut, vos nés pour boucher la goutière,  
Qui sans cesse coulant élargit mon derrière,  
A tel point que la mort me peut faire à vos yeux,  
Si Dieu n'y met la main, rejoindre mes ayeux.  
Employez de votre art le grave ministère.  
 
.../3
Mot Annotation
SIROP-AU-CUL
ou
L'HEUREUSE DÉLIVRANCE
Tragédie héroï-merdifique
ACTE PREMIER
SCENE PREMIERE
SIROP-AU-CUL, PECORUS, SÇAVANTINET, BARBARISME, ARTICHAUD,
GARDES.
En levant le rideau, on voit Sirop-au-cul sur une
chaise percée, une chaise percée, comme son nom l'indique, est une chaise comportant une ouverture sur le siège.

On en trouve des illustrations dans Wikipédia.

qui
foire foirer = évacuer des excréments liquides,
avoir la diahrrée.

Ancien français feire, du latin foria ''diarrhée''.

abondamment, il est habillé à la Romaine, mais sans culotte
comme les Ecossois.
Les quatre Médecins font le cercle assis autour
du Roi.
SIROP-AU-CUL
Sur sa chaise percée, & dont la chemise est toute
embrenée. souillée d'excréments, éclaboussée par la diarrhée.

bren = ancien nom du caca.

brenneux = merdeux.

Ce n'est point, mes amis, en Héros téméraire,
Qu'acceptant le Cartel d'une sanglante Guerre,
J'ai fait voir la valeur de mon bras triomphant.
Pour maintenir la paix chaque jour étouffant
De trop justes raisons dont murmuroit ma flamme,
Je feignois d'ignorer la honte d'une trâme,
Dont le Roi Saligot en vil usurpateur.
Prétendoit se noircir. Étronie en son cœur
Allumant le flambeau d'un Amour fantastique,
Ce Roi pour faire agir sa noire politique,
Par le brillant de l'or couvrant ses attentats,
Séduisoit mes sujets au sein de mes états,
Et ne pouvant de gré posséder la Princesse,
Il voulut par un rapt l'ôter à ma tendresse.
Son Père détrôné par ce Prince inhumain,
Triste jouet des Dieux vit la flamme à la main,
En un jour malheureux renverser son Empire,
Accablé sous le faix du plus cruel martyre,
Étronius fuyant, trouva dans mes Etats,
Un refuge assuré sous l'appui de mon bras.
Vous sçavez de quels feux mon ame fut saisie :
A l'éclat des attraits de sa fille Étrenie,
Dont le cœur enflammé de la même vigueur,
Consentit à l'hymen d'où dépend mon bonheur.
Je touchois au plaisir ; le juste Ciel me l'ôte.
Eh! qu'à bon droit on dit, il compte sans son hôte;
J'ai compté sans le mien, Sirop-au-cul vainqueur,
N'en éprouve pas moins le comble du malheur;
Je viens de remporter une grande Victoire,
Mais quels sont des Lauriers entés sur une foire !
D'un Etat florissant à peine l'héritier,
Je régne, je triomphe, & ne fais que chier.
Je me sens distiler ainsi que la matière,
Et sans votre art divin je ferme la paupiere.
Sur vos heureux talens j'ose me rassurer.
Ah! sans perdre de tems faites-les opérer.
Vous avez, Pecorus, toute ma confiance,
J'ai dans Sçavantinet un homme d'éloquence,
Barbarisme lui seul a grand soin de mes dents,
Et la cour, d'Artichaud, admire les talens.
Ainsi quatre Docteurs pleins de sens & lumiére
Vont sans doute arrêter ma farouche matiére ;
Qui ne respectant point son Roi Sirop-au-cul,
Ne couleroit pas mieux, s'il eût été vaincu.
Mettez, s'il faut, vos nés pour boucher la goutière,
Qui sans cesse coulant élargit mon derrière,
A tel point que la mort me peut faire à vos yeux,
Si Dieu n'y met la main, rejoindre mes ayeux.
Employez de votre art le grave ministère.
.../3
SÇAVANTINET
 
Nous allons à l'instant, Grand Roi, vous satisfaire.  
La volonté des Rois est un ordre des Dieux,  
Et toujours les Lauriers sont émanés des Cieux,  
Ils nous ont en ce jour accordé la victoire,  
Vous voilà triomphant, mais vous avez la foire. Quelle honte, Seigneur, si vous chiez toujours,  
Quel échec à l'État, à vous, à vos Amours.  
Votre mal est un traître, il faut que je le dise,  
Sçavantinet, Seigneur, vous parle avec franchise.  
Mais nous romprons le cours d'un destin si fatal ;  
Daignez nous détailler la source d'un tel mal.  
Pour votre guérison il faut nous en instruire.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Je ne puis sans rougir, mes amis, vous le dire,  
La crainte pour les Rois est un crime odieux,  
Et pour avoir tremblé je sens en ces bas lieux,  
 
(Portant la main à son derrière.)  
 
Qu'il est un Ciel vangeur, mais pourtant trop sévère,  
Et je dois le blâmer de chercher mon derrière.  
Il est vrai que c'est là que la peur me saisit,  
Et le trou de mon cul en devint si petit  
Que j'en crus à l'instant avoir perdu l'usage.  
Qui peut ne pas trembler à l'aspect du naufrage !  
J'étois bien résolu de braver le trépas,  
Mais la peur de mourir l'emporte en pareil cas,  
Et dans un même instant par un esset contraire  
Je resserrai le cul, & lâchai le derrière ;  
Le dernier prévalut , & sans cesse foirant  
Je vainquis tout foireux, & foire triomphant :  
Vous sentez de mon mal la source, & l'origine. –  
 
PECORUS
 
Si vous n'étiez foireux, vous en avez la mine.  
Et sans nous l'avoir dit nous l'aurions vû d'abord.  
Notre art à vous guérir , par un sublime effort  
Va vous manifester jusqu'où va sa puissance :  
C'est trop peu de sentir , il faut de l'évidence.  
Daignez donc, Grand Vainqueur , tourner votre Ponent,  
Et vous aurez dans peu quelque soulagement.  
 
(Sirop-au cul tourne le derrière , s'appuye sur  
sa chaise percée , on met le pot de chambre  
fort proprement sous lui , les quatre Médecins  
leurs lunettes sur le nez regardent attentivement,  
& de très près la matiére couler. Ce qui fait un coup  
de Théâtre très brillant. Après un assez  
grand intervalle de silence & d'attention...)  
 
.../4
Mot Annotation
SÇAVANTINET
Nous allons à l'instant, Grand Roi, vous satisfaire.
La volonté des Rois est un ordre des Dieux,
Et toujours les Lauriers sont émanés des Cieux,
Ils nous ont en ce jour accordé la victoire,
Vous voilà triomphant, mais vous avez
la foire. la foire = la diarrhée
Quelle honte, Seigneur, si vous chiez toujours,
Quel échec à l'État, à vous, à vos Amours.
Votre mal est un traître, il faut que je le dise,
Sçavantinet, Seigneur, vous parle avec franchise.
Mais nous romprons le cours d'un destin si fatal ;
Daignez nous détailler la source d'un tel mal.
Pour votre guérison il faut nous en instruire.
SIROP-AU-CUL
Je ne puis sans rougir, mes amis, vous le dire,
La crainte pour les Rois est un crime odieux,
Et pour avoir tremblé je sens en ces bas lieux,
(Portant la main à son derrière.)
Qu'il est un Ciel vangeur, mais pourtant trop sévère,
Et je dois le blâmer de chercher mon derrière.
Il est vrai que c'est là que la peur me saisit,
Et le trou de mon cul en devint si petit
Que j'en crus à l'instant avoir perdu l'usage.
Qui peut ne pas trembler à l'aspect du naufrage !
J'étois bien résolu de braver le trépas,
Mais la peur de mourir l'emporte en pareil cas,
Et dans un même instant par un esset contraire
Je resserrai le cul, & lâchai le derrière ;
Le dernier prévalut , & sans cesse foirant
Je vainquis tout foireux, & foire triomphant :
Vous sentez de mon mal la source, & l'origine. –
PECORUS
Si vous n'étiez foireux, vous en avez la mine.
Et sans nous l'avoir dit nous l'aurions vû d'abord.
Notre art à vous guérir , par un sublime effort
Va vous manifester jusqu'où va sa puissance :
C'est trop peu de sentir , il faut de l'évidence.
Daignez donc, Grand Vainqueur , tourner votre Ponent,
Et vous aurez dans peu quelque soulagement.
(Sirop-au cul tourne le derrière , s'appuye sur
sa chaise percée , on met le pot de chambre
fort proprement sous lui , les quatre Médecins
leurs lunettes sur le nez regardent attentivement,
& de très près la matiére couler. Ce qui fait un coup
de Théâtre très brillant. Après un assez
grand intervalle de silence & d'attention...)
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ARTICHAUD
 
J'apperçois un gluant à travèrs la matière,  
Qui dénote une humeur récalcitrante altiére....  
 
(Au Roi.)  
 
Nous pouvons à l'instant, Seigneur, vous l'arrêter,  
Mais il est dangereux de rien précipiter,  
Et je serois d'avis d'attendre une quinzaine.  
 
SIROP-AU-CUL
 
(se retournant avec impétuosité.)  
 
Que le Diable, Artichaud, mille fois vous entraîne,  
Si pour me soulager, il n'est un prompt effort,  
Dans une heure au plûtard Sirop-au-cul est mort.  
Si vous ne sentez rien, ce n'est pas de ma faute.  
 
BARBARISME
 
(Le Roi se remet à la même posture que ci-devant,  
les Médecins comme auparavant regardent  
attentivement la matière couler.)  
 
Sire, remettez-vous, nous remarquons dans Plaute,  
Que souvent le hazard, cet arbitraire du sort,  
Fait triompher le foible , & succomber le fort.  
Mais son secours ici nous seroit inutile.  
Il faut purger le sang, détacher cette bile,  
Qui se précipitant avec rapidité,  
Peut causer aux poulmons de la sérosité.  
Le mercure apprêté nous sera nécessaire  
Pour que dans l'intestin se cuise la matière,  
Car vous voyez qu'à cru ces glaires sont poussés  
 
(Sçavantinet laisse ici tomber ses lunettes  
dans le pot de chambre, Il les ramasse avec  
dextérité, les essuye proprement à sa cravate,  
& les remet sur son nez. Tout cela se fait en parlant.)  
 
SÇAVANTINET
 
Qu'en termes éloquents ces mots sont énoncés.  
On ne peut mieux parler que vous venez de faire;  
Mais pour rendre l'avis encore plus salutaire,  
Faisons ce qu'en tel cas ont fait tous nos Docteurs,  
 
(Les Médecins délayent avec leurs doigts la matière  
qui est dans le pot de chambre, & avec gravité  
la goûtent par trois fois.)  
 
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Mot Annotation
ARTICHAUD
J'apperçois un gluant à travèrs la matière,
Qui dénote une humeur récalcitrante altiére....
(Au Roi.)
Nous pouvons à l'instant, Seigneur, vous l'arrêter,
Mais il est dangereux de rien précipiter,
Et je serois d'avis d'attendre une quinzaine.
SIROP-AU-CUL
(se retournant avec impétuosité.)
Que le Diable, Artichaud, mille fois vous entraîne,
Si pour me soulager, il n'est un prompt effort,
Dans une heure au plûtard Sirop-au-cul est mort.
Si vous ne sentez rien, ce n'est pas de ma faute.
BARBARISME
(Le Roi se remet à la même posture que ci-devant,
les Médecins comme auparavant regardent
attentivement la matière couler.)
Sire, remettez-vous, nous remarquons dans Plaute,
Que souvent le hazard, cet arbitraire du sort,
Fait triompher le foible , & succomber le fort.
Mais son secours ici nous seroit inutile.
Il faut purger le sang, détacher cette bile,
Qui se précipitant avec rapidité,
Peut causer aux poulmons de la sérosité.
Le mercure apprêté nous sera nécessaire
Pour que dans l'intestin se cuise la matière,
Car vous voyez qu'à cru ces glaires sont poussés
(Sçavantinet laisse ici tomber ses lunettes
dans le pot de chambre, Il les ramasse avec
dextérité, les essuye proprement à sa cravate,
& les remet sur son nez. Tout cela se fait en parlant.)
SÇAVANTINET
Qu'en termes éloquents ces mots sont énoncés.
On ne peut mieux parler que vous venez de faire;
Mais pour rendre l'avis encore plus salutaire,
Faisons ce qu'en tel cas ont fait tous nos Docteurs,
(Les Médecins délayent avec leurs doigts la matière
qui est dans le pot de chambre, & avec gravité
la goûtent par trois fois.)
.../5
SÇAVANTINET
 
(au Roi qui se remet sur sa chaise.)  
 
Que votre cul Royal, Sire, appaise ses pleurs; Un heureux dénoûment va finir le mistère , Nous n'avons plus besoin que d'un Apotiquaire; Il va vous apporter nos verjus, nos sirops  
Et le mal partira bientôt, ad inferos.  
 
(Les Médecins sortent,)  
 
SCENE II
 
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE (Qui entre).
 
SIROP-AU-CUL
 
Morvenbouche, parlez, d'où me vient la victoire  
Qui signale en ce jour ma valeur & ma gloire ?  
A qui dois-je le fruit de ce sang répandu  
Qui couvre de Lauriers le grand Sirop-au-cul ?  
Car, si j'en sçais un mot, que le Diable m'emporte.  
 
MORVENBOUCHE
 
D'abord à vous servir mon ardeur fut si forte,  
Que ne connoissant plus ni périls ni tourmens,  
Je piquai mon cheval qui prit le mors aux dents.  
Ah, qu'il s'est signalé ! qu'il a bien fait connoître  
La valeur d'un sujet qui combat pour son maître.  
On auroit dit qu'un Dieu guidoit cet animal.  
(Qu'un instant fut, hélas, à Saligot fatal ! )  
Inéxorable aux cris, poursuivant sa carrière,  
Il abbat l'ennemi, le couvre de poussière ;  
Saligot veut en vain rappeller ses soldats :  
La peur saisit les uns, & de leur propre bras,  
Les autres aveuglés, se renversent par terre.  
Mon cheval animé d'une juste colere  
A travers l'Ennemi retraverse le Camp  
Qui devint & d'horreur, & de carnage un champ  
Si triste à l'Ennemi, pour vous si plein de gloire  
Que mon cheval lui seul mérite la Victoire.  
A la fin mon cheval n'eut plus le mors aux dents,  
Et le combat finit, faute de combattans.  
SIROP-AU-CUL
 
Le hazard va plus loin souvent que la prudence.  
Mais le Ciel fait toujours briller sa providence.  
Vous êtes le Héros que portoit l'animal  
Et je vous dois le prix qu'a gagné le cheval.  
Les Dieux dans leurs desseins sont tous impénétrables !  
Eh ! qu'importe à quel bras nous soyons redevables !  
Les Prodiges jamais n'appartiennent qu'aux Dieux,  
Et grâce à leur faveur je suis victorieux.  
Tu recevras le prix qu'on doit à la vaillance,  
Et désormais en toi je mets ma confiance.  
Le premier soin des Rois est de récompenser.  
 
.../6
Mot Annotation
SÇAVANTINET
(au Roi qui se remet sur sa chaise.)
Que votre cul Royal, Sire, appaise ses pleurs;
Un heureux dénoûment va finir le mistère ,
Nous n'avons plus besoin que d'un Apotiquaire;
Il va vous apporter nos
verjus, Le verjus est le jus acide extrait des raisins n'ayant pas mûri (dits aussi raisins verts).

Il peut remplacer le jus de citron ou le vinaigre dans les vinaigrettes, les moutardes, dans la préparation des plats de viande ou de poisson et, dans la préparation de sauces.

nos sirops
Et le mal partira bientôt,
ad inferos. en totalité, du ciel aux enfers…

Cuius est solum eius est usque ad coelum et ad inferos

Qui que ce soit qui possède le sol, le possède du ciel aux enfers.

(Les Médecins sortent,)
SCENE II
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE (Qui entre).
SIROP-AU-CUL
Morvenbouche, parlez, d'où me vient la victoire
Qui signale en ce jour ma valeur & ma gloire ?
A qui dois-je le fruit de ce sang répandu
Qui couvre de Lauriers le grand Sirop-au-cul ?
Car, si j'en sçais un mot, que le Diable m'emporte.
MORVENBOUCHE
D'abord à vous servir mon ardeur fut si forte,
Que ne connoissant plus ni périls ni tourmens,
Je piquai mon cheval qui prit le mors aux dents.
Ah, qu'il s'est signalé ! qu'il a bien fait connoître
La valeur d'un sujet qui combat pour son maître.
On auroit dit qu'un Dieu guidoit cet animal.
(Qu'un instant fut, hélas, à Saligot fatal ! )
Inéxorable aux cris, poursuivant sa carrière,
Il abbat l'ennemi, le couvre de poussière ;
Saligot veut en vain rappeller ses soldats :
La peur saisit les uns, & de leur propre bras,
Les autres aveuglés, se renversent par terre.
Mon cheval animé d'une juste colere
A travers l'Ennemi retraverse le Camp
Qui devint & d'horreur, & de carnage un champ
Si triste à l'Ennemi, pour vous si plein de gloire
Que mon cheval lui seul mérite la Victoire.
A la fin mon cheval n'eut plus le mors aux dents,
Et le combat finit, faute de combattans. Citation tirée de la tragi-comédie de Corneille, Le Cid, Acte IV, Scène 3, (1637).
SIROP-AU-CUL
Le hazard va plus loin souvent que la prudence. Citation tirée de la tragédie de Voltaire, Mérope, Acte IV, Scène I, (1743).
Mais le Ciel fait toujours briller sa providence.
Vous êtes le Héros que portoit l'animal
Et je vous dois le prix qu'a gagné le cheval.
Les Dieux dans leurs desseins sont tous impénétrables !
Eh ! qu'importe à quel bras nous soyons redevables !
Les Prodiges jamais n'appartiennent qu'aux Dieux,
Et grâce à leur faveur je suis victorieux.
Tu recevras le prix qu'on doit à la vaillance,
Et désormais en toi je mets ma confiance.
Le premier soin des Rois est de récompenser.
.../6
MORVENBOUCHE
 
Vous êtes dans l'erreur, c'est trop vous abuser,  
Sire, jamais poltron n'aura frayeur plus forte ;  
Mon cheval m'emporta, mon cheval me rapporte ;  
Morvenbouche sans lui n'eût-jamais reparu.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Qu'entens-je, juste Ciel ! l'ai-je bien entendu ? Ce que tu me dis là peut-il être croyable ?  
 
MORVENBOUCHE
 
Pardonnez-moi, grand Roi, j'eus une peur de Diable.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Peut-on trembler si fort sans faire le plongeon ?  
 
MORVENBOUCHE
 
" Je me tenois, Seigneur, presqu'aussi droit qu'un jon. Sire, un bon Ecuyer ne tombe point par terre ; Mais il falloit un cul aussi dur qu'une pierre  
Pour ne pas sucomber en un pareil assaut.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Morvenbouche, mon cul plus que le tien eut chaud. Va, ma timidité sert d'excuse à la tienne.  
 
MORVENBOUCHE
 
(avec surprise, & chaleur)  
 
Sire, vous m'annoncez une fâcheuse antienne  
Je croyois qu'un grand Roi ne dût jamais trembler.  
Ah ! quels remords pour vous me viennent accabler !  
De quel œil voulez-vous que l'Univers contemple  
Un Roi dont la valeur lui doit servir d'exemple ?  
 
SIROP-AU-CUL
 
Vos fureurs ne sont pas une régle pour moi,  
Vous parlez en soldats, je dois agir en Roi.  
On punit un sujet qui fait le petit maître,  
Que la crainte saisit,& qui n'est plus qu'un traître.  
Mais un Roi que le Ciel rend digne de ce rang  
Pere de la patrie, il tremble pour son sang.  
Eh, pour qui bien souvent frissonne-t-il dans l'ame !  
Pour des sujets ingrats que l'intérêt enflâme,  
Qui laisseroient passer l'Etat en d'autres mains,  
S'ils ne combattoient pas pour leurs propres destins.  
Morvenbouche, apprenez cette sage maxime,  
Il est dans la frayeur une vertu sublime ;  
Il faut pour mettre un frein à la témérité  
Prendre avis à propos de la timidité.  
Charles XII eût été le second Alexandre  
S'il eût, tremblant un peu, voulu moins entre prendre.  
Sçachez mettre à profit cet avis important,  
Et me laissez en paix entendre Dégoutant.  
 
.../7
Mot Annotation
MORVENBOUCHE
Vous êtes dans l'erreur, c'est trop vous abuser,
Sire, jamais poltron n'aura frayeur plus forte ;
Mon cheval m'emporta, mon cheval me rapporte ;
Morvenbouche sans lui n'eût-jamais reparu.
SIROP-AU-CUL
Qu'entens-je, juste Ciel ! l'ai-je bien entendu ?
Ce que tu me dis là peut-il être croyable ?
MORVENBOUCHE
Pardonnez-moi, grand Roi, j'eus une peur de Diable.
SIROP-AU-CUL
Peut-on trembler si fort sans faire le plongeon ?
MORVENBOUCHE
" Je me tenois, Seigneur, presqu'aussi droit qu'un jon.
Sire, un bon Ecuyer ne tombe point par terre ;
Mais il falloit un cul aussi dur qu'une pierre
Pour ne pas sucomber en un pareil assaut.
SIROP-AU-CUL
Morvenbouche, mon cul plus que le tien eut chaud.
Va, ma timidité sert d'excuse à la tienne.
MORVENBOUCHE
(avec surprise, & chaleur)
Sire, vous m'annoncez une fâcheuse antienne
Je croyois qu'un grand Roi ne dût jamais trembler.
Ah ! quels remords pour vous me viennent accabler !
De quel œil voulez-vous que l'Univers contemple
Un Roi dont la valeur lui doit servir d'exemple ?
SIROP-AU-CUL
Vos fureurs ne sont pas une régle pour moi,
Vous parlez en soldats, je dois agir en Roi.
On punit un sujet qui fait le petit maître,
Que la crainte saisit,& qui n'est plus qu'un traître.
Mais un Roi que le Ciel rend digne de ce rang
Pere de la patrie, il tremble pour son sang.
Eh, pour qui bien souvent frissonne-t-il dans l'ame !
Pour des sujets ingrats que l'intérêt enflâme,
Qui laisseroient passer l'Etat en d'autres mains,
S'ils ne combattoient pas pour leurs propres destins.
Morvenbouche, apprenez cette sage maxime,
Il est dans la frayeur une vertu sublime ;
Il faut pour mettre un frein à la témérité
Prendre avis à propos de la timidité.
Charles XII Apprenez qui était Charles XII.
eût été le second
Alexandre Apprenez qui était Alexandre.
S'il eût, tremblant un peu, voulu moins entre prendre.
Sçachez mettre à profit cet avis important,
Et me laissez en paix entendre Dégoutant.
.../7
SCENE III
 
SIROP-AU-CUL, DEGOUTANT
 
(Qui entre avec tant de précipitation que  
le Roi se leve, & se préte par là à la situation  
de se laisser baiser le derrière.)  
 
DEGOUTANT
 
AH! Seigneur, pénétré d'une allégresse entiere.  
Souffrez que mille fois, j'embrasse ce derrière  
Où du Ciel à nos yeux éclatent les faveurs,  
Et qui sera l'Autel où désormais nos cœurs  
Viendront en holocauste offrir au Diadême .  
Nos vœux pour un Héros qu'on respecte & qu'on aime.  
 
(En prenant le pot de chambre.)  
 
Ô Jus trois fois divin, qui faites le bonheur  
D'un Peuple triomphant, d'un Roi plein de valeur !  
C'est à vous que mon nez rend un sincere hommage.  
 
(Il remet le pot de chambre.)  
 
Oui, Seigneur, apprenez le brillant avantage  
Que l'Etat a reçu de votre cul foirant.  
Dès le premier signal il fut en mouvement.  
 
Vous fites aussitôt, Grand Roi, peter la bombe,  
Qui fut de l'ennemi la défaite, & la tombe.  
Les Dieux font triompher le Mortel à leur choix !  
Vous me dites alors du ton sacré des Rois :  
 
Ah! mon cher Dégoûtant, soutiens-moi, j'ai la foire.  
Qui l'eût crû ? quel fût le sceau de la victoire  
Sans votre foire, hélas, l'Etat étoit perdu,  
Car c'étoit perdre tout, perdant Sirop au-cul.  
Vous savez qu'à l'instant on nous livre bataille,  
Moi-même je vous mis derrière une muraille ;  
Vous faisiez pour chier de louables efforts,  
Mais le bruit des Canons en causa de si forts  
Que le mur écroula ; votre auguste Personne  
Ne pouvant reculer, jure, fulmine, tonne.  
J'admirai dans l'instant, ô prodige des Cieux,  
Que vous ne reculez que pour en sauter mieux.  
Dans le même moment oubliant votre foire,  
Vous courutes au champ où vous guidoit la gloire,  
Mon intrépidité veut y suivre son Roi,  
Je vous vois aussitôt à deux cent pas de moi,  
Et pour comble d'horreur en cet instant terrible  
Mon cheval abbatu vous rendit invisible.  
 
Je reprens un relais, je cours comme un démon,  
Et St-George cent fois plus que moi, rodomon  
N'eût fait en ce moment que de l'eau toute claire.  
Qui prétend m'arrêter est renversé par terre :  
 
Je ne pus retrouver la trace de vos pas.  
J'appris avec effroi par un gros de Soldats,  
Que sans de prompts secours pour vous auxiliaires,  
Vous étiez menacé d'avoir les étrivieres.  
Ma prudence à l'instant signala ma valeur,  
Et me fit seconder ma trop juste fureur.  
 
Chiant-lit le premier m'apporta la nouvelle  
Qui fit donner l'essor à mon généreux zele.  
Cubreneux découvrit la foire de son Roi,  
Galenmain côtoya la route sans effroi,  
Et ce fut Né-pourri qui d'un recit sincere  
Me dit que Saligot écumant de colere  
Instruit que tout foireux vous étiez dans son camp,  
Jugeant que vous auriez du secours sur le champ,  
Pour arrêter l'effet de cette prévoyance  
Avoit adroitement, (je fremis quand j'y pense !)  
Sur vos traces placé des dogues affamés  
Qui fumant de carnage, à la proye animés  
Devoient par cette ruse effacer le passage  
Où j'ai fait succomber sa dangereuse rage :  
Car un Dieu qui vouloit éterniser nos noms  
Y fit au même instant croître des champignons,  
Qui nous guidant tout droit vers la Tête sacrée,  
A notre noble ardeur servirent de trophée.  
 
Il étoit temps, ma foi, Saligot nous tenoit,  
Et pour vous étouffer ce Roi vous embrassoit.  
Ce fut là que l'on vit une terrible affaire !  
Alternativement nous nous jettons par terre,  
contre moi tourne alors sa fureur,  
Et d'un ton menaçant me dit avec aigreur,  
Les Dieux te puniront si tu poursuis la gloire ;  
 
Et moi je lui réponds, certain de la victoire,  
S'ils demandent mon sang, ils le verront couler :  
Mais la brêche est l'autel où l'on doit m'immoler.  
Je le frappe aussi-tôt, il tombe à la renverse,  
Intrépide je cours, je vôle, je m'empresse, :  
Et faisant le devoir d'un sujet, d'un ami,  
La victoire éveilla mon Prince évanoui ,  
Que peu s'en est fallu que Saligot lui-même  
Ne devînt l'instrument de ma valeur extrême  
Car le tems que je mis , Sire, à vous secourir  
Fit seul que de vos fers je ne pûs le couvrir ,  
La fuite lui devint un secours nécessaire,  
Et les Dieux ont pris soin de terminer l'affaire.  
 
…/8
Mot Annotation
SCENE III
SIROP-AU-CUL, DEGOUTANT
(Qui entre avec tant de précipitation que
le Roi se leve, & se préte par là à la situation
de se laisser baiser le derrière.)
DEGOUTANT
AH! Seigneur, pénétré d'une allégresse entiere.
Souffrez que mille fois, j'embrasse ce derrière
Où du Ciel à nos yeux éclatent les faveurs,
Et qui sera l'Autel où désormais nos cœurs
Viendront en holocauste offrir au Diadême .
Nos vœux pour un Héros qu'on respecte & qu'on aime.
(En prenant le pot de chambre.)
Ô Jus trois fois divin, qui faites le bonheur
D'un Peuple triomphant, d'un Roi plein de valeur !
C'est à vous que mon nez rend un sincere hommage.
(Il remet le pot de chambre.)
Oui, Seigneur, apprenez le brillant avantage
Que l'Etat a reçu de votre cul foirant.
Dès le premier signal il fut en mouvement.
Vous fites aussitôt, Grand Roi, peter la bombe,
Qui fut de l'ennemi la défaite, & la tombe.
Les Dieux font triompher le Mortel à leur choix !
Vous me dites alors
du ton sacré des Rois :
Ah! mon cher Dégoûtant, soutiens-moi, j'ai la foire.
Qui l'eût crû ? quel fût le sceau de la victoire
Sans votre foire, hélas, l'Etat étoit perdu,
Car c'étoit perdre tout, perdant Sirop au-cul.
Vous savez qu'à l'instant on nous livre bataille,
Moi-même je vous mis derrière une muraille ;
Vous faisiez pour chier de louables efforts,
Mais le bruit des Canons en causa de si forts
Que le mur écroula ; votre auguste Personne
Ne pouvant reculer, jure, fulmine, tonne.
J'admirai dans l'instant, ô prodige des Cieux,
Que vous ne reculez que pour en sauter mieux.
Dans le même moment oubliant votre foire,
Vous courutes au champ où vous guidoit la gloire,
Mon intrépidité veut y suivre son Roi,
Je vous vois aussitôt à deux cent pas de moi,
Et pour comble d'horreur en cet instant terrible
Mon cheval abbatu vous rendit invisible.
Je reprens un relais, je cours comme un démon,
Et St-George cent fois plus que moi,
rodomon Rodomont, Personnage fanfaron et hautain, homme qui se vante de prétendus actes de bravoure.

De l'ital. Rodomonte, n. d'un roi d'Alger courageux mais fier et insolent, personnage de l'Orlando innamorato de Boiardo, poème épique écrit de 1476 à 1492, puis de l'Orlando furioso de l'Arioste, continuation de l'œuvre de Boiardo écrite de 1506 à 1532

N'eût fait en ce moment que de l'eau toute claire.
Qui prétend m'arrêter est renversé par terre :
Je ne pus retrouver la trace de vos pas.
J'appris avec effroi par un gros de Soldats,
Que sans de prompts secours pour vous auxiliaires,
Vous étiez menacé d'avoir les étrivieres.
Ma prudence à l'instant signala ma valeur,
Et me fit seconder ma trop juste fureur.
Chiant-lit le premier m'apporta la nouvelle
Qui fit donner l'essor à mon généreux zele.
Cubreneux découvrit la foire de son Roi,
Galenmain côtoya la route sans effroi,
Et ce fut Né-pourri qui d'un recit sincere
Me dit que Saligot écumant de colere
Instruit que tout foireux vous étiez dans son camp,
Jugeant que vous auriez du secours sur le champ,
Pour arrêter l'effet de cette prévoyance
Avoit adroitement, (je fremis quand j'y pense !)
Sur vos traces placé des dogues affamés
Qui fumant de carnage, à la proye animés
Devoient par cette ruse effacer le passage
Où j'ai fait succomber sa dangereuse rage :
Car un Dieu qui vouloit éterniser nos noms
Y fit au même instant croître des champignons,
Qui nous guidant tout droit vers la Tête sacrée,
A notre noble ardeur servirent de trophée.
Il étoit temps, ma foi, Saligot nous tenoit,
Et pour vous étouffer ce Roi vous embrassoit.
Ce fut là que l'on vit une terrible affaire !
Alternativement nous nous jettons par terre,
contre moi tourne alors sa fureur,
Et d'un ton menaçant me dit avec aigreur,
Les Dieux te puniront si tu poursuis la gloire ;
Et moi je lui réponds, certain de la victoire,
S'ils demandent mon sang, ils le verront couler :
Mais la brêche est l'autel où l'on doit m'immoler.
Je le frappe aussi-tôt, il tombe à la renverse,
Intrépide je cours, je vôle, je m'empresse, :
Et faisant le devoir d'un sujet, d'un ami,
La victoire éveilla mon Prince évanoui ,
Que peu s'en est fallu que Saligot lui-même
Ne devînt l'instrument de ma valeur extrême
Car le tems que je mis , Sire, à vous secourir
Fit seul que de vos fers je ne pûs le couvrir ,
La fuite lui devint un secours nécessaire,
Et les Dieux ont pris soin de terminer l'affaire.
…/8
SIROP-AU-CUL
 
C'est assez, Dégoûtant, je te fais mon égal.  
Ton récit adoucit la moitié de mon mal.  
Vous, Gardes, approchez, recevez vos salaires;  
Et si mon mal au cul ne me cause la mort  
Votre Roi vous fera bientôt uu autre sort.  
 
(A Dégoûtant.)  
 
J'attens mes Medecins & mon Apotiquaire :  
Qu'il plaise aux Immortels de guérir mon derrière:  
La Princesse languit de son brûlant amour,  
Et de ma guérison elle attend l'heureux jour....  
Mais tu ne me dis pas comment va ton ulcére ?  
 
DEGOUTANT
 
Il est crevé, Seigneur, dans le fort de la guerre.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Quelqu'ulcére sans doute est crevé dans mon corps.  
Car j'y sens à coup sûr de violents transports.  
Allons prier les Dieux d'appaiser cette crise,  
Et j'irai, s'il leur plaît, mettre une autre  
 
Fin du premier acte
 
ACTE II
 
SCENE PREMIÈRE
 
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, DEGOUTANT, GARDES.  
 
(Sirop-au-cul entre la main sur son derrière comme  
pour se retenir jusqu'à ce qu'il soit sur le pot de chambre,  
et & ne laisse pas d'embrener le Théâtre.)  
 
SIROP-AU-CUL, (sur sa chaise percée)
 
Je crains que de l'État le suprême bonheur  
Ne soit pour votre Roi le comble du malheur.  
Les Dieux font fait ainsi ! pour nous leur providence.  
Puise en l'obscurité sa divine existence ;  
L'oracle a pourtant dit qu'un heureux dénoûment  
De l'Univers entier feroit l'étonnement,  
Et je sens redoubler du mal la violence.  
Éprouvons des Docteurs la profonde science.  
Eh ! que me serviroit l'honneur d'avoir vaincu  
S'il falloit au tombeau mettre Sirop-au cul.  
Il est beau de régner, mais il est beau de vivre  
vivre : La gloire du trépas dont un Héros s'enyvre  
À l'exemple des Dieux doit animer les Rois :  
Si comme eux immortels ils revivoient deux fois.  
D'ailleurs un beau trépas n'est jamais qu'à la Guerre.  
Que me diroient les morts d'être mort du derrière ?  
Je veux quand je mourrai, braver en vrai ſoldat  
Les périls attachés au salut de l'État.  
 
(à un Garde. )  
 
Faites entrer les Grands, & mon Apoticaire,  
Je prévois que mon mal a besoin de clistere ;  
C'est languir trop longtemps en ces tourmens affreux,  
Si je ne suis guéri, j'en jure, c'est fait d'eux.  
 
.../9
Mot Annotation
SIROP-AU-CUL
C'est assez, Dégoûtant, je te fais mon égal.
Ton récit adoucit la moitié de mon mal.
Vous, Gardes, approchez, recevez vos salaires;
Et si mon mal au cul ne me cause la mort
Votre Roi vous fera bientôt uu autre sort.
(A Dégoûtant.)
J'attens mes Medecins & mon Apotiquaire :
Qu'il plaise aux Immortels de guérir mon derrière:
La Princesse languit de son brûlant amour,
Et de ma guérison elle attend l'heureux jour....
Mais tu ne me dis pas comment va ton ulcére ?
DEGOUTANT
Il est crevé, Seigneur, dans le fort de la guerre.
SIROP-AU-CUL
Quelqu'ulcére sans doute est crevé dans mon corps.
Car j'y sens à coup sûr de violents transports.
Allons prier les Dieux d'appaiser cette crise,
Et j'irai, s'il leur plaît, mettre une autre
Fin du premier acte
ACTE II
SCENE PREMIÈRE
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, DEGOUTANT, GARDES.
(Sirop-au-cul entre la main sur son derrière comme
pour se retenir jusqu'à ce qu'il soit sur le pot de chambre,
et & ne laisse pas
d'embrener répandre de la merde
le Théâtre.)
SIROP-AU-CUL,
(sur sa chaise percée)
Je crains que de l'État le suprême bonheur
Ne soit pour votre Roi le comble du malheur.
Les Dieux font fait ainsi ! pour nous leur providence.
Puise en l'obscurité sa divine existence ;
L'oracle a pourtant dit qu'un heureux dénoûment
De l'Univers entier feroit l'étonnement,
Et je sens redoubler du mal la violence.
Éprouvons des Docteurs la profonde science.
Eh ! que me serviroit l'honneur d'avoir vaincu
S'il falloit au tombeau mettre Sirop-au cul.
Il est beau de régner, mais il est beau de vivre
vivre : La gloire du trépas dont un Héros s'enyvre
À l'exemple des Dieux doit animer les Rois :
Si comme eux immortels ils revivoient deux fois.
D'ailleurs un beau trépas n'est jamais qu'à la Guerre.
Que me diroient les morts d'être mort du derrière ?
Je veux quand je mourrai, braver en vrai ſoldat
Les périls attachés au salut de l'État.
(à un Garde. )
Faites entrer les Grands, & mon Apoticaire,
Je prévois que mon mal a besoin de clistere ;
C'est languir trop longtemps en ces tourmens affreux,
Si je ne suis guéri, j'en jure, c'est fait d'eux.
.../9
SCENE II
 
LES QUATRE MEDECINS  
 
COULŒUVRE (la seringue en main.)  
 
( Les Acteurs précèdents)  
 
(Deux petits valets apportent un réchaud  
avec un poëlon d'eau qui chaufe,  
et quantité de bouteilles.)  
 
SIROP-AU-CUL
 
Je vais donc, mes amis, éprouver un chef-d'œuvre ;  
Avec dextérité gouvernez-moi, Coulœuvre.  
J'aime à vous contempler l'instrument en vos mains ;  
Vous êtes un Héros l'effroi des culs humains ;  
Mais soit votre grand art , votre esprit, ou vos  
Je sens déjà le mien prêt à vous rendre graces.  
Voyez, examinez, allons, qu'attendez-vous ?  
 
COULŒUVRE
 
J'attens l'ordre, Seigneur, pour me mettre à genoux.  
 
(en montrant les Docteurs.)  
 
Voilà mes souverains que leur bouche prononce.  
 
BARBARISME
 
Coulœuvre, taisez-vous, voilà notre réponse;  
Faites chauffer vos eaux sans scandale, sans bruit,  
Le tems, en bavardant, se passe, & l'heure fuit.  
 
(au Roi.)  
 
Nous avons réfléchi sur votre maladie,  
Et la source du mal est à fond définie.  
De pere en fils, Seigneur, nous connoissons vos culs,  
Et nous avons jugé, en faisant nos calculs,  
Que ce mal vient un peu de votre négligence.  
Il ne s'est vû jamais autant d'extravagance.  
Qu'a produit votre cul & ceux de vos ayeux !  
Sans relâche occupans & nos nez & nos yeux  
Ils ne pouvoient chier, & vous foirez sans cesse.  
Ces dèux extrémités nous mettent en détresse.  
Nous vous estimons fort,Grand Roi Sirop-au-cul,  
Mais si l'on m'en croyoit, on vous coudroit le cul.  
C'est, pour vous bien guérir, l'infaillible reméde. –  
 
SIROP-AU-CUL
 
Si c'est là votre avis, le Ciel me soit en aide,  
Jamais le cul du Roi ne se verra cousu,  
Et j'aimerois plutôt que tu fusses pendu...  
Artichaud, prononcez,  
 
ARTICHAUD
 
Je pense le contraire.  
Je voudrois vous ouvrir encore plus le derrière,  
Quand tout seroit sorti, vous n'auriez plus de mal,  
Et votre cul pour nous ne seroit plus bannal.  
 
SIROP-AU-CUL
 
En vous faisant tous deux jetter par la fenêtre  
Voulez-vous éprouver que je suis votre maître?  
Comme Roi cependant je retiens mon couroux ;  
Mais vous, cher Pecorus, dites, qu'en pensez-vous ?  
 
.../10
Mot Annotation
SCENE II
LES QUATRE MEDECINS
COULŒUVRE
(la seringue en main.)
( Les Acteurs précèdents)
(Deux petits valets apportent un réchaud
avec un poëlon d'eau qui chaufe,
et quantité de bouteilles.)
SIROP-AU-CUL
Je vais donc, mes amis, éprouver un chef-d'œuvre ;
Avec dextérité gouvernez-moi, Coulœuvre.
J'aime à vous contempler l'instrument en vos mains ;
Vous êtes un Héros l'effroi des culs humains ;
Mais soit votre grand art , votre esprit, ou vos
Je sens déjà le mien prêt à vous rendre graces.
Voyez, examinez, allons, qu'attendez-vous ?
COULŒUVRE
J'attens l'ordre, Seigneur, pour me mettre à genoux.
(en montrant les Docteurs.)
Voilà mes souverains que leur bouche prononce.
BARBARISME
Coulœuvre, taisez-vous, voilà notre réponse;
Faites chauffer vos eaux sans scandale, sans bruit,
Le tems, en bavardant, se passe, & l'heure fuit.
(au Roi.)
Nous avons réfléchi sur votre maladie,
Et la source du mal est à fond définie.
De pere en fils, Seigneur, nous connoissons vos culs,
Et nous avons jugé, en faisant nos calculs,
Que ce mal vient un peu de votre négligence.
Il ne s'est vû jamais autant d'extravagance.
Qu'a produit votre cul & ceux de vos ayeux !
Sans relâche occupans & nos nez & nos yeux
Ils ne pouvoient chier, & vous foirez sans cesse.
Ces dèux extrémités nous mettent en détresse.
Nous vous estimons fort,Grand Roi Sirop-au-cul,
Mais si l'on m'en croyoit, on vous coudroit le cul.
C'est, pour vous bien guérir, l'infaillible reméde. –
SIROP-AU-CUL
Si c'est là votre avis, le Ciel me soit en aide,
Jamais le cul du Roi ne se verra cousu,
Et j'aimerois plutôt que tu fusses pendu...
Artichaud, prononcez,
ARTICHAUD
Je pense le contraire.
Je voudrois vous ouvrir encore plus le derrière,
Quand tout seroit sorti, vous n'auriez plus de mal,
Et votre cul pour nous ne seroit plus bannal.
SIROP-AU-CUL
En vous faisant tous deux jetter par la fenêtre
Voulez-vous éprouver que je suis votre maître?
Comme Roi cependant je retiens mon couroux ;
Mais vous, cher Pecorus, dites, qu'en pensez-vous ?
.../10
DECORUS
 
Qu'ils parlent sans bon sens, sans goût , & sans lumière !  
A-t-on jamais d'un Roi vû coudre le derrière ;  
Ce seroit enfermer les Brebis & le Loup,  
Et vous porter, Seigneur, un trop sensible coup.  
Cicatriser le trou de ce foireux derrière  
Choqueroit le bon sens, & la nature entière.  
Votre foire est de peur une digestion.  
Et du Ciel en courroux une punition.  
C'est à nous que les Dieux ont commis la puissance  
D'apporter per malum malo de l'indulgence,  
Ainsi pour vous guérir réfutant leurs avis,  
A mes décisions, Grand Roi, soyez soumis ;  
Sur le bout de mes doigts je sçais la Médecine :  
Toujours il faut du mal aller à la racine :  
Votre cul entêté distillera toujours  
Si mes avis suivis n'en arrêtent le cours.  
Notre adresse, & notre art à vous ouvrir le ventre,  
 
(Le Roi fait ici des contorsions de rage épouventables)  
 
Doit nous montrer du mal & la source, & le centre  
Vos boyaux par nos mains ratissés proprement  
Seront mis à vos yeux dans un bassin d'argent,  
Et pressés comme il faut, expulsant la matière,  
Nous mettrons en état vous & votre derrière.  
Que dites-vous, Grand Roi, de ce Conseil d'ami ?  
 
SIROP-AU-CUL
 
Que comme un roitelet vous me traitez ici,  
Et que je suis surpris de votre impertinence.....  
Autant que je l'ai pû, j'ai gardé le silence ;  
Mais vous ne cessez point de révolter mon cul ;  
Parlez, connoissez-vous le grand Sirop-au-cul ?  
Savez-vous que mon front couvert du diadême  
Produit de mes Ayeux & la fleur & la crême,  
Que si tous les foireux se trouvoient en vos mains,  
Il faudroit éventrer les trois quarts des humains ;  
Pour me traiter ainsi, va-t-en à tous les diables.  
 
SÇAVANTINET
 
Sire, appaisez vos cris.Vos Ayeux redoutables  
Constipés, ou Foireux n'en ont pas moins vécu,  
Et toujours sur leurs maux nos soins ont prévalu.  
Tout ce qu'ont prononcé ces Docteurs mes confreres -  
Est pour donner l'essor à leurs goûts, & lumieres.  
Nous autres Médecins nous nous contrarions.  
Pour donner plus de poids à nos décisions.  
Il arrive souvent que dans pareille affaire  
De tous nos beaux discours nous faisons le contraire,  
Et le malade est sûr qu'après tant de combats  
Le reméde ordonné le sauve du trépas ;  
Il creve bien souvent malgré notre science,  
Mais il va chez les morts rempli de confiance  
Que le reméde opére en le faisant mourir,  
Et l'on voit de notre art le germe se nourrir  
De façon que les morts en § de la vie  
Ignorent qu'en mourant elle leur soit ravie ;  
Il est de certains maux où notre art n'agit point.  
Quoique certains du fait, nous parlons sur ce point  
Comme si ces grands maux ne fussent que chimere,  
Car nous n'en sentons rien, C'est ce qu'ont voulu faire  
Ces trois grands Médecins dans leurs savants discours.  
Mais les remèdes vains sont toujours les moins courts,  
Je serois donc d'avis, laissant la faribole,  
Que vous fissiez, Seigneur, un tour de casserole,  
Pour tous maux aujourd'hui c'est un reméde sûr,  
 
(Aux Medecins.)  
 
Comme ignares parfaits, vous m'allez dire,  
En voici la raison, écoutez, je vous prie ;  
de la masse du sang vient toute maladie ;  
Sans cesse notre Roi foire comme un perdu,  
Sans contredit, Messieurs, c'est un sang corrompu.  
Le Roi goûte bien mieux cet avis salutaire ;  
Je crois de bonne foi qu'on ne sçauroit mieux. faire  
Sire, vous m'entendez, qu'en pense votre cul ?  
 
.../11  
Mot Annotation
DECORUS
Qu'ils parlent sans bon sens, sans goût , & sans lumière !
A-t-on jamais d'un Roi vû coudre le derrière ;
Ce seroit enfermer les Brebis & le Loup,
Et vous porter, Seigneur, un trop sensible coup.
Cicatriser le trou de ce foireux derrière
Choqueroit le bon sens, & la nature entière.
Votre foire est de peur une digestion.
Et du Ciel en courroux une punition.
C'est à nous que les Dieux ont commis la puissance
D'apporter
per malum malo
de l'indulgence,
Ainsi pour vous guérir réfutant leurs avis,
A mes décisions, Grand Roi, soyez soumis ;
Sur le bout de mes doigts je sçais la Médecine :
Toujours il faut du mal aller à la racine :
Votre cul entêté distillera toujours
Si mes avis suivis n'en arrêtent le cours.
Notre adresse, & notre art à vous ouvrir le ventre,
(Le Roi fait ici des contorsions de rage épouventables)
Doit nous montrer du mal & la source, & le centre
Vos boyaux par nos mains ratissés proprement
Seront mis à vos yeux dans un bassin d'argent,
Et pressés comme il faut, expulsant la matière,
Nous mettrons en état vous & votre derrière.
Que dites-vous, Grand Roi, de ce Conseil d'ami ?
SIROP-AU-CUL
Que comme un roitelet vous me traitez ici,
Et que je suis surpris de votre impertinence.....
Autant que je l'ai pû, j'ai gardé le silence ;
Mais vous ne cessez point de révolter mon cul ;
Parlez, connoissez-vous le grand Sirop-au-cul ?
Savez-vous que mon front couvert du diadême
Produit de mes Ayeux & la fleur & la crême,
Que si tous les foireux se trouvoient en vos mains,
Il faudroit éventrer les trois quarts des humains ;
Pour me traiter ainsi, va-t-en à tous les diables.
SÇAVANTINET
Sire, appaisez vos cris.Vos Ayeux redoutables
Constipés, ou Foireux n'en ont pas moins vécu,
Et toujours sur leurs maux nos soins ont prévalu.
Tout ce qu'ont prononcé ces Docteurs mes confreres -
Est pour donner l'essor à leurs goûts, & lumieres.
Nous autres Médecins nous nous contrarions.
Pour donner plus de poids à nos décisions.
Il arrive souvent que dans pareille affaire
De tous nos beaux discours nous faisons le contraire,
Et le malade est sûr qu'après tant de combats
Le reméde ordonné le sauve du trépas ;
Il creve bien souvent malgré notre science,
Mais il va chez les morts rempli de confiance
Que le reméde opére en le faisant mourir,
Et l'on voit de notre art le germe se nourrir
De façon que les morts en § de la vie
Ignorent qu'en mourant elle leur soit ravie ;
Il est de certains maux où notre art n'agit point.
Quoique certains du fait, nous parlons sur ce point
Comme si ces grands maux ne fussent que chimere,
Car nous n'en sentons rien, C'est ce qu'ont voulu faire
Ces trois grands Médecins dans leurs savants discours.
Mais les remèdes vains sont toujours les moins courts,
Je serois donc d'avis, laissant la faribole,
Que vous fissiez, Seigneur, un tour de casserole,
Pour tous maux aujourd'hui c'est un reméde sûr,
(Aux Medecins.)
Comme ignares parfaits, vous m'allez dire,
En voici la raison, écoutez, je vous prie ;
de la masse du sang vient toute maladie ;
Sans cesse notre Roi foire comme un perdu,
Sans contredit, Messieurs, c'est un sang corrompu.
Le Roi goûte bien mieux cet avis salutaire ;
Je crois de bonne foi qu'on ne sçauroit mieux. faire
Sire, vous m'entendez, qu'en pense votre cul ?
.../11
SIROP-AU-CUL
 
Que quand Caligula fit son cheval Consul,  
Il avoit ses raisons d'en enrichir l'histoire  
Et que cet animal méritoit cette gloire :  
Que s'il avoit connu mes bavards Médecins  
Il les eût envoyés s'exercer aux moulins.  
 
SÇAVANTINET
 
Nous allons à l'instant vous laver le derrière,  
Et par d'autres moyens châtier la matière.  
Coulœuvre , songez bien à votre fonction  
Et préparez d'abord une décoction.  
Approchez-nous cette eau qui doit être assez chaude....  
 
(Les Medecins lui frottent le cul avec de l'eau bouillante.)  
 
Guérissons donc ce cul qui trop longtems nous fraude...  
 
SIROP-AU-CUL
 
Ah, Docteurs, c'est trop chaud, attendez un instant.  
 
SÇAVANTINET
(continuant)  
 
La Faculté le veut, supportez ce tourment.  
Nous voulons effrayer par-là cette matière....  
 
SIROP-AU-CUL
 
Beau secret, par mon chef, de brûler mon derrière.  
 
SÇAVANTINET
 
(sans écouter le Roi, continue.)  
 
Nous sçaurons la forcer de sortir à propos,  
Et de rendre ce cul moins gailiard , mais dispos.  
 
(à Coulœuvre.)  
 
Donnez ce lavement qu'on vous a dit de faire.  
 
(Le Roi présente son derrière & on le fait retourner.)  
 
Nous avons depuis peu changé cette manière  
De donner par le cul reméde, ou lavement ,  
Couloeuvre, il faut au Roi le donner pardevant.  
 
( Le Roi ouvre la bouche.)  
 
Il faut avant, Seigneur, que votre cul se bouche.  
Vous ouvrirez après votre petite bouche.  
On sçaura que le Roi l'a fendue jusqu'aux oreilles. ,  
 
(à Coulœuvre.)  
 
Donnez-nous ce tampon, allons, dépêchez-vous.  
 
( Ils tamponnent le cul du Roi. )  
 
Et sur le cœur du Roi mettez-vous à genoux.  
Il faut pour cet effet monter sur une chaise :  
 
(On tient le Roi, Coulœuvre monté sur une chaisé  
appuye ses genoux sur son estomac, lui met la canule  
dans la bouche & pousse son lavement.)  
 
SÇAVANTINET
(au Roi.)  
 
Vous vous sentez déja, je suis sûr, à votre aise.  
 
(Le Roi veut parler, ce qui fait répandre un peu le lavement & met en colère Coulœuvre.)  
 
COULŒUVRE
( Il achéve de donner le lavement. )  
 
Sire, tenez- vous donc en repos un instant.  
J'ai donné mon reméde enfin, heureusement.  
 
(Pendant cette cérémonie les quatre Médecins,  
leurs lunettes sur leur nez, regardent attentivement  
si l'air, & le reméde leur rejaillit au visage ; transportés  
de joie ils entourent le Roi & chantent en branle.  
Sur l'Air, & j'ai du bon tabac dans ma tabatière.)  
 
Sire, consolez-vous, notre reméde opère  
Vous n'aurez plus de mal à votre beau derrière,  
Vous n'êtes plus foireux, Sire, consolez-vous,  
 
(Les Gardes qui sont dans l'enfoncement avec  
Morvenbouche & Dégoutant font un double cercle  
autour des Médecins & du Roi & répétent en chorus)  
 
Sire, consolez-vous, ce grand reméde opère,  
Vous n'avez plus de mal à votre beau derrière,  
Vous n'etes plus foireux, Sire, consolez-vous.  
 
(Coulœuvre joue l'air sur un violon qu'il prend à l'Orchestre.)  
 
SIROP-AU-CUL
 
(Aux Médecins qu'il embrasse à plusieurs reprises & qui sont tout embrenés.)  
 
Venez, mes chers amis, que je vous baise tous.  
 
SÇAVANTINET
(au Roi.)  
 
Avalez en Héros encor ces trente boles,  
Et vous disant, (Salve) nous finissons nos Rôles,  
 
.../12
Mot Annotation
SIROP-AU-CUL
Que quand Caligula fit son cheval Consul,
Il avoit ses raisons d'en enrichir l'histoire
Et que cet animal méritoit cette gloire :
Que s'il avoit connu mes bavards Médecins
Il les eût envoyés s'exercer aux moulins.
SÇAVANTINET
Nous allons à l'instant vous laver le derrière,
Et par d'autres moyens châtier la matière.
Coulœuvre , songez bien à votre fonction
Et préparez d'abord une décoction.
Approchez-nous cette eau qui doit être assez chaude....
(Les Medecins lui frottent le cul avec de l'eau bouillante.)
Guérissons donc ce cul qui trop longtems nous fraude...
SIROP-AU-CUL
Ah, Docteurs, c'est trop chaud, attendez un instant.
SÇAVANTINET
(continuant)
La Faculté le veut, supportez ce tourment.
Nous voulons effrayer par-là cette matière....
SIROP-AU-CUL
Beau secret, par mon chef, de brûler mon derrière.
SÇAVANTINET
(sans écouter le Roi, continue.)
Nous sçaurons la forcer de sortir à propos,
Et de rendre ce cul moins gailiard , mais dispos.
(à Coulœuvre.)
Donnez ce lavement qu'on vous a dit de faire.
(Le Roi présente son derrière & on le fait retourner.)
Nous avons depuis peu changé cette manière
De donner par le cul reméde, ou lavement ,
Couloeuvre, il faut au Roi le donner pardevant.
( Le Roi ouvre la bouche.)
Il faut avant, Seigneur, que votre cul se bouche.
Vous ouvrirez après votre petite bouche.
On sçaura que le Roi l'a fendue jusqu'aux oreilles. ,
(à Coulœuvre.)
Donnez-nous ce tampon, allons, dépêchez-vous.
( Ils tamponnent le cul du Roi. )
Et sur le cœur du Roi mettez-vous à genoux.
Il faut pour cet effet monter sur une chaise :
(On tient le Roi, Coulœuvre monté sur une chaisé
appuye ses genoux sur son estomac, lui met la canule
dans la bouche & pousse son lavement.)
SÇAVANTINET
(au Roi.)
Vous vous sentez déja, je suis sûr, à votre aise.
(Le Roi veut parler, ce qui fait répandre un peu
le lavement & met en colère Coulœuvre.)
COULŒUVRE
( Il achéve de donner le lavement. )
Sire, tenez- vous donc en repos un instant.
J'ai donné mon reméde enfin, heureusement.
(Pendant cette cérémonie les quatre Médecins,
leurs lunettes sur leur nez, regardent attentivement
si l'air, & le reméde leur rejaillit au visage ; transportés
de joie ils entourent le Roi & chantent en branle.
Sur l'Air, & j'ai du bon tabac dans ma tabatière.)
Sire, consolez-vous, notre reméde opère
Vous n'aurez plus de mal à votre beau derrière,
Vous n'êtes plus foireux, Sire, consolez-vous,
(Les Gardes qui sont dans l'enfoncement avec
Morvenbouche & Dégoutant font un double cercle
autour des Médecins & du Roi & répétent en chorus)
Sire, consolez-vous, ce grand reméde opère,
Vous n'avez plus de mal à votre beau derrière,
Vous n'etes plus foireux, Sire, consolez-vous.
(Coulœuvre joue l'air sur un violon qu'il prend à l'Orchestre.)
SIROP-AU-CUL
(Aux Médecins qu'il embrasse à plusieurs reprises
& qui sont tout embrenés.)
Venez, mes chers amis, que je vous baise tous.
SÇAVANTINET
(au Roi.)
Avalez en Héros encor ces trente boles,
Et vous disant,
(Salve)
nous finissons nos Rôles,
.../12
SCENE III
 
SIROP-AU-CUL, DÉGOUTANT, MORVENBOUCHE, GARDES.  
 
DÉGOUTANT
 
En faveur de nos nez, de l'Etat, & de vous,  
Les Dieux appaisent donc un distilant courroux.  
Je me taisois, Seigneur, mais jurant comme un Carme  
Je faisois en moi-même un furieux vacarme.  
Je maudissois autant la transpiration,  
Que j'applaudis du Ciel la bénédiction.  
MORVENBOUCHE
 
Ainsi qu'à Dégoutant une vive allégresse  
Me rend pour notre Roi ma premiere tendresse ;  
Votre foire à propos a sçû se contenir -  
Car sçachez que mon nez n'y pouvoit plus tenir.  
Je vous parle, Seigneur, en confident sincère.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Parlez plus à propos, ou sçachez mieux vous faire.  
Ma foire, avez-vous dit, étoit un don des Dieux,  
Et vos nez murmuroient de ce bienfait des Cieux.  
C'est bien à vous, vilains, infectés par nature,  
Et qui portez d'ailleurs la plus plate figure,  
De faire à contre-temps ici les délicats,  
Quand l'un pisse en son lit, l'autre chie en ses draps.....  
Ne sont-ce pas vos faits six jours de la semaine ?...  
 
SCENE IV
 
ÉTRONIE, CURIDÉ, LES ACTEURS PRÉCÉDENS  
 
ÉTRONIE
 
Le bruit de vos exploits, Sire, en ces lieux m'améne.  
Que mon cœur a souffert de furieux combats !  
Mais la Victoire, enfin, couronne votre bras,  
Et Saligot vaincu, l'histoire le raconte,  
Contraint à battre aux champs avec sa courte honte ,  
Vous rend digne de moi ; vous êtes mon vainqueur  
Et rien n'arrête plus la flamme de mon cœur.  
Il brule pour son Roi de cette ardeur si pure  
Qui vient rendre d'accord l'amour & la nature.  
Je suis prête, Seigneur, à vous donner la main ;  
Qu'à Saligot saisi des tonnerres d'airain  
Ainsi qu'à l'Univers annoncent pour nouvelle  
Que nos cœurs sont d'amour le plus parfait modèle,  
Saligot à coup sûr crevera de dépit,  
Sçachant l'heure & le jour où dans un même lit  
Un tendre mouvement me rendra souveraine :  
Que cette attente, hélas, me fait souffrir de gêne !  
Hâtez-vous d'éprouver ma sensibilité,  
Vous rendrez grace aux Dieux de ma mobilité.  
Un laurier se flétrit si l'amour ne l'arrose ;  
J'en veux être à la fois & la source & la cause.  
Qui pour un Roi vainqueur peut vivre sans amour  
Indigne de régner, est indigne du jour.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Que vous me châtouillez par mon endroit sensible,  
Et que ce beau discours est ardent & plausible ;  
Princesse, votre ardeur mérite des travaux.  
Devenons vous & moi, deux Hercules nouveaux…  
Princesse, sçavez-vous que je n'ai plus la foire.  
 
ÉTRONIE
 
Je sçais bien plus encor , & j'ai peine à le croire ;  
Sans elle , hélas ! on dit que vous étiez perdu.  
Qu'auroit fait mon amour, sans vous, Sirop au-cu ?  
La mort seule à mes maux eût été le reméde.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Le destin malgré lui souvent à l'amour céde.  
L'amour vous rend justice, & ne peut vous rater;  
Mais, sans mourir, Princesse, on peut bien se gratter.  
Peut-être le dépit eût fait quelqu'écorchure...  
Mais puisque me voilà, laissons cette peinture,  
Venez, tous vos desirs se verront accomplis,  
Unissons de nos cœurs tous les plis & replis,  
Faites de mon laurier votre plus douce chaîne,  
Qu'il croisse dans vos eaux, préparez la fontaine,  
Désormais le plaisir doit marcher sur nos pas ;  
Princesse, si j'en meurs, que ce soit en vos bras.  
 
(Le Roi sort & sa suite.)  
 
.../13
Mot Annotation
SCENE III
SIROP-AU-CUL, DÉGOUTANT, MORVENBOUCHE, GARDES.
DÉGOUTANT
En faveur de nos nez, de l'Etat, & de vous,
Les Dieux appaisent donc un distilant courroux.
Je me taisois, Seigneur, mais jurant comme un Carme
Je faisois en moi-même un furieux vacarme.
Je maudissois autant la transpiration,
Que j'applaudis du Ciel la bénédiction.
MORVENBOUCHE
Ainsi qu'à Dégoutant une vive allégresse
Me rend pour notre Roi ma premiere tendresse ;
Votre foire à propos a sçû se contenir -
Car sçachez que mon nez n'y pouvoit plus tenir.
Je vous parle, Seigneur, en confident sincère.
SIROP-AU-CUL
Parlez plus à propos, ou sçachez mieux vous faire.
Ma foire, avez-vous dit, étoit un don des Dieux,
Et vos nez murmuroient de ce bienfait des Cieux.
C'est bien à vous, vilains, infectés par nature,
Et qui portez d'ailleurs la plus plate figure,
De faire à contre-temps ici les délicats,
Quand l'un pisse en son lit, l'autre chie en ses draps.....
Ne sont-ce pas vos faits six jours de la semaine ?...
SCENE IV
ÉTRONIE, CURIDÉ, LES ACTEURS PRÉCÉDENS
ÉTRONIE
Le bruit de vos exploits, Sire, en ces lieux m'améne.
Que mon cœur a souffert de furieux combats !
Mais la Victoire, enfin, couronne votre bras,
Et Saligot vaincu, l'histoire le raconte,
Contraint à battre aux champs avec sa courte honte ,
Vous rend digne de moi ; vous êtes mon vainqueur
Et rien n'arrête plus la flamme de mon cœur.
Il brule pour son Roi de cette ardeur si pure
Qui vient rendre d'accord l'amour & la nature.
Je suis prête, Seigneur, à vous donner la main ;
Qu'à Saligot saisi des tonnerres d'airain
Ainsi qu'à l'Univers annoncent pour nouvelle
Que nos cœurs sont d'amour le plus parfait modèle,
Saligot à coup sûr crevera de dépit,
Sçachant l'heure & le jour où dans un même lit
Un tendre mouvement me rendra souveraine :
Que cette attente, hélas, me fait souffrir de gêne !
Hâtez-vous d'éprouver ma sensibilité,
Vous rendrez grace aux Dieux de ma mobilité.
Un laurier se flétrit si l'amour ne l'arrose ;
J'en veux être à la fois & la source & la cause.
Qui pour un Roi vainqueur peut vivre sans amour
Indigne de régner, est indigne du jour.
SIROP-AU-CUL
Que vous me châtouillez par mon endroit sensible,
Et que ce beau discours est ardent & plausible ;
Princesse, votre ardeur mérite des travaux.
Devenons vous & moi, deux Hercules nouveaux…
Princesse, sçavez-vous que je n'ai plus la foire.
ÉTRONIE
Je sçais bien plus encor , & j'ai peine à le croire ;
Sans elle , hélas ! on dit que vous étiez perdu.
Qu'auroit fait mon amour, sans vous, Sirop au-cu ?
La mort seule à mes maux eût été le reméde.
SIROP-AU-CUL
Le destin malgré lui souvent à l'amour céde.
L'amour vous rend justice, & ne peut vous rater;
Mais, sans mourir, Princesse, on peut bien se gratter.
Peut-être le dépit eût fait quelqu'écorchure...
Mais puisque me voilà, laissons cette peinture,
Venez, tous vos desirs se verront accomplis,
Unissons de nos cœurs tous les plis & replis,
Faites de mon laurier votre plus douce chaîne,
Qu'il croisse dans vos eaux, préparez la fontaine,
Désormais le plaisir doit marcher sur nos pas ;
Princesse, si j'en meurs, que ce soit en vos bras.
(Le Roi sort & sa suite.)
.../13
SCENE V
 
ÉTRONIE, CURIDÉ.  
 
ÉTRONIE
 
Les Dieux ont donc enfin cessé de me poursuivre,  
Et c'est de cet instant que je commence à vivre ;  
Qui vit en languissant, voit à peine le jour,  
Et la Terre aux Mortels est un triste séjour,  
Quand l'excès du malheur fait tout leur appanage :  
L'opprobre avilit l'ame, & flétrit le courage.  
 
Tu sçais bien, Curidé, que je n'en manque pas ;  
Mais l'ennui qui sans cesse accompagnoit mes pas  
Inspiroit à mon cœur des mouvemens bizarres  
Qui balançoient en moi ces sentimens si rares  
Dont toi-même admirois la force & la grandeur,  
Mais un sang pétillant s'aigrissoit sur mon cœur.  
L'eau qu'on m'a si souvent fait venir à la bouche  
Me brûloit du desir de devenir la souche  
Qui devoit à l'Etat donner des rejettons.  
Si l'on ne veut semer, que servent les fillons ?  
C'est fatiguer un champ pour le laisser en friche ;  
La terre pour cela n'en devient pas plus riche ;  
Il est ainsi d'un cœur qu'on flatte par l'espoir.  
Quiconque porte un nez doit s'armer d'un mouchoir.  
Un souffle allume un feu qu'on éteint avec peine.  
Ma flamme sans détour te parle en Souveraine,  
Il nous faut dans l'amour de la réalité,  
Et le plaisir fait seul notre félicité.  
 
Ce plaisir, Curidé, je veux bien te le dire,  
Est un je ne sçais quoi qui fait que l'on desire  
Connoître de l'amour l'aiguillon dangereux,  
Et nous fait malgré nous brûler à petits feux.  
Il me falloit mourir, ou bien me satisfaire,  
Chacun sent ses besoins; l'attente désespére ;  
Du tems qu'on perd en vain on est comptable aux Dieux :  
Mon Ecuyer cent fois m'a fait parler ses yeux ;  
Ses feux, s'il eût osé se seroient fait connoître ;  
S'il n'est pas Roi d'ailleurs, il est digne de l'être,  
Si le Roi m'eût manqué, j'en faisois mon époux.  
 
CURIDÉ
 
Dans un semblable cas j'agirois comme vous;  
Eh ! qui sçait mieux que moi le tourment qu'on endure,  
Quand il faut mettre un frein aux cris de la naturel  
La raison veut en vain régler alors nos pas,  
La nature triomphe en ses tendres ébats.  
Quand on tient la couronne, on peut se dire Reine,  
Et régner, c'est tenir la tige de la peine.  
Quand nous en sommes là, nous goûtons  
Et nous donnons l'essor à nos tendres désirs.  
Princesse, Curidé vous dévoile son âme.  
 
Ah, vive le plaisir où notre cœur se pâme!  
Princesse, comme moi vous aimez le mouton?  
Le meilleur de la bête est le gigot, dit-on ;  
Sans être en appétit son divin jus réveille,  
Je quitterois pour lui tous les jus de la treille,  
Curidé sans ce jus fût entrée au tombeau,  
Et je ne dois le jour qu'à ce friand morceau,  
Les Dieux, pour en jouir, nous ont donné la vie.  
 
ÉTRONIE
 
On ne peut s'exprimer avec plus d'énergie,  
Oui, pour vérifier ce discours séduisant,  
Ton salutaire avis finira mon tourment ;  
Ce soir avec le Roi nous grugerons l'éclanche,  
Il faut que dans son jus mon tendre cœur s'épanche :  
Je veux enfin sortir de mon inaction,  
Et courir le hazard d'une indigestion.  
Fin du second Acte.
 
.../14
Mot Annotation
SCENE V
ÉTRONIE, CURIDÉ.
ÉTRONIE
Les Dieux ont donc enfin cessé de me poursuivre,
Et c'est de cet instant que je commence à vivre ;
Qui vit en languissant, voit à peine le jour,
Et la Terre aux Mortels est un triste séjour,
Quand l'excès du malheur fait tout leur appanage :
L'opprobre avilit l'ame, & flétrit le courage.
Tu sçais bien, Curidé, que je n'en manque pas ;
Mais l'ennui qui sans cesse accompagnoit mes pas
Inspiroit à mon cœur des mouvemens bizarres
Qui balançoient en moi ces sentimens si rares
Dont toi-même admirois la force & la grandeur,
Mais un sang pétillant s'aigrissoit sur mon cœur.
L'eau qu'on m'a si souvent fait venir à la bouche
Me brûloit du desir de devenir la souche
Qui devoit à l'Etat donner des rejettons.
Si l'on ne veut semer, que servent les fillons ?
C'est fatiguer un champ pour le laisser en friche ;
La terre pour cela n'en devient pas plus riche ;
Il est ainsi d'un cœur qu'on flatte par l'espoir.
Quiconque porte un nez doit s'armer d'un mouchoir.
Un souffle allume un feu qu'on éteint avec peine.
Ma flamme sans détour te parle en Souveraine,
Il nous faut dans l'amour de la réalité,
Et le plaisir fait seul notre félicité.
Ce plaisir, Curidé, je veux bien te le dire,
Est un je ne sçais quoi qui fait que l'on desire
Connoître de l'amour l'aiguillon dangereux,
Et nous fait malgré nous brûler à petits feux.
Il me falloit mourir, ou bien me satisfaire,
Chacun sent ses besoins; l'attente désespére ;
Du tems qu'on perd en vain on est comptable aux Dieux :
Mon Ecuyer cent fois m'a fait parler ses yeux ;
Ses feux, s'il eût osé se seroient fait connoître ;
S'il n'est pas Roi d'ailleurs, il est digne de l'être,
Si le Roi m'eût manqué, j'en faisois mon époux.
CURIDÉ
Dans un semblable cas j'agirois comme vous;
Eh ! qui sçait mieux que moi le tourment qu'on endure,
Quand il faut mettre un frein aux cris de la naturel
La raison veut en vain régler alors nos pas,
La nature triomphe en ses tendres ébats.
Quand on tient la couronne, on peut se dire Reine,
Et régner, c'est tenir la tige de la peine.
Quand nous en sommes là, nous goûtons
Et nous donnons l'essor à nos tendres désirs.
Princesse, Curidé vous dévoile son âme.
Ah, vive le plaisir où notre cœur se pâme!
Princesse, comme moi vous aimez le mouton?
Le meilleur de la bête est le gigot, dit-on ;
Sans être en appétit son divin jus réveille,
Je quitterois pour lui tous les jus de la treille,
Curidé sans ce jus fût entrée au tombeau,
Et je ne dois le jour qu'à ce friand morceau,
Les Dieux, pour en jouir, nous ont donné la vie.
ÉTRONIE
On ne peut s'exprimer avec plus d'énergie,
Oui, pour vérifier ce discours séduisant,
Ton salutaire avis finira mon tourment ;
Ce soir avec le Roi nous grugerons l'éclanche,
Il faut que dans son jus mon tendre cœur s'épanche :
Je veux enfin sortir de mon inaction,
Et courir le hazard d'une indigestion.
Fin du second Acte.
.../14
ACTE III
 
SCENE PREMIERE
 
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, GARDES.  
 
MORVENBOUCHE
 
Sire, qu'avez-vous donc ? quel tourment vous irrite ?  
Vous courez comme un fou, quel sujet vous agite ?  
Étronie à vos feux manque-t-elle de foi ?  
 
SIROP-AU-CUL
 
C'est pis que tout cela qui tourmente ton Roi,  
Je suis atteint du mal régnant dans ma famille,  
Hélas, je n'en puis plus, & dans ma peau je grille,  
Me voilà constipé; mes quatre Médecins,  
Ont, je crois, dans mon corps fait entrer des cousins,  
Qui me picquant au vif sans cesse y font la ronde,  
Et j'en vois, mais trop-tard, l'ignorance profonde.  
Ce qui redouble encor ma trop vive douleur.  
C'est qu'Étronie, hélas, va tomber en langueur,  
Tous les apprêts sont faits pour la cérémonie,  
Et je sens que les Dieux vont me ravir la vie  
Dans un si triste sort qui la soulagera ?  
Je connois ses besoins, elle y succombera.  
 
Morvenbouche, dis-moi, comment va sa colique?  
La femme est à-peu-près la lanterne magique,  
Il ne faudroit la voir qu'à travers un cristal,  
Un pet fait de travers lui cause un cuisant mal !  
On dit que dans l'instant elle étoit en foiblesse?  
 
MORVENBOUCHE
 
Ce n'est plus rien, Seigneur, & le mal qui la presse,  
Est causé par des vents qui ne pouvoient sortir,  
En vous nommant, Seigneur, on l'a fait revenir.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Et que fait à présent cette triste Princesse ?  
 
MORVENBOUCHE
 
Tout à gogo, Seigneur, comme un daim, elle vesse.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Je voudrois bien, hélas, pouvoir en faire autant.  
J'espérerois du moins quelque soulagement.  
Mais n'attend-t-elle pas la fin de la journée ?  
 
MORVENBOUCHE
 
Jamais pour elle jour ne fut tant de durée.  
Sans cesse voltigeant dans son appartement :  
Qu'elle a bien d'une Reine & la taille & la mine !  
Je l'admirois, Seigneur, faire un tour de cuisine:  
Sans doute elle se sent un fi grand appétit,  
Qu'elle craint d'être foible en se mettant au lit.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Elle prend pour ce soir un soin bien inutile ;  
Je doute que jamais mon lit soit son azile ?  
Qu'elle va ressentir bien des tourments divers,  
Lorsqu'on l'informera de ce nouveau revers ;  
Les Dieux, & les destins ont juré de nous nuire...  
Va pourtant de ma part, Morvenbouche l'instruire.  
 
MORVENBOUCHE
 
Mais, Seigneur.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Obéis & ne replique pas!  
 
.../15  
Mot Annotation
ACTE III
SCENE PREMIERE
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, GARDES.
MORVENBOUCHE
Sire, qu'avez-vous donc ? quel tourment vous irrite ?
Vous courez comme un fou, quel sujet vous agite ?
Étronie à vos feux manque-t-elle de foi ?
SIROP-AU-CUL
C'est pis que tout cela qui tourmente ton Roi,
Je suis atteint du mal régnant dans ma famille,
Hélas, je n'en puis plus, & dans ma peau je grille,
Me voilà constipé; mes quatre Médecins,
Ont, je crois, dans mon corps fait entrer des cousins,
Qui me picquant au vif sans cesse y font la ronde,
Et j'en vois, mais trop-tard, l'ignorance profonde.
Ce qui redouble encor ma trop vive douleur.
C'est qu'Étronie, hélas, va tomber en langueur,
Tous les apprêts sont faits pour la cérémonie,
Et je sens que les Dieux vont me ravir la vie
Dans un si triste sort qui la soulagera ?
Je connois ses besoins, elle y succombera.
Morvenbouche, dis-moi, comment va sa colique?
La femme est à-peu-près la lanterne magique,
Il ne faudroit la voir qu'à travers un cristal,
Un pet fait de travers lui cause un cuisant mal !
On dit que dans l'instant elle étoit en foiblesse?
MORVENBOUCHE
Ce n'est plus rien, Seigneur, & le mal qui la presse,
Est causé par des vents qui ne pouvoient sortir,
En vous nommant, Seigneur, on l'a fait revenir.
SIROP-AU-CUL
Et que fait à présent cette triste Princesse ?
MORVENBOUCHE
Tout à gogo, à profusion, en abondance,
autant qu'elle peut
Seigneur, comme un daim,
elle vesse. elle pète
SIROP-AU-CUL
Je voudrois bien, hélas, pouvoir en faire autant.
J'espérerois du moins quelque soulagement.
Mais n'attend-t-elle pas la fin de la journée ?
MORVENBOUCHE
Jamais pour elle jour ne fut tant de durée.
Sans cesse voltigeant dans son appartement :
Qu'elle a bien d'une Reine & la taille & la mine !
Je l'admirois, Seigneur, faire un tour de cuisine:
Sans doute elle se sent un fi grand appétit,
Qu'elle craint d'être foible en se mettant au lit.
SIROP-AU-CUL
Elle prend pour ce soir un soin bien inutile ;
Je doute que jamais mon lit soit son azile ?
Qu'elle va ressentir bien des tourments divers,
Lorsqu'on l'informera de ce nouveau revers ;
Les Dieux, & les destins ont juré de nous nuire...
Va pourtant de ma part, Morvenbouche l'instruire.
MORVENBOUCHE
Mais, Seigneur.
SIROP-AU-CUL
Obéis & ne replique pas!
.../15
SCENE II
 
SIROP-AU-CUL
(seul.)  
 
Morvenbouche, attendez... revenez sur vos pas;  
Est-il parti?... son cœur à ce récit horrible  
Frémira du danger qui n'est que trop visible.  
Puis-je achever l'hymen en ce fâcheux état ?...  
Je suis un pauvre Sire, hélas, pour mon état,  
Tout foireux ce matin j'étois à l'agonie,  
Et constipé ce soir je vais perdre la vie....  
Dois-je subir le sort d'un si cruel destin ?  
 
SCENE III
 
MORVENBOUCHE, SIROP-AU-CUL, DÉGOUTANT, GARDES.  
 
MORVENBOUCHE
 
Merdencour est là-bas, Seigneur, dans le jardin  
Qui d'attendre un instant se faisant violence  
Lui-même vous vouloit demander audience.  
Son Maitre dont on a rabattu la fierté  
Par cet Ambassadeur veut conclure un Traité  
Qu'il dit être pour vous de très-grande importance.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Qu'il prend bien mal son temps.... n'importe, qu'il avance.  
 
(Un Garde sort pour l'aller chercher. )  
 
S'il ne me donne pas de solides raisons  
Tous vos discours pour moi ne seront que chansons.  
Dans l'état où je suis, que pourra-t-il me dire ?  
Mais il faut l'écouter pour le bien de l'Empire ;  
Et si le ciel severe exige mon trépas,  
Il est mort, dira-t-on, ne le méritant pas.  
Il a fait son devoir comme un Roi magnanime,  
L'amour pour ses sujets le rend exempt du crime;  
Même dans les tourmens, du peuple le repos  
Jusqu'au dernier soupir l'occupoit en Héros...  
Mais, Dégoûtant, mon mal m'accable sans relâche...  
 
.../16
Mot Annotation
SCENE II
SIROP-AU-CUL
(seul.)
Morvenbouche, attendez...
revenez sur vos pas;
Est-il parti?...
son cœur à ce récit horrible
Frémira du danger qui n'est que trop visible.
Puis-je achever l'hymen en ce fâcheux état ?...
Je suis un pauvre Sire, hélas, pour mon état,
Tout foireux ce matin j'étois à l'agonie,
Et constipé ce soir je vais perdre la vie....
Dois-je subir le sort d'un si cruel destin ?
SCENE III
MORVENBOUCHE, SIROP-AU-CUL, DÉGOUTANT, GARDES.
MORVENBOUCHE
Merdencour est là-bas, Seigneur, dans le jardin
Qui d'attendre un instant se faisant violence
Lui-même vous vouloit demander audience.
Son Maitre dont on a rabattu la fierté
Par cet Ambassadeur veut conclure un Traité
Qu'il dit être pour vous de très-grande importance.
SIROP-AU-CUL
Qu'il prend bien mal son temps.... n'importe, qu'il avance.
(Un Garde sort pour l'aller chercher. )
S'il ne me donne pas de solides raisons
Tous vos discours pour moi ne seront que chansons.
Dans l'état où je suis, que pourra-t-il me dire ?
Mais il faut l'écouter pour le bien de l'Empire ;
Et si le ciel severe exige mon trépas,
Il est mort, dira-t-on, ne le méritant pas.
Il a fait son devoir comme un Roi magnanime,
L'amour pour ses sujets le rend exempt du crime;
Même dans les tourmens, du peuple le repos
Jusqu'au dernier soupir l'occupoit en Héros...
Mais, Dégoûtant, mon mal m'accable sans relâche...
.../16
SCENE IV
 
SIROP-AU-CUL, MERDENCOUR, MORVENBOUCHE,  
DÉGOUTANT, GARDES.  
 
MERDENCOUR
 
A mon Maître, grand Roi, la valeur vous attache :  
Je viens vous informer que Saligot vaincu  
Admire malgré lui le grand Sirop-au-cul,  
Qu'il prend beaucoup de part, Seigneur, à votre foire,  
Et vous accorde enfin en ce jour la victoire.  
Mais l'amour en son cœur ne vous l'accorde pas.  
La Princesse a pour lui de si fringans appas,  
Qu'avant de consentir à l'hymen d Étronie,  
Il vous fait annoncer, qu'il y perdra la vie,  
Son trône, sa valeur, ses biens & ses États,  
S'il faut que cet objet se couche dans vos draps :  
Qu'il viendra l'arracher de votre lit, sanglante  
Du coup que portera sa fureur menaçante.  
 
Les menaces d'un Roi tel que l'est Saligot,  
Sont des oracles sûrs qu'on éprouve bientôt.  
Il sçait que vous l'aimez, il l'aime plus encore,  
Il en séche sur pied, pour tout dire, il l'adore ;  
Vous ne convenez point à cet objet charmant,  
Elle mérite un Roi non comme vous foirant,  
Il lui faut un Héros vigoureux & robuste  
Dont le tempérament à son amour s'ajuste.  
Pour montrer que mon Roi ne suit que l'équité,  
Qu'Étronius régnant en toute sureté  
Rentre dans ses États il rend le diadême,  
A ce Roi détrôné dans sa fureur extrême,  
De voir qu'avec mépris, il l'avoit rebuté  
Mais on verra bien pis, s'il n'est pas écouté :  
De la Princesse enfin il veut porter la chaîne,  
Ou craignez de mon Roi la vengeance & la haine ;  
Consentez, croyez-moi, de contenter ses feux;  
Pour la Princesse, & vous, répondez à ses vœux;  
Cet ordre vous paroît sans doute téméraire,  
Mais il n'en est pas moins un avis salutaire.  
 
…/17
Mot Annotation
SCENE IV
SIROP-AU-CUL, MERDENCOUR, MORVENBOUCHE,
DÉGOUTANT, GARDES.
MERDENCOUR
A mon Maître, grand Roi, la valeur vous attache :
Je viens vous informer que Saligot vaincu
Admire malgré lui le grand Sirop-au-cul,
Qu'il prend beaucoup de part, Seigneur, à votre foire,
Et vous accorde enfin en ce jour la victoire.
Mais l'amour en son cœur ne vous l'accorde pas.
La Princesse a pour lui de si fringans appas,
Qu'avant de consentir à l'hymen d Étronie,
Il vous fait annoncer, qu'il y perdra la vie,
Son trône, sa valeur, ses biens & ses États,
S'il faut que cet objet se couche dans vos draps :
Qu'il viendra l'arracher de votre lit, sanglante
Du coup que portera sa fureur menaçante.
Les menaces d'un Roi tel que l'est Saligot,
Sont des oracles sûrs qu'on éprouve bientôt.
Il sçait que vous l'aimez, il l'aime plus encore,
Il en séche sur pied, pour tout dire, il l'adore ;
Vous ne convenez point à cet objet charmant,
Elle mérite un Roi non comme vous foirant,
Il lui faut un Héros vigoureux & robuste
Dont le tempérament à son amour s'ajuste.
Pour montrer que mon Roi ne suit que l'équité,
Qu'Étronius régnant en toute sureté
Rentre dans ses États il rend le diadême,
A ce Roi détrôné dans sa fureur extrême,
De voir qu'avec mépris, il l'avoit rebuté
Mais on verra bien pis, s'il n'est pas écouté :
De la Princesse enfin il veut porter la chaîne,
Ou craignez de mon Roi la vengeance & la haine ;
Consentez, croyez-moi, de contenter ses feux;
Pour la Princesse, & vous, répondez à ses vœux;
Cet ordre vous paroît sans doute téméraire,
Mais il n'en est pas moins un avis salutaire.
…/17
SIROP-AU-CUL
 
De quel front osez-vous, petit vilain marmot  
M'apporter dans ma cour l'ordre de Saligot ?  
Le lâche d'ordinaire, a recours à l'injure,  
Et ne fait des sermens que pour être parjure ;  
Le brave, le héros n'annonce pas en vain  
Les lauriers à cueillir d'un succès incertain.  
Ce ton impérieux vient m'annoncer sa rage  
Mais ne signale pas sa force & son courage.  
 
Dites à Saligot que foireux ou foirant  
Son vainqueur en tout temps se verra triomphant,  
Que sa valeur, son nez n'ont que le même guide.  
Je ne suis plus foireux, bien moins encor timide,  
Je suis, apprenez-lui, souffrant & constipé,  
Mais qu'échouant sans cesse il se verra dupé.  
Né-pourri, Cubreneux, allez en votre garde  
Prendre tout le côté que l'orient regarde ;  
Galenmain, Chiant-lit à votre zele ardent  
Je commets le côté de l'ourse & l'occident,  
Garde seul le midi, Dégoûtant, je te prie ;  
Après avoir placé chacun en sa partie.  
Courez à la victoire, allez, braves Soldats,  
Eterniser vos noms, je marche sur vos pas.  
 
(Ils sortent)  
 
(A Merdencour)  
 
La guerre est à mon mal un reméde infaillible,  
Et la paix, entre nous, devient incompatible.  
Pour vaincre, combattons. Que sert-il d'en parler?  
La menace aux Héros ne peut les ébranler.  
Je devois épouser aujourd'hui la Princesse,  
Mon cul fait un retard à ma vive tendresse.  
J'attends de votre Roi l'effet de son courroux,  
Et je sçaurai répondre à son transport jaloux ;  
Allez, retirez-vous, je n'ai plus rien à dire.  
 
MERDENCOUR
 
Appaisez-vous, Seigneur, ce n'étoit que pour rire  
Qu'ici je m'efforçois à vous intimider.  
Daignez jusqu'à la mort votre hymen retarde,  
Mon Roi dans vos États vous laissera tranquille,  
Et concluant la paix, lui-même en cet azile  
Viendra vous en jurer le serment solemnel,  
Mais ne conduisez pas la Princesse à l'Autel.  
Saligot attend trop de votre cul bénigne  
Pour ne pas esperer cette faveur insigne.  
Accablé, je le vois, du plus cruel tourment,  
Laissez régner la paix par votre testament,  
Ne songez en mourant qu'au salut de l'Empire,  
La raison , votre cul, tout doit vous le prescrIre,  
Et puisque vous voilà sur les bords du tombeau,  
Daignez , de la Princesse, au Roi faire un cadeau ;  
Vous tiendrez son enfant sur les fonds de Baptême ;  
Si sur ce front encore étoit le diadême,  
Quand les Dieux permettront de faire voir le jour,  
Au premier fruit naissant du plus parfait amour.  
Montrez-vous un Monarque, & doux , & pacifique,  
Votre ame de tout temps fut belle & magnifique,  
Montrez-vous de vertus un grand original,  
Et mon Roi dans deux jours vous donnera le bal.  
 
.../18
Mot Annotation
SIROP-AU-CUL
De quel front osez-vous, petit vilain marmot
M'apporter dans ma cour l'ordre de Saligot ?
Le lâche d'ordinaire, a recours à l'injure,
Et ne fait des sermens que pour être parjure ;
Le brave, le héros n'annonce pas en vain
Les lauriers à cueillir d'un succès incertain.
Ce ton impérieux vient m'annoncer sa rage
Mais ne signale pas sa force & son courage.
Dites à Saligot que foireux ou foirant
Son vainqueur en tout temps se verra triomphant,
Que sa valeur, son nez n'ont que le même guide.
Je ne suis plus foireux, bien moins encor timide,
Je suis, apprenez-lui, souffrant & constipé,
Mais qu'échouant sans cesse il se verra dupé.
Né-pourri, Cubreneux, allez en votre garde
Prendre tout le côté que l'orient regarde ;
Galenmain, Chiant-lit à votre zele ardent
Je commets le côté de l'ourse & l'occident,
Garde seul le midi, Dégoûtant, je te prie ;
Après avoir placé chacun en sa partie.
Courez à la victoire, allez, braves Soldats,
Eterniser vos noms, je marche sur vos pas.
(Ils sortent)
(A Merdencour)
La guerre est à mon mal un reméde infaillible,
Et la paix, entre nous, devient incompatible.
Pour vaincre, combattons. Que sert-il d'en parler?
La menace aux Héros ne peut les ébranler.
Je devois épouser aujourd'hui la Princesse,
Mon cul fait un retard à ma vive tendresse.
J'attends de votre Roi l'effet de son courroux,
Et je sçaurai répondre à son transport jaloux ;
Allez, retirez-vous, je n'ai plus rien à dire.
MERDENCOUR
Appaisez-vous, Seigneur, ce n'étoit que pour rire
Qu'ici je m'efforçois à vous intimider.
Daignez jusqu'à la mort votre hymen retarde,
Mon Roi dans vos États vous laissera tranquille,
Et concluant la paix, lui-même en cet azile
Viendra vous en jurer le serment solemnel,
Mais ne conduisez pas la Princesse à l'Autel.
Saligot attend trop de votre cul bénigne
Pour ne pas esperer cette faveur insigne.
Accablé, je le vois, du plus cruel tourment,
Laissez régner la paix par votre testament,
Ne songez en mourant qu'au salut de l'Empire,
La raison , votre cul, tout doit vous le prescrIre,
Et puisque vous voilà sur les bords du tombeau,
Daignez , de la Princesse, au Roi faire un cadeau ;
Vous tiendrez son enfant sur les fonds de Baptême ;
Si sur ce front encore étoit le diadême,
Quand les Dieux permettront de faire voir le jour,
Au premier fruit naissant du plus parfait amour.
Montrez-vous un Monarque, & doux , & pacifique,
Votre ame de tout temps fut belle & magnifique,
Montrez-vous de vertus un grand original,
Et mon Roi dans deux jours vous donnera le bal.
.../18
SIROP-AU-CUL
 
Assez & trop longtemps aussi doux que l'abeille,  
Je prête à vos discours une attentive oreille ;  
Mais allez dire au Roi qui me fait la leçon,  
Que si j'en ai le miel j'en porte l'éguillon  
 
MERDENCOUR
 
Voici de Merdencour la derniere sentence,  
Que votre testament se fasse en diligence ;  
Cédez à Saligot la Princesse en ce jour,  
Ou lui-même demain assiégeant votre Cour  
Dans sa juste fureur brûlant jusqu'à vos titres,  
De la Princesse, & vous, viendra casser les vi treS.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Qu'entens-je ! dans ma Cour on ose m'insulter !  
Holà, Gardes....  
 
MORVENBOUCHE
 
Seigneur, qu'osez-vous attenter  
 
SIROP-AU-CUL
 
Malgré la dignité de votre caractère,  
Croyez-moi, Merdencour, évitez ma colère ;  
Allez dire à ce Roi qui me prend pour un sot,  
Comme on reçoit ici l'ordre d'un Saligot.  
 
(Merdencour se retire.)  
 
SCENE V
 
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE.  
 
MORVENBOUCHE
 
Seigneur, vous hazardez. Quelquefois la colère…  
 
SIROP-AU-CUL
 
Quand on brave un Héros, on le rend téméraire  
Je connois Merdencour, ce n'est qu'un polisson |  
Qui sembloit m'apporter les ordres de Néron ;  
Mais me modérant moins que n'a fait Pharasmane  
J'aurois dû lui donner quelques bons coups de canne.  
 
MORVENBOUCHE
 
Occupez-vous, Seigneur, de soins plus importans  
La Princesse aux abois, fait des cris fi perçans  
Qu'il faut en l'écoutant se boucher les oreilles.  
Rien ne peut exprimer ses douleurs sans pareilles.  
Ses pleurs n'ont pû suffire aux chagrins qu'elle sent ;  
Car succombant aux cris, & s'évanouissant,  
Sa sensibilité passoit la raillerie,  
Et nous l'avons crû morte en cette létargie.  
A la fin, cependant, par nos soins vigilans  
Ses yeux se sont ouverts, elle a repris ses sens  
Pour se plaindre & gémir avec tant de furie  
Que nous croyons encor qu'elle en perdroit la vie.  
Dans sa douleur mortelle elle accuse les Dieux,  
Et va pour vous parler se rendre dans ces lieux.  
Voyons le Roi, dit-elle, & sans regret j'expire.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Dans les maux que je sens que lui faire & lui dire ?  
J'aurois autant aimé l'arrêt de son trépas  
Que l'entendre gémir en un si triste cas  
Mais je souffre après tout, & chacun a sa peine ;  
Je sçais me montrer Roi, qu'elle se montre Reine:  
Je voudrois de bon cœur pouvoir la contenter...  
Quoiqu'il en soit, ami, cherchons à l'éviter...  
Elle vient, ma douleur augmente à sa présence,  
Et je vais lui donner une triste audience.  
 
.../19
Mot Annotation
SIROP-AU-CUL
Assez & trop longtemps aussi doux que l'abeille,
Je prête à vos discours une attentive oreille ;
Mais allez dire au Roi qui me fait la leçon,
Que si j'en ai le miel j'en porte l'éguillon
MERDENCOUR
Voici de Merdencour la derniere sentence,
Que votre testament se fasse en diligence ;
Cédez à Saligot la Princesse en ce jour,
Ou lui-même demain assiégeant votre Cour
Dans sa juste fureur brûlant jusqu'à vos titres,
De la Princesse, & vous, viendra casser les vi treS.
SIROP-AU-CUL
Qu'entens-je ! dans ma Cour on ose m'insulter !
Holà, Gardes....
MORVENBOUCHE
Seigneur, qu'osez-vous attenter
SIROP-AU-CUL
Malgré la dignité de votre caractère,
Croyez-moi, Merdencour, évitez ma colère ;
Allez dire à ce Roi qui me prend pour un sot,
Comme on reçoit ici l'ordre d'un Saligot.
(Merdencour se retire.)
SCENE V
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE.
MORVENBOUCHE
Seigneur, vous hazardez. Quelquefois la colère…
SIROP-AU-CUL
Quand on brave un Héros, on le rend téméraire
Je connois Merdencour, ce n'est qu'un polisson |
Qui sembloit m'apporter les ordres de Néron ;
Mais me modérant moins que n'a fait Pharasmane
J'aurois dû lui donner quelques bons coups de canne.
MORVENBOUCHE
Occupez-vous, Seigneur, de soins plus importans
La Princesse aux abois, fait des cris fi perçans
Qu'il faut en l'écoutant se boucher les oreilles.
Rien ne peut exprimer ses douleurs sans pareilles.
Ses pleurs n'ont pû suffire aux chagrins qu'elle sent ;
Car succombant aux cris, & s'évanouissant,
Sa sensibilité passoit la raillerie,
Et nous l'avons crû morte en cette létargie.
A la fin, cependant, par nos soins vigilans
Ses yeux se sont ouverts, elle a repris ses sens
Pour se plaindre & gémir avec tant de furie
Que nous croyons encor qu'elle en perdroit la vie.
Dans sa douleur mortelle elle accuse les Dieux,
Et va pour vous parler se rendre dans ces lieux.
Voyons le Roi, dit-elle, & sans regret j'expire.
SIROP-AU-CUL
Dans les maux que je sens que lui faire & lui dire ?
J'aurois autant aimé l'arrêt de son trépas
Que l'entendre gémir en un si triste cas
Mais je souffre après tout, & chacun a sa peine ;
Je sçais me montrer Roi, qu'elle se montre Reine:
Je voudrois de bon cœur pouvoir la contenter...
Quoiqu'il en soit, ami, cherchons à l'éviter...
Elle vient, ma douleur augmente à sa présence,
Et je vais lui donner une triste audience.
.../19
SCENE VI
 
SIROP-AU-CUL, ÉTRONIE, CURIDÉ, MORVENBOUCHE.  
 
ÉTRONIE
 
C'est donc vrai, Seigneur, que sans cesse sur nous  
Les Dieux exerceront leur injuste courroux !  
C'est le comble des maux pour la triste Étronie,  
Que l'heure du plaisir lui soit ainsi ravie.  
Pardonnez à l'amour qui cause mon transport,  
Si vous ne m'épousez, c'est l'arrêt de ma mort.  
L'amour peut à vos maux devenir le reméde,  
Pour vous faire chier, s'il veut vous servir d'aide,  
Un de ses mouvemens peut faire ce grand coup.  
Essayez-y, Seigneur, qui peut tout, ose tout.  
Laisserez-vous mourir une triste Princesse ?  
Si vous ne répondez à ma vive tendresse ?  
Si sans ce doux espoir j'abandonne ce lieu ?  
Disons-nous donc, Seigneur, un éternel adieu.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Les Dieux m'en sont témoins, Princesse, je vous aime ;  
Mais que puis-je pour vous dans ma douleur extrême ;  
Je suis plus mal, hélas, que l'on ne peut penser !  
J'irriterois vos feux loin de les appaiser ;  
Souffrez pour un instant que votre Roi vous quitte,  
La force de mon mal & me trouble & m'irrite…  
Princesse, en approuvant l'excès de vos malheurs  
Malgré moi je me livre aux plus vives fureurs...  
Je verrai d'un œil sec, d'un visage tranquille  
Grands & petits chier aux faubourgs, à la ville ,  
Et moi qui suis né Roi, Maître de tant d'États ,  
Il sera dit, grands Dieux, que je ne chirai pas !  
Pour un Roi constipé que la pitié vous touche,  
Ou je m'en vais crever plus vîte qu'une mouche ;  
Quand on ne peut chier, qu'on n'en a plus d'espoir ;  
La vie est un opprobre, & la mort un devoir.  
 
SCENE VII
 
ÉTRONIE, CURIDÉ.  
 
ÉTRONIE
 
Curidé, tu le vois, je n'ai plus d'espérance,  
Et si je le pouvois je prendrois patience.  
Que nous serions heureux aspirant au plaifir,  
Si quand l'espoir s'éteint, s'éteignoit le defir ;  
Il reste par malheur, c'est là notre infortune,  
Que puis-je faire ici qu'une plainte importune ?...  
Je pourrois, il est vrai, me donner le trépas...  
Tant d'autres avant moi l'ont fait en pareil cas.  
Que pour avoir le nom d'Amante plagiaire,  
Je dois me garantir d'un effet si contraire :  
Je ne sçais quel espoir rassure mes esprits :  
Un amour aussi beau peut-il être sans fruits ?  
Non, Curidé, le Ciel éprouve une Princesse  
Qui doit mourir de joie & non pas de tristesse ;  
Je sens que dans mon cœur l'espérance renait...  
 
.../20
Mot Annotation
SCENE VI
SIROP-AU-CUL, ÉTRONIE, CURIDÉ, MORVENBOUCHE.
ÉTRONIE
C'est donc vrai, Seigneur, que sans cesse sur nous
Les Dieux exerceront leur injuste courroux !
C'est le comble des maux pour la triste Étronie,
Que l'heure du plaisir lui soit ainsi ravie.
Pardonnez à l'amour qui cause mon transport,
Si vous ne m'épousez, c'est l'arrêt de ma mort.
L'amour peut à vos maux devenir le reméde,
Pour vous faire chier, s'il veut vous servir d'aide,
Un de ses mouvemens peut faire ce grand coup.
Essayez-y, Seigneur, qui peut tout, ose tout.
Laisserez-vous mourir une triste Princesse ?
Si vous ne répondez à ma vive tendresse ?
Si sans ce doux espoir j'abandonne ce lieu ?
Disons-nous donc, Seigneur, un éternel adieu.
SIROP-AU-CUL
Les Dieux m'en sont témoins, Princesse, je vous aime ;
Mais que puis-je pour vous dans ma douleur extrême ;
Je suis plus mal, hélas, que l'on ne peut penser !
J'irriterois vos feux loin de les appaiser ;
Souffrez pour un instant que votre Roi vous quitte,
La force de mon mal & me trouble & m'irrite…
Princesse, en approuvant l'excès de vos malheurs
Malgré moi je me livre aux plus vives fureurs...
Je verrai d'un œil sec, d'un visage tranquille
Grands & petits chier aux faubourgs, à la ville ,
Et moi qui suis né Roi, Maître de tant d'États ,
Il sera dit, grands Dieux, que je ne chirai pas !
Pour un Roi constipé que la pitié vous touche,
Ou je m'en vais crever plus vîte qu'une mouche ;
Quand on ne peut chier, qu'on n'en a plus d'espoir ;
La vie est un opprobre, & la mort un devoir.
SCENE VII
ÉTRONIE, CURIDÉ.
ÉTRONIE
Curidé, tu le vois, je n'ai plus d'espérance,
Et si je le pouvois je prendrois patience.
Que nous serions heureux aspirant au plaifir,
Si quand l'espoir s'éteint, s'éteignoit le defir ;
Il reste par malheur, c'est là notre infortune,
Que puis-je faire ici qu'une plainte importune ?...
Je pourrois, il est vrai, me donner le trépas...
Tant d'autres avant moi l'ont fait en pareil cas.
Que pour avoir le nom d'Amante plagiaire,
Je dois me garantir d'un effet si contraire :
Je ne sçais quel espoir rassure mes esprits :
Un amour aussi beau peut-il être sans fruits ?
Non, Curidé, le Ciel éprouve une Princesse
Qui doit mourir de joie & non pas de tristesse ;
Je sens que dans mon cœur l'espérance renait...
.../20
SCENE VIII
 
MORVENBOUCHE, ÉTRONIE, CURIDÉ.  
 
MORVENBOUCHE
 
Princesse, le Roi vient, fuyez-le s'il vous plaît.  
Il veut tranquilement dans sa fureur extrême  
Qu'il perde au moins le jour, sans se donner la mort,  
Et que pour dénoûment j'éprouve un meilleur sort.  
La route que souvent aux Héros on fait suivre :  
Est qu'en perdant le jour, on les voit encor vivre :  
Je le laisse à ce prix mourir seul en ces lieux,  
Et ie vais consulter & l'Oracle, & les Dieux.  
 
(La Princesse sort d'un côté, & le Roi entre de l'autre. )  
 
SCENE IX
 
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, DÉGOUTANT.  
 
DÉGOUTANT
 
(avec chaleur & qui n'entre qu'après le Roi.)  
 
Le bruit de vos douleurs m'a fait quitter mon poste, Et pour venir plûtôt, Seigneur, j'ai pris la poste.  
Vos fureurs pourroient bien vous donner le trépas,  
Et pour vous soûtenir, je viens tendre les bras.  
 
SIROP-AU-CUL
 
Hélas, il est trop vrai que la fureur m'anime,  
Et je sens que les Dieux m'en rendront la victime;  
Mais pour tenter secours j'irai jusqu'aux enfers,  
Et prétens par mes cris étonner l'Univers.  
Fuyons sans hésiter, dans la nuit infernale.....  
Mais que dis-je ? un foireux y tient l'urne fatale,  
Le sort, dit-on, l'a mise en ses pûantes mains  
Minos juge aux enfers tous les breneux humains.  
Que diront mes ayeux à ma séche arrivée !  
Ils ont avec honneur fini leur destinée ;  
Et quoique constipés, en terminant leur sort ,  
N'ont-ils pas d'un étron payé leur passeport ?  
 
Ah ! combien frémira l'ombre de mon cher Pere !  
Que faute de chier j'abandonne la terre.  
Mon cul ne peut nier tous ses forfaits divers,  
Et des crimes peut-être inconnus aux enfers.  
Que dira ce foireux à ce spectacle horrible ? ....  
Je crois voir de sa main tomber l'urne terrible ...  
Cachons-nous néanmoins dans l'éternelle nuit ...  
Quelle triste clarté dans ce moment me luit ! ...  
 
Je ne me trompe pas, j'aperçois mon grand-père...  
Que vois je dans ses mains ?... un étron de ma mère..  
Tout fumant.... de chier il me prescrit la Loi.....  
Dieux ! quels ruisseaux de merde en ces lieux j'entrevois ! .....  
Ah ! le Ciel irrité me reproche ma foire ;  
Les Dieux de m'en guérir vouloient avoir la gloire.  
Mais, quoi, tout disparoît & mon pere me fuit...  
Pour un mauvais étron après tout que de bruit !  
Il vaut mieux succomber, n'importe à quel supplice ?  
 
(Le Roi tombe dans les bras des confidens, & continue à voix basse)  
Du crime de mon cul, mon cœur n'est point complice…  
Je vais quoiqu'il en soit , rejoindre mes ayeux ,  
Et fais à mes amours mes très-humbles adieux.  
 
(Les deux confidens emménent le Roi , & rentrent sur le champ.)  
 
.../21
Mot Annotation
SCENE VIII
MORVENBOUCHE, ÉTRONIE, CURIDÉ.
MORVENBOUCHE
Princesse, le Roi vient, fuyez-le s'il vous plaît.
Il veut tranquilement dans sa fureur extrême
Qu'il perde au moins le jour, sans se donner la mort,
Et que pour dénoûment j'éprouve un meilleur sort.
La route que souvent aux Héros on fait suivre :
Est qu'en perdant le jour, on les voit encor vivre :
Je le laisse à ce prix mourir seul en ces lieux,
Et ie vais consulter & l'Oracle, & les Dieux.
(La Princesse sort d'un côté, & le Roi entre de l'autre. )
SCENE IX
SIROP-AU-CUL, MORVENBOUCHE, DÉGOUTANT.
DÉGOUTANT
(avec chaleur & qui n'entre qu'après le Roi.)
Le bruit de vos douleurs m'a fait quitter mon poste,
Et pour venir plûtôt, Seigneur, j'ai pris la poste.
Vos fureurs pourroient bien vous donner le trépas,
Et pour vous soûtenir, je viens tendre les bras.
SIROP-AU-CUL
Hélas, il est trop vrai que la fureur m'anime,
Et je sens que les Dieux m'en rendront la victime;
Mais pour tenter secours j'irai jusqu'aux enfers,
Et prétens par mes cris étonner l'Univers.
Fuyons sans hésiter, dans la nuit infernale.....
Mais que dis-je ? un foireux y tient l'urne fatale,
Le sort, dit-on, l'a mise en ses pûantes mains
Minos juge aux enfers tous les breneux humains.
Que diront mes ayeux à ma séche arrivée !
Ils ont avec honneur fini leur destinée ;
Et quoique constipés, en terminant leur sort ,
N'ont-ils pas d'un étron payé leur passeport ?
Ah ! combien frémira l'ombre de mon cher Pere !
Que faute de chier j'abandonne la terre.
Mon cul ne peut nier tous ses forfaits divers,
Et des crimes peut-être inconnus aux enfers.
Que dira ce foireux à ce spectacle horrible ? ....
Je crois voir de sa main tomber l'urne terrible ...
Cachons-nous néanmoins dans l'éternelle nuit ...
Quelle triste clarté dans ce moment me luit ! ...
Je ne me trompe pas, j'aperçois mon grand-père...
Que vois je dans ses mains ?... un étron de ma mère..
Tout fumant.... de chier il me prescrit la Loi.....
Dieux ! quels ruisseaux de merde en ces lieux j'entrevois ! .....
Ah ! le Ciel irrité me reproche ma foire ;
Les Dieux de m'en guérir vouloient avoir la gloire.
Mais, quoi, tout disparoît & mon pere me fuit...
Pour un mauvais étron après tout que de bruit !
Il vaut mieux succomber, n'importe à quel supplice ?
(Le Roi tombe dans les bras des confidens, & continue à voix basse)
Du crime de mon cul, mon cœur n'est point complice…
Je vais quoiqu'il en soit , rejoindre mes ayeux ,
Et fais à mes amours mes très-humbles adieux.
(Les deux confidens emménent le Roi , & rentrent sur le champ.)
.../21
SCENE X
 
ÉTRONIE, LES QUATRE MEDECINS, CURIDÉ,  
DÉGOUTANT, MORVENBOUCHE, GARDES.  
 
ÉTRONIE
 
(avec joie et transport)  
 
Nous ne pouvons douter de ce qu'a dit l'oracle  
C'est à vous, chers sujets , à faire le miracle :  
Chacun, ainsi que moi l'a fort bien entendu,  
Et l'on va voir, enfin ce qu'on n'a jamais vû.  
Dans l'instant, a-t-il dit, le Roi perd la lumière ;  
Si, sans perdre de temps, on lui souffle au derrière,  
Les destins ont écrit qu'il reverroit le jour.  
J'espére, mes amis, au nom de mon amour,  
Au nom de tout l'État, de votre ardeur fidelle ,  
Voir éclater par vous l'effet de ce grand zéle  
Qu'un Sujet doit avoir pour le salut d'un Roi.  
Ce doit être à présent votre plus doux emploi.  
Que pour votre grand Roi votre amour se réveille ;  
Ou votre Prince est mort, ou votre Roi sommeille;  
Disputez-vous l'honneur de lui souffler au cul,  
Et de ressusciter le grand Sirop-au-cul.  
 
SÇAVANTINET
 
Lui souffle qui voudra ; ce n'est plus notre affaire  
D'approcher à présent ce Roi, ni son derrière :  
On ne voit pas deux fois le rivage des morts.  
Le mortel par notre art va paître aux sombres bords ;  
Mais pour l'en retirer il devient inutile.  
 
ÉTRONIE
 
Perfides, gardez-vous de m'échauffer la bile....  
Si votre Roi vivoit, plus bas qu'un vermisseau  
Vous feriez de sa merde un très friand morceau ;  
Vous vous consumeriez en cent mille bassesses,  
Pour lui plaire cent fois vous baiseriez ses fesses,  
Eh bien !vous le ferez, Messieurs, c'est entendu,  
Si c'est peu de prier, je le veux, je l'ordonne.  
 
PECORUS
 
Nous respectons beaucoup votre Auguste Personne.  
Mais les Sçavants jamais ne donnent dans l'abus,  
Et tous vos cris , ici , deviennent superflus. . .  
Votre Oracle insolent, Princesse, a voulu rire;  
Il faut un nouveau Roi, nous venons pour l'élire.  
Voilà pour nous le soin qui devient important.  
 
ÉTRONIE
(avec menace.)  
 
C'est assez. J'ai recours à toi, cher Dégoutant ;  
Partage ce Laurier avecque Morvenbouche,  
N'importe qui des deux ? il ne faut qu'une bouche  
Qui scache adroitement du Roi souffler l'anus,  
Et rendre ces Docteurs aussi bas que Camus ....  
Mais quoi ! vous vous taisez; cet indigne silence...  
 
DÉGOUTANT
 
Le refus des Docteurs nous est une ordonnance  
Que nous n'enfreindrons point. Notre Prince est bien mort ;  
L'Oracle peut, s'il veut, mettre en doute son sort ?  
Mais s'il croit à ce Roi rendre encor la lumière,  
Noùs n'empêcherons pas qu'il lui souffle au derrière.  
 
ÉTRONIE
 
Et quand il seroit vrai que l'Oracle eût menti,  
M'obéir, est pour vous le plus sage parti ...  
Vous verrez le retour de ma juste colère.  
 
(Aux Gardes.)  
 
C'est donc vous maintenant que touche cette affaire.  
Montrez à m'obéir votre docilité,  
Et vous aurez le prix qu'elle aura mérité.  
 
(Les Gardes se mettent à rire en niais  
& disent de la tête qu'ils ne le veulent pas. )  
 
Eh bien !je vais moi-même en cueillir le salaire.  
Je vais vous faire voir comme on souffle au derrière !  
De sauver votre Roi vous serez dispensés ;  
Mais malheur aux ingrats qui s'y sont refusés.  
 
(La Princesse ouvre le fond du Théâtre où l'on voit Sirop-au-cul  
sur un lit de repos, elle fait signe aux Gardes de soulever le Roi :  
quand il est assez élevé elle lui souffle au cul à plusieurs reprises,  
on voit en même temps un étron bien dodu tomber sur le nez  
de la Princesse, elle l'ôte fort proprement de la main droite,  
& l'apporte en triomphe au bord du Théâtre, ce qui rend stupéfaits  
les Médecins & les Confidents ; le Roi en même temps s'avance,  
& paroît comme un homme qui sort d'un profond sommeil  
& qui a de la peine à se réveiller.)  
 
.../22
Mot Annotation
SCENE X
ÉTRONIE, LES QUATRE MEDECINS, CURIDÉ,
DÉGOUTANT, MORVENBOUCHE, GARDES.
ÉTRONIE
(avec joie et transport)
Nous ne pouvons douter de ce qu'a dit l'oracle
C'est à vous, chers sujets , à faire le miracle :
Chacun, ainsi que moi l'a fort bien entendu,
Et l'on va voir, enfin ce qu'on n'a jamais vû.
Dans l'instant, a-t-il dit, le Roi perd la lumière ;
Si, sans perdre de temps, on lui souffle au derrière,
Les destins ont écrit qu'il reverroit le jour.
J'espére, mes amis, au nom de mon amour,
Au nom de tout l'État, de votre ardeur fidelle ,
Voir éclater par vous l'effet de ce grand zéle
Qu'un Sujet doit avoir pour le salut d'un Roi.
Ce doit être à présent votre plus doux emploi.
Que pour votre grand Roi votre amour se réveille ;
Ou votre Prince est mort, ou votre Roi sommeille;
Disputez-vous l'honneur de lui souffler au cul,
Et de ressusciter le grand Sirop-au-cul.
SÇAVANTINET
Lui souffle qui voudra ; ce n'est plus notre affaire
D'approcher à présent ce Roi, ni son derrière :
On ne voit pas deux fois le rivage des morts.
Le mortel par notre art va paître aux sombres bords ;
Mais pour l'en retirer il devient inutile.
ÉTRONIE
Perfides, gardez-vous de m'échauffer la bile....
Si votre Roi vivoit, plus bas qu'un vermisseau
Vous feriez de sa merde un très friand morceau ;
Vous vous consumeriez en cent mille bassesses,
Pour lui plaire cent fois vous baiseriez ses fesses,
Eh bien !vous le ferez, Messieurs, c'est entendu,
Si c'est peu de prier, je le veux, je l'ordonne.
PECORUS
Nous respectons beaucoup votre Auguste Personne.
Mais les Sçavants jamais ne donnent dans l'abus,
Et tous vos cris , ici , deviennent superflus. . .
Votre Oracle insolent, Princesse, a voulu rire;
Il faut un nouveau Roi, nous venons pour l'élire.
Voilà pour nous le soin qui devient important.
ÉTRONIE
(avec menace.)
C'est assez. J'ai recours à toi, cher Dégoutant ;
Partage ce Laurier avecque Morvenbouche,
N'importe qui des deux ? il ne faut qu'une bouche
Qui scache adroitement du Roi souffler l'anus,
Et rendre ces Docteurs aussi bas que Camus ....
Mais quoi ! vous vous taisez; cet indigne silence...
DÉGOUTANT
Le refus des Docteurs nous est une ordonnance
Que nous n'enfreindrons point. Notre Prince est bien mort ;
L'Oracle peut, s'il veut, mettre en doute son sort ?
Mais s'il croit à ce Roi rendre encor la lumière,
Noùs n'empêcherons pas qu'il lui souffle au derrière.
ÉTRONIE
Et quand il seroit vrai que l'Oracle eût menti,
M'obéir, est pour vous le plus sage parti ...
Vous verrez le retour de ma juste colère.
(Aux Gardes.)
C'est donc vous maintenant que touche cette affaire.
Montrez à m'obéir votre docilité,
Et vous aurez le prix qu'elle aura mérité.
(Les Gardes se mettent à rire en niais
& disent de la tête qu'ils ne le veulent pas. )
Eh bien !je vais moi-même en cueillir le salaire.
Je vais vous faire voir comme on souffle au derrière !
De sauver votre Roi vous serez dispensés ;
Mais malheur aux ingrats qui s'y sont refusés.
(La Princesse ouvre le fond du Théâtre où l'on voit Sirop-au-cul
sur un lit de repos, elle fait signe aux Gardes de soulever le Roi :
quand il est assez élevé elle lui souffle au cul à plusieurs reprises,
on voit en même temps un étron bien dodu tomber sur le nez
de la Princesse, elle l'ôte fort proprement de la main droite,
& l'apporte en triomphe au bord du Théâtre, ce qui rend stupéfaits
les Médecins & les Confidents ; le Roi en même temps s'avance,
& paroît comme un homme qui sort d'un profond sommeil
& qui a de la peine à se réveiller.)
.../22
SCENE XI
ET DERNIÈRE
 
ÉTRONIE
 
(L'étron à la main, faisant allusion à l'urne  
que tient Cornélie dans la mort de Pompée.)  
 
Les yeux, puis-je vous croire, & n'est-ce point un songe,  
Qui sur mes vœux puissans a formé ce mensonge?  
Je revois un Héros, un Roi qui m'est si cher ;  
Et que je sauve, enfin, des honneurs du bucher.  
Cet étron que je tiens vaut bien mieux que sa cendre.  
 
(Parlant à l'étron.)  
 
Ô vous, à mon bonheur objet sensible & tendre,  
Fumez jusques aux Cieux, embaumez tous mes sens,  
Et servez aux Mortels de parfums & d'encens.  
Vous venez appaiser mes regrets & mes larmes.  
Incomparable étron, que vous avez de charmes!  
Vous ramenez la joie en ces murs désolés,  
 
(Regardant les Médecins. )  
 
Et mes traîtres bientôt vous seront immolés.  
Vous voilà confondus, lâches & téméraires:  
Si le Prince à présent avoit trente derriéres,  
Vous les suceriez tous, bien loin de les baiser.  
Le Roi reconnoissant va vous récompenser.  
 
(Au Roi qui paroît toujours étonné.)  
 
Sire, les Dieux touchés vous ont rendu la vie,  
Sortez, il en est temps, de votre léthargie.  
L'Oracle a prononcé qu'en vous soufflant au cul  
Nous reverrions regner le grand Sirop-au-cul.  
Tous vos Sujets ingrats rejettant cet office  
Ont refusé, Seigneur, de vous rendre un service,  
Où mon amour pressant vient de se signaler.  
La perfidie, enfin , les a fait reculer.  
Après avoir, en vain, fait agir la prière  
Moi-même avec transport soufflant votre derrière,  
Je rends à tout l'État, ainsi qu'à mon amour,  
La joye & le repos, à vous je rends le jour.  
Qu'il est doux de baiser un cul que l'on adore !  
Mes lévres du plaisir me chatouillent encore.  
Le prix que j'en attens est déja dans mon cœur ;  
Mais contre ces ingrats secondez ma fureur.  
Qu'ils périssent soudain d'une main meurtrière,  
Et qu'ils servent d'exemple à la nature entière ;  
Désobéir aux Rois , c'est offenser les Cieux,  
Et vous devez punir à l'exemple des Dieux.  
(Le Roi embrasse tendrement ÉTRONIE dont le visage  
est tout emberné, & qui emberne celui du Roi.)  
 
SIROP-AU-CUL
 
Princesse, autant qu'aux Dieux je dois à votre flâme,  
Et je vais couronner l'ardeur qui vous enflâme.  
Mes indignes Sujets méritent le trépas ...  
Mais remettons aux Dieux à punir les ingrats.  
Oui , puisque dans ce jour, je prends un nouvel être ;  
Que ma clémence, ici, se fasse reconnoître ;  
Et pour la signaler aux yeux de l'Univers,  
Bien loin de les charger d'opprobres & de fers,  
Le Ciel m'inspire un trait digne enfin qu'on l'admire,  
Je vais en miel pour eux convertir leur martyre:  
Cet étron qu'on devroit conserver chérement,  
Et tout fumant, aux Dieux offrir en cet inftant,  
Qu'il n'en soit plus parlé par faveur efficace  
Mangez-le proprement pour sceau de votre grace.  
 
(Aux Médecins & aux Confidents.  
Ils se mettent tous six à genoux contre la main de la Princesse  
dans laquelle ils mangent l'étron ; ce qui fait un coup de Théâtre  
succulent, parce qu'alors tous ceux qui sont sur la Scene  
ont le visage embrené)  
 
Et nous Princesse, allons rendre graces aux Dieux  
Dont la bonté céleste a fait tout pour le mieux.  
Allons à leurs Autels cimenter l'alliance  
Qui fait de votre Roi l'heureuse délivrance,  
Et qu'on dise partout le grand Sirop-au-cul  
Etoit mort, est vivant & n'a plus mal au cul.  
 
FIN
 
* * * / / / * * *
Mot Annotation
SCENE XI
ET DERNIÈRE
ÉTRONIE
(L'étron à la main, faisant allusion à l'urne
que tient Cornélie dans la mort de Pompée.) Voir le tableau à cette adresse.

La Mort de Pompée est une pièce de théâtre de Pierre Corneille inspirée par le sujet de la mort. Elle fut jouée pour la première fois en 1643 au théâtre du Marais.

Les yeux, puis-je vous croire, & n'est-ce point un songe,
Qui sur mes vœux puissans a formé ce mensonge?
Je revois un Héros, un Roi qui m'est si cher ;
Et que je sauve, enfin, des honneurs du bucher.
Cet étron que je tiens vaut bien mieux que sa cendre.
(Parlant à l'étron.)
Ô vous, à mon bonheur objet sensible & tendre,
Fumez jusques aux Cieux, embaumez tous mes sens,
Et servez aux Mortels de parfums & d'encens.
Vous venez appaiser mes regrets & mes larmes.
Incomparable étron, que vous avez de charmes!
Vous ramenez la joie en ces murs désolés,
(Regardant les Médecins. )
Et mes traîtres bientôt vous seront immolés.
Vous voilà confondus, lâches & téméraires:
Si le Prince à présent avoit trente derriéres,
Vous les suceriez tous, bien loin de les baiser.
Le Roi reconnoissant va vous récompenser.
(Au Roi qui paroît toujours étonné.)
Sire, les Dieux touchés vous ont rendu la vie,
Sortez, il en est temps, de votre léthargie.
L'Oracle a prononcé qu'en vous soufflant au cul
Nous reverrions regner le grand Sirop-au-cul.
Tous vos Sujets ingrats rejettant cet office
Ont refusé, Seigneur, de vous rendre un service,
Où mon amour pressant vient de se signaler.
La perfidie, enfin , les a fait reculer.
Après avoir, en vain, fait agir la prière
Moi-même avec transport soufflant votre derrière,
Je rends à tout l'État, ainsi qu'à mon amour,
La joye & le repos, à vous je rends le jour.
Qu'il est doux de baiser un cul que l'on adore !
Mes lévres du plaisir me chatouillent encore.
Le prix que j'en attens est déja dans mon cœur ;
Mais contre ces ingrats secondez ma fureur.
Qu'ils périssent soudain d'une main meurtrière,
Et qu'ils servent d'exemple à la nature entière ;
Désobéir aux Rois , c'est offenser les Cieux,
Et vous devez punir à l'exemple des Dieux.
(Le Roi embrasse tendrement ÉTRONIE dont le visage
est tout emberné, & qui emberne celui du Roi.)
SIROP-AU-CUL
Princesse, autant qu'aux Dieux je dois à votre flâme,
Et je vais couronner l'ardeur qui vous enflâme.
Mes indignes Sujets méritent le trépas ...
Mais remettons aux Dieux à punir les ingrats.
Oui , puisque dans ce jour, je prends un nouvel être ;
Que ma clémence, ici, se fasse reconnoître ;
Et pour la signaler aux yeux de l'Univers,
Bien loin de les charger d'opprobres & de fers,
Le Ciel m'inspire un trait digne enfin qu'on l'admire,
Je vais en miel pour eux convertir leur martyre:
Cet étron qu'on devroit conserver chérement,
Et tout fumant, aux Dieux offrir en cet inftant,
Qu'il n'en soit plus parlé par faveur efficace
Mangez-le proprement pour sceau de votre grace.
(Aux Médecins & aux Confidents.
Ils se mettent tous six à genoux contre la main de la Princesse
dans laquelle ils mangent l'étron ; ce qui fait un coup de Théâtre
succulent, parce qu'alors tous ceux qui sont sur la Scene
ont le visage embrené)
Et nous Princesse, allons rendre graces aux Dieux
Dont la bonté céleste a fait tout pour le mieux.
Allons à leurs Autels cimenter l'alliance
Qui fait de votre Roi l'heureuse délivrance,
Et qu'on dise partout le grand Sirop-au-cul
Etoit mort, est vivant & n'a plus mal au cul.
FIN
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