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ROI LOUIS IX, DIT 'SAINT-LOUIS' (1214-1270)
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Le texte écrit est emprunté à l'ouvrage : Jean de Joinville, | |
Mémoire, ou Histoire et chronique du très chrétien roi Saint Louis, | |
éd. Fr. Michel, Paris, 1858, p. 4-5. | |
Les différences entre l'extrait de référence et ce que vous entendez dans la reconstitution sont entre parenthèses. | |
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Au retour de la septième croisade (1249-1254), le vaisseau de saint Louis heurte un banc de sable au large de Chypre ; le roi refuse d'en descendre, voulant courir les mêmes risques que ses compagnons. |
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Seigneur |
Seigneurs = Un grand nombre de mots masculins singuliers de l'ancienne langue, en fonction de sujet ou d'apostrophe, présentaient une consonne s ou z à la finale (cas-sujet). Lorsque le mot seigneurs était complément du verbe ou du nom, il était dit plutôt seigneur. La langue moderne a conservé la forme complément. Lire l'article complémentaire à Wikipédia. |
(~Seigneurs), je | |
voi |
voi = vois Les verbes des 2e et 3e groupes n'avait pas de désinence à la 1re personne. Un s s'est ajouté plus tard sur le modèle de la 2e personne. |
que | |
se | se = si, conjonction servant à introduire une condition (lat. tardif sed) |
je descens de ceste | |
nef, | nef = navire (lat. navem) |
que elle sera de refus, | |
[sε.ɲœrs ʒǝ vw͜e ke sǝ ʒǝ de.sɑ̃ dǝ sε.tǝ nεf kε.lǝ sǝ.rɑ dǝ rǝ.fy] | |
Seigneur, je vois que si je descends de ce navire, on refusera d'y rester, | |
et | |
voy |
voy = vois Très souvent, le pronom sujet manquait devant le verbe, notamment lorsque le sujet du verbe était clair dans le contexte et que la forme déclinée du verbe l'était aussi. Au XVIe s. Ronsard a exigé le pronom personnel devant le verbe : « Tu n'oublieras jamais les articles, et tiendras pour tout certain que rien ne peut tant deffigurer ton vers que les articles delaissez, autant en est il des pronoms primitifz, comme je, tu, que tu n'oublieras pas non plus, si tu veux que tes carmes soyent parfaictz et de tous poinctz bien accomplis » (Ronsard, Abbregé de l'Art poëtique). |
que il a | |
céans | céans = ici dedans; dans cette maison. |
huit cens | |
personnes |
personnes = Dans l'ancienne langue, toute voyelle devant une consonne nasale, à savoir [n], [m] ou gn [ɲ], était nasalisée : année était dit [ɑ̃.ne.ǝ]. C'est pourquoi, dans l'enregistrement, on entend [per.sɔ̃.nǝ]. À partir du XVIIe s., seule la voyelle dont la consonne nasale se trouvait dans la même syllabe (syllabe fermée) a conservé sa nasalisation en français moderne :
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et plus; | |
[e vw͜e k il ɑ se.ɑ̃s ɥi sɑ̃ pεr.sɔ̃n e plys] | |
et je vois qu'il y a ici dedans huit cents personnes et plus. | |
et | |
pour ce que | pour ce que = parce que. |
chascun | |
aimme |
aimme = aime Dans l'ancienne langue, toute voyelle devant une consonne nasale, à savoir [n], [m] ou gn [ɲ], était nasalisée : aime était prononcé [ε̃.mǝ]. Le double m dans l'orthographe aimme (aim-me) était un moyen graphique pour signaler que la voyelle était nasalisée. |
autretant |
autretant = autant Dans l'ancienne langue, le graphème au était prononcé [a͜w] (ao). Vers le XVIIIe s., il est devenu [ɔ:] long ou [o:] long selon la consonne qui suivait. |
sa | |
vie |
vie = vie Dans l'ancienne langue, le graphème e à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire était prononcé. Par exemple, vie, se prononçait en deux syllabes: (vi-e) [vi.ǝ]. Peu à peu, le son [ǝ] s'est amuï et, par effet compensatoire, a allongé la voyelle qui le précédait. C'est cet allongement (marqué dans un deux-points dans la transcription phonétique) que l'on peut entendre, dans l'audio-fiction, dans le mot vie prononcé [vi:]. |
comme je | |
faiz |
faiz = je fais Dans l'ancienne langue, cette forme verbale se présentait de différentes façons : faiz, faz, fais (fes). À l'époque, le graphème z pouvait alterner avec s. |
la | |
moie, |
moie = mienne 1. moie est devenue mienne par analogie avec la forme masculine mien déjà existante. 2. Dans l'ancienne langue, la lettre e à la finale des mots était prononcée, par exemple, moie se prononçait en deux syllabes : [mw͜εj:] (moè-e). Peu à peu, le son [ǝ] s'est amuï et, par effet compensatoire, a allongé la voyelle qui le précédait, ou l'a diphtonguée, comme on peut l'entendre, dans l'audio-fiction, dans le mot moie prononcé [mw͜εj:] (moè-e). |
[e pur.sǝ.kǝ ʃa.kœ̃ ε̃m a͜w.trǝ.tɑ̃ sa vi: kɔm ʒǝ fε la mw͜εj:] | |
Et parce que chacun aime autant sa | |
vie |
vie = Dans l'ancienne langue, la lettre e à la finale des mots était prononcée. Par exemple, vie se prononçait en deux syllabes : [vi.ǝ] (vi-e). Peu à peu, le son [ǝ] s'est amuï et, par effet compensatoire, a allongé la voyelle qui le précédait. C'est cet allongement (marqué par un deux-points) que l'on peut entendre, dans l'audio-fiction, dans le mot vie prononcé [vi:]. |
que moi la mienne, | |
n'oseroit | |
nulz |
nulz = nul, personne (pronom). Dans l'ancienne langue, beaucoup de mots (substantifs et pronoms) masculins singuliers, lorsqu'ils occupaient une fonction de sujet ou d'apostrophe, présentaient une consonne s ou z à la finale. Lire l'article à Wikipédia. |
demourer en ceste | |
nef, | nef = navire (lat. navem) |
ainçois |
ainçois = plutôt (adverbe de qualité). À cette époque, le graphème oi était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] (oè). |
demourroient |
demourroient = demeureraient 1. L'ancienne langue connaissait l'alternance ou (ou o) en syllabe non accentuée et eu en syllabe accentuée, que l'on observe encore avec mourir [mu.ʁiʁ] et il meurt [il.mœʁ], d'où : trouver / il treuve; plorer / il pleure; demourer / il demeure. 2. À cette époque, le graphème oi était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] (oè). À l'époque, la lettre e était déjà muette dans les formes verbales des verbes du 1er groupe conjugués au futur et au conditionnel présent, et ne se voyait pas à l'écrit : demour(e)roient. |
en (~dans) Cypre : | |
[no.zǝ.rw͜e nys dǝ.mo͜w.rer ɑ̃ sε.tǝ nεf ε.̃sw͜e dǝ.mur.rwej dɑ̃ si.prǝ] | |
nul n'oserait demeurer en ce navire, ils demeureraient plutôt à Chypre. | |
par quoy |
par quoy = pourquoi Dans l'ancienne langue, le graphème oi était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] (oè). |
(~pourquoi), | |
se | se = si, conjonction servant à introduire une condition (lat. pop. sed) |
Dieu plait, je ne mettrai | |
jà | jà = ne…plus |
tant de | |
gent |
gent = gens (lat. gentiles). L'orthographe attendue au féminin pluriel est gents, gens ou genz. Peut-être s'agit-il d'une erreur de transcription ou plus simplement orthographique. |
[pur.kwe sǝ djø plε ʒǝ ne mε.tre ʒɑ tɑ̃ dǝ ʒɑ̃] | |
C'est pourquoi, s'il plaît à Dieu, je ne mettrai plus tant de gens | |
comme il a | |
céans | céans = ici dedans; dans cette maison. |
en | |
péril |
péril = Jusqu'au XVIIe s., les graphèmes ill ou il, prononcés aujourd'hui [j], étaient prononcés [ʎ], dit l palatalisé, mouillé, proche du son [lj]. C'est pourquoi, dans l'audio-fiction, nous entendons [pe.riʎ] plutôt que [pe.ril]. En italien, cette consonne [ʎ] existe toujours et elle est orthographiée gli (foglia). La consonne [ʎ] s'est amuïe en finale de mot vers le XIVe s., et le mot a été prononcé péri. La lettre l a été ajoutée par les grammairiens au XVIIe s. pour rapprocher le mot de son étymon latin (lat. perīculum), et les Français se sont remis à la prononcer, à savoir [pe.ʁil]. |
de mort; | |
[kɔm il ɑ se.ɑ̃s ɑ̃ pe.riʎ dǝ mɔr ] | |
comme il y en a ici en péril de mort. | |
ainçois demourrai céans pour mon peuple | |
sauver. |
sauver = Dans l'ancienne langue, le graphème au est prononcé [a͜w] et devient, vers le XVIIIe s., [ɔ:] long ou [o:] long selon la consonne qui suit. Dans l'ancienne langue, la consonne r à la finale des verbes du premier groupe était prononcée, mais elle a commencé peu à peu à s'amuïr à partir du XIVe: [sa͜w.vεr] XVIe [sa͜w.ve]. |
[ε̃.sw͜e dǝmur.rw͜e se.ɑ̃s pur mɔ̃ pœ.plǝ sa͜w.vεr] | |
Plutôt, je demeurerai ici pour sauver mon peuple. | |
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Le grand amour que Saint Louis vouait à son peuple s’entendit lorsque, gravement malade au château de Fontainebleau, il dit à son fils aîné, Louis de France : |
Mot | Annotation |
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Biau |
biau = beau, bel La lettre i renvoie à la prononciation de la triphtongue [ja͜w] (XIe s. biaus Xe s. bels lat. bellos). On retrouve encore un tel i en français moderne dans dépiauter (enlever la peau). |
filz, |
filz = fils Dans l'ancienne langue, beaucoup de mots masculins singuliers, lorsqu'ils occupaient une fonction de sujet ou d'apostrophe, avaient une consonne s ou z à la finale. Lorsque le mot filz (fils) était complément du verbe ou du nom, il était dit plutôt fil. Dans le cas de fils, la langue moderne a conservé la forme sujet. |
je te pri que tu te | |
faces | faces = fasses |
amer |
amer = aimer (lat. amāre) L'ancienne langue connaissait l'alternance des voyelles a en syllabe non accentuée et ai en syllabe non accentuée : amer, amons / aime, aimes, aiment. Dans l'ancienne langue, la consonne r à la finale des verbes du premier groupe était prononcée, mais elle commence peu à peu à s'amuïr à partir du XIVe s.: [ɑ̃.mer] XIVe [ɑ̃.me]. Dans l'ancienne langue, toute voyelle devant une consonne nasale, à savoir [n], [m] ou gn [ɲ], était nasalisée : année était dit [ɑ̃.ne.ǝ]. C'est pourquoi, dans l'enregistrement, on entend [ɑ̃.mer]. |
au peuple de ton royaume; | |
[bja͜w fis ʒǝ tǝ pri kǝ ty tə fas ɑ̃.mεr o pœ.plǝ dǝ tɔ̃ rw͜ε.jo:m] | |
Beau fils, [dit-il], je te prie de te faire aimer du peuple de ton royaume, | |
car | |
vraiement |
vraiement = vraiment, prononcé à cette époque [vrε.jǝ.mɑ̃]. À cette époque, bien des adverbes constitués du suffixe–ment (lat. mente, mens 'esprit', ensuite 'de manière') avaient, au radical, un adjectif féminin et, en conséquence, avec une lettre e: veraiement (lat. veracu+mente 'de manière vraie') vraiement. Le radical vrai était prononcé [vrεj], et la lettre e était encore entendue, comme dans aiséement, [ε.ze.ǝ.mɑ̃], cruement (crûment) [kry.ǝ.mɑ̃], hardiement (hardiment) [ar.di.ǝ.mɑ̃]. Dès le XVIe s., le [ǝ] dans ce contexte n'était plus prononcé. |
je | |
aimeraie |
aimeraie = aimerais. Dans l'ancienne langue, toute voyelle devant une consonne nasale, à savoir [n], [m] ou gn [ɲ], était nasalisée : année était dit [ɑ̃.ne.ǝ] (an-né-e). C'est pourquoi, dans l'enregistrement, on entend [ɑ̃.mǝ.rε] (an-me-rè). |
miex |
miex = mieux Dans l'ancienne langue, la lettre x avait, entre autres, la valeur orthographique us : miex ~ mieus (mieux). |
que un | |
Escot | Escot = Écossais (bas lat. scoti). |
venist | venist = vînt, subjonctif imparfait. |
d'Escosse | |
[kar vrε.jǝ.mɑ̃ ʒɑ̃.mǝ.rε mjø kœ̃ ne.kɔt vǝ.nit de.kɔs] | |
car vraiment j'aimerais mieux qu'un Écossais vînt d'Écosse | |
et gouvernast le peuple du royaume bien et | |
loialment, |
loialment = loyalement Dans l'ancienne langue, il se trouvait également des adverbes constitués du suffixe–ment (lat. mente, mens ' esprit ', ensuite ' de manière ') qui avaient plutôt, au radical, un adjectif de forme masculine et, en conséquence, sans lettre e : cruel cruelment; especial especialment; loial loialment. |
[e gu.vεr.nɑ lǝ pœ.plǝ dy rw͜ε.jo:m bjε̃ e lw͜e.ja.mɑ̃] | |
et gouvernât le peuple du royaume bien et loyalement, | |
que que tu le gouvernasses mal | |
apertement. | apertement = ouvertement, de manière évidente (lat. apertum+mente). |
[kǝ kǝ ty lǝ gu.vεr.nas mal a.pεr.tǝ.mɑ̃] | |
que tu le gouvernasses mal aux yeux de tous. | |
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