Français autrefois

 
MADELEINE DE SCUDÉRY (1607 – 1701)
 
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L'extrait suivant est emprunté à l'ouvrage : Madeleine de Scudéry, Clélie, Histoire romaine, dédiée à Mademoiselle de Longueville, Première partie, Paris, Augustin Courbe, 1660.  
 
La préciosité est un phénomène social en même temps qu'un courant littéraire qui marque profondément la langue du 17e siècle. Le parcours de la Carte de Tendre de Madeleine de Scudéry fut une grande préoccupation des salons littéraires de l'époque.
Mot Annotation
MADELEINE DE SCUDÉRY
Qui est Madeleine de Scudéry?
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(1607 – 1701)
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    L'extrait suivant est emprunté à l'ouvrage :
    Madeleine de Scudéry, Qui est Madeleine de Scudéry?
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    Clélie, Histoire romaine, Veuillez jeter un coup d'oeil à ce roman précieux en dix volumes contenant la Carte de Tendre.
    dédiée à Mademoiselle de Longueville,
    Première partie, Paris, Augustin Courbe, 1660.
    La préciosité QU'est-ce que la préciosité au XVIIe siècle?
    est un phénomène social en même temps qu'un courant littéraire qui marque profondément la langue du 17e siècle. Le parcours de la
    Carte de Tendre Voir ce qu'est la Carte de Tendre, publiée dans Clélie.
    de
    Madeleine de Scudéry Qui est Madeleine de Scudéry?
    Découvrez-la à cette adresse.
    fut une grande préoccupation des salons littéraires de l'époque.
    ' […] Mais Madame, comme il n'y a point de chemins où l'on ne ſe puiſſe eſgarer,  
    [mɛ ma.dam kɔm il ni ɑ pwɛ᷉ də ʃə.mɛ᷉ u lɔ᷉ nə sə pɥis e.gɑ:.re]  
     
    Clelie a fait, comme vous le pouuez voir,  
    [kle.li ɑ fɛ kɔm vu lə pu.ve vw͜ɛr]  
     
    que ſi ceux qui ſont à Nouuelle Amitié, prenoient vn peu plus à droit,  
    [kə si sø ki sɔ᷉ ta nu.vɛl a.mi.tje prə.nw͜ɛj tœ᷉ pø ply za drw͜ɛt]  
     
    ou vn peu plus à gauche, ils s'eſgareroient auſſi:  
    [u œ᷉ pø ply za go:ʃ il se.gɑ:.rə.rw͜e to.si]  
     
    car ſi au partir de Grand Eſprit, on alloit à Negligence,  
    [kar si o par.tir də grɑ᷉.tɛs.pri ɔ᷉ na.lw͜e ta ne.gli.ʒɑ᷉s]  
     
    que vous voyez tout contre ſur cette Carte;  
    [kə vu vw͜ɛ.je tu kɔ᷉.trə syr sɛ.tə kart]  
     
    qu'en ſuite continuant cét eſgarement, on allaſt à Ineſgalité  
    [kɑ᷉.sɥit kɔ᷉.ti.nɥɑ᷉ sɛt e.gɑ:r.mɑ᷉ ɔ᷉ na.lɑ ta i.ne.ga.li.te]  
     
    de là à Tiedeur; à Legereté; & à Oubly;  
    [də lɑ a tjɛ.dør a le.ʒɛr.te e a u.bli]  
     
    au lieu de ſe trouuer à Tendre, ſur Eſtime, on ſe trouueroit au Lac d'Indifference  
    [o ljø də sə tro͜w.ver a tɑ᷉dr syr ɛs.tim ɔ᷉ sə tro͜w.və.rw͜e o lak dɛ᷉.di.fe.rɑ᷉s]  
     
    que vous voyez marqué ſur cette Carte;  
    [kə vu vw͜e.je mar.ke syr sɛ.tə kart]  
     
    & qui par ſes eaux tranquiles, repreſente ſans doute fort iuſte,  
    [e ki par sɛ zo trɑ᷉.kil rə.pre.zɑ᷉t sɑ᷉ dut fɔr ʒyst  
     
    la choſe dont il porte le nom en cét endroit. '  
    [la ʃoz dɔ᷉ til pɔr.tə lə nɔ᷉ ɑ᷉ sɛt ɑ᷉.drw͜e]  
     
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    Site web créé par Luc Ostiguy et André Bougaïeff  
    Université du Québec à Trois-Rivières (Québec, Canada)
    Mot Annotation
    ' […] Mais Madame, comme il n'y a point de chemins où l'on
    ne ſe puiſſe eſgarer, ne ſe puiſſe eſgarer = ne puisse s'égarer

    Encore au XVIIe s., le pronom complément direct ou indirect d'un verbe infinitif précédé d'un semi-auxiliaire (vouloir, pouvoir, devoir, aller, faire) se plaçait normalement devant ce dernier : ne se puisse égarer › ne puisse s'égarer.

    La lettre ſ, dans: ſe puiſſe, se nomme ' s long ' en typographie.

    Pour le ſ long, voir plus de détails dans ce site web, ou encore dans Wikipédia.

    Rappelons ici que, durant les premiers siècles du second millénaire (XIe – XVIe), on écrivait en français de plus en plus (à la main, bien sûr), et de plus en plus vite, puisque la demande de manuscrits augmentait.

    Les clercs tentaient d'en mettre davantage sur chaque page pour économiser l'argent et la place: les lettres étaient ainsi resserrées. Cette situation a engendré un conflit entre le caractère rapidement écrit et cursif de l'écriture et l'impératif de la lisibilité, d'où la nécessité de procédés de lisibilité compensatoires. Un des procédés a été celui des variantes calligraphiques de position de la lettre s: le s long initial et médian, ayant souvent l'apparence d'un f, usage qui remonte à la fin du XIIe siècle (Catach 1992).

    3. On peut entendre dans le mot eſgarer que le graphème a se prononce [ɑ:], voyelle ouverte postérieure et longue. Cette façon de prononcer ce mot faisait partie du bon usage des membres de l'aristocratie au XVIIe s. Aujourd'hui, cette voyelle est plutôt prononcée [a], ouverte antérieure et brève.

    Le français québécois traditionnel connaît la prononciation [ɑ:] dans ce mot, mais elle est maintenant une caractéristique de la langue parlée familière. Bien des Québécois ne connaissent que la voyelle [a] dans ce contexte.

    4. Dans les graphies anciennes, le son [e] (é) était souvent rendu par les lettres es- (~ eſ-) dont le s, autrefois prononcé, est devenu muet à partir du XIIe s. On a conservé la graphie es- jusqu'au XVIIIe s., comme dans les mots esgarement, (égarement), estoit (était) et esté (été). Il a fallu attendre les éditions du Dictionnaire de l'Académie de 1740 et de 1762 pour que le système d'accentuation tel que nous le connaissons aujourd'hui soit adopté définitivement.

    [mɛ ma.dam kɔm il ni ɑ pwɛ᷉ də ʃə.mɛ᷉ u lɔ᷉ nə sə pɥis e.gɑ:.re]
    Clelie Voir ce qu'est le roman précieux Clélie
    a fait, comme
    vous le pouuez voir, vous le pouuez voir = vous pouvez le voir

    Encore au XVIIe s., le pronom complément direct ou indirect d'un verbe infinitif précédé d'un semi-auxiliaire (vouloir, pouvoir, devoir, aller, faire) se plaçait normalement devant ce dernier: vous le pouvez voir › vous pouvez le voir.

    Depuis le Moyen Âge, seule la lettre u était utilisée à l'intérieur de mot, tant pour faire entendre la consonne [v] (pouuver) que pour la voyelle [y] (ſur ' sur '). Avec la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694), terminée sous l'autorité du grammairien Régnier-Desmarais, les Français ont adopté, pour de bon, la lettre v pour représenter le son [v]. Les mots pouuoir et apuril sont devenus ainsi pouvoir et avril.

    [kle.li ɑ fɛ kɔm vu lə pu.ve vw͜ɛr]
    que ſi ceux qui ſont à
    Nouuelle Amitié, Nouuelle Amitié = nouvelle amitié

    Au XVIe et XVIIe s., il était courant que le scripteur fît usage d'une majuscule au début d'un mot concret qu'il voulait être compris dans un sens plus allégorique: une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement, qui était personnifiée.

    Madeleine de Scudéry a mis une majuscule à tous les mots de sa Carte, leur conférant ainsi une dimension abstraite: Nouuelle Amitié, Grand Eſprit, Negligence. Ineſgalité, Tiedeur, Legereté, Oubly, Eſtime et Lac d'Indifference.

    Depuis le Moyen Âge, seule la lettre u était utilisée à l'intérieur de mot, tant pour faire entendre la consonne [v] (nouuelle) que pour la voyelle [y] (ſur ' sur '). Avec la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694), terminée sous l'autorité du grammairien Régnier-Desmarais, les Français ont adopté, pour de bon, la lettre v pour représenter le son [v]. Les mots nouueau et apuril sont devenus ainsi nouveau et avril.

    prenoient prenoient = prenaient

    Depuis le XIIe s., le graphème digramme oi (ou oy), comme celui observé à la finale des verbes conjugués à l'imparfait ou au conditionnel présent, était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] ([oè]). Depuis le XVIe s., le graphème digramme oi était également prononcé [ε] (è), notamment dans les finales verbales et dans quelques mots, tels que Anglois (Anglais), François (Français). C'est ce son [ε] qui s'est imposé dans ces derniers cas. La graphie ai pour [ε] a été officiellement admise avec la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie (1835).

    À partir du XIIIe s., la finale –ent de la 3e personne verbale du pluriel, prononcée sans doute [ənt], s'est progressivement effacée de la prononciation. La dernière voyelle s'est allongée par effet compensatoire: [prə.nw͜e:] (le deux-points signifie que [w͜e] (oé) est prononcé avec un allongement). La voyelle allongée [w͜e:] pouvait être prononcé également [w͜ej] (oéy) ou [w͜ɛj] (oèy), comme on peut l'entendre dans l'enregistrement: prenoient [prə.nw͜ɛj].

    La lettre finale t du verbe a cessé, elle aussi, de se prononcer, sauf lorsque le mot suivant commençait avec une voyelle: ' prenoient͜ vn peu plus à droit '. Ce phénomène est appelé liaison consonantique.

    vn vn = un

    L'usage de la lettre v (variante orthographique de u en écriture gothique) pour transcrire la voyelle [y] (u) était variable à l'époque. Quand elle était utilisée, c'était à l'initiale de mot. En revanche, seule la lettre u était utilisée à l'intérieur de mot, tant pour la consonne [v] (yuer ' hiver ') que pour la voyelle [y] (fumée).

    peu plus
    à droit, à droit = à droite (locution adverbiale)

    Au XVIIe s., la locution à droite connaissait la variante à droit (au XVIe s., à droict), dont la lettre finale t était prononcée. Quant au graphème digramme oi (ou oy), il était prononcé [w͜e] (oé), et ce, depuis le XIIe s.

    [kə si sø ki sɔ᷉ ta nu.vɛl a.mi.tje prə.nw͜ɛj tœ᷉ pø ply za drw͜ɛt]
    ou vn peu plus à gauche, ils
    s'eſgareroient s'eſgareroient = s'égareraient

    Depuis le XIIe s., le graphème digramme oi (ou oy), comme celui observé à la finale des verbes conjugués à l'imparfait ou au conditionnel présent, était prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] ([oè]). Depuis le XVIe s., le graphème digramme oi était également prononcé [ε] (è), notamment dans les finales verbales et dans quelques mots, tels que Anglois (Anglais) et François (Français). C'est ce son [ε] qui s'est imposé dans ces derniers cas. La graphie ai pour [ε] a été officiellement admise avec la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie (1835).

    On peut entendre dans cette forme verbale, tout comme dans eſgarer, que le graphème a se prononce [ɑ:], voyelle ouverte postérieure et longue. Cette façon de prononcer ce mot faisait partie du bon usage des membres de l'aristocratie au XVIIe s. Aujourd'hui, cette voyelle est plutôt prononcée [a], ouverte antérieure et brève. Le français québécois traditionnel connaît la prononciation [ɑ:] dans ce mot.

    auſſi:
    [u œ᷉ pø ply za go:ʃ il se.gɑ:.rə.rw͜e to.si]
    car ſi au partir de
    Grand Eſprit, étape de Carte de Tendre.
    on alloit à
    Negligence, étape de Carte de Tendre.
    [kar si o par.tir də grɑ᷉.tɛs.pri ɔ᷉ na.lw͜e ta ne.gli.ʒɑ᷉s]
    que vous
    voyez Depuis le XIIe s., le graphème digramme oi (ou oy) était, selon le mot, prononcé [w͜e] (oé) ou [w͜ε] ([oè]).
    tout contre ſur cette
    Carte; Voir la Carte de Tendre.
    [kə vu vw͜ɛ.je tu kɔ᷉.trə syr sɛ.tə kart]
    qu'en ſuite continuant
    cét cét = cet

    Le grammairien Richelet avait proposé, en 1680, la graphie cét pour le déterminant démonstratif masculin devenu aujourd'hui cet.

    Le grammairien Furetière a proposé en 1690 les formes qui seront retenues par l'Académie dans la première édition de son Dictionnaire (1694), à savoir ce (devant un mot masculin débutant par une consonne) et cet (devant un mot masculin débutant par une voyelle).

    eſgarement, on
    allaſt allaſt = allât (subjonctif imparfait)

    Dans l'audio-fiction, les deux lettres a du mot allast (allaſt) ne sont pas prononcées de la même manière: la lettre a à la finale est prononcée [ɑ], voyelle ouverte postérieure (vélaire), tandis que l'autre à l'initiale est plutôt prononcée [a], voyelle ouverte antérieure (palatale).

    On explique l'existence de cette voyelle postérieure [ɑ] par la présence de la consonne s qui, lorsqu'elle a cessé de se prononcer, et ce, de façon progressive à partir du XIIIe s., a entraîné la vélarisation (postériorisation) de [a]; ce phénomène est à l'origine de la voyelle [ɑ] dans les mot bas (lat. bassum), gras (lat. crassum), pâtelat. pasta › paste), et, comme dans l'audio-fiction, dans allast.

    En français québécois, toute voyelle a en syllabe ouverte en finale de mot, est postérieure : Canada [ka.na.dɑ], tabac [ta.bɑ], un drap [dʀɑ], secrétariat [sə.kʀe.ta.ʀjɑ], il n'y va [vɑ] pas [pɑ], il partira [paʀ.ti.ʀɑ].

    à Ineſgalité étape de Carte de Tendre.
    [kɑ᷉.sɥit kɔ᷉.ti.nɥɑ᷉ sɛt e.gɑ:r.mɑ᷉ ɔ᷉ na.lɑ ta i.ne.ga.li.te]
    de là à
    Tiedeur; Tiedeur = Tièdeur

    La prononciation du graphème digramme eu, prononcé [ø] par Madeleine de Scudéry et ses contemporains, est devenue [œ] à partir du XVIIe s. Ce changement vocalique, touché par ladite loi de position, s'est produit lorsque la voyelle [ø] était en en syllabe fermée par [r], notamment à la finale des mots: -eur [ør] › [œr].

    Étape de Carte de Tendre.

    à
    Legereté; Legereté = Légèreté

    1. Au XVIe et XVIIe s., il était courant que le scripteur fît usage d'une majuscule au début d'un mot concret qu'il voulait être compris dans un sens plus allégorique: une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement, qui était alors personnifiée.

    2. L'accent aigu pour noter le son [e] (é) à l'intérieur du mot est exceptionnel au XVIe et XVIIe s. Ce n'est qu'à partir de la 3e édition du Dictionnaire de l'Académie (1740) qu'il apparaît de façon systématique dans ce contexte.

    Étape de Carte de Tendre.

    & & = et

    Appelée perluette de it. per lo et ' pour le et '.

    Et aussi esperluette ou éperluette, selon le dictionnaire Le Petit Robert, qui ne retient que cette graphie, ' peut-être du radical latin perma 'jambe', ou du français espere 'sphere' croisé avec sphaerula , peut-être avec influence du latin uvula (voir luette) ), ce signe était une des nombreuses abréviations que les clercs ont conçues pour accélérer l'écriture manuscrite.

    On peut l'observer dès le IXe s. dans la Cantilène de sainte Eulalie (Baddelaey et Biederman-Pasques 2003).

    à Oubly; Étape de Carte de Tendre.
    [də lɑ a tjɛ.dør a le.ʒɛr.te e a u.bli]
    au lieu de ſe
    trouuer trouuer = trouver

    1. Pendant la période du moyen français (XIVe et XVe s.), les consonnes finales des mots ont cessé d'être prononcées. Cette vague a touché surtout les mots se terminant par les consonnes r et l (lat. cūlum › cul [kyl] › [ky]; lat. supercīlium › sourcil [sur.sil] › [sur.si]), dont les verbes à l'infinitif: lat. pop. tropāre › trouver [tru.ver] › [tru.ve].

    Cette tendance n'a pas abouti tout à fait parce qu'elle a été freinée par l'action des grammairiens qui ont tenté de restaurer la prononciation des consonnes, lesquelles, du reste, s'étaient maintenues dans la graphie des mots. Plusieurs consonnes ont alors été réintroduites dans l'usage des personnes lettrées: c'est le cas, notamment, des mots finissant par la consonne r, dont les verbes à l'infinitif en –ir (lat. finīre › XIIe finir › XVe finir [fi.ni]› XVIIe finir [fi.nir]) et en –oir (lat. videre › XIIe veoir › XVe voir [vw͜e] › XVIIe voir [vw͜ɛr]).

    Pour ce qui est des verbes en –er, du premier groupe, la consonne r est restée muette. Cette dernière a cependant continué à se prononcer lorsque le mot suivant le verbe commençait par une voyelle: ' de ſe trouuer͜ à Tendre '. Ce phénomène est appelé liaison consonantique. De nos jours, la liaison entre un infinitif en -er et le mot qui suit ne s'entend que dans un registre de langue très soutenu: i faut
    penser͜ autrement.

    2. Dans l'audio-fiction, la comédienne qui interprète mademoiselle de Scudéry diphtongue le graphème ou du verbe trouuer (trouver) et, quelques mots plus loin, de sa forme conjuguée trouuveroit (trouverait), qu'elle prononce [a͜w] (ao).

    Il se peut qu'il s'agisse d'une erreur. La voyelle o de l'étymon latin populaire tropāre est devenu [u] autour du XIIe s. (trover › trouver).

    Rappelons qu'il n'y avait plus de diphtongue au XVIIe s., du moins dans le français de la région parisienne. Toutes les diphtongues, nombreuses au Moyen Âge, se sont monophtonguées entre le XIIe et le XIIIe s. La seule diphtongue à s'être maintenue jusqu'au XVIe s. était celle derrière les lettres au, qu'on peut entendre dans l'audio-fiction de Rabelais dans les mots hault (haut) [a͜w] ou aultres (autres) [a͜wtr], ou dans celle de Jacques Cartier dans les mots auſsi (aussi) [a͜w.si], autrebout (autre bout) [a͜w.trə.bu], chauldement (chaudement) [ʃa͜wd.mɑ᷉] ou peaulx (peaux) [pa͜w]. On peut également entendre cette diphtongue dans les audio-fictions de Jeanne d'Arc (XVe s.) et de saint Louis (XIIIe s.).

    à Tendre, ſur Eſtime, étape de Carte de Tendre.
    on ſe trouueroit au
    Lac d'Indifference étape de Carte de Tendre.
    [o ljø də sə tro͜w.ver a tɑ᷉dr syr ɛs.tim ɔ᷉ sə tro͜w.və.rw͜e o lak dɛ᷉.di.fe.rɑ᷉s]
    que vous voyez marqué ſur cette
    Carte; Voir la Carte de Tendre.
    [kə vu vw͜e.je mar.ke syr sɛ.tə kart]
    & qui par ſes eaux tranquiles, repreſente ſans doute fort
    iuſte, iuſte = juste

    Avec la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694), terminée sous l'autorité du grammairien Régnier-Desmarais, les Français ont adopté, pour de bon, la lettre j pour représenter le son [ʒ].

    Les mots iuste (iuſte) et adiouster (adiouſter) sont devenus juste et ajouster (ajouter).

    [e ki par sɛ zo trɑ᷉.kil rə.pre.zɑ᷉t sɑ᷉ dut fɔr ʒyst
    la choſe dont il porte le nom en cét endroit. '
    [la ʃoz dɔ᷉ til pɔr.tə lə nɔ᷉ ɑ᷉ sɛt ɑ᷉.drw͜e]
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