phonétique

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R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
 
IIIe-Ier s. av. notre ère.  
 
La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé; ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:  
 
mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru  
eo RomaM ' je vais à Rome' › eo ad Roma  
rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi › de rēge (dé-RÉ-gué)  
 
Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.  
 
Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:  
 
tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens  
tĕneT (TÉ-nétt)› il tient  
mūrōS (MOU-ross) › murS  
 
R2. Amuïssement de la consonne n devant la consonne s  
 
IIIe-Ier s. av. notre ère.  
 
Toute consonne [n] s'est amuïe suivie de [s]:  
 
peNsāre (pénn-SSA-ré) 'peser une idée, penser' › peser  
mēNsem (MÉNN-sém) › meis, mois  
cōNstāre (conn-STA-ré) 'mis en vente moyennant un prix' › coster, coûter  
 
R3. Amuïssement du [h] latin  
 
Ier s. av. notre ère.  
 
En latin, le graphème h était prononcé [h], fricative pharyngale, un peu comme en anglais. Dès le Ier s. avant l'ère commune, il a cessé de l'être:  
 
Habēre (ha-BÉ-ré) › abēre (a-BÉ-ré), aveir, avoir  
 
Il arrive que des mots écrits français aient toujours cette lettre, mais cette dernière, réintroduite très tôt par les clercs, ne fait que rappeler l'étymon:  
 
hominem (HO-mi-ném) › omine (O-mi.né) › ome › homme  
 
Mot Annotation
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R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale
IIIe-Ier s. av. notre ère.
La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé; ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:
mūruM
(MOU-roum) ' mur ' › mūru
eo RomaM
' je vais à Rome' › eo ad Roma
rēgiS
(RÉ-guiss) ' du roi › de
rēge
(dé-RÉ-gué)
Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.
Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:
tĕneS
(TÉ.néss) › tu tiens
tĕneT
(TÉ-nétt)› il tient
mūrōS
(MOU-ross) › murS
R2. Amuïssement de la consonne n devant la consonne s
IIIe-Ier s. av. notre ère.
Toute consonne [n] s'est amuïe suivie de [s]:
peNsāre
(pénn-SSA-ré) 'peser une idée, penser' › peser
mēNsem
(MÉNN-sém) › meis, mois
cōNstāre
(conn-STA-ré) 'mis en vente moyennant un prix' › coster, coûter
R3. Amuïssement du [h] latin
Ier s. av. notre ère.
En latin, le graphème h était prononcé [h], fricative pharyngale, un peu comme en anglais.
Dès le Ier s. avant l'ère commune, il a cessé de l'être:
Habēre
(ha-BÉ-ré) › abēre (a-BÉ-ré), aveir, avoir
Il arrive que des mots écrits français aient toujours cette lettre, mais cette dernière, réintroduite très tôt par les clercs, ne fait que rappeler l'étymon:
hominem
(HO-mi-ném) › omine (O-mi.né) › ome › homme
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
 
Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot.

Cette syllabe ouverte atone (non accentuée) est donc:  
 
ancOram › ancra › ancre  
clērIcum › clērcu › clerc  
simUlāre › simlāre › sembler  
tabUlam › tabla › table  
pōsItum › pōstu › poste  
 
Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:  
 
parAdīsum › paraïs (paradis).  
 
Nota bene: : le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent la dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.  
 
Ainsi, lorsque la voyelle e de molEre a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].  
 
R5. Prosthèse, ou formation d'une voyelle non étymologique en début de mot.  
 
IIe s.  
 
Une voyelle prosthésique [i] s'est formée au début d'un mot commençant par les groupes de consonnes: –sp [sp], –st [st], –sc [sk].  
 
Ces groupes de consonnes initiales sont devenus respectivement isp-, ist- et isk-:  
 
spatulam › ispatla › espalde, épaule  
stēllam › istella › esteile, étoile  
scūtum › iscūtu › escu, écu  
 
.../2

Mot Annotation
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot
Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot.

Cette syllabe ouverte atone (non accentuée) est donc:

ancOram
› ancra › ancre
clērIcum
› clērcu › clerc
simUlāre
› simlāre › sembler
tabUlam
› tabla › table
pōsItum
› pōstu › poste
Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:
parAdīsum
› paraïs (paradis).
Nota bene:
: le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent la dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.
Ainsi, lorsque la voyelle e de
molEre
a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].
R5. Prosthèse, ou formation d'une voyelle non étymologique en début de mot.
IIe s.
Une voyelle prosthésique [i] s'est formée au début d'un mot commençant par les groupes de consonnes: –sp [sp], –st [st], –sc [sk].
Ces groupes de consonnes initiales sont devenus respectivement isp-, ist- et isk-:
spatulam
› ispatla › espalde, épaule
stēllam
› istella › esteile, étoile
scūtum
› iscūtu › escu, écu
.../2
.  
 
R6. Réduction de la consonne géminée ll  
 
IIIe s.  
 
La consonne géminée ll précédée d'une voyelle longue s'est réduite:  
 
stēllam [ste:l.lam] › ['st:e.la] › étoile  
 
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif  
 
Ier-IVe s., selon les voyelles.  
 
Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:  
 
voyelles brèves i, e, u, o, a (parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.  
Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).  
 
De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.  
 
Latin classique ī  
Latin tardif [i]  
 
Latin classique i; ē (é); e (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)  
Latin tardif [e] (é)  
 
Latin classique e (é) tonique; æ (aé) tonique  
Latin tardif [ɛ] (è)  
 
Latin classique ā; a  
Latin tardif [a]  
 
Latin classique o tonique  
Latin tardif [ɔ] [ɔ] (o, comme dans sotte )  
 
Latin classique o atone; ō; u (ou)  
Latin tardif [o] (o, comme dans sot , saute )  
 
Latin classique ū (ou)  
Latin tardif [u] (ou)  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
 
IIIe s.  
 
Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:  
 
vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin  
vītam ['wi:.tam] › vie  
 
R9. Affaiblissement de [g] entre deux voyelles  
 
IIIe s.  
 
La consonne [g] (gu) entre deux voyelles dont celle à droite est [e] (é) et [i] s'est affaiblie et est devenu [j] (comme dans yoyo):  
 
rēgem › rei › roi  
magister › maïstre › maître  
 
.../3
Mot Annotation
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R6. Réduction de la consonne géminée ll
IIIe s.
La consonne géminée ll précédée d'une voyelle longue s'est réduite:
stēllam
[ste:l.lam] › ['st:e.la] › étoile
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif
Ier-IVe s., selon les voyelles.
Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:
voyelles brèves i, e, u, o, a (parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.
Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).
De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.
Latin classique
ī
Latin tardif
[i]
Latin classique
i; ē (é); e (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
Latin tardif
[e] (é)
Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)
Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]
Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] [ɔ] (o, comme dans
sotte
)
Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o, comme dans
sot
,
saute
)
Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)
R8. [w] (v) latin devient [v]
IIIe s.
Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:
vicīnum
[wi.'ki:.num] › voisin
vītam
['wi:.tam] › vie
R9. Affaiblissement de [g] entre deux voyelles
IIIe s.
La consonne [g] (gu) entre deux voyelles dont celle à droite est [e] (é) et [i] s'est affaiblie et est devenu [j] (comme dans yoyo):
rēgem
› rei › roi
magister
› maïstre › maître
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R10. Affaiblissement des consonnes [p] et [b], et [t] et [d]  
 
IIIe s.  
 
Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:  
 
rīpam › rive  
tropat › (il) trouve  
sapōnem › savon  
fabam › fève  
capram › chèvre  
labram › lèvre  
 
De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :  
 
matūrum (mûr) › [mà.du.ro]  
nūdam (nue) › [nu.ða]  
 
R11. Diphtongaison romane des voyelles [ε] et [ɔ] du latin tardif (1er temps)  
 
IIIe s.  
 
Les voyelles toniques [ɛ] (è) et [ɔ] (o, comme dans sotte ) se sont diphtonguées en syllabe ouverte et dans les monosyllabes et sont devenues respectivement [j͜e] (yé) et [w͜ɔ] (wò):  
 
mel › (miel) ['mεl] › ['mj͜el]  
pedem › (pied) ['pε.de] › ['pj͜e.de] (PJÉ-dé)  
cælum › (ciel) ['kε.lo] › ['kj͜e.lo]  
cor › (cœur) ['kɔr] › ['kw͜ɔr]  
molam › (meule) ['mɔ.la] › ['mw͜ɔ.la]  
 
R12. Palatalisation romane des consonnes [k] et [g]  
 
IIIe s.  
 
La consonne vélaire non voisée [k] s'est palatalisée sous l'effet des voyelles antérieures [i], [e] (é) et [ε] (è) qui la suivaient et est devenue la consonne affriquée [t͜s], et ce, en syllabe ouverte ou fermée, tonique ou atone:  
 
cīmam (KI-mamm) › ['t͜si.ma] (TSI-ma) › cime  
Francia (FRANN-ki-a)› ['fran.t͜sja] (FRANN-tsya) › France  
centum (KÉNN-toum) › ['t͜sεn.to] (TSÈNN-to) › cent  
 
De même, la consonne vélaire voisée [g] en début de mot ou précédé d'une consonne est devenue [d͜ʒ] (dj) devant les voyelles antérieures [i], [e] et [ε] en syllabe ouverte ou fermée, tonique ou atone:  
 
argīllam (ar-GUI-lam) › [ar.'d͜ʒil.la] (ar.DJIL.la) › argile  
genetes (GUÉ-né-téss) › ['d͜ʒεn.tes] (DJÈNN-téss) › gens  
 
R13. Épenthèse consonantique  
 
IVe s.  
 
Il y a eu formation d'une consonne occlusive de même point d'articulation que la consonne qui précède (dite homorganique) entre deux consonnes  
 
1) départagées dans deux syllabes,  
 
2) dont la première consonne est [m], [n] ou [l] et la seconde, [r] ou [l]:  
 
[m.r] › [m.br]  
 
[ɫ.r] › [ɫ.dr]  
 
[m.l] › [m.bl]  
 
[n.r] › [n.dr]  
 
Ainsi,  
 
sim(u)lāre › sembler  
num(e)rum › nombre  
gen(e)ris › gendre  
 
De même apparaît une consonne occlusive entre [s] ou [z] et [r]: [s.r] › [s.tr]; [z.r] › [z.dr]. Ainsi,  
 
cōnsuere › ˚cōs(e)re › cosdre, coudre  
esse › ˚es(se)re › estre, être  
 
Nota bene : le cas de [l] qui se prononce [ɫ]. En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.  
 
R14. Affaiblissement ou amuïssement des consonnes [k] et [g] entre deux voyelles  
 
IVe s.  
 
Entre deux voyelles, dont la seconde est [u], [o], [ɔ] (o, comme dans sotte) ou [a], les consonnes vélaires [k] et [g] se sont affaiblies et, dans certains mots, se sont même amuïes:  
 
paCāre › payer  
coaGulāre › cailler  
auGustum › aoust, août  
ruGam › rue  
 
.../4
Mot Annotation
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R10. Affaiblissement des consonnes [p] et [b], et [t] et [d]
IIIe s.
Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:
rīpam
› rive
tropat
› (il) trouve
sapōnem
› savon
fabam
› fève
capram
› chèvre
labram
› lèvre
De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :
matūrum
(mûr) › [mà.du.ro]
nūdam
(nue) › [nu.ða]
R11. Diphtongaison romane des voyelles [ε] et [ɔ] du latin tardif (1er temps)
IIIe s.
Les voyelles toniques [ɛ] (è) et [ɔ] (o, comme dans
sotte
) se sont diphtonguées en syllabe ouverte et dans les monosyllabes et sont devenues respectivement [j͜e] (yé) et [w͜ɔ] (wò):
mel
› (miel) ['mεl] › ['mj͜el]
pedem
› (pied) ['pε.de] › ['pj͜e.de] (PJÉ-dé)
cælum
› (ciel) ['kε.lo] › ['kj͜e.lo]
cor
› (cœur) ['kɔr] › ['kw͜ɔr]
molam
› (meule) ['mɔ.la] › ['mw͜ɔ.la]
R12. Palatalisation romane des consonnes [k] et [g]
IIIe s.
La consonne vélaire non voisée [k] s'est palatalisée sous l'effet des voyelles antérieures [i], [e] (é) et [ε] (è) qui la suivaient et est devenue la consonne affriquée [t͜s], et ce, en syllabe ouverte ou fermée, tonique ou atone:
cīmam
(KI-mamm) › ['t͜si.ma] (TSI-ma) › cime
Francia
(FRANN-ki-a)› ['fran.t͜sja] (FRANN-tsya) › France
centum
(KÉNN-toum) › ['t͜sεn.to] (TSÈNN-to) › cent
De même, la consonne vélaire voisée [g] en début de mot ou précédé d'une consonne est devenue [d͜ʒ] (dj) devant les voyelles antérieures [i], [e] et [ε] en syllabe ouverte ou fermée, tonique ou atone:
argīllam
(ar-GUI-lam) › [ar.'d͜ʒil.la] (ar.DJIL.la) › argile
genetes
(GUÉ-né-téss) › ['d͜ʒεn.tes] (DJÈNN-téss) › gens
R13. Épenthèse consonantique
IVe s.
Il y a eu formation d'une consonne occlusive de même point d'articulation que la consonne qui précède (dite homorganique) entre deux consonnes
1) départagées dans deux syllabes,
2) dont la première consonne est [m], [n] ou [l] et la seconde, [r] ou [l]:
[m.r] › [m.br]
[ɫ.r] › [ɫ.dr]
[m.l] › [m.bl]
[n.r] › [n.dr]
Ainsi,
sim(u)lāre
› sembler
num(e)rum
› nombre
gen(e)ris
› gendre
De même apparaît une consonne occlusive entre [s] ou [z] et [r]: [s.r] › [s.tr]; [z.r] › [z.dr].
Ainsi,
cōnsuere
› ˚cōs(e)re › cosdre, coudre
esse
› ˚es(se)re › estre, être
Nota bene
: le cas de [l] qui se prononce [ɫ]. En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.
R14. Affaiblissement ou amuïssement des consonnes [k] et [g] entre deux voyelles
IVe s.
Entre deux voyelles, dont la seconde est [u], [o], [ɔ] (o, comme dans sotte) ou [a], les consonnes vélaires [k] et [g] se sont affaiblies et, dans certains mots, se sont même amuïes:
paCāre
› payer
coaGulāre
› cailler
auGustum
› aoust, août
ruGam
› rue
.../4
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R15. Affaiblissement de la consonne [s] entre deux voyelles › [z]  
 
IVe s.  
 
Entre voyelles, la consonne fricative non voisée [s] (ss), en s'affaiblissant, est devenue la consonne voisée [z]:  
 
pensāre [pen.'sa:.re] (pénn-SA-ré) › pesāre › peser  
cūriōsam [ku:.ri.'o:.sam] (cou-ri-O-ssamm] › curieuse  
 
R16. Palatalisation des consonnes [k] et [g] en gallo-roman central  
 
Ve s.  
 
Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a]. La syllabe [ka] est devenue [t͜∫a] (tcha); la syllabe [ga] est devenue [d͡ʒa] (dja):  
 
CArrum › char  
CAntāre › chanter  
GAmbam › jambe  
 
R17. Diphtongaison française (1er temps)  
 
Ve s.  
 
En syllabe ouverte tonique, les voyelles du latin tardif [e] (de ē ou i du latin classique), [o] (de ō ou u du latin classique) et [a] (de ā et a du latin classique) se sont diphtonguées en syllabe ouverte tonique:  
 
17.1. [a] › [a͜e] (aé):  
 
mare (mer) › ['ma͜e.re]  
nāsum (nez) › ['na͜e.zo]  
āla (aile) › ['a͜e.la]  
 
Toutefois, [a] › [a͜j] (ay) lorsqu'elle était suivie d'une consonne nasale [m] ou [n] :  
 
mānum (main) ['ma͜j.no]  
lanam (laine) › ['la͜j.na]  
 
17.2. [e] › [e͜j] (éy):  
 
tēlam (toile) › ['te͜j.la]  
vēra (voire) › ['ve͜j.ra]  
 
17.3. [o] › [o͜w]:  
 
amōrem (amour) › [a.'mo͜w.re]  
nōdus (nœud) › ['no͜w.do]  
curiōsam (curieuse) › [ku.rjo͜w.za]  
 
Toutefois, cette règle ne touche pas la voyelle [o] suivie d'une consonne nasale :  
 
pōma (pomme) › pomme  
corōna (couronne) › couronne  
nōmem (nom) › nom  
 
R18. Loi de Bartsch (1er temps)  
 
VIe s.  
 
Après la palatalisation de [g] et [k], les syllabe [t͜ʃa] et [d͜ʒa] en syllabe ouverte, tonique ou atone, sont devenues [t͜ʃe] (tché) et [d͜ʒe] (djé):  
 
CArum (cher) devenue ['t͜∫a.ro] est passée à ['t͜∫e.ro]  
CAnem (chien) devenue ['t͜∫a.ne] est passée à ['t͜∫e.ne]  
GAllīnam (gelinotte) devenue [dʒa.'li.na] est passée à [dʒe.'li.na]  
 
R19. Simplification des consonnes géminées  
 
VIIe s.  
 
L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.  
 
Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:  
 
caballum [ka.'bal.lum] › cheval  
cattam ['kat.tam] › chate (chatte)  
abbātum [ab.'ba:.tum] › abe (abbé)  
cappam ['kap.pa] › chape (manteau)  
offirīre › ofrir (offrir)  
 
.../5
Mot Annotation
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R15. Affaiblissement de la consonne [s] entre deux voyelles › [z]
IVe s.
Entre voyelles, la consonne fricative non voisée [s] (ss), en s'affaiblissant, est devenue la consonne voisée [z]:
pensāre
[pen.'sa:.re] (pénn-SA-ré) › pesāre › peser
cūriōsam
[ku:.ri.'o:.sam] (cou-ri-O-ssamm] › curieuse
R16. Palatalisation des consonnes [k] et [g] en gallo-roman central
Ve s.
Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a]. La syllabe [ka] est devenue [t͜∫a] (tcha); la syllabe [ga] est devenue [d͡ʒa] (dja):
CArrum
› char
CAntāre
› chanter
GAmbam
› jambe
R17. Diphtongaison française (1er temps)
Ve s.
En syllabe ouverte tonique, les voyelles du latin tardif [e] (de ē ou i du latin classique), [o] (de ō ou u du latin classique) et [a] (de ā et a du latin classique) se sont diphtonguées en syllabe ouverte tonique:
17.1. [a] › [a͜e] (aé):
mare
(mer) › ['ma͜e.re]
nāsum
(nez) › ['na͜e.zo]
āla
(aile) › ['a͜e.la]
Toutefois, [a] › [a͜j] (ay) lorsqu'elle était suivie d'une consonne nasale [m] ou [n] :
mānum
(main) ['ma͜j.no]
lanam
(laine) › ['la͜j.na]
17.2. [e] › [e͜j] (éy):
tēlam
(toile) › ['te͜j.la]
vēra
(voire) › ['ve͜j.ra]
17.3. [o] › [o͜w]:
amōrem
(amour) › [a.'mo͜w.re]
nōdus
(nœud) › ['no͜w.do]
curiōsam
(curieuse) › [ku.rjo͜w.za]
Toutefois, cette règle ne touche pas la voyelle [o] suivie d'une consonne nasale :
pōma
(pomme) › pomme
corōna
(couronne) › couronne
nōmem
(nom) › nom
R18. Loi de Bartsch (1er temps)
VIe s.
Après la palatalisation de [g] et [k], les syllabe [t͜ʃa] et [d͜ʒa] en syllabe ouverte, tonique ou atone, sont devenues [t͜ʃe] (tché) et [d͜ʒe] (djé):
CArum
(cher) devenue ['t͜∫a.ro] est passée à ['t͜∫e.ro]
CAnem
(chien) devenue ['t͜∫a.ne] est passée à ['t͜∫e.ne]
GAllīnam
(gelinotte) devenue [dʒa.'li.na] est passée à [dʒe.'li.na]
R19. Simplification des consonnes géminées
VIIe s.
L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.
Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:
caballum
[ka.'bal.lum] › cheval
cattam
['kat.tam] › chate (chatte)
abbātum
[ab.'ba:.tum] › abe (abbé)
cappam
['kap.pa] › chape (manteau)
offirīre
› ofrir (offrir)
.../5
.  
 
R20. Loi de Bartsch (2e temps)  
 
VIIe s.  
 
Peu de temps après, [t͜ʃe] issu de [t͜ʃa] en syllabe ouverte est devenu [t͜ʃj͜e] (tchié) en syllabe tonique:  
 
carum (cher) devenu ['t͜∫a.ro], ensuite ['t͜∫e.ro], est passé à ['tʃj͜e.ro] (tchié-ro)  
canem (chien) devenu ['t͜∫a.ne], ensuite ['t͜∫e.ne], est passé à ['tʃj͜e.ne] (tchié-né)  
 
R21. Diphtongaison française (2e temps)  
 
VIIe s.  
 
La diphtongue [a͜e] (é), issue de [e] (é) en syllabe ouverte tonique (voir R17 Diphtongaison française, 1er temps) est devenue [e] (é):  
 
mare (mer) › ['ma͜e.re] › ['me.re]  
nāsum (nez) › ['na͜e.zo] › ['ne.zo]  
āla (aile) › ['a͜e.la] › ['e.la]  
 
Le changement [a] › [a͜e] › [e] est un des faits capitaux de la phonétique française. Il atteint un nombre considérable de mots, notamment les verbes infinitifs en -āre devenus les verbes du premier groupe en -er:  
 
portāre (porter)  
simulāre (sembler)  
 
R22. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
 
VIIIe s.  
 
En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:  
 
soit elle s'est amuïe totalement,  
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə], que les clercs de l'époque ont orthographié e.  
 
Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.  
 
22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:  
 
1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu  
muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle  
finale atone, mur [myr];  
 
1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūros  
(murs) devenu ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale  
atone, murs [myrs].  
 
Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus  
en français sans voyelle finale:  
 
altum › ['aɫ.to] › haut  
arcum › ['ar.ko] › arc  
salvum › ['saɫ.vo] › sauf  
sanguis › ['san.gwe] › sang  
ventum › ['vεn.to] › vent  
mare › ['me.re] › mer  
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient  
 
En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire,  
était vélarisée lorsqu'elle était suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].  
 
22.2 La voyelle atone finale [a] est devenue [ə] (e), comme dans:  
 
bellam (belle) devenu ['bε.la] en latin tardif, ensuite, belle ['bε.lə]  
cantat (il chante) devenu ['t͜∫an.tat] en latin tardif, ensuite chante  
 
La présence de cette voyelle finale [ə] (e) a contribué phonétiquement  
à l'opposition féminin / masculin:  
 
bellam › belle vs bellum › ['bε.lo] › bel, beau  
salvam › sauve vs salvum › ['saɫ.vo] › sauf  
novam › neuve vs novum › ['nɔ.vo] › neuf  
 
22.3. Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe  
de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a], à la voyelle [ə] (e):  
 
patrem devenu ['pa.dre] en latin tardif,  
ensuite pedre ['pe.drǝ] › père  
 
duplum devenu ['do.blo] en latin tardif,  
ensuite doble ['do.blǝ] › double  
 
nostrum devenu ['nɔs.tro] en latin tardif,  
ensuite nostre ['nɔs.trǝ] › nôtre  
 
˚ab oculem devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif,  
ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] › aveugle  
 
.../6
Mot Annotation
.
R20. Loi de Bartsch (2e temps)
VIIe s.
Peu de temps après, [t͜ʃe] issu de [t͜ʃa] en syllabe ouverte est devenu [t͜ʃj͜e] (tchié) en syllabe tonique:
carum
(cher) devenu ['t͜∫a.ro], ensuite ['t͜∫e.ro], est passé à ['tʃj͜e.ro] (tchié-ro)
canem
(chien) devenu ['t͜∫a.ne], ensuite ['t͜∫e.ne], est passé à ['tʃj͜e.ne] (tchié-né)
R21. Diphtongaison française (2e temps)
VIIe s.
La diphtongue [a͜e] (é), issue de [e] (é) en syllabe ouverte tonique (voir R17 Diphtongaison française, 1er temps) est devenue [e] (é):
mare
(mer) › ['ma͜e.re] › ['me.re]
nāsum
(nez) › ['na͜e.zo] › ['ne.zo]
āla
(aile) › ['a͜e.la] › ['e.la]
Le changement [a] › [a͜e] › [e] est un des faits capitaux de la phonétique française. Il atteint un nombre considérable de mots, notamment les verbes infinitifs en -āre devenus les verbes du premier groupe en -er:
portāre
(porter)
simulāre
(sembler)
R22. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale
VIIIe s.
En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə], que les clercs de l'époque ont orthographié e.
Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.
22.1.
Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes
lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:
1a.
Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans
mūrum
(mur) devenu
muro
['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle
finale atone,
mur
[myr];
1b.
Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel
mūros
(murs)
devenu
['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale
atone,
murs
[myrs].
Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus
en français sans voyelle finale:
altum
› ['aɫ.to] › haut
arcum
› ['ar.ko] › arc
salvum
› ['saɫ.vo] › sauf
sanguis
› ['san.gwe] › sang
ventum
› ['vεn.to] › vent
mare
› ['me.re] › mer
venit
› ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient
En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire,
était vélarisée lorsqu'elle était suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].
22.2
La voyelle atone finale [a] est devenue [ə] (e), comme dans:
bellam
(belle) devenu ['bε.la] en latin tardif, ensuite, belle ['bε.lə]
cantat
(il chante) devenu ['t͜∫an.tat] en latin tardif, ensuite chante
La présence de cette voyelle finale [ə] (e) a contribué phonétiquement
à l'opposition féminin / masculin:
bellam
› belle vs bellum › ['bε.lo] › bel, beau
salvam
› sauve vs salvum › ['saɫ.vo] › sauf
novam
› neuve vs novum › ['nɔ.vo] › neuf
22.3.
Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe
de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a],
à la voyelle [ə] (e):
patrem
devenu ['pa.dre] en latin tardif,
ensuite pedre ['pe.drǝ] ›
père
duplum
devenu ['do.blo] en latin tardif,
ensuite doble ['do.blǝ] ›
double
nostrum
devenu ['nɔs.tro] en latin tardif,
ensuite nostre ['nɔs.trǝ] ›
nôtre
˚ab oculem
devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif,
ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] ›
aveugle
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R23. Affaiblissement de la voyelle atone pré-tonique  
 
VIIIe s.  
 
Les voyelles atones [a], [e] et [o] sont devenues [ə] quand elles se trouvaient en syllabe ouverte devant une syllabe tonique:  
 
armAturam › armEüre › armure  
quadrIforcum › carrEfour  
latrŌcīnium › larrEcin  
 
R24. Dévoisement de la consonne finale  
 
VIIIe s.  
 
Lorsque les voyelles atones finales ont disparu, les consonnes finales voisées se sont automatiquement dévoisées (assourdies):  
 
[v] est devenu [f]  
[s] est devenu [z]  
[d] est devenu [t]  
[g] est devenu [k]  
 
grandem › ['gran.de] › [grand] › grant (plus tard, grand)  
pedem ›['pj͜e.de] › [pj͜ed] › piet (plus tard, pied)  
salvum › ['saɫ.vo] › [saɫv] › salf, sauf  
 
Cette consonne non voisée s'entend toujours en français moderne dans certains adjectifs ou nom quand ces derniers se lient à un autre mot commençant avec une voyelle:  
 
grand ͜ ami 'grand t-ami',  
pied ͜-à-terre 'pied t-à terre'  
 
Il s'agit de la question des liaisons, dont on trouve un bon tableau synthétique chez  
 
Pierre Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, Mouton, The Hague, 1966, pages 43-48.  
 
R25. Voyelle [u] issue de ū devient [y]  
 
VIIIe s.  
 
La voyelle ū (ou) est devenue [y] (u) qu'elle soit en syllabe ouverte ou fermée:  
 
mūrum (mur)  
pūrgat (il purge)  
matūrum (mûr)  
nutritūram (nourriture)  
 
R26. Amuïssement de la consonne finale de mot devant consonne  
 
IXe s.  
 
La plupart des consonnes se sont amuïes suivies d'une consonne, notamment devant le [s] de flexion pluriel:  
 
chamPs (champs) › chams  
verMs (vers) › vers  
bueFs (bœufs) › bues  
clerCs › clers  
 
Les consonnes seront réintroduites dans les graphies des mots au pluriel des siècles plus tard.  
 
R27. Loi de Bartsch (3e temps)  
 
XIe s.  
 
La syllabe [tʃe] (tché), issue de [tʃa] (v. R18 Loi de Bartsch, 1er temps) en syllabe ouverte atone est devenue [t͜ʃə] (tche):  
 
˚caballum (cheval) [t͜∫e.'va.lo] › [t͜∫ə.'val]  
gallīnam (geline) [d͜ʒe.'li.nə] › [d͜ʒə.'li.nə]  
 
R28. Amuïssement des consonnes [t] et [d] entre voyelles  
 
XIe s.  
 
Depuis les premiers siècles du premier millénaire, [t] et [d] entre voyelles s'affaiblissaient lentement.  
 
Au XIe s., ces consonnes, du moins ce qu'il en restait encore, se sont définitivement amuïes:  
 
matūrum › mûr  
nūdam › nude › nue  
 
…/7
Mot Annotation
.
R23. Affaiblissement de la voyelle atone pré-tonique
VIIIe s.
Les voyelles atones [a], [e] et [o] sont devenues [ə] quand elles se trouvaient en syllabe ouverte devant une syllabe tonique:
armAturam
› armEüre › armure
quadrIforcum
› carrEfour
latrŌcīnium
› larrEcin
R24. Dévoisement de la consonne finale
VIIIe s.
Lorsque les voyelles atones finales ont disparu, les consonnes finales voisées se sont automatiquement dévoisées (assourdies):
[v] est devenu [f]
[s] est devenu [z]
[d] est devenu [t]
[g] est devenu [k]
grandem
› ['gran.de] › [grand] › grant (plus tard, grand)
pedem
›['pj͜e.de] › [pj͜ed] › piet (plus tard, pied)
salvum
› ['saɫ.vo] › [saɫv] › salf, sauf
Cette consonne non voisée s'entend toujours en français moderne dans certains adjectifs ou nom quand ces derniers se lient à un autre mot commençant avec une voyelle:
grand ͜ ami 'grand t-ami',
pied ͜-à-terre 'pied t-à terre'
Il s'agit de la question des liaisons, dont on trouve un bon tableau synthétique chez
Pierre Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, Mouton, The Hague, 1966, pages 43-48.
R25. Voyelle [u] issue de ū devient [y]
VIIIe s.
La voyelle ū (ou) est devenue [y] (u) qu'elle soit en syllabe ouverte ou fermée:
mūrum
(mur)
pūrgat
(il purge)
matūrum
(mûr)
nutritūram
(nourriture)
R26. Amuïssement de la consonne finale de mot devant consonne
IXe s.
La plupart des consonnes se sont amuïes suivies d'une consonne, notamment devant le [s] de flexion pluriel:
chamPs
(champs) › chams
verMs
(vers) › vers
bueFs
(bœufs) › bues
clerCs
› clers
Les consonnes seront réintroduites dans les graphies des mots au pluriel des siècles plus tard.
R27. Loi de Bartsch (3e temps)
XIe s.
La syllabe [tʃe] (tché), issue de [tʃa] (v. R18 Loi de Bartsch, 1er temps) en syllabe ouverte atone est devenue [t͜ʃə] (tche):
˚caballum
(cheval) [t͜∫e.'va.lo] › [t͜∫ə.'val]
gallīnam
(geline) [d͜ʒe.'li.nə] › [d͜ʒə.'li.nə]
R28. Amuïssement des consonnes [t] et [d] entre voyelles
XIe s.
Depuis les premiers siècles du premier millénaire, [t] et [d] entre voyelles s'affaiblissaient lentement.
Au XIe s., ces consonnes, du moins ce qu'il en restait encore, se sont définitivement amuïes:
matūrum
› mûr
nūdam
› nude › nue
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.  
 
R29. Affaiblissement des groupes de consonnes tr ou dr  
 
XIe s.  
 
Entre voyelles, les groupes [tr] ou [dr] sont devenus rr ou r:  
 
petram › piedre › pierre  
°quadrifurcu › carrefour  
patrem › pedre › père  
 
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne › [w]  
 
XIe s.  
 
La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue.  
 
Nota bene : En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot all :  
 
30.1. [aɫ] › [a͜w] (ao):  
 
saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜wt]  
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜ws]  
 
30.2. [eɫ] › [e͜w] (éo):  
 
capillos (cheveux) › [t͜∫e.'veɫs] › [t͜∫ǝ.'ve͜ws]  
filtir (feutre) › ['feɫ.trə] › ['fe͜w.trə]  
 
30.3. [ɛɫ] › [ea͜w] (éao):  
 
bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜ws]  
castellos (châteaux) › [t͜∫as.'tεɫs] › [t͜∫as.'tea͜ws]  
 
30.4 [oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :  
 
colaphum › [koɫp] › [ko͜wp]  
 
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne  
 
XIIe s.  
 
La consonne s qui ferme une syllabe suivie d'une consonne s'amuït:  
 
spatham › eSpée › épée  
īnsulam › iSle › île  
costam › coSte › côte  
pastam › paSte › pâte  
 
La désarticulation de la consonne s a entraîné, par effet compensatoire, un allongement de la voyelle, qui s'entend encore, par exemple, dans côte, pâte.  
 
R32. Diphtongaison romane de la voyelle [ɔ] du latin tardif (2e temps)  
 
XIIe s.  
 
La diphtongue [w͜ɔ] (wò), issue de la voyelle [ɔ] (o, comme dans sotte ) en syllabe ouverte tonique ou en monosyllabe (v. R11 Diphtongaison romane, 1er temps), est devenue [w͜e]:  
 
cor (cœur) › ['kw͜ɔr] › ['kw͜er]  
molam (meule) › ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə]  
 
R33. Diphtongaison française (3e temps): évolution de [e͜j]  
 
XIIe-XIIIe s.  
 
[e͜j] (éy) est devenu [o͜j](oy):  
 
tēlam (toile) › ['te͜j.lə] › ['to͜j.lə]  
 
Ensuite, [o͜j] est devenu [w͜e] (oé). Cependant, dans la partie ouest du domaine d'oïl, [e͜j] est plutôt devenu [ε] (è); cette double destinée de [e͜j] est à l'origine de l'alternance droit et draitte.  
 
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Mot Annotation
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R29. Affaiblissement des groupes de consonnes tr ou dr
XIe s.
Entre voyelles, les groupes [tr] ou [dr] sont devenus rr ou r:
petram
› piedre › pierre
°quadrifurcu
› carrefour
patrem
› pedre › père
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne › [w]
XIe s.
La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue.
Nota bene
: En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot
all
:
30.1.
[aɫ] › [a͜w] (ao):
saltum
(saut) › ['saɫt] › [sa͜wt]
caballos
(chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜ws]
30.2.
[eɫ] › [e͜w] (éo):
capillos
(cheveux) › [t͜∫e.'veɫs] › [t͜∫ǝ.'ve͜ws]
filtir
(feutre) › ['feɫ.trə] › ['fe͜w.trə]
30.3.
[ɛɫ] › [ea͜w] (éao):
bellos
(beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜ws]
castellos
(châteaux) › [t͜∫as.'tεɫs] › [t͜∫as.'tea͜ws]
30.4
[oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :
colaphum
› [koɫp] › [ko͜wp]
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne
XIIe s.
La consonne s qui ferme une syllabe suivie d'une consonne s'amuït:
spatham
› eSpée › épée
īnsulam
› iSle › île
costam
› coSte › côte
pastam
› paSte › pâte
La désarticulation de la consonne s a entraîné, par effet compensatoire, un allongement de la voyelle, qui s'entend encore, par exemple, dans côte, pâte.
R32. Diphtongaison romane de la voyelle [ɔ] du latin tardif (2e temps)
XIIe s.
La diphtongue [w͜ɔ] (wò), issue de la voyelle [ɔ] (o, comme dans
sotte
) en syllabe ouverte tonique ou en monosyllabe (v. R11 Diphtongaison romane, 1er temps), est devenue [w͜e]:
cor
(cœur) › ['kw͜ɔr] › ['kw͜er]
molam
(meule) › ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə]
R33. Diphtongaison française (3e temps): évolution de [e͜j]
XIIe-XIIIe s.
[e͜j] (éy) est devenu [o͜j](oy):
tēlam
(toile) › ['te͜j.lə] › ['to͜j.lə]
Ensuite, [o͜j] est devenu [w͜e] (oé). Cependant, dans la partie ouest du domaine d'oïl, [e͜j] est plutôt devenu [ε] (è); cette double destinée de [e͜j] est à l'origine de l'alternance
droit
et
draitte.
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R34. Monophtongaison des diphtongues (1re vague)  
 
XIIe -XIVe s.  
 
À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.  
 
34.1. [a͜j] (ay) issu de la diphtongaison française ([a] suivi d'une nasale › [a͜j])  
est devenu [ε] (è):  
 
mānum (main) › ['ma͜j.no] › [mεn]  
lanam (laine) › ['la͜j.na] › [lε.nə]  
 
Le changement aura une conséquence sur l'orthographe. Lorsque la monophtongaison est survenue, le graphème ai, qui témoignait de la prononciation  
ancienne [a͜j] (laine [la͜j.nǝ]) et qui était dorénavant prononcé [ε] (laine [lɛ.nə]), sera  
conservé par les copistes pour transcrire [ɛ].  
 
34.2. [w͜e] (oé) issu de la diphtongaison romane ([w͜ɔ] › [w͜e]) est devenu [ø]  
(eu, comme dans eux):  
 
cor (cœur) ['kw͜ɔr] › ['kw͜er] › ['kør]  
molam (meule) ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə] › ['møl]  
 
34.3. [o͜w] issu de la diphtongaison française ([o͜w] › [e͜w]) est devenu [ø] (eu, comme  
dans eux ) :  
 
hōram (heure) ['o͜w.rǝ] › ['e͜w.rə] › [ør]  
cūriōsam (curieuse) › [ku.'rjo͜w.zǝ] › [ky.'rje͜w.zǝ] › [ky.'rjø.zǝ]  
 
34.4. [e͜w] (éo) issu de la vocalisation de l ([eɫ] › [e͜w]) est devenu [ø]  
(eu, comme dans eux ):  
 
capillos (cheveux) › ['tʃe.veɫs] › [['tʃǝ.ve͜ws] › [['tʃǝ.vøs]  
 
34.5. [ɔ͜w] et [o͜w] issus de la vocalisation de l ([ɔɫ] ~ [oɫ] › [ɔ͜w] ~ [o͜w])  
sont devenus [u] (ou):  
 
colaphum › coup  
collos › cous  
pulderem › poudre  
 
R35. Simplification des consonnes affriquées  
 
XIIIe s.  
 
1. [t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] (v. R12) est devenu [s]:  
 
cīmam (cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]  
Francia (France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]  
centum (cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]  
 
2. [d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] (v. R12) est devenu [ʒ] (j):  
 
argīllam (argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]  
 
3. [t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central (v. R16) sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):  
 
carrum (char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]  
gambam (jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]  
 
R36. Nasalisation des voyelles  
 
XIIIe s.  
 
À partir du XIIIe s., toutes les voyelles suivies d'une consonne nasale, [m], [n] ou [ɲ] (gn), se sont nasalisées et sont devenues les voyelles nasales [ɑ᷉], [ε᷉], [ɔ᷉] et [œ᷉].  
 
Toutefois, en français moderne, seules les voyelles suivies d'une consonne nasale comprise dans la même syllabe sont demeurées nasales :  
 
annum ['an.num] (an) est devenu [ɑ̃n], ensuite [ɑ᷉]  
fīnum ['fi.num] (fin) est devenu [fĩn], ensuite [fɛ᷉]  
truncum ['trun.kum] (tronc) est devenu [tro᷉nk], ensuite [tʁɔ᷉]  
ūnum ['u:.num] (un) est devenu [y᷉n], ensuite [œ᷉]  
 
Quant à celles dont la consonne nasale qui suivait ne se trouvait pas dans la même syllabe, mais plutôt dans la suivante, elles se sont dénasalisées au cours des siècles suivants:  
 
annāta (année) est devenu [ɑ᷉.'ne], ensuite [a.'ne]  
fīnam (fine) est devenu ['fĩ.nə], ensuite [fin]  
bonam (bonne) est devenu ['bɔ᷉.nə], ensuite [bɔn]  
ūnam (une) est devenue [ỹ.nə], ensuite [yn]  
 
R37. Amuïssement du e final  
 
XVe s.  
 
Jusqu'au XIVe s. , la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.  
 
Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir du XVIIe s.:  
 
vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi]  
 
Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe  
 
(voir les termes diérèse et synérèse en versification.)  
 
.../8

Mot Annotation
.
R34. Monophtongaison des diphtongues (1re vague)
XIIe -XIVe s.
À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.
34.1.
[a͜j] (ay) issu de la diphtongaison française ([a] suivi d'une nasale › [a͜j])
est devenu [ε] (è):
mānum
(main) › ['ma͜j.no] › [mεn]
lanam
(laine) › ['la͜j.na] › [lε.nə]
Le changement aura une conséquence sur l'orthographe. Lorsque la
monophtongaison est survenue, le graphème ai, qui témoignait de la prononciation
ancienne [a͜j] (laine [la͜j.nǝ]) et qui était dorénavant prononcé [ε] (laine [lɛ.nə]), sera
conservé par les copistes pour transcrire [ɛ].
34.2.
[w͜e] (oé) issu de la diphtongaison romane ([w͜ɔ] › [w͜e]) est devenu [ø]
(eu, comme dans eux):
cor
(cœur) ['kw͜ɔr] › ['kw͜er] › ['kør]
molam
(meule) ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə] › ['møl]
34.3.
[o͜w] issu de la diphtongaison française ([o͜w] › [e͜w]) est devenu [ø] (eu, comme
dans
eux
) :
hōram
(heure) ['o͜w.rǝ] › ['e͜w.rə] › [ør]
cūriōsam
(curieuse) › [ku.'rjo͜w.zǝ] › [ky.'rje͜w.zǝ] › [ky.'rjø.zǝ]
34.4.
[e͜w] (éo) issu de la vocalisation de l ([eɫ] › [e͜w]) est devenu [ø]
(eu, comme dans
eux
):
capillos
(cheveux) › ['tʃe.veɫs] › [['tʃǝ.ve͜ws] › [['tʃǝ.vøs]
34.5.
[ɔ͜w] et [o͜w] issus de la vocalisation de l ([ɔɫ] ~ [oɫ] › [ɔ͜w] ~ [o͜w])
sont devenus [u] (ou):
colaphum
› coup
collos
› cous
pulderem
› poudre
R35. Simplification des consonnes affriquées
XIIIe s.
1.
[t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] (v. R12) est devenu [s]:
cīmam
(cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]
Francia
(France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]
centum
(cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]
2.
[d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] (v. R12) est devenu [ʒ] (j):
argīllam
(argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]
3.
[t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central (v. R16) sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):
carrum
(char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]
gambam
(jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]
R36. Nasalisation des voyelles
XIIIe s.
À partir du XIIIe s., toutes les voyelles suivies d'une consonne nasale, [m], [n] ou [ɲ] (gn), se sont nasalisées et sont devenues les voyelles nasales [ɑ᷉], [ε᷉], [ɔ᷉] et [œ᷉].
Toutefois, en français moderne, seules les voyelles suivies d'une consonne nasale comprise dans la même syllabe sont demeurées nasales :
annum
['an.num] (an) est devenu [ɑ̃n], ensuite [ɑ᷉]
fīnum
['fi.num] (fin) est devenu [fĩn], ensuite [fɛ᷉]
truncum
['trun.kum] (tronc) est devenu [tro᷉nk], ensuite [tʁɔ᷉]
ūnum
['u:.num] (un) est devenu [y᷉n], ensuite [œ᷉]
Quant à celles dont la consonne nasale qui suivait ne se trouvait pas dans la même syllabe, mais plutôt dans la suivante, elles se sont dénasalisées au cours des siècles suivants:
annāta
(année) est devenu [ɑ᷉.'ne], ensuite [a.'ne]
fīnam
(fine) est devenu ['fĩ.nə], ensuite [fin]
bonam
(bonne) est devenu ['bɔ᷉.nə], ensuite [bɔn]
ūnam
(une) est devenue [ỹ.nə], ensuite [yn]
R37. Amuïssement du e final
XVe s.
Jusqu'au XIVe s. , la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.
Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir du XVIIe s.:

vītam
(vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi]
Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe
(voir les termes diérèse et synérèse en versification.)
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.  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
 
XVIe s.  
 
Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. ( miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).  
 
Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.  
 
Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.  
 
Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)  
 
En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.  
 
R39. Amuïssement de la voyelle [a] atone pré-tonique  
 
XVIe s.  
 
Après que [a] en syllabe ouverte devant une syllabe tonique s'est affaibli et est devenu [ə] (v. R23), il disparaît complètement:  
 
armAturam › armEüre › armure  
imperAtōrem › emperEor › empereur  
 
R40. Retour de la consonne finale  
 
XVIIe s.  
 
Entre le XIIIe et le XVIe s., bien des consonnes finales des mots s'étaient amuïes (voir R38), notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne: un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur.  
 
En revanche, les consonnes finales se maintenaient dans la prononciation lorsque le mot qui suivait commençait par une voyelle: un œuf entier. Autrement dit, les consonnes finales ont toujours été plus ou moins présentes, et dans l'esprit des locuteurs, et dans les graphies.  
 
À partir du XVIe s., et encore plus au XVIIe s., les grammairiens ont prescrit la prononciation des consonnes finales quel que soit le contexte linguistique:  
 
dans certains cas, les consonnes finales ont été réintroduites dans l'usage: œuf, écureuil, miroir, finir;  
 
dans d'autres cas, ces consonnes finales ont été réintroduites de façon variable:  
 
sourcil [suʁ.sil] ~ [souʁ.si]  
cerf [sεʁf] ~ [sεʁ]  
 
dans d'autres, pas du tout:  
 
clef [kle]  
aimer [ε.me]  
 
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée  
 
XVIe - XVIIIe s.  
 
La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée. Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long, comme dans meute, jeûne, beugle, feutre.  
 
(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ](œ ouvert) devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)  
 
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Mot Annotation
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R38. Amuïssement de la consonne finale
XVIe s.
Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. (
miroiR
› miroi';
sourciL
› sourci';
aimeR
[e.mer] › [e.me]).
Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.
Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.
Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)
En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.
R39. Amuïssement de la voyelle [a] atone pré-tonique
XVIe s.
Après que [a] en syllabe ouverte devant une syllabe tonique s'est affaibli et est devenu [ə] (v. R23), il disparaît complètement:
armAturam
› armEüre › armure
imperAtōrem
› emperEor › empereur
R40. Retour de la consonne finale
XVIIe s.
Entre le XIIIe et le XVIe s., bien des consonnes finales des mots s'étaient amuïes (voir R38), notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne: un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur.
En revanche, les consonnes finales se maintenaient dans la prononciation lorsque le mot qui suivait commençait par une voyelle: un œuf entier. Autrement dit, les consonnes finales ont toujours été plus ou moins présentes, et dans l'esprit des locuteurs, et dans les graphies.
À partir du XVIe s., et encore plus au XVIIe s., les grammairiens ont prescrit la prononciation des consonnes finales quel que soit le contexte linguistique:
dans certains cas, les consonnes finales ont été réintroduites dans l'usage: œuf, écureuil, miroir, finir;
dans d'autres cas, ces consonnes finales ont été réintroduites de façon variable:
sourcil
[suʁ.sil] ~ [souʁ.si]
cerf
[sεʁf] ~ [sεʁ]
dans d'autres, pas du tout:
clef
[kle]
aimer
[ε.me]
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée
XVIe - XVIIIe s.
La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée.
Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long, comme dans
meute, jeûne, beugle, feutre.
(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ](œ ouvert) devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)
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R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague): [a͜w] › (ao)  
 
XVIIe s.  
 
1. [a͜w] (ao) issu de la vocalisation de l ([aɫ] › [a͜w]) (v. R30 ) est devenu [o]:  
 
saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜w] › [so]  
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜w] › [t͜∫ə.'vo]  
 
2. [ea͜w] (éao) issu de la vocalisation de l ([εɫ] › [ea͡w])(v. R30) est devenu [o]:  
 
bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜w] › ['bo]  
 
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e], [w͜a]~[wɑ]  
 
XVIIIe s.  
 
La diphtongue [w͜e], issue de la diphtongaison française (v. R17.2) est devenue [wa], ou [wɑ] dans les mots qui avaient eu, dans leur histoire, une consonne s qui suivait:  
 
trēs › trois [tʁwɑ]  
pisum › pois [pwɑ]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
 
XVIIIe s.  
 
La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.  
 
La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.  
 
Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.  
 
R45. Postériorisation de la voyelle [a] › [ɑ]  
 
La voyelle a [a] qui, durant son histoire, était suivie de la consonne s ( pAstam › pâte, mAstum › mât, pAssum › pas, quAssare › casser) s'est progressivement postériorisée vers le timbre [ɑ].  
 
Lorsque la consonne finale s'est amuïe, la voyelle [ɑ] est demeurée postérieure :  
 
mastum › [mɑt] › mât  
passum › [pɑs] › pas  
 
En français québécois, il semble que, par analogie, tous les a en finale de mot aient adopté ce timbre : chatte [ʃat], mais chat [ʃɑ] (Dumas 1987).  
 

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Mot Annotation
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R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague): [a͜w] › (ao)
XVIIe s.
1.
[a͜w] (ao) issu de la vocalisation de l ([aɫ] › [a͜w]) (v. R30 ) est devenu [o]:
saltum
(saut) › ['saɫt] › [sa͜w] › [so]
caballos
(chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜w] › [t͜∫ə.'vo]
2.
[ea͜w] (éao) issu de la vocalisation de l ([εɫ] › [ea͡w])(v. R30) est devenu [o]:
bellos
(beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜w] › ['bo]
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e], [w͜a]~[wɑ]
XVIIIe s.
La diphtongue [w͜e], issue de la diphtongaison française (v. R17.2) est devenue [wa], ou [wɑ] dans les mots qui avaient eu, dans leur histoire, une consonne s qui suivait:
trēs
› trois [tʁwɑ]
pisum
› pois [pwɑ]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]
XVIIIe s.
La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.
Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.
R45. Postériorisation de la voyelle [a] › [ɑ]
La voyelle a [a] qui, durant son histoire, était suivie de la consonne s (
pAstam
› pâte,
mAstum
› mât,
pAssum
› pas,
quAssare
› casser) s'est progressivement postériorisée vers le timbre [ɑ].
Lorsque la consonne finale s'est amuïe, la voyelle [ɑ] est demeurée postérieure :
mastum
› [mɑt] › mât
passum
› [pɑs] › pas
En français québécois, il semble que, par analogie, tous les a en finale de mot aient adopté ce timbre :
chatte
[ʃat], mais
chat
[ʃɑ] (Dumas 1987).
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