phonétique

 
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Fiche 1. Pourquoi dit-on un cheval , mais des chevaux?  
 
Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes.  
 
En effet, le nom singulier cheval est issu de caballum (ca-BAL-loum), et le nom pluriel chevaux est issu de caballos (ca-BAL-loss).  
 
Pourquoi écrit-on un X , et non pas un S dans la graphie de CHEVAUX ?  
 
Le linguiste Bernard Cerquiglini vous le dit à cette adresse.
Mot Annotation
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Fiche 1. Pourquoi dit-on un
cheval
, mais des
chevaux?
Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes.
En effet, le nom singulier
cheval
est issu de
caballum
(ca-BAL-loum), et le nom pluriel
chevaux
est issu de
caballos
(ca-BAL-loss).
Pourquoi écrit-on un
X
, et non pas un
S
dans la graphie de
CHEVAUX
?
Le linguiste Bernard Cerquiglini vous le dit à cette adresse.
voix: André Bougaïeff
 
CABALLUM  
› cheval [ʃə.'val]  
[ka.'bal.lum]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
[ka.'bal.lu]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif : a › [a]; u › [o]  
[ka.'bal.lo]  
 
R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles › [v]  
[ka.'val.lo]  
 
R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa]  
[t∫a.'val.lo]  
 
R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte › [t͜ʃe]  
[t∫e.'val.lo]  
 
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l]  
[t∫e.'va.lo]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
[t∫e.'val]  
 
R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte › [t͜ʃə]  
[t∫ə.'val]  
 
R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ]  
[∫ə.'val]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[∫ə.'va]  
 
R40. Retour de la consonne finale  
[∫ə.'val]  
 
…/2
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
CABALLUM
› cheval [ʃə.'val]
[ka.'bal.lum]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

[ka.'bal.lu]
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif : a › [a]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

[ka.'bal.lo]
R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles › [v] Affaiblissement des consonnes
[p] et [b], et aussi [t] et [d].
IIIe s.

Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:

rīpam › rive
tropat › (il) trouve
sapōnem › savon
fabam › fève
capram › chèvre
labram › lèvre

De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :

matūrum (mûr) › [ma.du.ro]
nūdam (nue) › [nu.ða]

[ka.'val.lo]
R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa] Ve s.

Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a].

La syllabe [ka] est devenue
[t͜∫a] (tcha);

la syllabe [ga] est devenue
[d͡ʒa] (dja):

CArrum › char
CAntāre › chanter
GAmbam › jambe

[t∫a.'val.lo]
R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte › [t͜ʃe] VIe s.

Après la palatalisation de [g] et [k], les syllabe [t͜ʃa] et [d͜ʒa] en syllabe ouverte, tonique ou atone, sont devenues [t͜ʃe] (tché) et [d͜ʒe] (djé):

CArum (cher) devenue ['t͜∫a.ro] est passée à ['t͜∫e.ro]

CAnem (chien) devenue ['t͜∫a.ne] est passée à ['t͜∫e.ne]

GAllīnam (gelinotte) devenue [dʒa.'li.na] est passée à [dʒe.'li.na]

[t∫e.'val.lo]
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l] VIIe s.

L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.

Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:

caballum [ka.'bal.lum] › cheval
cattam ['kat.tam] › chate (chatte)
abbātum [ab.'ba:.tum] › abe (abbé)
cappam ['kap.pa] › chape (manteau)
offirīre › ofrir (offrir)

[t∫e.'va.lo]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[t∫e.'val]
R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte › [t͜ʃə] XIe s.

La syllabe [tʃe] (tché), issue de [tʃa] (v. R18 Loi de Bartsch, 1er temps) en syllabe ouverte atone est devenue [t͜ʃə] (tche):

˚caballum (cheval) [t͜∫e.'va.lo] › [t͜∫ə.'val]

gallīnam (geline) [d͜ʒe.'li.na] › [d͜ʒə.'li.nə]

[t∫ə.'val]
R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ] XIIIe s.

1. [t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] est devenu [s]:

cīmam (cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]

Francia (France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]
centum (cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]

2. [d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] est devenu [ʒ] (j):

argīllam (argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]

3. [t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):

carrum (char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]
gambam (jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]

[∫ə.'val]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVe s.

Jusqu'au XIVe s., la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir
du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi]

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe

(voir les termes diérèse et synérèse en versification).

[∫ə.'va]
R40. Retour de la consonne finale XVIIe s.

Entre le XIIIe et le XVIe s., bien des consonnes finales des mots s'étaient amuïes (voir R38), notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne:

un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur.

En revanche, les consonnes finales se maintenaient dans la prononciation lorsque le mot qui suivait commençait par une voyelle: un œuf entier.

Autrement dit, les consonnes finales ont toujours été plus ou moins présentes, et dans l'esprit des locuteurs, et dans les graphies.

À partir du XVIe s., et encore plus au XVIIe s., les grammairiens ont prescrit la prononciation des consonnes finales quel que soit le contexte linguistique:

dans certains cas, les consonnes finales ont été réintroduites dans l'usage: œuf, écureuil, miroir, finir;

dans d'autres cas, ces consonnes finales ont été réintroduites de façon variable:

sourcil [suʁ.sil] ~ [souʁ.si]

cerf [sεʁf] ~ [sεʁf]

dans d'autres, pas du tout:

clef [kle]

aimer [ε.me]

[∫ə.'val]
…/2
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
 
CABALLOS › chevax, chevaulx, chevaux [ʃə.'vo]  
[ka.'bal.los]  
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du pluriel  
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; o atone › [o]  
 
R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles › [v]  
[ka.'val.los]  
 
R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa]  
[t∫a.'val.los]  
 
R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte › [t͜ʃe]  
[t∫e.'val.los]  
 
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l]  
[t∫e.'va.los]  
 
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
[t∫e.'vaɫs]  
 
R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte › [t͜ʃə]  
[t∫ə.'vaɫs]  
 
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne › [w]  
[t∫ə.'va͜ws]  
 
R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ]  
[∫ə.'va͜ws]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale.  
[∫ə.'va͜w]  
 
R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague): [a͜w] › [o]  
[∫ə.'vo]  
 
…/3
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
CABALLOS
› chevax, chevaulx, chevaux [ʃə.'vo]
[ka.'bal.los]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du pluriel IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; o atone › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles › [v] Affaiblissement des consonnes
[p] et [b], et aussi [t] et [d].
IIIe s.

Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:

rīpam › rive
tropat › (il) trouve
sapōnem › savon
fabam › fève
capram › chèvre
labram › lèvre

De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :

matūrum (mûr) › [ma.du.ro]
nūdam (nue) › [nu.ða]

[ka.'val.los]
R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa] Ve s.

Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a].

La syllabe [ka] est devenue
[t͜∫a] (tcha);

la syllabe [ga] est devenue
[d͡ʒa] (dja):

CArrum › char;
CAntāre › chanter;
GAmbam › jambe.

[t∫a.'val.los]
R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte › [t͜ʃe] VIe s.

Après la palatalisation de [g] et [k], les syllabe [t͜ʃa] et [d͜ʒa] en syllabe ouverte, tonique ou atone, sont devenues [t͜ʃe] (tché) et [d͜ʒe] (djé):

CArum (cher) devenue ['t͜∫a.ro] est passée à ['t͜∫e.ro];

CAnem (chien) devenue ['t͜∫a.ne] est passée à ['t͜∫e.ne];

GAllīnam (gelinotte) devenue [dʒa.'li.na] est passée à [dʒe.'li.na].

[t∫e.'val.los]
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l] VIIe s.

L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.

Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:

caballum [ka.'bal.lum] › cheval
cattam ['kat.tam] › chate (chatte)
abbātum [ab.'ba:.tum] › abe (abbé)
cappam ['kap.pa] › chape (manteau)
offirīre › ofrir (offrir)

[t∫e.'va.los]
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[t∫e.'vaɫs]
R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte › [t͜ʃə] XIe s.

La syllabe [tʃe] (tché), issue de [tʃa] (v. R18 Loi de Bartsch, 1er temps) en syllabe ouverte atone est devenue [t͜ʃə] (tche):

˚caballum (cheval) [t͜∫e.'va.lo] › [t͜∫ə.'val]

gallīnam (geline) [d͜ʒe.'li.na] › [d͜ʒə.'li.nə]

[t∫ə.'vaɫs]
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne › [w] XIe s.

La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue:

Nota Bene. En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot all.

30.1. [aɫ] › [a͜w] (ao):

saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜wt]
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜ws]

30.2. [eɫ] › [e͜w] (éo):

capillos (cheveux) › [t͜∫e.'veɫs] › [t͜∫ǝ.'ve͜ws]
filtir (feutre) › ['feɫ.trə] › ['fe͜w.trə]

30.3. [ɛɫ] › [ea͜w] (éao):

bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜ws]
castellos (châteaux) › [t͜∫as.'tεɫs] › [t͜∫as.'tea͜ws]

30.4 [oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :

colaphum › [koɫp] › [ko͜wp]

[t∫ə.'va͜ws]
R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ] XIIIe s.

1. [t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] est devenu [s]:

cīmam (cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]
Francia (France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]
centum (cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]

2. [d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] est devenu [ʒ] (j):

argīllam (argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]

3. [t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):

carrum (char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]
gambam (jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]

[∫ə.'va͜ws]
R38. Amuïssement de la consonne finale. XVIe s.

Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dure › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.).

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[∫ə.'va͜w]
R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague): [a͜w] › [o] XVIIe s.

1. [a͜w] (ao) issu de la vocalisation de l ([aɫ] › [a͜w]) (v. R30) est devenu [o]:

saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜w] › [so]
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜w] › [t͜∫ə.'vo]

2. [ea͜w] (éao) issu de la vocalisation de l ([εɫ] › [ea͡w]) (v. R30) est devenu [o]:

bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜w] › ['bo]

[∫ə.'vo]
…/3
 
Fiche 2. Pourquoi dit-on un œuf, mais des œu(fs)?  
 
Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve simplement dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes.  
 
En effet, les mots œuf et œufs , issus respectivement de ovum (O-woum) et ovos  
(O-woss), ont connu des évolutions phonétiques différentes en raison de leurs constitutions phoniques respectives.
Mot Annotation
Fiche 2. Pourquoi dit-on
un œuf,
mais
des œu(fs)?
Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve simplement dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes.
En effet, les mots
œuf
et
œufs
,
issus respectivement de
ovum
(O-woum)
et
ovos
(O-woss),
ont connu des évolutions phonétiques différentes en raison de leurs constitutions phoniques respectives.
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
ŌVUM › °ovum › uef, œuf [œf]  
['o.wum]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['o.wu]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: o tonique › [ɔ] ; u › [o]  
['ɔ.wo]  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ɔ.vo]  
 
R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) › [w͜͜ɔ]  
['w͜ɔ.vo]  
 
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
['w͜ɔv]  
 
R24. Dévoisement de la consonne finale : [v] › [f]  
['w͜͜ɔf]  
 
R32 Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] › [w͜e]  
['w͜ef]  
 
R34.2 Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] › [ø] (eu)  
[øf]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[ø]  
 
R40. Retour de la consonne finale  
[øf]  
 
R41. Ouverture de [ø] tonique en syllabe fermée › [œ]  
[œf]  
 
.../4
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
ŌVUM
› °ovum › uef, œuf [œf]
['o.wum]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['o.wu]
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: o tonique › [ɔ] ; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['ɔ.wo]
R8. [w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:

vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin
vītam ['wi:.tam] › vie

['ɔ.vo]
R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) › [w͜͜ɔ] IIIe s.

Les voyelles [ɛ] (è) et [ɔ] (o, comme dans sotte) toniques se sont diphtonguées en syllabe ouverte et dans les monosyllabes et sont devenues respectivement [j͜e] (yé) et [w͜ɔ] (wò):

mel (miel) ['mεl] › ['mj͜el]
pedem (pied) ['pε.de] › ['pj͜e.de] (PJÉ-dé)
cælum (ciel) ['kε.lo] › ['kj͜e.lo]
cor (cœur) ['kɔr] › ['kw͜ɔr]
molam (meule) ['mɔ.la] › ['mw͜ɔ.la]

['w͜ɔ.vo]
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

['w͜ɔv]
R24. Dévoisement de la consonne finale : [v] › [f] VIIIe s.

Lorsque les voyelles atones finales sont disparues, les consonnes finales voisées se sont automatiquement dévoisées (assourdies):

[v] est devenu [f]
[s] est devenu [z]
[d] est devenu [t]
[g] est devenu [k]:

grandem › ['gran.de] › [grand] › grant (plus tard, grand)

pedem › ['pj͜e.de] › [pj͜ed] › piet (plus tard, pied)

salvum › ['saɫ.vo] › [saɫv] › salf, sauf

Cette consonne non voisée s'entend toujours en français moderne dans certains adjectifs ou noms quand ces derniers se lient à un autre mot commençant par une voyelle:

grand ͜ ami 'grand t-ami'
pied ͜-à-terre 'pied t-à terre'

Il s'agit de la question des liaisons, dont on trouve un bon tableau chez
Pierre Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, Mouton, The Hague, 1966, pages 43-48.

['w͜͜ɔf]
R32 Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] › [w͜e] XIIe s.

La diphtongue [w͜ɔ] (wò), issue de la voyelle [ɔ] (ò) en syllabe ouverte tonique ou en monosyllabe (v. R10 Diphtongaison romane, 1er temps), est devenue [w͜e]:

cor (cœur) › ['kw͜ɔr] › ['kw͜er]

molam (meule) › ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə]

['w͜ef]
R34.2 Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] › [ø] (eu) XIIe -XIVe s.

À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.

34.2. [w͜e] (oé) issu de la diphtongaison romane ([w͜ɔ] › [w͜e]) est devenu [ø] (eu, comme dans eux):

cor (cœur) ['kw͜ɔr] › ['kw͜er] › ['kør]

molam (meule) ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə] › ['møl]

[øf]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986:218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au
XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[ø]
R40. Retour de la consonne finale XVIIe s.

Entre le XIIIe et le XVIe s., bien des consonnes finales des mots s'étaient amuïes (voir R37), notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne:

un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur.

En revanche, les consonnes finales se maintenaient dans la prononciation lorsque le mot qui suivait commençait par une voyelle: un œuf entier.

Autrement dit, les consonnes finales ont toujours été plus ou moins présentes, et dans l'esprit des locuteurs, et dans les graphies.

À partir du XVIe s., et encore plus au XVIIe s., les grammairiens ont prescrit la prononciation des consonnes finales quel que soit le contexte linguistique:

dans certains cas, les consonnes finales ont été réintroduites dans l'usage: œuf, écureuil, miroir, finir;

dans d'autres cas, ces consonnes finales ont été réintroduites de façon variable:

sourcil [suʁ.sil] ~ [souʁ.si];

cerf [sεʁf] ~ [sεʁf];

dans d'autres, pas du tout:

clef [kle],

aimer [ε.me].

[øf]
R41. Ouverture de [ø] tonique en syllabe fermée › [œ] XVIe - XVIIIe s.

La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée.

Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long (meute, jeûne, beugle, feutre).

(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ] devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)

[œf]
.../4
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
 
ŌVOS › °ovos › ues, œufs [ø]  
['o.wos]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale de flexion du pluriel  
['o.wos]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: o tonique › [ɔ]; o atone › [o]  
['ɔ.wos]  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ɔ.vos]  
 
R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) › [w͜͜ɔ]  
['w͜ɔ.vos]  
 
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
['w͜͜ɔvs]  
 
R26. Amuïssement de la consonne finale devant consonne: [vs] › [s]  
['w͜ɔs]  
 
R32. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] › [w͜e]  
['w͜es] ues (graphie médiévale)  
 
R34.2. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] › [ø]  
['øs]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
['ø]  
 
.../5
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
ŌVOS
› °ovos › ues, œufs [ø]
['o.wos]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale de flexion du pluriel IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['o.wos]
R7. Des voyelles du latin classique › … tardif: o tonique › [ɔ]; o atone › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['ɔ.wos]
R8. [w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée: vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin; vītam ['wi:.tam] › vie

['ɔ.vos]
R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) › [w͜͜ɔ] IIIe s.

Les voyelles [ɛ] (è) et [ɔ] (o, comme dans sotte) toniques se sont diphtonguées en syllabe ouverte et dans les monosyllabes et sont devenues respectivement [j͜e] (yé) et [w͜ɔ] (wò):

mel (miel) ['mεl] › ['mj͜el]
pedem (pied) ['pε.de] › ['pj͜e.de] (PJÉ-dé)
cælum (ciel) ['kε.lo] › ['kj͜e.lo]
cor (cœur) ['kɔr] › ['kw͜ɔr]
molam (meule) ['mɔ.la] › ['mw͜ɔ.la]

['w͜ɔ.vos]
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

['w͜͜ɔvs]
R26. Amuïssement de la consonne finale devant consonne: [vs] › [s] IXe s.

La plupart des consonnes se sont amuïes suivies d'une consonne, notamment le [s] de flexion pluriel:

chamPs (champs) › chams

verMs (vers) › vers

bueFs (bœufs) › bues

clerCs › clers

['w͜ɔs]
R32. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] › [w͜e] XIIe s.

La diphtongue [w͜ɔ] (wò), issue de la voyelle [ɔ] (ò) en syllabe ouverte tonique ou en monosyllabe (v. R10 Diphtongaison romane, 1er temps), est devenue [w͜e]:

cor (cœur) › ['kw͜ɔr] › ['kw͜er]

molam (meule) › ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə]

['w͜es] ues
(graphie médiévale)
R34.2. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] › [ø] XIIe -XIVe s.

À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.

34.2. [w͜e] (oé) issu de la diphtongaison romane ([w͜ɔ] › [w͜e]) est devenu [ø] (eu, comme dans eux):

cor (cœur) ['kw͜ɔr] › ['kw͜er] › ['kør]

molam (meule) ['mw͜ɔ.la] › ['mw͜e.lə] › ['møl]

['øs]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

['ø]
.../5
 
Fiche 3. Comment expliquer que le mot pierre soit relié à soit relié à pétrifier ?  
 
Comme on peut le constater, l'étymon latin petram (PÉ-tramm), dont découle le mot pierre , possède un peu de la forme du mot pétrifier .  
 
En fait, ce dernier est une construction à partir du latin petram (pierre) et du suffixe français –(i)fier.  
 
Selon Rey (2016), ce mot aurait été attesté une première fois en 1580 pour signifier 'changer en pierre' (Double latinisation du français).
Mot Annotation
Fiche 3. Comment expliquer que le mot
pierre soit relié à
soit relié à
pétrifier
?
Comme on peut le constater, l'étymon latin
petram
(PÉ-tramm), dont découle le mot
pierre
,
possède un peu de la forme du mot
pétrifier
.
En fait, ce dernier est une construction à partir du latin
petram
(pierre) et du suffixe français
–(i)fier.
Selon Rey (2016), ce mot aurait été attesté une première fois en 1580 pour signifier 'changer en pierre' (Double latinisation du français).
voix: André Bougaïeff
 
PETRAM  
› piedre › pierre ['pjεʁ]  
['pe.tram]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['pe.tra]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: e tonique › [ε]; a › [a]  
['pε.tra]  
 
R10. Affaiblissement de la consonne [t] › [d]  
['pε.dra]  
 
R11. Diphtongaison romane de [ε] du latin tardif (1er temps) › [j͜e]  
['pj͜e.dra]  
 
R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] › [ə]  
['pj͜e.drə]  
 
R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final tr › [rr]  
['pj͜er.rə]  
 
R37. Amuïssement du e final  
['pj͜er]  
 
R41. Ouverture de [e] tonique en syllabe fermée › [ε]  
['pj͜εr]  
 
R44. Évolution de r [r] › [ʁ]  
['pj͜εʁ]  
 
.../6
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
PETRAM
› piedre › pierre ['pjεʁ]
['pe.tram]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['pe.tra]
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: e tonique › [ε]; a › [a] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['pε.tra]
R10. Affaiblissement de la consonne [t] › [d] Affaiblissement des consonnes
[p] et [b], et aussi [t] et [d].
IIIe s.

Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:

rīpam › rive;
tropat › (il) trouve
sapōnem › savon
fabam › fève
capram › chèvre
labram › lèvre.

De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :

matūrum (mûr) › [ma.du.ro]
nūdam (nue) › [nu.ða]

['pε.dra]
R11. Diphtongaison romane de [ε] du latin tardif (1er temps) › [j͜e] IIIe s.

Les voyelles [ɛ] (è) et [ɔ] (o, comme dans sotte) toniques se sont diphtonguées en syllabe ouverte et dans les monosyllabes et sont devenues respectivement [j͜e] (yé) et [w͜ɔ] (wò):

mel (miel) ['mεl] › ['mj͜el]

pedem (pied) ['pε.de] › ['pj͜e.de] (PJÉ-dé)

cælum (ciel) ['kε.lo] › ['kj͜e.lo]
cor (cœur) ['kɔr] › ['kw͜ɔr]

molam (meule) ['mɔ.la] › ['mw͜ɔ.la]

['pj͜e.dra]
R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] › [ə] VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.2. La voyelle atone finale [a] est devenue [ə] (e), comme dans:

bellam (belle) devenu ['bε.la] en latin tardif, ensuite, belle ['bε.lə]

cantat (il chante) devenu ['t͜∫an.tat] en latin tardif, ensuite chante.

La présence de cette voyelle finale [ə] (e) a contribué phonétiquement à l'opposition féminin / masculin:

bellam › belle vs bellum › ['bε.lo] › bel, beau

salvam › sauve vs salvum › ['saɫ.vo] › sauf

novam › neuve vs novum › ['nɔ.vo] › neuf

['pj͜e.drə]
R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final tr › [rr] XIe s.

Entre voyelles, les groupes [tr] ou [dr] sont devenus rr ou r:

petram › piedre › pierre

°quadrifurcu › carrefour

patrem › pedre › père

['pj͜er.rə]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVe s., la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir
du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe

(voir les termes diérèse et synérèse en versification)

['pj͜er]
R41. Ouverture de [e] tonique en syllabe fermée › [ε] XVIe - XVIIIe s.

La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée.

Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long (meute, jeûne, beugle, feutre).

(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ] devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)

['pj͜εr]
R44. Évolution de r [r] › [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite
' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

['pj͜εʁ]
.../6
 
En 1582, par la bulle pontificale Inter gravissimas, le pape Grégoire XIII a supprimé dix jours du mois d'octobre pour permettre le remplacement du calendrier julien (introduit en l'an 46 avant notre ère par l'empereur romain Jules César) par le calendrier grégorien, utilisé aujourd'hui dans la plupart des pays.

Pour plus de détails, veuillez vous reporter à cette adresse.  
 
Quelle différence y a-t-il entre un chiffre , un nombre et un numéro ? Découvrez-la  
à cette adresse.  
 
Fiche 4. Quel est le rapport entre les mots nombre et numéro ?  
 
Si le mot latin numerum (NOU-mé-roum) est devenu nombre , d'où vient alors le mot numéro ?  
 
Ce dernier est un emprunt que les Français ont fait à l'italien en 1589. Les mots nombre et numéro sont donc deux formes issues du même étymon, mais appartenant à des langues romanes différentes. Cela illustre bien le fait que le même mot latin peut produire des rejetons différents suivant les langues.

Mot Annotation
En 1582, par la bulle pontificale Inter gravissimas, le pape Grégoire XIII a supprimé dix jours du mois d'octobre pour permettre le remplacement du calendrier julien (introduit en l'an 46 avant notre ère par l'empereur romain Jules César) par le calendrier grégorien, utilisé aujourd'hui dans la plupart des pays.

Pour plus de détails, veuillez vous reporter à cette adresse.

Quelle différence y a-t-il entre un
chiffre
, un
nombre
et un
numéro
?
Découvrez-la
à cette adresse.
Fiche 4. Quel est le rapport entre les mots
nombre
et
numéro
?
Si le mot latin
numerum
(NOU-mé-roum) est devenu
nombre
, d'où vient alors le mot
numéro
?
Ce dernier est un emprunt que les Français ont fait à l'italien en 1589.
Les mots
nombre
et
numéro
sont donc deux formes issues du même étymon, mais appartenant à des langues romanes différentes. Cela illustre bien le fait que le même mot latin peut produire des rejetons différents suivant les langues.
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
NUMERUM  
› nombre [nɔ̃br]  
['nu.me.rum]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['nu.me.ru]  
 
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['num.ru]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: o atone › [o]; u › [o]  
['nom.ro]  
 
R13. Épenthèse consonantique  
['nom.bro]  
 
R22.3. Affaiblissement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['nom.brǝ]  
 
R36. Nasalisation des voyelles  
['nɔ̃.brǝ]  
 
R37. Amuïssement du e final  
['nɔ̃br]  
 
R44. Évolution de r [r] › [ʁ]  
['nɔ̃bʁ]  
 
.../7
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
NUMERUM
› nombre [nɔ̃br]
['nu.me.rum]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['nu.me.ru]
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles étaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot :

ancOram › ancra › ancre

clērIcum › clērcu › clerc

simUlāre › simlāre › sembler

tabUlam › tabla › table

pōsItum › pōstu › poste

Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:

parAdīsum › paraïs (paradis)

Nota Bene : le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all. Ainsi, lorsque la voyelle e de molEre a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].

['num.ru]
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: o atone › [o]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['nom.ro]
R13. Épenthèse consonantique IVe s.

Il y a eu formation d'une consonne occlusive de même point d'articulation que la consonne qui précède (dite homorganique) entre deux consonnes 1) départagées dans deux syllabes, 2) dont la première consonne est [m], [n] ou [l] et la seconde, [r] ou [l]:

[m.r] › [m.br]

[ɫ.r] › [ɫ.dr]

[m.l] › [m.bl]

[n.r] › [n.dr].

Ainsi,

sim(u)lāre › sembler

num(e)rum › nombre

gen(e)ris › gendre

De même apparaît une consonne occlusive entre [s] ou [z] et [r]:

[s.r] › [s.tr]

[z.r] › [z.dr]

Ainsi,

cōnsuere › ˚cōs(e)re › cosdre, coudre

esse › ˚es(se)re › estre, être

Nota Bene : le cas de [l] qui se prononce [ɫ].

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.

['nom.bro]
R22.3. Affaiblissement de la voyelle atone finale (syllabe CCV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.3. Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a], à la voyelle [ə] (e):

patrem devenu ['pa.dre] en latin tardif, ensuite pedre ['pe.drǝ] › père

duplum devenu ['do.blo] en latin tardif, ensuite doble ['do.blǝ] › double

nostrum devenu ['nɔs.tro] en latin tardif, ensuite nostre ['nɔs.trǝ] › nôtre

˚ab oculem devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif, ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] › aveugle

['nom.brǝ]
R36. Nasalisation des voyelles XIIIe s.

À partir du XIIIe, toutes les voyelles suivies d'une consonne nasale, [m], [n] ou [ɲ] (gn), se sont nasalisées et sont devenues les voyelles nasales [ɑ᷉], [ε᷉], [ɔ᷉] et [œ᷉].

Toutefois, en français moderne, seules les voyelles suivies d'une consonne nasale comprise dans la même syllabe sont demeurées nasales. Ainsi,

annum ['an.num] (an) est devenu [ɑ̃n], ensuite [ɑ᷉]

fīnum ['fi.num] (fin) est devenu [fĩn], ensuite [fɛ᷉]

truncum ['trun.kum] (tronc) est devenu [tro᷉nk], ensuite [tʁɔ᷉]

ūnum ['u:.num] (un) est devenu [y᷉n], ensuite [œ᷉].

Quant à celles dont la consonne nasale ne se trouvait pas dans la même syllabe, mais plutôt dans la suivante, elles se sont dénasalisées au cours des siècles suivants:

annāta (année) est devenu [ɑ᷉.'ne.ə], ensuite [a.'ne]

fīnam (fine) est devenu ['fĩ.nə], ensuite [fin]

bonam (bonne) est devenu ['bɔ᷉.nə], ensuite [bɔn]

ūnam (une) est devenue [ỹ.nə], ensuite [yn]

['nɔ̃.brǝ]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVe s., la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir
du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe.

(voir les termes diérèse et synérèse en versification.)

['nɔ̃br]
R44. Évolution de r [r] › [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite
' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

['nɔ̃bʁ]
.../7
Fiche 5. Quel est le rapport entre les mots armure et armature ?  
 
Si le mot latin armatūram (ar-ma-TOU-ramm), après plus de quinze siècles de transformation, est devenu armure , d'où provient alors le mot armature ?  
 
Ce dernier est un emprunt savant au latin médiéval armatura désignant, en architecture au XIIe s., la charpente sur laquelle on construit une voûte.  
 
Les mots armure et armature illustrent bien cette double latinisation du français, l'une, armure , par la voie de l'évolution phonétique, l'autre, armature , par emprunt en vue de l'enrichissement de la langue française en mots nouveaux (Double latinisation du français).
Mot Annotation
Fiche 5. Quel est le rapport entre les mots
armure
et
armature
?
Si le mot latin
armatūram
(ar-ma-TOU-ramm), après plus de quinze siècles de transformation, est devenu
armure
, d'où provient alors le mot
armature
?
Ce dernier est un emprunt savant au latin médiéval armatura désignant, en architecture au XIIe s., la charpente sur laquelle on construit une voûte.
Les mots
armure
et
armature
illustrent bien cette double latinisation du français, l'une,
armure
, par la voie de l'évolution phonétique, l'autre,
armature
, par emprunt en vue de l'enrichissement de la langue française en mots nouveaux (Double latinisation du français).
voix: Luc Ostiguy
 
ARMATŪRA  
› armeüre › armure [aʁ.myʁ]  
[ar.ma.'tu:.ram]  
 
R1. Amuïssement de la consonne latine  
[ar.ma.'tu:.ra]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … latin tardif: ū › [u]; a › [a]  
[ar.ma.'tu.ra]  
 
R10. Affaiblissement de la consonne [t] entre voyelles › [d]  
[ar.ma.'du.ra]  
 
R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] › [ə]  
[ar.ma.'du.rә]  
 
R23. Affaiblissement de la voyelle atone pré-tonique : [a] › [ә]  
[ar.mә.'du.rә]  
 
R25. Voyelle [u] issue de ū devient [y]  
[ar.mə.'dy.rə]  
 
R28. Amuïssement des consonnes [t] et [d] entre voyelles  
[ar.mə.'y.rә]  
 
R37. Amuïssement du e final  
[ar.mə.'yr]  
 
R39. Amuïssement de la voyelle [a] atone pré-tonique  
[ar.'myr]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[aʁ.'myʁ]  
 
…/8
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
ARMATŪRA
› armeüre › armure [aʁ.myʁ]
[ar.ma.'tu:.ram]
R1. Amuïssement de la consonne latine IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

[ar.ma.'tu:.ra]
R7. Des voyelles du latin classique › … latin tardif: ū › [u]; a › [a] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

[ar.ma.'tu.ra]
R10. Affaiblissement de la consonne [t] entre voyelles › [d] Affaiblissement des consonnes
[p] et [b], et aussi [t] et [d].
IIIe s.

Entre deux voyelles ou entre une voyelle et la vibrante [r], les consonnes bilabiales [p] et [b] sont devenues [v], fricative labiodentale voisée:

rīpam › rive;
tropat › (il) trouve;
sapōnem › savon
fabam › fève
capram › chèvre
labram › lèvre.

De même, l'occlusive non voisée occlusive dentale [t] est devenue la voisée [d], et l'occlusive dentale [d] est devenue fricative interdentale [ð] :

matūrum (mûr) › [ma.du.ro]
nūdam (nue) › [nu.ða]

[ar.ma.'du.ra]
R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] › [ə] VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.2. La voyelle atone finale [a] est devenue [ə] (e), comme dans:

bellam (belle) devenu ['bε.la] en latin tardif, ensuite, belle ['bε.lə]
cantat (il chante) devenu ['t͜∫an.tat] en latin tardif, ensuite chante.

La présence de cette voyelle finale [ə] (e) a contribué phonétiquement à l'opposition féminin / masculin:

bellam › belle vs bellum › ['bε.lo] › bel, beau
salvam › sauve vs salvum › ['saɫ.vo] › sauf
novam › neuve vs novum › ['nɔ.vo] › neuf

[ar.ma.'du.rә]
R23. Affaiblissement de la voyelle atone pré-tonique : [a] › [ә] VIIIe s.

Les voyelles atones [a], [e] et [o] sont devenues [ə] quand elles se trouvaient en syllabe ouverte devant une syllabe tonique:

armAturam › armEüre › armure

quadrIforcum › carrEfour

latrŌcīnium › larrEcin

[ar.mә.'du.rә]
R25. Voyelle [u] issue de ū devient [y] VIIIe s.

La voyelle ū (ou) est devenue [y] (u) qu'elle soit en syllabe ouverte ou fermée:

mūrum (mur);

pūrgat (il purge);

matūrum (mûr);

nutritūram (nourriture).

[ar.mə.'dy.rə]
R28. Amuïssement des consonnes [t] et [d] entre voyelles XIe s.

Depuis les premiers siècles du premier millénaire, [t] et [d] entre voyelles s'affaiblissaient lentement (v R9).

Au XIe s., ces consonnes, du moins ce qu'il en restait encore, se sont définitivement amuïes:

matūrum › mûr;

nūdam › nude › nue.

[ar.mə.'y.rә]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVe s. , la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe (voir les termes diérèse et synérèse en versification.

[ar.mə.'yr]
R39. Amuïssement de la voyelle [a] atone pré-tonique XVIe s.

Après que [a] en syllabe ouverte devant une syllabe tonique s'est affaibli et est devenu [ə] (v. R23), il disparaît complètement:

armAturam › armEüre › armure;

imperAtōrem › emperEor › empereur.

[ar.'myr]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

[aʁ.'myʁ]
…/8
 
Fiche 6. Croire , ou craire comme on dit par chez nous au Québec?  
 
Les formes croire et craire proviennent du même mot latin : crēdere (CRÉ-dé-ré). Eh bien oui! Les deux mots sont tout aussi nobles l'un que l'autre de par leur ascendance.  
 
Comme on peut le voir dans le calendrier des transformations, le son [e͜͜j], issu de la diphtongaison française des voyelles latines ē et i (R. 17.2) a débouché, selon le lieu géographique, sur deux formes différentes.  
 
Dans la région parisienne et dans l'est de ce qui est aujourd'hui la France, l'évolution a donné [e͜͜j] › [w͜e] (oé), plus tard [wa] (oa), tandis que, dans le nord-ouest et l'ouest, l'évolution a donné [e͜j] › [ε] (è).  
 
Cette double destinée est à l'origine de l'alternance entre les formes droit et draitte , froid et fraitte , qu'il soit et qu'il saiye.  
 
Aujourd'hui, les secondes ne sont plus entendues que dans les français régionaux de France, entre autres en gallo (Haute-Bretagne) et en normand, et en français québécois de registre familier.  
 
Mot Annotation
Fiche 6.
Croire
, ou
craire
comme on dit par chez nous au Québec?
Les formes
croire
et
craire
proviennent du même mot latin :
crēdere
(CRÉ-dé-ré). Eh bien oui!
Les deux mots sont tout aussi nobles l'un que l'autre de par leur ascendance.
Comme on peut le voir dans le calendrier des transformations, le son [e͜͜j], issu de la diphtongaison française des voyelles latines ē et i (R. 17.2) a débouché, selon le lieu géographique, sur deux formes différentes.
Dans la région parisienne et dans l'est de ce qui est aujourd'hui la France, l'évolution a donné [e͜͜j] › [w͜e] (oé), plus tard [wa] (oa), tandis que, dans le nord-ouest et l'ouest, l'évolution a donné [e͜j] › [ε] (è).
Cette double destinée est à l'origine de l'alternance entre les formes
droit
et
draitte
,
froid
et
fraitte
, qu'il
soit
et qu'il
saiye.
Aujourd'hui, les secondes ne sont plus entendues que dans les français régionaux de France, entre autres en gallo (Haute-Bretagne) et en normand, et en français québécois de registre familier.
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
CRĒDERE › credre › croire [kʁw͜aʁ]  
['kre:.de.re]  
 
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['kre:.dre]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: ē › [e]; e atone › [e]  
['kre.dre]  
 
R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] › [e͜j]  
['kre͜j.dre]  
 
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['kre͜j.drə]  
 
R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final dr › r]  
['kre͜j.rə]  
 
R33. Diphtongaison française (3e temps): Évolution de [e͜j] › [we] ou [ε]  
['krw͜e.rə] ~ ['krε.rə]  
 
R37. Amuïssement du e final  
['krw͜er] ~ ['krεr]  
 
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e] › [w͜a]  
['krw͜ar] ~ ['krεr]  
 
R44. Évolution de r [r] › [ʁ].  
['kʁw͜aʁ] ~ ['kʁεʁ]  
 
.../9
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
CRĒDERE
› credre › croire [kʁw͜aʁ]
['kre:.de.re]
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles étaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot :

ancOram › ancra › ancre

clērIcum › clērcu › clerc

simUlāre › simlāre › sembler

tabUlam › tabla › table

pōsItum › pōstu › poste

Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:

parAdīsum › paraïs (paradis)

Nota Bene : le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.

Ainsi, lorsque la voyelle e de molEre a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].

['kre:.dre]
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: ē › [e]; e atone › [e] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['kre.dre]
R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] › [e͜j] En syllabe ouverte tonique, les voyelles du latin tardif

[e] (de ē ou i du latin classique)
[o] (de ō ou u du latin classique)
[a] (de ā et a du latin classique)

se sont diphtonguées en syllabe ouverte tonique:

17.2. [e] › [e͜j] (éy):

tēlam (toile) › ['te͜j.la]

vēra (voire) › ['ve͜j.ra]

['kre͜j.dre]
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.3. Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a], à la voyelle [ə] (e):

patrem devenu ['pa.dre] en latin tardif, ensuite pedre ['pe.drǝ] › père

duplum devenu ['do.blo] en latin tardif, ensuite doble ['do.blǝ] › double

nostrum devenu ['nɔs.tro] en latin tardif, ensuite nostre ['nɔs.trǝ] › nôtre

˚ab oculem devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif, ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] › aveugle

['kre͜j.drə]
R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final dr › r] XIe s.

Entre voyelles, les groupes [tr] ou [dr] sont devenus rr ou r:

petram › piedre › pierre

°quadrifurcu › carrefour

patrem › pedre › père

['kre͜j.rə]
R33. Diphtongaison française (3e temps): Évolution de [e͜j] › [we] ou [ε] XIIe-XIIIe s.

[e͜j] (éy) est devenu [o͜j](oy):

tēlam (toile) › ['te͜j.lə] › ['to͜j.lə].

Ensuite, [o͜j] est devenu [w͜e] (oé).

Cependant, dans la partie ouest du domaine d'oïl, [e͜j] est plutôt devenu [ε] (è);

cette double destinée de [e͜j] est à l'origine de l'alternance droit et draitte.

['krw͜e.rə] ~ ['krε.rə]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVsup>e s. , la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe (voir les termes diérèse et synérèse en versification.)

['krw͜er] ~ ['krεr]
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e] › [w͜a] XVIIIe s.

[w͜e], issu de la diphtongaison française (v. R17.2) est devenu [wa], ou [wɑ] dans les mots qui avaient eu, dans leur histoire, une consonne s qui suivait:

trēs › trois [tʁwɑ]

pisum › pois [pwɑ]

['krw͜ar] ~ ['krεr]
R44. Évolution de r [r] › [ʁ]. XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

['kʁw͜aʁ] ~ ['kʁεʁ]
.../9
 
Fiche 7. Quand un médecin ausculte un corps humain, il en écoute les signaux!  
 
Le verbe écouter provient du mot latin auscultārer (aos-koul-TA-ré), signifiant 'écouter avec attention', devenu escultāre (es-koul-TA-ré) en latin tardif, véritable étymon.  
 
On le retrouve dans les premiers textes sous la forme escolter (é-koul-TÉR) dans le sens de 'prêter une oreille favorable à quelque chose', plus tard, au XVIe s., escouter (é-cou-TÉ), enfin écouter (é-cou-TÉ).  
 
Le mot ausculter est un emprunt au latin médiéval, attesté pour la première fois sous une adaptation française en 1510 (Rey 2016).
Mot Annotation
Fiche 7. Quand un médecin
ausculte
un corps humain, il en
écoute
les signaux!
Le verbe
écouter
provient du mot latin
auscultārer
(aos-koul-TA-ré), signifiant 'écouter avec attention', devenu
escultāre
(es-koul-TA-ré) en latin tardif, véritable étymon.
On le retrouve dans les premiers textes sous la forme
escolter
(é-koul-TÉR) dans le sens de 'prêter une oreille favorable à quelque chose', plus tard, au
XVIe s.,
escouter
(é-cou-TÉ), enfin
écouter
(é-cou-TÉ).
Le mot
ausculter
est un emprunt au latin médiéval, attesté pour la première fois sous une adaptation française en 1510 (Rey 2016).
voix: Luc Ostiguy
 
AUSCULTĀRER  
› °escultārer › escolter, écouter [e.ku.'te]  
[es.kuɫ.'ta:.re]  
 
R5. Prosthèse, ou formation d'une voyelle non étymologique en début de mot.  
[es.koɫ.'ta.re]  
 
R17.1. Diphtongaison française (1er temps): [a] › [a͜e]  
[es.koɫ.'ta͜e.re]  
 
R20. Loi de Bartsch (2e temps)  
[es.koɫ.'te.re]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
[es.koɫ.'ter]  
 
R30.4. Vocalisation de la consonne [ɫ] suivie d'une consonne › [w]  
[es.ko͜w.'ter]  
 
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne  
[e.ko͜w.'ter]  
 
R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w] › [u]  
[e.ku.'ter]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale.  
[e.ku.'te]  
 
.../10
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
AUSCULTĀRER
› °escultārer › escolter, écouter [e.ku.'te]
[es.kuɫ.'ta:.re]
R5. Prosthèse, ou formation d'une voyelle non étymologique en début de mot. IIe s.

Une voyelle prosthésique [i] s'est formée au début d'un mot commençant par les groupes de consonnes: -sp [sp], -st [st],–sc [sk].

Ces groupes de consonnes initiales sont devenus respectivement isp-, ist- et isk-:

spatulam › ispatla › espalde, épaule

stēllam › istella › esteile, étoile

scūtum › iscūtu › escu, écu

[es.koɫ.'ta.re]
R17.1. Diphtongaison française (1er temps): [a] › [a͜e] Ve s.

En syllabe ouverte tonique, les voyelles du latin tardif

[e] (de ē ou i du latin classique)

[o] (de ō ou u du latin classique)

[a] (de ā et a du latin classique)

se sont diphtonguées en syllabe ouverte tonique:

17.1. [a] › [a͜e] (aé):

mare (mer) › ['ma͜e.re]

nāsum (nez) › ['na͜e.zo]

āla (aile) › ['a͜e.la]

Toutefois, [a] › [a͜j] (ay) lorsqu'elle est suivie d'une consonne nasale [m] ou [n] :

mānum (main) ['ma͜j.no]

lanam (laine) › ['la͜j.na]

[es.koɫ.'ta͜e.re]
R20. Loi de Bartsch (2e temps) VIIe s.

Peu de temps après, [t͜ʃe] issu de [t͜ʃa] en syllabe ouverte est devenu [t͜ʃj͜e] (tchié) en syllabe tonique:

carum (cher) devenu ['t͜∫a.ro], ensuite ['t͜∫e.ro], est passé à ['tʃj͜e.ro] (tchié-ro)

canem (chien) devenu ['t͜∫a.ne], ensuite ['t͜∫e.ne], est passé à ['tʃj͜e.ne] (tchié-né).

[es.koɫ.'te.re]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[es.koɫ.'ter]
R30.4. Vocalisation de la consonne [ɫ] suivie d'une consonne › [w] XIe s.

La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue:

Nota Bene.En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot all.

30.4 [oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :

colaphum › [koɫp] › [ko͜wp]

[es.ko͜w.'ter]
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne XIIe s.

La consonne s qui ferme une syllabe suivie d'une consonne s'amuït:

spatham › eSpée › épée

īnsulam › iSle › île

coStam › coSte › côte

paStam › paSte › pâte

La désarticulation de la consonne s a entraîné, par effet compensatoire, un allongement de la voyelle, qui s'entend encore, par exemple, dans côte, pâte.

[e.ko͜w.'ter]
R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w] › [u] XIIe -XIVe s.

34.5.

À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.

[ɔ͜w] et [o͜w] issus de la vocalisation de l ([ɔɫ] ~ [oɫ] › [ɔ͜w] ~ [o͜w]) sont devenus [u] (ou):

colaphum › coup

collos › cous

pulderem › poudre

[e.ku.'ter]
R38. Amuïssement de la consonne finale. XVIe s.

Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue.

Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur).

Il était plus tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[e.ku.'te]
.../10
Fiche 8. Pourquoi moudre le café dans un moulin à café !  
 
Les mots moudre et moulin sont tous deux plus ou moins reliés au même étymon latin.  
 
Le mot moudre est issu du verbe molere ; moulin , du nom latin molīnum (mo-LI-noum), lui-même construit à partir de molere.  
 
Il n'y avait qu'un pas à faire pour créer le syntagme mouler son café , action de broyer des grains dans un moulin.
Mot Annotation
Fiche 8. Pourquoi
moudre
le café dans un
moulin
à café !
Les mots
moudre
et
moulin
sont tous deux plus ou moins reliés au même étymon latin.
Le mot
moudre
est issu du verbe
molere
;
moulin
, du nom latin
molīnum
(mo-LI-noum), lui-même construit à partir de
molere.
Il n'y avait qu'un pas à faire pour créer le syntagme
mouler son café
, action de broyer des grains dans un
moulin.
voix: André Bougaïeff
 
MOLERE  
› moldre › moudre [mudʁ]  
['mo.le.re]  
 
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['moɫ.re]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: o tonique › [ɔ] ; e atone › [e]  
['mɔɫ.re]  
 
R13. Épenthèse consonantique  
['mɔɫ.dre]  
 
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['mɔɫ.drә]  
 
R30.4. Vocalisation de [ɫ] suivi d'une consonne: [ɔɫ] › [ɔ͜w]  
[mɔ͜w.drә]  
 
R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w]›[u]  
['mu.drǝ]  
 
R37. Amuïssement du e final  
['mudr]  
 
R44. Évolution de r [r] › [ʁ]  
['mudʁ]  
 
.../11
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
MOLERE
› moldre › moudre [mudʁ]
['mo.le.re]
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles étaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot :

ancOram › ancra › ancre

clērIcum › clērcu › clerc

simUlāre › simlāre › sembler

tabUlam › tabla › table

pōsItum › pōstu › poste

Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:

parAdīsum › paraïs (paradis)

Nota Bene : le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.

Ainsi, lorsque la voyelle e de molEre a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].

['moɫ.re]
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: o tonique › [ɔ] ; e atone › [e] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['mɔɫ.re]
R13. Épenthèse consonantique IVe s.

Il y a eu formation d'une consonne occlusive de même point d'articulation que la consonne qui précède (dite homorganique) entre deux consonnes 1) départagées dans deux syllabes, 2) dont la première consonne est [m], [n] ou [l] et la seconde, [r] ou [l]:

[m.r] › [m.br]

[ɫ.r] › [ɫ.dr]

[m.l] › [m.bl]

[n.r] › [n.dr].

Ainsi,

sim(u)lāre › sembler

num(e)rum › nombre

gen(e)ris › gendre

De même apparaît une consonne occlusive entre [s] ou [z] et [r]:

[s.r] › [s.tr]

[z.r] › [z.dr]

Ainsi,

cōnsuere › ˚cōs(e)re › cosdre, coudre

esse › ˚es(se)re › estre, être

Nota Bene : le cas de [l] qui se prononce [ɫ].

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all.

['mɔɫ.dre]
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.3. Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a], à la voyelle [ə] (e):

patrem devenu ['pa.dre] en latin tardif, ensuite pedre ['pe.drǝ] › père

duplum devenu ['do.blo] en latin tardif, ensuite doble ['do.blǝ] › double

nostrum devenu ['nɔs.tro] en latin tardif, ensuite nostre ['nɔs.trǝ] › nôtre

˚ab oculem devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif, ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] › aveugle

['mɔɫ.drә]
R30.4. Vocalisation de [ɫ] suivi d'une consonne: [ɔɫ] › [ɔ͜w] XIe s.

La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue:

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot all.

30.4 [oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :

colaphum › [koɫp] › [ko͜wp]

[mɔ͜w.drә]
R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w]›[u] XIIe -XIVe s.

À partir du XIIe s., les diphtongaisons qui s'étaient développées au courant du premier millénaire commencent à se monophtonguer, c'est-à-dire passent d'une voyelle complexe constituée de deux timbres à une voyelle à un seul timbre.

34.5. [ɔ͜w] et [o͜w] issus de la vocalisation de l ([ɔɫ] ~ [oɫ] › [ɔ͜w] ~ [o͜w]) sont devenus [u] (ou):

colaphum › coup

collos › cous

pulderem › poudre

['mu.drǝ]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVsup>e s. , la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe (voir les termes diérèse et synérèse en versification.)

['mudr]
R44. Évolution de r [r] › [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

['mudʁ]
.../11
 
Fiche 9. Quel est le rapport entre les mots mois et mensuel ? Ces deux mots ne se ressemblent pas beaucoup!  
 
Le mot mensuel signifiant 'qui a lieu tous les mois' est un emprunt francisé au bas latin mēnsualis , attesté pour la première fois en 1795 (Rey 2016). Voilà le rapport entre les deux mots reliés par le sens, et un peu moins par la forme.
Mot Annotation
Fiche 9. Quel est le rapport entre les mots
mois
et
mensuel
? Ces deux mots ne se ressemblent pas beaucoup!
Le mot
mensuel
signifiant 'qui a lieu tous les mois' est un emprunt francisé au bas latin
mēnsualis
, attesté pour la première fois en 1795 (Rey 2016). Voilà le rapport entre les deux mots reliés par le sens, et un peu moins par la forme.
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
MĒNSEM › mois [mwɑ]  
['me:n.sem]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['me:n.se]  
 
R2. Amuïssement de la consonne n devant la consonne s  
['me:.se]  
 
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: ē › [e]; e atone › [e]  
['me.se]  
 
R15. Affaiblissement de la consonne [s] entre deux voyelles › [z]  
['me.ze]  
 
R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] › [e͜j]  
['me͜j.ze]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
['me͜jz]  
 
R24. Dévoisement de la consonne finale: [z] › [s]  
['me͜js]  
 
R33. Diphtongaison française (3e temps) : évolution de [ej] › [o͜j] › [w͜e]  
['mw͜es]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[mw͜e]  
 
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e], [w͜a]~[wɑ]  
[mwɑ]  
 
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
MĒNSEM
› mois [mwɑ]
['me:n.sem]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['me:n.se]
R2. Amuïssement de la consonne n devant la consonne s IIIe-Ie av. l'ère commune.

Toute consonne [n] s'est amuïe suivie de [s]:

peNsāre (pénn-SSA-ré) 'peser une idée, penser' › peser

mēNsem (MÉNN-sém) › meis, mois

cōNstāre (conn-STA-ré) 'mis en vente moyennant un prix' › coster, coûter

['me:.se]
R7. Des voyelles du latin classique › … du latin tardif: ē › [e]; e atone › [e] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['me.se]
R15. Affaiblissement de la consonne [s] entre deux voyelles › [z] IVe s.

Entre voyelles, la consonne fricative non voisée [s] (ss), en s'affaiblissant, est devenue la consonne voisée [z]:

pensāre [pen.'sa:.re] (pénn-SA-ré) › pesāre › peser

cūriōsam [ku:.ri.'o:.sam] (cou-ri-O-ssamm] › curieuse

['me.ze]
R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] › [e͜j] Ve s.

En syllabe ouverte tonique, les voyelles du latin tardif

[e] (de ē ou i du latin classique)
[o] (de ō ou u du latin classique)
[a] (de ā et a du latin classique)

se sont diphtonguées en syllabe ouverte tonique:

17.2. [e] › [e͜j] (éy):

tēlam (toile) › ['te͜j.la]

vēra (voire) › ['ve͜j.ra]

['me͜j.ze]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

['me͜jz]
R24. Dévoisement de la consonne finale: [z] › [s] VIIIe s.

Lorsque les voyelles atones finales sont disparues, les consonnes finales voisées se sont automatiquement dévoisées (assourdies):

[v] est devenu [f]
[s] est devenu [z]
[d] est devenu [t]
[g] est devenu [k]:

grandem › ['gran.de] › [grand] › grant (plus tard, grand)

pedem › ['pj͜e.de] › [pj͜ed] › piet (plus tard, pied)

salvum › ['saɫ.vo] › [saɫv] › salf, sauf

Cette consonne non voisée s'entend toujours en français moderne dans certains adjectifs ou noms quand ces derniers se lient à un autre mot commençant par une voyelle:

grand ͜ ami 'grand t-ami'
pied ͜-à-terre 'pied t-à terre'

Il s'agit de la question des liaisons, dont on trouve un bon tableau chez
Pierre Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, Mouton, The Hague, 1966, pages 43-48.

['me͜js]
R33. Diphtongaison française (3e temps) : évolution de [ej] › [o͜j] › [w͜e] XIIe-XIIIe s.

[e͜j] (éy) est devenu [o͜j](oy):

tēlam (toile) › ['te͜j.lə] › ['to͜j.lə]. Ensuite, [o͜j] est devenu [w͜e] (oé).

Cependant, dans la partie ouest du domaine d'oïl, [e͜j] est plutôt devenu [ε] (è); cette double destinée de [e͜j] est à l'origine de l'alternance droit et draitte.

['mw͜es]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986: 218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[mw͜e]
R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e], [w͜a]~[wɑ] XVIIIe s.

[w͜e], issu de la diphtongaison française (v. R17.2) est devenu [wa], ou [wɑ] dans les mots qui avaient eu, dans leur histoire, une consonne s qui suivait:

trēs › trois [tʁwɑ];

pisum › pois [pwɑ]

[mwɑ]
Fiche 10. L'homophonie en français en un seul vers : un ver en verre vert.  
 
On appelle homophones les mots qui se prononcent de la même façon. Et le français en contient beaucoup, dont ô , eau , haut , aulx (ail, au pluriel), oh! , ainsi que les mots en titre vers , ver , verre et vert .  
 
Si ces quatre mots se prononcent aujourd'hui de la même façon, à savoir [vεʁ], leurs orthographes respectives diffèrent : en effet, ce sont des homophones  
non homographes – Ces quatre mots se prononcent de la même façon, mais s'écrivent de façon différente.  
 
À l'origine de ces quatre mots, se trouvaient quatre mots latins bien distincts tant du point de vue de l'orthographe que de celui de la prononciation.  
 
Ceux qui ont façonné l'orthographe française au cours du second millénaire ont voulu conserver l'autonomie graphique de ces mots homophones, non seulement pour bien les différencier à l'œil, mais aussi pour rappeler un peu leurs étymons latins et 'faire voir' les mots français, héréditaires ou directement empruntés au latin et francisé (v. Double latinisation), qui appartenaient à leurs 'familles de mots' :  
 
verS : lat. veRSus › verSet , verSification  
 
veRRe : lat. viTRum › viTRe , viTRerie , veRRerie , veRRière , veRRine  
 
verT : lat. viriDem › verDure , verTe  
 
ver : lat. veRMem › veRMisseau , veRMiselle , veRMifuge , véReux  
 
Voici leurs parcours respectifs, qui les ont fait évoluer vers la même forme phonétique [vεʁ]:  
 
.../2
Mot Annotation
Fiche 10. L'homophonie en français en un seul vers : un ver en verre vert.
On appelle
homophones
les mots qui se prononcent de la même façon. Et le français en contient beaucoup, dont
ô
,
eau
,
haut
,
aulx
(ail, au pluriel),
oh!
, ainsi que les mots en titre
vers
,
ver
,
verre
et
vert
.
Si ces quatre mots se prononcent aujourd'hui de la même façon, à savoir [vεʁ], leurs orthographes respectives diffèrent : en effet, ce sont des
homophones
non homographes
– Ces quatre mots se prononcent de la même façon, mais s'écrivent de façon différente.
À l'origine de ces quatre mots, se trouvaient quatre mots latins bien distincts tant du point de vue de l'orthographe que de celui de la prononciation.
Ceux qui ont façonné l'orthographe française au cours du second millénaire ont voulu conserver l'autonomie graphique de ces mots homophones, non seulement pour bien les différencier à l'œil, mais aussi pour rappeler un peu leurs étymons latins et 'faire voir' les mots français, héréditaires ou directement empruntés au latin et francisé (v. Double latinisation), qui appartenaient à leurs 'familles de mots' :
verS
: lat.
veRSus
›
verSet
,
verSification
veRRe
: lat.
viTRum
›
viTRe
,
viTRerie
,
veRRerie
,
veRRière
,
veRRine
verT
: lat.
viriDem
›
verDure
,
verTe
ver
: lat.
veRMem
›
veRMisseau
,
veRMiselle
,
veRMifuge
,
véReux
Voici leurs parcours respectifs, qui les ont fait évoluer vers la même forme phonétique [vεʁ]:
.../2
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
 
VIRIDEM › vert  
['wi.ri.dem]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wi.ri.de]  
 
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['wir.de]  
 
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: i › [e]; e atone › [e]  
['wer.de]  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ver.de]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
[verd]  
 
R24. Dévoisement de la consonne finale  
[vert]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[ver]  
 
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée  
[vεr]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]  
 
…/3
Mot Annotation
voix: Luc Ostiguy
VIRIDEM
›
vert
['wi.ri.dem]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['wi.ri.de]
R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot Ier-IIe s.

Les voyelles latines qui ne se trouvaient pas dans une syllabe tonique (accentuée), donc atones, ont chuté lorsqu'elles étaient dans une syllabe ouverte à l'intérieur d'un mot :

ancOram › ancra › ancre

clērIcum › clērcu › clerc

simUlāre › simlāre › sembler

tabUlam › tabla › table

pōsItum › pōstu › poste

Seule la voyelle [a] dans cette position semble y avoir échappé:

parAdīsum › paraïs (paradis)

Nota Bene : le cas de [l] qui devient [ɫ] à la suite de la syncope. En latin, la consonne [l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils disent all. Ainsi, lorsque la voyelle e de molEre a été affectée par la syncope (› molre), la consonne [l] › [ɫ].

['wir.de]
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: i › [e]; e atone › [e] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['wer.de]
R8. [w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:

vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin
vītam ['wi:.tam] › vie

['ver.de]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[verd]
R24. Dévoisement de la consonne finale VIIIe s.

Lorsque les voyelles atones finales sont disparues, les consonnes finales voisées se sont automatiquement dévoisées (assourdies):

[v] est devenu [f]
[s] est devenu [z]
[d] est devenu [t]
[g] est devenu [k]:

grandem › ['gran.de] › [grand] › grant (plus tard, grand)

pedem › ['pj͜e.de] › [pj͜ed] › piet (plus tard, pied)

salvum › ['saɫ.vo] › [saɫv] › salf, sauf

Cette consonne non voisée s'entend toujours en français moderne dans certains adjectifs ou noms quand ces derniers se lient à un autre mot commençant par une voyelle:

grand ͜ ami 'grand t-ami'
pied ͜-à-terre 'pied t-à terre'

Il s'agit de la question des liaisons, dont on trouve un bon tableau chez
Pierre Delattre, Studies in French and Comparative Phonetics, Mouton, The Hague, 1966, pages 43-48.

[vert]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986:218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au
XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[ver]
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée XVIe - XVIIIe s.

La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée.

Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long (meute, jeûne, beugle, feutre).

(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ] devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)

[vεr]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

[vεʁ]
…/3
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
VERMEM › verm › ver  
['wer.mem]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wer.me]  
 
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique › [ε]; e atone [e]  
['wεr.me]  
 
R8.[w] (v) latin devient [v]  
['vεr.me]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
['vεrm]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[vεr]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]  
 
…/4
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
VERMEM
› verm › ver
['wer.mem]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['wer.me]
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique › [ε]; e atone [e] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['wεr.me]
R8.[w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:

vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin
vītam ['wi:.tam] › vie

['vεr.me]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

['vεrm]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986:218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au
XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[vεr]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

[vεʁ]
…/4
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
VITRUM › vedre › verre  
['wi.trum]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wi.tru]  
 
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: i › [e]; u › [o]  
['we.tro]  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ve.tro]  
 
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
['ve.trә]  
 
R29. Affaiblissement des groupes de consonnes tr ou dr  
['ve.drә] › ['ver.rә]  
 
R37. Amuïssement du e final  
[ver]  
 
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée  
[vεr]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]  
 
…/5
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
VITRUM
› vedre › verre
['wi.trum]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['wi.tru]
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: i › [e]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['we.tro]
R8. [w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:

vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin
vītam ['wi:.tam] › vie

['ve.tro]
R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:
soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.3. Lorsque les voyelles atones finales [e] (é) et [o] se trouvaient dans une syllabe de forme Consonne + [r] ou [l] + [e] ou [o] (syllabe CCV#), elles ont abouti, comme [a], à la voyelle [ə] (e):

patrem devenu ['pa.dre] en latin tardif, ensuite pedre ['pe.drǝ] › père

duplum devenu ['do.blo] en latin tardif, ensuite doble ['do.blǝ] › double

nostrum devenu ['nɔs.tro] en latin tardif, ensuite nostre ['nɔs.trǝ] › nôtre

˚ab oculem devenu [a.'vw͜ɔ.gle] en latin tardif, ensuite [a.'vw͜ɔ.glǝ] › aveugle

['ve.trә]
R29. Affaiblissement des groupes de consonnes tr ou dr XIe s.

Entre voyelles, les groupes [tr] ou [dr] sont devenus rr ou r:

petram › piedre › pierre

°quadrifurcu › carrefour

patrem › pedre › père

['ve.drә]
›
['ver.rә]
R37. Amuïssement du e final XVe s.

Jusqu'au XIVe s., la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir
du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi].

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe

(voir les termes diérèse et synérèse en versification)

[ver]
R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée XVIe - XVIIIe s.

La voyelle [e] (é) est devenue [ε] en syllabe fermée.

Pour ce qui est de [ø], il est devenu [œ], sauf lorsqu'il était suivi de [z] (menteuse) et qu'il était étymologiquement long (meute, jeûne, beugle, feutre).

(Note : dans le français actuel, la prononciation [œ] devant [z] s'entend encore dans le sud de la France.)

[vεr]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite
' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

[vεʁ]
…/5
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
VERSUS › vers  
['wer.sus]  
 
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wer.su]  
 
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique › [ε]; u › [o]  
['wεr.so]  
 
R8. [w] (v) latin devient [v]  
['vεr.so]  
 
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
['vεrs]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[vεr]  
 
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]  
 
Mot Annotation
voix: André Bougaïeff
VERSUS
› vers
['wer.sus]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

['wer.su]
R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique › [ε]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

['wεr.so]
R8. [w] (v) latin devient [v] IIIe s.

Le son [w], semi-consonne labiovélaire et voisée est devenues [v], fricative labiodentale voisée:

vicīnum [wi.'ki:.num] › voisin
vītam ['wi:.tam] › vie

['vεr.so]
R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

['vεrs]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVIe s.

Morin (1986:218) situe arbitrairement l'amuïssement de la consonne finale des mots au
XVIe s. (miroiR › miroi'; sourciL › sourci'; aimeR [e.mer] › [e.me]).

Bien que l'on en ait des attestations plus tôt, il est difficile de savoir à quel point ce phénomène était général dans la langue. Cet amuïssement a pu se produire à différentes époques selon les couches sociales et les régions.

Quoi qu'il en soit, le phénomène a pu commencer plus tôt pour certaines consonnes, comme cela a été le cas, entre autres, pour [s] marqueur du pluriel.

Par ailleurs, il a pu être plus hâtif lorsque le mot suivant commençait pas une consonne (un œuf cuit dur › un œu(f) cuit dur), ou tardif lorsque le mot suivant commençait par une voyelle (un œuf entier) ou à la pause respiratoire (Ramasse cet œuf.)

En effet, les grammairiens de l'époque sont unanimes pour dire que ces consonnes se prononçaient encore à la pause dans le parler des classes dirigeantes qu'ils décrivaient.

[vεr]
R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ] XVIIIe s.

La consonne r était roulée sur les dents, un peu à la façon, entre autres, des Espagnols ou des Polonais.

Cette prononciation, dite ' r antérieur ', est transcrite [r] en API.

La variante prononcée dans le fond de la gorge, dite ' r postérieur ', d'abord uvulaire grasseyée [ʀ], plus tard uvulaire fricative [ʁ], apparaît dès le XVIIe s.

Les variantes postérieures se sont imposées au tournant de la Révolution française et ont constitué la nouvelle norme.

[vεʁ]
 
Fiche 11. Neuchâtel ou Châteauneuf , c'est un peu comme 'blanc bonnet  
ou bonnet blanc' !  
 
En français parlé au Moyen Âge (ou ancien français), il arrivait qu'un même mot présentât deux formes selon ses fonctions grammaticales.  
 
Ainsi les mots oiseau , cheveu , chevreuil , étaient dits, au singulier , l'oisel , le chevel , le chevreuil , lorsqu'ils occupaient la fonction complément du verbe ou du nom (dit cas-régime), et li oiseaux , li cheveux , li chevreux , lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet de la phrase (dit cas-sujet).  
 
Au pluriel , c'était l'inverse: les oiseaux , les cheveux , les chevreux , lorsqu'ils occupaient la fonction de complément, et li oisel , li chevel , li chevreuil , lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet.  
 
Voir à ce propos la distinction cas sujet / cas régime .  
 
Plus tard, une des deux formes a progressivement éliminé l'autre et a occupé les deux fonctions : l'oiseau , les oiseaux ; le cheveu , les cheveux ; le chevreuil , les chevreuils (dans certains parler régionaux, l'inverse : le chevreu , les chevreux ).  
 
Il reste, dans la langue française, des traces de ces formes éliminées, dans des mots dérivés, comme oiseleur , écheveler , ou dans des noms de familles, comme Loiselle au Québec.  
 
Ainsi en était-il avec château et châtel , dont on peut voir les deux parcours. Les villes Neuchâtel et Châteauneuf ont donc, dans leurs appellations, la même origine linguistique, ainsi que la même signification : un château nouveau.  
 
.../2
Mot Annotation
Fiche 11.
Neuchâtel
ou
Châteauneuf
, c'est un peu comme 'blanc bonnet
ou bonnet blanc' !
En français parlé au Moyen Âge (ou ancien français), il arrivait qu'un même mot présentât deux formes selon ses fonctions grammaticales.
Ainsi les mots
oiseau
,
cheveu
,
chevreuil
, étaient dits,
au singulier
,
l'oisel
,
le chevel
,
le chevreuil
, lorsqu'ils occupaient la fonction complément du verbe ou du nom (dit cas-régime), et
li oiseaux
,
li cheveux
,
li chevreux
, lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet de la phrase (dit cas-sujet).
Au pluriel
, c'était l'inverse:
les oiseaux
,
les cheveux
,
les chevreux
, lorsqu'ils occupaient la fonction de complément, et
li oisel
,
li chevel
,
li chevreuil
, lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet.
Voir à ce propos la distinction cas sujet / cas régime .
Plus tard, une des deux formes a progressivement éliminé l'autre et a occupé les deux fonctions :
l'oiseau
,
les oiseaux
;
le cheveu
,
les cheveux
;
le chevreuil
,
les chevreuils
(dans certains parler régionaux, l'inverse :
le chevreu
,
les chevreux
).
Il reste, dans la langue française, des traces de ces formes éliminées, dans des mots dérivés, comme
oiseleur
,
écheveler
, ou dans des noms de familles, comme
Loiselle
au Québec.
Ainsi en était-il avec
château
et
châtel
, dont on peut voir les deux parcours. Les villes
Neuchâtel
et
Châteauneuf
ont donc, dans leurs appellations, la même origine linguistique, ainsi que la même signification : un château nouveau.
.../2
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
 
CASTELLUM (cas accusatif) › châtel [ʃɑ:.'tεl] ~ [ʃa.'tεl]  
[kas.'tel.lum]  
 
R1 Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
[kas.'tel.lu]  
 
R7 Des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; e tonique › [ε]; u › [o]  
[kas.'tεl.lo]  
 
R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa]  
[t͜ʃas.'tεl.lo]  
 
R19 Simplication des consonnes géminées: [ll] › [l]  
[t͜ʃas.'tε.lo]  
 
R22.1 Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV#)  
[t͜ʃas.'tεl]  
 
R31 Amuïssement de s suivi d'une consonne.  
[t͜ʃɑ:.'tεl]  
 
R35 Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ]  
[ʃɑ:.'tεl]  
 
…/3
Mot Annotation
voix: Geneviève Bernard-Barbeau
CASTELLUM
(cas accusatif) › châtel [ʃɑ:.'tεl] ~ [ʃa.'tεl]
[kas.'tel.lum]
R1 Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

[kas.'tel.lu]
R7 Des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; e tonique › [ε]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

[kas.'tεl.lo]
R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa] Ve s.

Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a].

La syllabe [ka] est devenue
[t͜∫a] (tcha);

la syllabe [ga] est devenue
[d͡ʒa] (dja):

CArrum › char
CAntāre › chanter
GAmbam › jambe

[t͜ʃas.'tεl.lo]
R19 Simplication des consonnes géminées: [ll] › [l] VIIe s.

L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.

Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:

caballum [ka.'bal.lum] › cheval
cattam ['kat.tam] › chate (chatte)
abbātum [ab.'ba:.tum] › abe (abbé)
cappam ['kap.pa] › chape (manteau)
offirīre › ofrir (offrir)

[t͜ʃas.'tε.lo]
R22.1 Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV#) VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[t͜ʃas.'tεl]
R31 Amuïssement de s suivi d'une consonne. XIIe s.

La consonne s qui ferme une syllabe suivie d'une consonne s'amuït:

spatham ›eSpée › épée

īnsulam› iSle › île

costam› coSte › côte

pastam› paSte › pâte

La désarticulation de la consonne s a entraîné, par effet compensatoire, un allongement de la voyelle, qui s'entend encore, par exemple, dans côte, pâte.

[t͜ʃɑ:.'tεl]
R35 Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] › [ʃ] XIIIe s.

1. [t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] est devenu [s]:

cīmam (cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]

Francia (France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]
centum (cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]

2. [d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] est devenu [ʒ] (j):

argīllam (argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]

3. [t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):

carrum (char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]
gambam (jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]

[ʃɑ:.'tεl]
…/3
Mot Annotation
CASTELLUS (cas nominatif) › château [ʃɑ:.'to] ~ [ʃa.to]  
[kas.'tel.lus]  
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du nominatif singulier  
 
R7. des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; e tonique › [ε]; u › [o]  
[kas.'tεl.los]  
 
R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa]  
[t∫as.'tεl.los]  
 
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l]  
[t∫as.'tε.los]  
 
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale  
[t∫as.'tεɫs]  
 
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne : [εɫs] › [ea͜w]  
[t∫as.'tea͜ws]  
 
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne.  
[t∫ɑ:.'tea͜ws]  
 
R35. Simplification des consonnes affriquées  
[∫ɑ:.'tea͜ws]  
 
R38. Amuïssement de la consonne finale  
[∫ɑ:.'tea͜w]  
 
R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague)  
[∫ɑ:.'to]  
 
* * * / / / * * *
Mot Annotation
CASTELLUS
(cas nominatif) › château [ʃɑ:.'to] ~ [ʃa.to]
[kas.'tel.lus]
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du nominatif singulier IIIe-Ier s. av. notre ère.

La plupart des consonnes finales du latin qui agissaient comme marques casuelles des noms et des adjectifs se sont amuïes (ont disparu) en latin parlé.

Ce phénomène a coïncidé avec l'établissement d'un certain ordre de la phrase latine:

mūruM (MOU-roum) ' mur ' › mūru

eo RomaM ' je vais à Rome' ›
eo ad Roma

rēgiS (RÉ-guiss) ' du roi ›
de rēge (dé-RÉ-gué)

Ce sont toutes les consonnes finales qui se sont amuïes à l'exception de celles des verbes, dont la fonction était de marquer la personne verbale, du s final du nominatif (fonction sujet) singulier ainsi que de l'accusatif (entre autres, complément direct) pluriel des noms et des adjectifs.

Du reste, mis à part le s du nominatif singulier, ces consonnes s'observent encore en français écrit:

tĕneS (TÉ.néss) › tu tiens

tĕneT (TÉ-nétt) › il tient

mūrōS (MOU-ross) › murS

R7. des voyelles du latin classique › … tardif: a › [a]; e tonique › [ε]; u › [o] Ier-IVe s., selon les voyelles.

Le système vocalique du latin reposait sur une opposition fondée sur la longueur des voyelles, dite opposition de quantité:

voyelles brèves i, e, u, o, a
(parfois coiffées : ĭ, ĕ, ŭ, ǒ, ǎ) opposées à longues ī, ē, ū, ō, ā.

Cette opposition a laissé place, en latin tardif, à une opposition fondée sur le timbre des voyelles (dite opposition de qualité).

De plus, durant cette période, les diphtongues latines æ et œ se sont monophtonguées.

Latin classique
ī
Latin tardif
[i]

Latin classique
i; ē (é); ĕ (é) atone; æ (aé) atone; œ (oé)
latin tardif
[e] (é)

Latin classique
e (é) tonique; æ (aé) tonique
Latin tardif
[ɛ] (è)

Latin classique
ā; a
Latin tardif
[a]

Latin classique
o tonique
Latin tardif
[ɔ] (o de sotte)

Latin classique
o atone; ō; u (ou)
Latin tardif
[o] (o sot, saute)

Latin classique
ū (ou)
Latin tardif
[u] (ou)

[kas.'tεl.los]
R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] › [tʃa] Ve s.

Les occlusives vélaires [g] et [k] en début de mot ou précédées d'une consonne se sont palatalisées devant la voyelle [a].

La syllabe [ka] est devenue
[t͜∫a] (tcha);

la syllabe [ga] est devenue
[d͡ʒa] (dja):

CArrum › char
CAntāre › chanter
GAmbam › jambe

[t∫as.'tεl.los]
R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] › [l] VIIe s.

L'affaiblissement des consonnes entre voyelles a touché les consonnes géminées bb, pp, tt, kk, nn, mm, ff (plus tard pour ss et rr), qui se sont simplifiées.

Les clercs les ont réintroduites dans l'orthographe pour diverses raisons, dont celle de redonner aux mots un peu de la forme qu'ils avaient en latin:

caballum [ka.'bal.lum] › cheval
cattam ['kat.tam] › chate (chatte)
abbātum [ab.'ba:.tum] › abe (abbé)
cappam ['kap.pa] › chape (manteau)
offirīre › ofrir (offrir)

[t∫as.'tε.los]
R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale VIIIe s.

En s'affaiblissant, la voyelle atone à la finale des mots a réagi de deux façons:

soit elle s'est amuïe totalement,
soit elle a perdu son timbre d'origine par désaccentuation et est devenue le son [ə] (que les clercs de l'époque ont orthographié e).

Cette alternative dépend d'au moins deux facteurs: le timbre de la voyelle finale et la forme même de la syllabe dans laquelle celle-ci se trouve.

22.1. Les voyelles atones finales [e] (é) et [o] de beaucoup de mots se sont amuïes lorsqu'elles se trouvaient dans une syllabe du type:

1a. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CV#), comme dans mūrum (mur) devenu muro ['mu.ro] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, mur [myr];

1b. Consonne + [e] ou [o] (syllabe CVC#), comme dans le mot au pluriel mūrs (murs) devenu murs ['mu.ros] en latin tardif, ensuite, après la disparition de la voyelle finale atone, murs [myrs].

Ces deux cas de figure ont touché beaucoup de mots, qui nous sont parvenus en français sans voyelle finale:

altum › ['aɫ.to] › haut
arcum › ['ar.ko] › arc
salvum › ['saɫ.vo] › sauf
sanguis › ['san.gwe] › sang
ventum › ['vεn.to] › vent
mare › ['me.re] › mer
venit › ['vj͜͜͜͜e.net] › il vient

En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne l [l], latérale alvéolaire, était vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononçait [ɫ].

[t∫as.'tεɫs]
R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne : [εɫs] › [ea͜w] XIe s.

La consonne [ɫ] (l) est devenue la semi-voyelle [w] devant une autre consonne (s pluriel, par exemple); cette dernière s'est amalgamée alors à la voyelle précédente pour former une diphtongue:

Nota Bene. En latin classique ainsi qu'en latin tardif, la consonne[l] (l), latérale alvéolaire, est vélarisée lorsqu'elle est suivie d'une consonne et se prononce [ɫ], un peu à la façon des Portugais lorsqu'ils articulent dernière syllabe du mot Portugal ou des anglophones lorsqu'ils prononcent le mot all.

30.1. [aɫ] › [a͜w] (ao):

saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜wt]
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜ws]

30.2. [eɫ] › [e͜w] (éo):

capillos (cheveux) › [t͜∫e.'veɫs] › [t͜∫ǝ.'ve͜ws]
filtir (feutre) › ['feɫ.trə] › ['fe͜w.trə]

30.3. [ɛɫ] › [ea͜w] (éao):

bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜ws]
castellos (châteaux) › [t͜∫as.'tεɫs] › [t͜∫as.'tea͜ws]

30.4 [oɫ]~ [ɔɫ] › [o͜w] :

colaphum › [koɫp] › [ko͜wp]

[t∫as.'tea͜ws]
R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne. XIIe s.

La consonne s qui ferme une syllabe suivie d'une consonne s'amuït:

spatham ›eSpée › épée

īnsulam› iSle › île

costam› coSte › côte

pastam› paSte › pâte

La désarticulation de la consonne s a entraîné, par effet compensatoire, un allongement de la voyelle, qui s'entend encore, par exemple, dans côte, pâte.

[t∫ɑ:.'tea͜ws]
R35. Simplification des consonnes affriquées XIIIe s.

1. [t͜s] issu de la palatalisation romane de [k] est devenu [s]:

cīmam (cime) › ['t͜si.ma] › [si.mə]

Francia (France) › ['fran.t͜sja] › [frɑ᷉.sə]
centum (cent) › ['t͜sεn.to] › [sɑ᷉t]

2. [d͜ʒ] (dj) issu de la palatalisation romane de [g] est devenu [ʒ] (j):

argīllam (argile) › [ar.'d͜ʒil.la] › [ar.'ʒi.lə]

3. [t͜∫] (tch) et [d͜ʒ] (dj) issus de la palatalisation en gallo-roman central sont devenus [∫] (ch) et [ʒ] (j):

carrum (char) [ʹt͜∫ar] › [ʹ∫ar]
gambam (jambe) ['d͜ʒam.ba] › ['ʒam.bə]

[∫ɑ:.'tea͜ws]
R38. Amuïssement de la consonne finale XVe s.

Jusqu'au XIVe s., la voyelle [ə] (e) subissait déjà une désarticulation, notamment lorsque le mot qui suivait commençait par une consonne, voire par une voyelle.

Quant à [ə] à la finale des mots qui se trouvaient à la pause inspiratoire, on croit qu'il a pu tenir encore un certain temps.

Dans cette position, il a, en disparaissant, allongé la voyelle précédente. Cet allongement, à son tour, a disparu à partir
du XVIIe s.:

vītam (vie) › [vi.ə] › [vi:] › [vi]

Il demeure que, dans la versification, la voyelle e a continué de se faire entendre lorsque le mot suivant commençait par une consonne et a compté comme une syllabe

(voir les termes diérèse et synérèse en versification).

[∫ɑ:.'tea͜w]
R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague) XVIIe s.

1. [a͜w] (ao) issu de la vocalisation de l ([aɫ] › [a͜w]) (v. R30) est devenu [o]:

saltum (saut) › ['saɫt] › [sa͜w] › [so]
caballos (chevaux) › [t͜∫ə.'vaɫs] › [t͜∫ə.'va͜w] › [t͜∫ə.'vo]

2. [ea͜w] (éao) issu de la vocalisation de l ([εɫ] › [ea͡w]) (v. R30) est devenu [o]:

bellos (beaux) › ['bεɫs] › ['bea͜w] › ['bo]

[∫ɑ:.'to]
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