Haifa
D'après Romain Gary (1914-1980)
La promesse de l'aube (1960)
J'avais
déjà
près de
neuf
ans
lorsque
je
tombai amoureux
pour
la
première fois.
Je
fus aspiré
par
une
passion
violente,
qui
empoisonna
mon
existence.
Cette passion
me
coûta
presque
la
vie.
Elle avait
huit
ans
et elle
s'appelait
Valentine.
Je
pourrais
la
décrire
longuement
et
si
j'avais
une
voix,
je ne
cesserais
de chanter
sa
beauté
et sa
douceur.
C'était
une
brune
aux
yeux
clairs,
admirablement
faite,
vêtue
d'une
robe
blanche
et elle
tenait
une
balle
à la
main.
Lorsque
je l'ai vue
apparaître
devant
moi, je ne
peux
décrire
l'émoi
qui
s'empara de
moi : tout ce que je
sais,
c'est
que mes
jambes
devinrent
molles
et que mon
cœur
se mit à
sauter
avec
violence.
Pour la
séduire,
je
fis
comme
ma mère me l'avait dit :
je
levais
les yeux
vers
la
lumière
pour la
subjuguer.
Mais Valentine
n'était
pas
une femme
qu'on
impressionnait
facilement.
Je
restai
là,
les yeux
levés
vers
le
ciel
mais
la
cruelle
continua à
jouer
avec sa
balle.
Les yeux
me
sortaient
de
la
tête,
tout
devenait
feu
et
flamme
autour
de moi, mais Valentine ne
m'accordait
même pas
un
regard.
Décontenancé
par cette
indifférence,
j'essuyai
mes
larmes
et,
capitulant
sans
conditions,
je lui
tendis
les trois
pommes
vertes
que je
venais de
voler
dans
le
verger.
Elle
accepta
et m'annonça :
— Janek
a mangé
pour moi toute sa
collection
de
timbres-poste.
C'est
ainsi
que
mon
martyre
commença.
Pendant
les jours
suivants,
je mangeai
pour Valentine
plusieurs
poignées
de
vers de terre,
un grand nombre de
papillons,
un kilo de
cerises
avec les
noyaux,
une
souris,
un
éventail
japonais,
dix
mètres
de
fil
de
coton,
trois
poissons rouges…
Et, pour finir,
je mangeai
pour ma
bien-aimée
un
soulier
en
caoutchouc...
A cette
époque,
on n'apprenait
encore
rien
aux
enfants
sur le
mystère
des
sexes
et
j'étais convaincu
que c'était
comme ça
qu'on
faisait l'amour.
Le plus
triste
était
que je n'arrivais
pas
à
impressionner
Valentine.
J'avais
à peine
fini
les
escargots
qu'elle
m'annonçait
négligemment:
— Josek
a mangé
dix
araignées
pour moi,
et il
s'est arrêté
seulement
parce que
maman
nous
a appelés
pour
le thé....
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