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La gestion non pharmacologique des céphalées associées à la cervicalgie

Nonpharmacological management of persistent headaches associated with neck pain: A clinical practice guideline from the Ontario protocol for traffic injury management (OPTIMa) collaboration (Collaboration ontarienne sur le protocole de prise en charge des blessures résultant d’accidents de la route (OPTIMa).)
Pierre Côté et collaborateurs.
Eur J Pain. 2019;1–20.

Au Canada, les personnes souffrant de douleurs cervicales invalidantes ont 10 fois plus de chances de subir des céphalées que celles qui n’ont pas de cervicalgie. De plus, il a été observé que 80% des personnes qui développent des céphalées après un accident automobile éprouvent également des douleurs cervicales.

La Classification internationale des céphalées énumère deux types de céphalées pouvant être associées à la colonne cervicale, soit la céphalée de tension et la céphalée d’origine cervicale.

En ce qui concerne la céphalée de tension, les auteurs font plus particulièrement référence aux sous-catégories « épisodique fréquente » et « chronique ».

Ces catégories de céphalées de tension sont caractérisées par plusieurs facteurs dont quelques-uns seulement sont mentionnés ici :[1]

- Localisation bilatérale;

- Sensation de pression ou de serrement non pulsatile;

- Intensité légère à modérée;

- Non aggravée par l’activité physique habituelle (ex: marcher ou monter des escaliers).

La céphalée causée par un désordre de la colonne cervicale et ses composantes (os, disques et/ou tissus mous) est habituellement, mais pas invariablement, accompagnée d’une douleur cervicale.

La gestion clinique des céphalées associées à la douleur cervicale représente un défi et le but de la présente étude était de développer un guide sur la gestion non pharmacologique des céphalées persistantes (d’une durée de plus de 3 mois) associées à une douleur cervicale chez des personnes de 18 ans et plus.

Même si des guides de pratique ont déjà été publiés sur la question, une mise à jour était requise car leurs recommandations ont été formulées à partir de données publiées il y a plus de 5 ans.

Dans ce guide, les interventions non pharmacologiques incluent:

- L’acupuncture;

- Les exercices;

- La thérapie manuelle;

- Les soins multimodaux;

- Les modalités physiques passives;

- Les thérapies de tissus mous;

- L’éducation structurée;

- Les interventions de prévention en milieu de travail.

Les recommandations furent développées en tenant compte 1) de leurs bénéfices cliniques (efficacité et sécurité des interventions); 2) la rentabilité; 3) leur cohérence avec les valeurs de la société.

Les recommandations furent formulées de la façon suivante :

- Offrir des interventions qui ont une efficacité supérieure relativement à d’autres interventions, à des interventions placebo ou à une absence d’intervention, ou

- Envisager des interventions qui procurent une efficacité similaire à d’autres interventions, ou

- Ne pas offrir d’interventions dont le bénéfice n’est pas supérieur au placebo ou qui peuvent être nocives.

Le guide propose six recommandations.

Les deux premières ont déjà fait l’objet de consignes dans de nombreuses publications : 1) reconnaître les signes de pathologie grave lors de l’anamnèse et de l’examen clinique et 2) que les décisions cliniques et les soins soient effectués en collaboration avec le patient. Une troisième recommandation suggère au chiropraticien de réévaluer le patient à chaque visite de manière à vérifier son état de santé et la nécessité de donner des soins additionnels. De plus selon cette même recommandation, les soins devraient interrompus aussitôt que le patient rapporte une récupération significative.

Le guide propose ainsi trois recommandations concernant plus spécifiquement la gestion clinique de conditions spécifiques.

Pour les céphalées de tension épisodique

Le guide propose, en plus d’offrir de l’éducation structurée au patient:[2]

- De prescrire des exercices d’endurance légers des régions craniocervicales et cervico-scapulaires (un maximum de 8 sessions réparties sur 6 semaines);

- De ne pas offrir de manipulation de la colonne cervicale.

Pour les céphalées de tension chroniques

Le guide propose, en plus d’offrir de l’éducation structurée au patient :

- De prescrire des exercices généraux (réchauffement, étirements et renforcement du cou et des épaules, exercices aérobiques; un maximum de 25 sessions réparties sur 12 semaines);

- De prescrire des exercices d’endurance légers des régions craniocervicales et cervico-scapulaires (un maximum de 8 sessions réparties sur 6 semaines);

- D’offrir des soins multimodaux (combinaison des mobilisations, d’exercice craniocervical et de correction posturale; un maximum de 9 sessions réparties sur 8 semaines) ou

- Des massages (cou, épaules, partie postérieure de la tête, ligne médiane de la tête et la face; un maximum de 8 sessions de 45 minutes réparties sur 4 semaines);

- De ne pas offrir la manipulation de la colonne cervicale.

Pour les céphalées d’origine cervicale d’une durée de plus de 3 mois

Le guide propose, en plus d’offrir de l’éducation structurée au patient de prescrire des exercices d’endurance légers des régions craniocervicales et cervico-scapulaires ou la thérapie manuelle (manipulation avec ou sans mobilisation) de la colonne cervicale et de la colonne thoracique (un maximum de 10 sessions réparties sur 6 semaines).

Notes du rédacteur :

- Ce guide de pratique ne constitue pas une norme de pratique. Il constitue cependant un pas additionnel vers la pratique fondée sur les évidences en matière de traitements de personnes qui souffrent de céphalées.

- Les cliniciens risquent par contre de trouver difficile l’application de certaines recommandations, par exemple :

- Les réévaluations à chaque visite du patient;

- Le critère d’interruption des soins basé strictement sur les symptômes;

- Une certaine confusion en lien avec la notion de soins multimodaux (pourquoi les soins multimodaux sont-ils définis seulement comme étant la combinaison de mobilisation vertébrale, d’exercice craniocervical et de correction posturale?)

Le guide demeure silencieux sur des aspects importants :

- Comment tenir compte de la consommation de médicaments par le patient (comment tenir compte de cette variable pour mesurer l’efficacité des soins ou les adapter);

- Comment utiliser certains outils, notamment le calendrier des céphalées.

[1] Note du rédacteur : Les céphalées de tension peuvent être de plus cataloguées selon la présence ou non de sensibilité péricrâniale à la palpation. La céphalée de tension aurait pour cause un désordre neurobiologique ayant trait aux mécanismes de contrôle de la douleur.

[2] Information structurée : information sur la nature, l’histoire naturelle et la gestion des céphalées associées à une cervicalgie.

Le texte original de Côté et collaborateurs est répertorié dans PUBMED.

Pierre Boucher DC, PhD
26 mars 2019