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Lors d’une manipulation vertébrale, est-ce que la grandeur des réponses des fuseaux neuromusculaires paraspinaux varie selon la direction de la force appliquée?

Une équipe formée de chercheurs provenant du Collège chiropratique Palmer et de l’Université de l’Alberta a apporté des éléments de réponse à cette question. 

Le mécanisme d’action des manipulations articulaires repose sur des principes biomécaniques et neurophysiologiques. Ainsi, la force appliquée libèrerait les restrictions du mouvement normal des vertèbres en réduisant par exemple les adhésions intra-articulaires ou en éliminant des distorsions de l’anneau fibreux du disque intervertébral. Additionnellement, les récepteurs sensoriels seraient stimulés et modifieraient les signaux nerveux d’une façon bénéfique sur le plan physiologique. Après la manipulation, la redistribution des stress mécaniques pourrait produire des effets neurophysiologiques persistants et favorables sur l’intégration somatosensorielle et le bien-être.

Les chercheurs rappellent qu’un acte de manipulation peut être caractérisé à l’aide de plusieurs paramètres (ex : prétension, durée, amplitude, direction, etc.). Cependant, ils notent que les relations entre ces paramètres et les effets cliniques des manipulations sont peu connues.

L’habileté d’un clinicien à appliquer une force dans une direction spécifique est considérée comme étant une composante importante d’une manipulation effectuée de manière optimale. Cependant, des études antérieures ont montré que des forces appliquées obliquement à la surface de contact ne permettent pas d’accélérer la vertèbre cible dans la direction de la composante oblique de la force. Une hypothèse explicative est que l’interface peau-fascia est sans friction. [1]

Par ailleurs, l’activation de plusieurs récepteurs sensoriels (dont les fuseaux neuromusculaires) est considérée comme un facteur pouvant exercer un rôle dans l’effet thérapeutique des manipulations articulaires. Dans cette étude, les chercheurs ont voulu déterminer si la direction d’une force modifiait les réponses en provenance des récepteurs de la musculature paraspinale lors d’une manipulation simulée.

L’expérimentation a été réalisée sur 18 chats anesthésiés placés en décubitus ventral. Un appareillage mécanique muni d’un moteur a été utilisé afin de produire des forces simulant une manipulation sur une vertèbre lombaire. Pour chaque animal, les signaux des fuseaux neuromusculaires de la musculature para-lombaire attachée à la vertèbre manipulée étaient enregistrés afin d’évaluer les réponses neurophysiologiques. Les forces étaient appliquées soit perpendiculairement à la vertèbre (direction postéro-antérieure) ou selon divers degrés d’angulation (cranialement ou médialement).

À titre d’exemple, un angle d’application de 30 degrés cranialement s’approche de l’angle des facettes articulaires lombaires chez le chat. On pourrait hypothétiquement penser qu’en raison de cet angle, le mouvement articulaire serait facilité, que les muscles seraient plus étirés et que de plus grandes réponses des fuseaux neuromusculaires seraient enregistrées.

Ceci n’a pas été montré lors de cette expérimentation. Dans l’ensemble, les fuseaux neuromusculaires répondent de la même façon, indépendamment de la direction de la force appliquée.

En tenant compte des diverses études sur le sujet, il appert que les composantes obliques des forces appliquées lors d’une manipulation sont diffusées et ne servent pas à accélérer la vertèbre cible dans la direction de l’angle choisi. Les composantes obliques des forces semblent plutôt dispersées dans les divers tissus paraspinaux ce qui peut obliger le clinicien à produire des forces plus grandes pour accélérer la vertèbre cible.

En conclusion, lors d’une manipulation, si la force doit être appliquée parallèlement au plan du disque intervertébral ou celui des facettes articulaires de manière à rechercher la moindre résistance au mouvement, alors il faudrait rechercher un positionnement où la force appliquée est la plus perpendiculaire possible au plan de la surface contactée de manière à optimiser l’énergie déployée.

Neural Responses to Physical Characteristics of a High-velocity, Low-amplitude Spinal Manipulation Effect of Thrust Direction. William R. Reed, DC, PhD, Cynthia R. Long, PhD, Gregory N. Kawchuk, DC, PhD,y Randall S. Sozio, BS, and Joel G. Pickar, DC, PhD. SPINE Volume 43, Number 1, pp 1–9, 2017.

 

Pierre Boucher D.C., Ph.D. / 10 janvier 2019

[1] Voir aussi: Kawchuk GN and Perle SM. The relation between the application angle of spinal manipulative therapy (SMT) and resultant vertebral accelerations in an in situ porcine model. Manual Therapy Volume 14, Issue 5, October 2009, Pages 480-483.