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L’incertitude du diagnostic, comment est-elle gérée par les étudiants en chiropratique ?

L’apprentissage d’une profession se fait bien sûr à travers son curriculum, les professeurs et les ressources humaines disponibles. Toutefois, chaque étudiant est différent au point de vue de son apprentissage et possède un profil psychologique distinct ce qui influencera ultimement sa pratique clinique. L’un des facteurs pouvant avoir un impact sur les prises de décisions cliniques est ce que l’on appelle le niveau d’intolérance à l’incertitude.

« L’intolérance à l’incertitude réfère à un niveau de disposition déterminée par un ensemble de croyances négatives par rapport à l’incertitude et ces implications. C’est, en d’autres mots, la crainte de l’inconnu. » (1)


Chez les médecins généralistes, ce facteur psychologique a été montré comme influençant la prise de décision clinique. En fait, un niveau plus élevé d’intolérance à l’incertitude a été associé à une augmentation de 17% des coûts de prise en charge d’un patient et ce pourcentage s’additionne pour chaque augmentation d’un écart type au questionnaire évaluant ce facteur.(2) La figure ci-dessus résume l’impact potentiel d’un niveau très élevé d’intolérance/crainte à l’incertitude.

Figure_incertitude

Au contraire un niveau plus faible d’intolérance à l’incertitude serait associé à une plus grande flexibilité et un plus grand bien-être psychologique, moins d’angoisse face à l’incertitude ainsi qu’une prise d’action plus mesurée et effectuée au bon moment. Toutefois, un niveau très faible d’intolérance à l’incertitude pourrait être délétère puisqu’associé à une confiance trop élevée qui, elle, peut se résulter en un niveau plus faible d’exactitude dans le diagnostic clinique.

Des chercheurs de l’Australie se sont intéressés à l’impact du niveau d’intolérance à l’incertitude chez les étudiants en chiropratique dans leurs choix de prise en charge d’un patient.(3) Pour ce faire, 444 étudiants de deux universités australiennes ont répondu à des vignettes cliniques en plus de compléter le questionnaire court évaluant le niveau d’intolérance à l’incertitude. Ces vignettes consistaient en des cas de cervicalgies et de lombalgies allant de scénarios pouvant clairement être pris en charge en chiropratique à des scénarios nécessitant une référence immédiate. Les étudiants étaient par la suite divisés selon leurs résultats au questionnaire d’intolérance à l’incertitude : niveau élevé d’intolérance (≥36/60) ou niveau faible-normal d’intolérance (≤35/60).


Les résultats de cette étude révèlent que 30% des répondants étaient classifiés comme ayant un niveau élevé d’intolérance à l’incertitude. Ceux-ci ont répondu une réponse considérée comme une prise en charge inappropriée plus fréquemment que les autres étudiants dans les présentations de cervicalgies. En effet, les étudiants avec un niveau élevé d’Intolérance à l’incertitude étaient enclins à référer quand cela n’était pas nécessaire ou à ne pas référer quand la présentation le nécessitait. Toutefois, aucun lien entre le choix de prise en charge (appropriée vs inappropriée) et le groupe d’intolérance à l’incertitude n’a été observé pour les présentations de lombalgie.


Les auteurs suggèrent que l’impact du niveau d’intolérance à l’incertitude sur le choix de la prise en charge découle du potentiel alarmant/anxiogène de la situation. En effet, les pathologies associées à une cervicalgies sont potentiellement très dangereuses voire mortelles (ex. un accident vasculaire cérébral) ce qui a pu entraîner une augmentation de l’anxiété chez les étudiants avec un au niveau d’intolérance à l’incertitude et donc une prise de décision clinique inadéquate.

Conclusion
Puisque les étudiants avec un niveau élevé d’intolérance à l’incertitude sont plus à risque de prendre des décisions cliniques erronées dans les cas de cervicalgies, une attention particulière dans le curriculum chiropratique devrait être portée aux nombreuses présentations de cervicalgies incluant les indications et contrindications de la prise en charge en chiropratique.



Références
1. Hong, R. Y. & Lee, S. S. (2015). Further clarifying prospective and inhibitory intolerance of uncertainty: Factorial and construct validity of test scores from the Intolerance of Uncertainty Scale. Psychol Assess, 27(2), 605-620. Logo_PubMed2

2. Allison, J. J., Kiefe, C. I., Cook, E. F., Gerrity, M. S., Orav, E. J. & Centor, R. (1998). The association of physician attitudes about uncertainty and risk taking with resource use in a Medicare HMO. Med Decis Making, 18(3), 320-329.  Logo_PubMed2

3. Innes, S. I., Leboeuf-Yde, C. & Walker, B. F. (2017). The relationship between intolerance of uncertainty in chiropractic students and their treatment intervention choices. Chiropractic & Manual Therapies, 25(1), 20.    Logo_PubMed2

Dre Isabelle Pagé chiropraticienne DC, MSc, PhD(c)