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La chiropratique pour les personnes âgées : mise à jour des recommandations.

Au Canada, le pourcentage de la population âgée de 65 ans ou plus était d’environ 16% en 2015 alors qu’il sera de plus de 20% en 2024. (1) Actuellement, il est estimé qu’environ 15% des patients des chiropraticiens est constituée de personnes âgées de plus de 65 ans.(2) Considérant le vieillissement de la population, ce nombre est destiné à s’accroître dans les prochaines années. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’augmentation ou le maintien de la capacité fonctionnelle est l’un des éléments centraux au « vieillissement en santé ».(3) Considérant le potentiel des soins chiropratique dans la diminution des limitations fonctionnelles chez les patients, l’établissement de la sécurité et de l’efficacité des soins chiropratiques dans la prise en charge de la population gériatrique est d’autant plus important.

Puisque les dernières recommandations sur la prise en charge des personnes âgées en chiropratique dataient de 2010 (4), il était plus que nécessaire de mettre à jour celles-ci.  Un groupe formé de chiropraticiens et de médecins se sont donc penché sur cette problématique ce qui a mené à la publication de nouvelles recommandations au début 2017. (5)

« La thérapie manuelle, incluant la manipulation vertébrale, constitue une approche raisonnable et basée sur les données probantes pour la gestion des adultes âgés. » traduction libre de Hawk et al. (2017)

L’article de Hawk et al. (2017) se divise en 3 parties soient le résultat d’une revue de la littérature concernant l’efficacité des soins chiropratiques pour la population gériatrique, une revue de la littérature concernant la sécurité des soins chiropratiques et, enfin, la mise à jour des recommandations.

Résultats de la revue de la littérature sur l’efficacité des soins

Six articles ont permis d’évaluer l’efficacité des soins chiropratiques pour les patients âgés. Des résultats contradictoires sont rapportés par les différentes études. Globalement, les patients sont satisfaits des soins et ceux-ci semblent efficaces sur le long terme. Davantage d’études sont nécessaires afin d’évaluer l’efficacité à court et long terme des soins chiropratiques chez les personnes âgées. De plus, des études visant à identifier des sous-groupes de patients davantage enclin à répondre à un traitement en particulier sont nécessaires.

Concernant les adultes âgés, les études suggèrent que ceux recevant des soins chiropratiques (mobilisation et manipulation vertébrales et périphériques) expériences de nombreux effets positifs et un niveau élevé de satisfaction face aux soins.

Résultats de la revue de littérature sur la sécurité des soins

Sur les 14 articles portant sur la sécurité des soins chiropratiques, 6 traitaient spécifiquement des soins chez les adultes âgés tandis que les autres concernaient la sécurité chez les adultes en général. Le chiropraticien doit demeurer à l’affut de signes et symptômes d’une dissection de l’artère vertébrale (accident cérébro-vasculaire – ACV). Toutefois, aucun lien de causalité entre les soins chiropratique et cette problématique n’a été démontré jusqu’à ce jour. Des effets secondaires transitoires (24-72 heures) tels que de la raideur et fatigue musculaire sont communément observés. Il est à noter que davantage d’études sont nécessaires afin d’évaluer la sécurité des procédures de thérapie manuelle pour la population gériatrique.

Mise à jour des recommandations

L’établissement des recommandations a impliqué la contribution de 37 experts (31 chiropraticiens, 1 gériatre, 1 professeur en gériatrie, 1 acupuncteur, 1 infirmière, 1 psychologue, et 1 physiothérapeute) qui ont premièrement évalué les recommandations émises lors du projet mené en 2010. Un résumé des recommandations est présenté ci-après. Il est possible de consulter l’entièreté de celles-ci dans l’article de Hawk et al. (2017).

 

  1. Toute décision clinique doit être basée sur les données probantes disponibles combinées à l’expérience et l’expertise du clinicien et les préférences du patient (basées sur ses valeurs et ses objectifs).
  2. Le consentement informé du patient est nécessaire avant d’effectuer un examen ou un test diagnostic ou initier tout traitement. Le chiropraticien doit s’assurer de la capacité cognitive et affective du patient âgé. Au besoin, il doit demander la présence d’un représentant légal.
  3. Le chiropraticien devrait envisager une cogestion (1) en l’absence d’amélioration clinique ou la présence d’une détérioration clinique, (2) lorsque le patient demande une cogestion ou une référence et (3) en présence de nombreuses comorbidités hors du champ de pratique du chiropraticien.
  4. La présence d’un membre de la famille ou d’une personne proche du patient âgé devrait être demandée si le chiropraticien doute de la capacité du patient à fournir les informations demandées lors de l’établissement de l’histoire clinique et de l’examen physique.
  5. Les éléments suivants devraient être inclus dans l’histoire clinique : revue des systèmes, histoire familiale, histoire de soins de santé, soins de santé autres, médications et suppléments prescrits ou non, habitudes liées à la santé (tabac, alcool, diète, sommeil, activité physique, chutes, blessures).
  6. La capacité du patient à effectuer ses activités de la vie quotidienne (se laver, faire sa toilette, manger et marcher) et ses activités instrumentales de la vie quotidienne (cuisiner, écrire, conduire, etc.) devrait être investiguée.
  7. La présence d’un antécédent de la problématique de consultation principale du patient âgé devrait être investiguée incluant le temps de guérison, le type de traitement reçu et le diagnostic antérieur.
  8. Une attention particulière devrait être portée aux présentations atypiques de conditions cliniques, à la non-mention de maladies, à la sur estimation des fonctions cognitives, à la poly pharmacologie et aux attitudes de discrimination fondées sur l'âge tenues par les patients, la famille et le personnel de soins.
  9. Il est recommandé qu’un chiropraticien informe les services sociaux s’il a des raisons raisonnables de suspecter qu’un patient âgé est victime d’une forme quelconque d’abus.
  10. Les chiropraticiens doivent être alerte aux signes et symptômes de problématiques émotionnelles ou de santé mentale (ex. dépression, idées suicidaires, confusion et déficit cognitif).
  11. Le chiropraticien devrait toujours évaluer pour la présence de drapeaux rouges (énumérés dans les tableaux ci-dessous).

    Signe et symptômes nécessitant une référence immédiate pour évaluation

    Confusion aigüe

    Apparition récente d’un trouble de la marche pouvant avoir une origine neurologique

    Apparition d’une nouvelle courbature vertébrale

    Symptômes nouveaux ou progressifs suggérant un ACV (dysarthrie. Ataxie, hémiparésie, déficit visuel, etc.)

    Début récent de signes neurologiques positifs (réflexes pathologiques, hyperréflexie. Hyporeflexie, etc.)

    Début récent d’incontinence fécale ou urinaire 

    Anesthésie en selle

    Faiblesse ou spasticité progressive

    Idées suicidaires

    Suspicion d’abus de substance illicite ou légale

    Blessures inexpliquées ou autres indications d’une possibilité d’abus de personne âgée

    Fièvre inexpliquée ou récurrente


    Signes et symptômes suggérant une condition potentiellement sérieuse et nécessitant une référence ou une prise en charge conjointe

    Perte de grandeur soudaine

    Fièvre inexpliquée

    Apparition d’une douleur vertébrale avec un historique de cancer

    Historique de prise de corticostéroïde en présence de nouveaux symptômes suggérant une complication (douleur ou autres symptômes liés à une nécrose avasculaire, fracture de compression, infection, etc.)

    Douleur irréductible, plus spécifiquement la nuit

    Déficits moteurs à plusieurs niveaux

    Absence de réponse suite à un essai thérapeutique

    Changement de personnalité

    Faiblesse motrice progressive

    Perte de poids inexpliquée

    Rétention urinaire

  12. L’examen physique devrait inclure la température, la fréquence cardiaque et respiratoire, le poids, la grandeur et la pression artérielle (assise et debout au besoin).
  13. Même si le motif de consultation est une douleur, l’état fonctionnel, physique et cognitif, la qualité de vie et la santé nutritionnelle devraient être évalués.
  14. La prise de radiographie n’est pas recommandée sans justification clinique précise. L’âge avancé seul ne constitue pas nécessairement une indication clinique pour l’imagerie diagnostique.
  15. L’imagerie diagnostique (radiographie ou autre) devrait être considérée chez les patients qui n’ont pas répondu à l’essai initial de soins chiropratiques.
  16. La prise de radiographies peut être indiquée dans les cas d’une suspicion de fracture ou dislocation suite à un trauma et dans les cas d’une suspicion d’une fracture de compression vertébrale même en absence d’un trauma significatif.
  17. Les techniques de hautes vélocités sont contrindiquées en présence d’ostéoporose sévère ou d’une autre condition fragilisant les os.
  18. Les patients sous anticoagulants ou sous stéroïdes devraient être informés du risque d’ecchymose et/ou de saignement lorsque les techniques de tissus mous sont considérés par le chiropraticien.
  19. Le clinicien se doit d’adapter ses procédures (techniques manuelles et de tissus mous) au confort et besoin du patient âgé.
  20. Le plan de traitement doit tenir compte du fait que la personne âgée vie seule ou non, sa capacité fonctionnelle dans ses activités de la vie quotidienne, la disponibilité du personnel de soins et l’accès du patient à un transport.
  21. L’exécution de manipulations vertébrales de routine chez les patients asymptomatiques n’ayant pas d’indicateurs cliniques n’est pas recommandée. Toutefois, les personnes âgées présentent couramment de la dégénérescence musculosquelettique sans symptômes chroniques qui peut bénéficier de traitements de support offerts de façon périodique.
  22. Les chiropraticiens devraient promouvoir la santé chez leurs patients âgés en leur conseillant de demeurer physiquement actif, de maintenir une diète saine et de s’engager dans des activités sociales.
  23. Les chiropraticiens devraient « prescrire » à leurs patients âgés de l’activité physique en spécifiant la dose, l’intensité et la fréquence. Les exercices peuvent comprendre du renforcement musculaire, des exercices d’endurance, de flexibilité et de proprioception/balance).
  24. Les personnes âgées peuvent être portées à questionner leurs chiropraticiens concernant la vaccination. Les chiropraticiens devraient les référer vers leurs médecins de famille ou tout autre professionnel ayant dans leurs champs de pratique l’immunisation. Les chiropraticiens se doivent de pourvoir des informations balancées et basées sur des données probantes.

En conclusion

Il est important de noter que la prise en charge chiropratique implique davantage que l’exécution de thérapies manuelles. La prise en charge doit inclure une évaluation clinique appropriée du patient afin de déterminer les meilleurs soins pour ce patient en particulier. Les soins centrés sur le patient doivent miser sur les buts spécifiques du patient (c’est-à-dire sur ce qui est important pour le patient) et une emphase sur les stratégies d’autogestion qui renforcent l’indépendance et l’autonomie du patient âgé.

Références

1. Statistique Canada, Canada's population estimates: Age and sex, July 1, 2015 

2. French S. D. et al. (2013). Chiropractic Observation and Analysis Study (COAST): providing an understanding of current chiropractic Med J Aust, 199(10), 687-691. Logo_PubMed2

3. Organisation mondiale de la Santé (2015) Vieillissement et Santé, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs404/fr/ . Aide-mémoire N°404

4. Hawk C. et al. (2010). Best practices recommendations for chiropractic care for older adults: results of a consensus process. J Manipulative Physiol Ther, 33(6), 464-473. Logo_PubMed2 

5. Hawk C. et al. (2017) Best Practices for Chiropractic Care for Older Adults: A Systematic Review and Consensus Update. J Manipulative Physiol Ther, 40(4), 217-229. Logo_PubMed2


Dre Isabelle Pagé chiropraticienne DC, MSc, PhD(c)