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L’acouphène et la cervicalgie, une combinaison qui met la puce à l’oreille !

Saviez-vous que …

Le questionnaire Bournemouth permettant d’évaluer la douleur cervicale a été traduit et validé au Québec par une équipe de l’Université du Québec à Trois-Rivières ? Deux des quatre auteurs sont de plus chiropraticiens soient la Dre Johanne Martel DC, MSc et le Dr Martin Descarreaux DC, PhD. Vous pouvez avoir accès gratuitement à la traduction québécoise de ce questionnaire à la fin de l’article publié dans le Journal de l’Association Chiropratique Canadienne. Logo_PubMed_transparent

Application clinique

Dans plus de 50% des cas, un acouphène sera associé à une problématique cervicale, de la mâchoire ou de la ceinture scapulaire. Bien que davantage d’études soient nécessaires, il est suggéré que l’intensité de ce type d’acouphène puisse être diminuée par une prise en charge en thérapie manuelle.[1] Les traitements inclus, entre autres, la manipulation/mobilisation vertébrale cervicale, le travail musculaire visant le relâchement des muscles de la région cervicale, de la ceinture scapulaire ou de la mâchoire, les étirements de ces mêmes muscles et les exercices de réadaptation incluant la répétition des mouvements modulant l’acouphène. 

Saviez-vous qu’environ 15% des adultes rapportent un acouphène et que près de 2% considère ce bruit, ou ce sifflement, comme sévèrement incommodant ? [1] Un acouphène se définit par la sensation fantôme d’un bruit en absence d’une stimulation acoustique et est typiquement associé à une perte auditive ou à un trauma auditif. Toutefois, il existe une cause peu connue de l’acouphène et pourtant fort pertinente dans le domaine chiropratique : l’acouphène somatique cervicogénique.

C’est grâce à des études animales que la connexion entre le système somatosensoriel cervical et le noyau cochléaire est aujourd’hui connue. En effet, certaines fibres transmettant les sensations cervicales vers les centres supérieurs projettent également vers le noyau cochléaire qui lui a pour rôle de recevoir les informations de la cochlée, de les traiter (en les modulant au besoin) et de les transmettre vers les centres nerveux supérieurs.[1] Il est donc possible qu’un stimulus d’origine cervical puisse, via la stimulation du noyau cochléaire, altérer l’intensité et le caractère d’un acouphène voire être à l’origine de celui-ci.

Critères diagnostic de l’acouphène somatique cervicogénique [1]

Présence d’au moins un des critères suivants :

- Histoire évidente d’un trauma cervical ou crânien,

- Association entre l’acouphène et une manipulation des dents, de la mâchoire ou de la colonne cervicale,

- Épisodes de douleurs récurrentes au niveau de la tête, du cou ou de la ceinture scapulaire,

- Coïncidence temporelle entre l’apparence ou l’augmentation de la douleur et de l’acouphène,

- Augmentation de l’acouphène durant des postures inadéquates lors d’un repos, de la marche, du travail ou du sommeil,

- Périodes intenses de bruxismes durant la journée ou la nuit.

 

Ce type d’acouphène sera souvent accompagné d’une diminution de l’amplitude de mouvement en rotation cervicale, d’une douleur lors de la combinaison d’extension, de rotation et de flexion latérale cervicale, de points myofasciaux cervicaux (« Trigger points ») et d’un score de >14/70 au questionnaire de cervicalgie Bournemouth.

En 2016, Michiels et al. [2] ont montré qu’une prise en charge en physiothérapie (incluant des mobilisations manuelles, des exercices thérapeutiques et des exercices à la maison) durant une période de 6 semaines (total de 12 traitements) permet de diminuer de façon significative la sévérité des acouphènes chez des patients ayant une problématique cervicale concomitante. Ces auteurs ont récemment publié un second article basé sur une analyse secondaire des données obtenues lors de cet essai randomisé clinique.[3] Cette fois-ci, ils se sont intéressés à identifier les caractéristiques des patients présentant une amélioration substantielle subjective de leurs acouphènes après les 12 traitements soit 20 patients sur 38. Leurs résultats suggèrent que les patients les plus enclins à répondre à ce type de prise en charge sont ceux rapportant initialement (1) une augmentation de leurs acouphènes durant une posture inadéquate lors du repos, de la marche, du travail ou du sommeil, (2) la variation concomitante de l’acouphène et des douleurs cervicales et (3) un acouphène ayant un son grave. Malgré les limites de ces études dues à leurs petits échantillons, ces résultats procurent une base solide pour poursuivre l’investigation de la prise en charge en thérapie manuelle des patients présentant des acouphènes accompagné d’une problématique cervicale et plus particulièrement sur l’évaluation du rôle potentiel des manipulations cervicales.

Références

1. Sanchez, T.G. and C.B. Rocha, Diagnosis and management of somatosensory tinnitus: review article. Clinics, 2011. 66(6): p. 1089-1094. Logo_PubMed_transparent

2. Michiels, S., et al., Does multi-modal cervical physical therapy improve tinnitus in patients with cervicogenic somatic tinnitus? Man Ther, 2016. 26: p. 125-131. Logo_PubMed_transparent

3. Michiels, S., et al., Prognostic indicators for decrease in tinnitus severity after cervical physical therapy in patients with cervicogenic somatic tinnitus. Musculoskeletal Science and Practice, 2017. 29: p. 33-37. Logo_PubMed_transparent

Dre Isabelle Pagé chiropraticienne DC, MSc, PhD(c)