EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
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Les remèdes chez les Amérindiens

Ils [les Amérindiens] sont tous naturellement Chirurgiens, Apothicaires et Médecins, par la connaissance et par l'expérience qu'ils ont de certains remèdes simples dont ils se servent heureusement pour guérir des maux qui nous apparaissent incurables.

Il est vrai que nos Gaspésiens [Micmacs] jouissent souvent d'une santé parfaite, jusqu'à une heureuse vieillesse, n'étant pas sujets à plusieurs maladies qui nous affligent en France, comme gouttes, gravelle, écrouelles, galle, etc., soit parce qu'ils sont engendrés par des parents qui sont sains et dispos, d'une humeur et d'un sang bien tempérés, soit à cause que, comme nous avons dit, ils vivent en parfaite union et concorde, sans procès et sans chicane, pour les biens du monde, qui ne leur font jamais perdre le repos et leur tranquillité ordinaire.

Ils préviennent les incommodités et les maladies par certains vomitifs, composés d'une racine faite à peu près comme celle de la chicorée, ou par certaines graines qu'ils prennent aux arbres, et qu'ils font infuser dix ou douze heures dans un plat d'écorce plein d'eau ou de bouillon. La suerie [tente à suer, sauna], cependant, est le grand remède des Gaspésiens [Micmacs]; et on peut dire véritablement que plusieurs Français y ont aussi trouvé la guérison des fluxions et douleurs invétérées, qui paraissent incurables en France. La suerie est une espèce d'étude, faite en forme d'une petite cabane couverte d'écorce, de peau de castor et d'orignal; en sorte qu'il n'y a aucune ouverture. Les Sauvages mettent au milieu des roches ardentes qui échauffent tellement ceux qui sont dedans que l'eau coule bientôt de toutes les parties du corps. Ils jettent de l'eau dessus ces pierres embrasées, dont la fumée montant jusqu'au haut de la cabane retombe sur leur dos, à peu près comme une pluie chaude et brûlante, jusque-là même que quelques-uns ne pouvant souffrir la chaleur se trouvent obligés d'en sortir au plus vite. […]

La gomme de sapin, que quelques-uns appellent térébenthine, et qui est comme une espèce de baume souverain pour toute sorte de plaies, et de coups de hache, de couteau et de fusil, est le premier et le plus ordinaire remède dont nos Gaspésiens [Micmacs] se servent avec succès, pour faire de très belles cures. Comme cette gomme est quelquefois un peu trop sensible aux malades, ils ont l'industrie, pour en modérer l'activité, de prendre et de mâcher la pellicule qui est attachée au sapin, après qu'ils en ont enlevé la première écorce : ils crachent l'eau qui en sort sur la partie malade et forment du reste une espèce de cataplasme qui adoucit le mal et guérit le blessé en très peu de temps.

Ils ont encore quantité de racines et de simples [plantes médicinales] qui nous sont inconnus dans l'Europe, mais dont les Sauvages connaissent admirablement bien la vertu et les propriétés, pour s'en servir dans le besoin.

Si les simples [plantes médicinales], les décoctions et les remèdes ordinaires ne sont pas assez efficaces pour guérir les Gaspésiens [Micmacs], les amis de ceux qui sont malades ne manquent pas d'appeler au secours le Bouhine, c'est-à-dire le Jongleur [chaman], qui les souffle partout, et principalement sur la partie affligée; afin de chasser le ver, ou le Démon [esprit] qui le tourmente : il fait ses invocations, ses contorsions et ses huées ordinaires.

Source : Chrestien Le Clercq [1691], W. F. Ganong, éd., New Relation of Gaspesia, Toronto, The Champlain Society, 1910, p. 428-429.