EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
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Le commerce des fourrures et les marchandises de traite (1749)

Tout le Canada entretient d'importantes relations commerciales avec les Sauvages d'Amérique et c'était autrefois le seul commerce de ce grand pays, mais il suffisait à enrichir ses habitants. Maintenant on exporte du Canada bien d'autres marchandises que celles qui proviennent du commerce avec les Sauvages. Ceux d'entre eux qui habitent aux environs de Montréal et qui, comme tous les autres Sauvages, font des tournées de chasse en hiver apportent eux-mêmes à la ville la plus proche les peaux qu'ils ont à vendre; mais cela ne suffit pas; les Sauvages qui habitent des régions plus éloignées viennent rarement à Montréal et, dans la crainte qu'ils n'aillent vendre leurs marchandises aux Anglais ou que les Anglais eux-mêmes n'aillent chez les Sauvages, les Français sont obligés de prendre les devants et de se rendre en personne chez eux pour traiter à ce sujet.

C'est la ville de Montréal qui joue le rôle principal dans ce commerce; c'est de là qu'un grand nombre d'hommes jeunes et même plus âgés entreprennent chaque année leurs longs et pénibles voyages. Ils quittent Montréal au début du printemps et reviennent en août ou en septembre. Ils prennent avec eux différentes sortes de marchandises pour troquer avec les Sauvages; il n'est pas nécessaire d'emporter avec soi de fortes sommes d'argent, car l'indigène ne s'en soucie guère; il apprécie bien davantage les marchandises qu'on lui offre et on perdrait énormément à vouloir lui acheter des fourrures avec des espèces [de l'argent]. […]

Les marchandises qu'on prend avec soi en partant d'ici sont les suivantes :

Fusils, poudre à fusil, plomb, balles, grains de plomb. […];

Couvertures. On emporte également des sortes de couvertures de laine blanche ou de bure, qui ressemblent à ce qu'on met chez nous sur le lit. Ce sont ces morceaux d'étoffe que les Sauvages portent toujours sur eux en voyage, enroulés autour d'eux ou, parfois, à cheval sur l'épaule, parfois encore, s'il fait chaud, attachés à la taille ou, s'il fait froid, posés sur la tête. Hommes et femmes s'en servent. La plupart de ces couvertures sont garnies, sur la bordure, d'une ou de plusieurs bandes colorées, bleues ou rouges;

Du tissu bleu ou rouge, avec lequel les femmes font leurs jupes, qui ne descendent pas plus bas que le genou; la couleur bleue est la plus employée;

Couteaux, ciseaux, haches, aiguilles à coudre, briquets. Les Sauvages utilisent ces instruments dans tous les endroits où les Européens les ont fait connaître, […];

Chaudrons, ordinairement en cuivre, parfois étamés à l'intérieur; c'est dans ces ustensiles que les Sauvages cuisent désormais leurs aliments, et c'est une marchandise qui, à l'ordinaire, s'écoule facilement chez eux; autrefois ils se servaient de tasses et de pots en argile ou en bois qu'ils fabriquaient eux-mêmes : ils y mettaient l'eau et ce qu'ils avaient à cuire et ajoutaient dedans des pierres rougies au feu; la plupart possèdent maintenant des chaudrons qui vont au feu; ils en ont beaucoup;

Pendants d'oreilles : de différentes tailles, ordinairement en laiton, parfois en étain; hommes et femmes en portent, mais non pas tous; c'est selon leur bon vouloir;

Cinabre : sert à colorer en rouge leur visage, leur chemise et une partie de leur corps; autrefois ils se badigeonnaient avec une terre rougeâtre, […];

Miroirs : les Sauvages les aiment beaucoup et ils les utilisent, en particulier, lorsqu'ils se mettent de la couleur;

Loupes;

Tabac : ce commerce se fait surtout avec les Sauvages qui habitent le Grand Nord, c'est-à-dire les régions où il ne pousse pas; […];

Porcellin [porcelaine], selon le nom qu'on lui donne ici, c'est-à-dire un coquillage façonné en forme de petites perles, que les Sauvages utilisent comme monnaie et aussi comme parure;

Perles de verre : elles sont petites, blanches ou colorées, et les femmes indigènes les cousent à leurs galons, leurs bourses, leurs vêtements et autres ouvrages;

Eau-de-vie […];

Chemises : celles que les hommes et les femmes portent journellement;

Tissus pour leur bas, qu'ils enroulent autour de la jambe à la mode russe;

Fil de laiton et d'acier, pour leurs travaux.

Ce qu'on reçoit des Sauvages en échange de tout cela est assez varié, à commencer par les vivres qu'on se procure pour la durée du voyage; quoi qu'il en soit de cette diversité, les marchandises se composent essentiellement de pelleteries et d'ouvrages en peau; on peut diviser l'ensemble en deux : les marchandises en provenance du nord [castor, orignal, caribou, loup-cervier, martre, un peu d'ours et de renard] et celles qui viennent du sud [bison, chevreuil, loutre, renard, lynx].

Source : Pehr Kalm, Voyage de Pehr Kalm au Canada en 1749, Montréal, Pierre Tisseyre, 1977, fo 857-858, p. 447-450.