EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
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L'esprit d'indépendance des Canadiens (1720)

[...] tout le Monde a ici le nécessaire pour vivre: on y paye peu au Roi; l'Habitant ne connaît point la Taille; il a du Pain à bon marché; la Viande & le Poisson n'y sont pas chers; mais le Vin, les Étoffes, & tout ce qu'il faut faire venir de France, y coûtent beaucoup. Les plus à plaindre sont les Gentilshommes, & les Officiers, qui n'ont que leurs appointements, & qui sont chargés de Familles. Les Femmes n'apportent ordinairement pour dot à leurs Maris que beaucoup d'esprit, d'amitié, d'agréments, & une grande fécondité [...]

[…] Nous ne connaissons point au Monde de Climat plus sain, que celui-ci. Il n'y règne aucune Maladie particulière; les Campagnes & les Bois y sont remplis de Simples merveilles, & les Arbres y distillent des Baumes d'une grande vertu. Ces avantages devraient bien au moins y retenir [dans la colonie] ceux, que la Providence y a fait naître; mais la légèreté, l'aversion d'un travail assidu & réglé, & l'esprit d'indépendance en ont toujours fait sortir un grand nombre de jeunes Gens, & ont empêché la Colonie de se peupler. Ce sont là, Madame, les défauts qu'on reproche le plus, & avec plus de fondements aux Français canadiens. C'est aussi celui des Sauvages. On dirait que l'air, qu'on respire dans ce vaste Continent, y contribue; mais l'exemple et la fréquentation de ses Habitants naturels, qui mettent tout leur bonheur dans la liberté & l'indépendance, sont plus que suffisants pour former ce caractère.

Source : Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Histoire et Description Générale de la Nouvelle-France, Paris, Rollin, 1744, vol. 5, p. 252-254.