EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
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Le caractère de l'Amérindien 1632

Tous les Sauvages, en général, ont l'esprit et l'entendement assez bons et ne sont point si grossiers et si lourdauds que nous nous imaginons en France. Ils sont d'une humeur assez joyeuse et contente; toutefois ils sont un peu saturniens [taciturnes], ils parlent fort posément, comme se voulant bien faire entendre, et s'arrêtent aussitôt en songeant un grand laps de temps, puis reprennent leur parole. Et cette modestie est cause qu'ils appellent nos Français femmes, lorsque, trop précipités et bouillants en leurs actions, ils parlent tous à la fois et s'interrompent l'un l'autre. Ils craignent le déshonneur et le reproche et ils sont excités à bien faire par honneur puisqu'entre eux est toujours honoré celui qui a fait quelque bel exploit.

Pour la libéralité, nos sauvages sont louables en l'exercice de cette vertu, selon leur pauvreté, car, quand ils se visitent les uns les autres, ils se font des présents mutuels et, pour montrer leur galantise, ils ne marchandent point volontiers et se contentent de ce qu'on leur baille [donne] honnêtement et raisonnablement, méprisant et blâmant les façons de faire de nos marchands qui barguignent une heure pour marchander une peau de castor. Ils ont aussi la mansuétude et la clémence en la victoire envers les femmes et petits enfants de leurs ennemis, auxquels ils sauvent la vie, bien qu'ils demeurent leurs prisonniers pour servir.

Ce n'est pas à dire pourtant qu'ils n'aient de l'imperfection, car tout homme y est sujet et, à plus forte raison, celui qui est privé de la connaissance d'un Dieu et de la lumière de la foi, comme sont nos Sauvages, car si on vient à parler de l'honnêteté et de la civilité, il n'y a pas de quoi les louer, puisqu'ils n'en pratiquent aucun trait, excepté ce que la simple nature leur dicte et enseigne. Ils n'usent d'aucun compliment entre eux et sont fort malpropres et mal nets en l'apprêt de leurs viandes [nourriture].

Source : Gabriel Sagard, Le grand voyage du pays des Hurons [1632], texte établi par Réal Ouellet, Bibliothèque québécoise, 1990, p. 219-220