EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
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La Proclamation royale (1763)

(extrait concernant les Autochtones)

Proclamation par le Roi George R.

[...]

Attendu qu'il est juste, raisonnable et essentiel pour Notre intérêt et la sécurité de Nos colonies de prendre des mesures pour assurer aux nations ou tribus sauvages qui sont en relation avec Nous et qui vivent sous Notre protection, la possession entière et paisible des parties de Nos possessions et territoires qui ont été ni concédées ni achetées et ont été réservées pour ces tribus ou quelques-unes d'entre elles comme territoires de chasse. Nous déclarons par conséquent de l'avis de Notre Conseil privé, que c'est Notre volonté et Notre plaisir et Nous enjoignons à tout gouverneur et à tout commandant en chef de Nos colonies de Québec, de la Floride Orientale et de la Floride Occidentale, de n'accorder sous aucun prétexte des permis d'arpentage ni aucun titre de propriété sur les terres situées au-delà des limites de leur gouvernement respectif, conformément à la délimitation contenue dans leur commission. Nous enjoignons par la même raison à tout gouverneur et à tout commandant en chef de toutes Nos autres colonies ou de Nos autres plantations en Amérique, de n'accorder présentement et jusqu'à ce que Nous ayons fait connaître Nos intentions futures, aucun permis d'arpentage ni aucun titre de propriété sur les terres situées au-delà de la tête ou source de toutes les rivières qui vont de l'ouest et du nord-ouest se jeter dans l'océan Atlantique ni sur celles qui ont été ni cédées ni achetées par Nous, tel que susmentionné, et ont été réservées pour les tribus sauvages susdites ou quelques-unes d'entre elles.

Nous déclarons de plus que c'est Notre plaisir royal ainsi que Notre volonté de réserver pour le présent, sous Notre souveraineté, Notre protection et Notre autorité, pour l'usage desdits Sauvages, toutes les terres et tous les territoires non compris dans les limites de Nos trois gouvernements ni dans les limites du territoire concédé à la Compagnie de la Baie d'Hudson, ainsi que toutes les terres et tous les territoires situés à l'ouest des sources des rivières qui, de l'ouest et du nord-ouest, vont se jeter dans la mer.

Nous défendons aussi strictement par la présente à tous Nos sujets, sous peine de s'attirer Notre déplaisir, d'acheter ou de posséder aucune terre ci-dessus réservée ou d'y former aucun établissement sans avoir au préalable obtenu Notre permission spéciale et une licence à ce sujet.

Et Nous enjoignons et ordonnons strictement à tous ceux qui, en connaissance de cause ou par inadvertance, se sont établis sur des terres situées dans les limites des contrées décrites ci-dessus ou sur toute autre terre qui, n'ayant pas été cédée ou achetée par Nous, se trouve également réservée pour lesdits Sauvages, de quitter immédiatement leurs établissements.

Attendu qu'il s'est commis des fraudes et des abus dans les achats de terres des Sauvages au préjudice de Nos intérêts et au grand mécontentement de ces derniers, et afin d'empêcher qu'il ne se commette de telles irrégularités à l'avenir et de convaincre les Sauvages de Notre esprit de justice et de Notre résolution bien arrêtée de faire disparaître tout sujet de mécontentement. Nous déclarons de l'avis de Notre Conseil privé, qu'il est strictement défendu à qui que ce soit d'acheter aux Sauvages des terres qui leur sont réservées dans les parties de Nos colonies où Nous avons cru à propos de permettre des établissements; cependant si quelques-uns des Sauvages, un jour ou l'autre, devenaient enclins à se départir desdites terres, elles ne pourront être achetées que pour Nous, en Notre nom, à une réunion publique ou à une assemblée des Sauvages qui devra être convoquée à cette fin par le gouverneur ou le commandant en chef de la colonie dans laquelle elles se trouvent situées; en outre, si ces terres sont situées dans les limites de territoires administrés par leurs propriétaires, elles ne seront alors achetées que pour l'usage et au nom des propriétaires, conformément aux directions et aux instructions que Nous croirons ou qu'ils croiront à propos de donner à ce sujet; de plus, Nous déclarons et signifions de l'avis de Notre Conseil privé que Nous accordons à tous Nos sujets le privilège de commerce ouvert et libre, à condition que tous ceux qui auront l'intention de commercer avec lesdits Sauvages se munissent de licence à cette fin, du gouverneur ou du commandant en chef de celle de Nos colonies dans laquelle ils résident et qu'ils fournissent des garanties d'observer les règlements que Nous croirons, en tout temps, à propos d'imposer Nous-même ou par l'intermédiaire de Nos commissaires nommés à cette fin, en vue d'assurer le progrès dudit commerce.

Nous autorisons par la présente les gouverneurs et les commandants en chef de toutes Nos colonies respectivement, aussi bien ceux qui relèvent de Notre autorité immédiate que ceux qui relèvent de l'autorité et de la direction des propriétaires, d'accorder ces licences gratuitement sans omettre d'y insérer une condition par laquelle toute licence sera déclarée nulle et la protection qu'elle conférera enlevée, si le porteur refuse ou néglige d'observer les règlements que Nous croirons à propos de prescrire. Et de plus Nous ordonnons et enjoignons à tous les officiers militaires et à ceux chargés de l'administration et de la direction des affaires des Sauvages, dans les limites des territoires réservés à l'usage desdits Sauvages, de saisir et d'arrêter tous ceux sur qui pèsera une accusation de trahison, de non-révélation d'attentat, de meurtre, de félonie ou de délits de tout genre et qui, pour échapper aux atteintes de la justice, auront cherché un refuge dans lesdits territoires, et de les renvoyer sous bonne escorte dans la colonie où le crime dont ils seront accusés aura été commis et pour lequel ils devront subir leur procès.

Donnée à Notre cour, à Saint-James le septième jour d'octobre mil sept cent soixante-trois, la troisième année de Notre règne.

Dieu Sauve le Roi

Source : « Proclamation Royale, 7 octobre 1763 », J. Beaulieu, C. Cantin, M. Ratelle, Revue du Barreau, t. 49, no. 3 (mai-juin 1989) : 1-7.