Pour ce que je disais de la bonté de leur esprit [celui des jeunes amérindiens], j'en tire la preuve des interrogations qu'ils faisaient à leur maître. En voici quelques-unes qu'il m'a données par écrit. Je confesse que ces enfants sont éveillés et qu'ils font paraître beaucoup d'esprit, mais je n'eusse pas cru qu'ils eussent tant raisonné, notamment en matière de notre créance. Écoutons leurs demandes : [...].

Vous nous enseignez que Dieu était [existait] avant la création du ciel et de la terre; s'il était, où se logeait-il puisqu'il n'était ni au ciel ni en la terre? Vous dites encore que les anges ont été créés au commencement du monde et que ceux qui désobéirent furent jetés en enfer. D'ailleurs, vous mettez l'enfer dans le fond de la terre, cela ne se peut pas bien accorder, car si les anges ont péché devant la création de la terre, ils n'ont pu être jetés en enfer ou l'enfer n'est pas où vous le placez. [...].

Ceux qui liront ceci en croiront ce qui leur plaira, mais il est vrai que ces demandes ont été faites par de jeunes séminaristes sauvages âgés de douze à quinze ans.

Source : Paul Le Jeune, Journal des Jésuites, vol. 16, p. 182-184.