EDUTIC : AKI - Société et territoires autochtones
EDUTIC
L’échange inégal


Source : Divers objets de métal, Musée de la civilisation, dépôt du Séminaire de Québec
Les Autochtones devaient travailler de plus en plus pour se procurer les nombreux objets de métal qu'ils obtenaient en échange de fourrures. Ils devaient quitter leur famille pour des périodes plus longues et parcourir des territoires de chasse de plus en plus éloignés.

Les Amérindiens, tout comme les Européens, considèrent avantageux le troc de fourrures contre des produits d'origine européenne. Chacun y trouve son intérêt. Les Autochtones acquièrent des marchandises qu'ils considèrent précieuses comme le cuivre rouge et les perles de porcelaine ou de verre. Ils obtiennent aussi de nouveaux objets en fer, des outils utiles et plus efficaces.

Les marchandises européennes s'acquièrent en échange de leurs vieilles guenilles, des vêtements d'hiver fabriqués d'une dizaine de peaux de castor. Les peaux, portées pendant deux ou trois ans, s'engraissent et perdent leurs longs poils. Ainsi, il ne reste que les poils les plus courts requis pour le feutrage, ce qui facilite le travail des chapeliers. Ces peaux usagées, sans valeur pour les Autochtones, sont les pelleteries les plus recherchées par les Européens. Les Autochtones obtiennent de meilleurs prix pour ce castor gras (les peaux usées) que pour le castor sec, c'est-à-dire une peau neuve.

La perception autochtone de l'échange

Une expression révèle bien la perception amérindienne de cet échange: le castor fait tout. Les Autochtones disent que le castor «est l'animal bien aimé des Français, des Anglais, et des Basques, en un mot, des Européens». Mestigoït, l'hôte innu du missionnaire jésuite Paul Le Jeune à Tadoussac, disait «en se gaussant [en riant], Missi picoutau amiscou, le castor fait toutes choses parfaitement bien, il nous fait des chaudières, des haches, des épées, des couteaux, du pain, bref il fait tout; il se moquait de nos Européens qui se passionnent pour la peau de cet animal et qui se battent à qui donnera le plus à ces Barbares pour en avoir»

(Source : Paul Le Jeune, Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle France, en l'année 1634, Paris, Chez Sébastien Cramoisy, 1635, p. 150-151.)

Peu à peu, les Amérindiens se rendent compte de la faible valeur des marchandises acquises des Européens. Ils apprennent à négocier les prix, à exiger davantage et à profiter de la concurrence entre les nouveaux venus pour obtenir plus en échange. Ces astucieux commerçants se plaignent de la mauvaise qualité des objets de traite afin de les obtenir à de meilleurs prix. Ils menacent de troquer ailleurs s'ils n'obtiennent pas satisfaction. Ils examinent la marchandise et sont exigeants. Ils préfèrent le cuivre à l'or, les vêtements de laine à ceux de soie, les perles de verre d'Italie, le vermillon de Chine, qui donne une couleur rouge vif, et les draps d'Angleterre. Les Français tentent d'imiter les draps anglais, qu'ils nomment écarlatines, mais sans succès. Ils doivent en importer d'Angleterre pour satisfaire les acheteurs amérindiens qui apprécient leur qualité, leur prix et leur style, dont les couleurs, le rouge vif et le bleu violacé.

Un commerce qui rapporte pour les marchands européens

Quant à eux, les marchands européens qui ne donnent presque rien en échange des fourrures, des babioles selon eux, réalisent d'énormes profits. Par exemple, dans les années 1580, les fourrures rapportent dix fois l'investissement nécessaire pour se les procurer. Compte tenu de la valeur des marchandises de traite, l'échange peut être qualifié d'inégal. Toutefois, le commerce des fourrures laisse peu de profits dans la colonie. Sauf pour quelques individus qui amassent des fortunes personnelles, ce sont les marchands européens qui s'enrichissent le plus. Cette économie, fondée sur la fourrure, est fragile et instable. Les profits obtenus varient selon les périodes. L'approvisionnement en fourrures dépend des fournisseurs autochtones, du produit de leur chasse et du contrôle qu'ils effectuent sur le réseau commercial. À long terme, toutefois, ce commerce enrichit les Européens et appauvrit les Amérindiens étant donné l'exploitation des ressources fauniques et les effets du troc sur leur société.