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Pourquoi les érables rougissent à l’automne

Légende huronne-wendate

Dans le mois des feuilles qui tombent, l’arbre qui donne le sucre devient couleur sang. Vous autres, les Blancs, prétendez que c’est à cause du froid, mais les Hurons, nos pères, expliquaient les choses d’une autre façon.

Ils racontaient qu’autrefois, les hommes et les animaux voyageaient librement entre notre île flottante que supporte la Grande Tortue et la Terre d’en haut qui, elle, est supportée par la Petite Tortue. C’est ainsi que les hommes et les animaux montaient et descendaient en traversant le pont de toutes les couleurs que vous appelez arc-en-ciel.

Ici ou là-haut, les hommes et les animaux ne faisaient que se promener et jouer ; afin d’éviter la guerre et les querelles, le Grand Esprit leur avait enlevé la faim et la soif. Il faisait aussi durer les mois chauds toute l’année de sorte que les hommes n’avaient pas besoin de prendre aux animaux leur robe de fourrure.

Sur l’île de la Grande Tortue et sur la terre de la Petite Tortue tout alla bien pendant un nombre incalculable de lunes ; jusqu’au jour où Rat – chez qui loge l’esprit de Taouéskaré, le mauvais frère – proposa aux animaux de jouer à qui volerait le plus haut chez les oiseaux et qui courrait le plus vite parmi les animaux de la forêt.

Alouette, qui porte une demi-lune noire sur la gorge, monta la première en chantant son chant d’amour et on la perdit bientôt de vue. Faucon, qui était juge, fit une marque dans le ciel à l’endroit où elle s’était arrêtée avant de redescendre.

Après Alouette, Martin-pêcheur, Gélinotte et Harle se vantèrent de pouvoir faire mieux qu’elle, mais tous les animaux purent constater qu’ils en étaient incapables et à leur retour, pour se moquer d’eux, on leur tira un peu les cheveux. Ils les ont encore droits sur la tête.

Vint ensuite le tour d’Aigle. Une fois au-dessus des arbres, il se mit à tourner lentement, s’élevant un peu plus haut à chaque tour, si bien que Faucon – qui a pourtant de bons yeux – finit par le perdre de vue et descendit aussitôt dire aux autres que l’Aigle était l’oiseau qui volait le plus haut, ce que tous savaient déjà.

Mais quand Aigle revint sur notre île, le dos encore humide d’avoir frôlé les nuages, Roitelet, qui s’était caché sous les plumes de son cou, sortit de sa cachette en s’ébrouant et réclama la victoire sous prétexte que tout le temps, il avait été au-dessus de celui qui le portait. Faucon le fit taire d’un coup d’aile qui l’étourdit et l’empêche depuis de voler haut.

La course des animaux de la forêt fut ensuite disputée. L’Élan Mohouse, le Cerf Oua-oua-ché-guèche, le Lièvre Méchi-gan, le Loup Mishi-biji, le Couguar et le Caribou Ah-tik partirent ensemble, mais à la surprise générale ce fut le Lièvre qui arriva le premier. Il faut dire que le Renard, pour jouer un tour aux autres, lui avait placé ses frères tout le long du parcours. Le dernier Lièvre n’eut qu’à faire quelques pas pour battre le Cerf qui était loin devant les autres ayant pris le départ avec lui.

Il faut dire que durant cette course ce fut Ours qui était juge et on le sait, il a la vue basse. Ne pouvant distinguer un frère Lièvre d’un autre, il proclama vainqueur celui qui avait franchi le premier la ligne d’arrivée.

Le Cerf en fut fâché. Sans mot dire, il quitta l’assemblée et, sans attendre les autres, remonta dans la terre d’en haut par le pont de toutes les couleurs.

Sa conduite déplut à Ours qui le suivit pour lui faire des remontrances. Au lieu de s’expliquer avec lui, Cerf hérissa le poil sur son dos et chargea son compagnon tête baissée. Ours se défendit de son mieux, mais il fut blessé à plusieurs endroits et il aurait peut-être été tué si Loup, qui l’avait suivi, n’avait pas pris sa défense et chassé Cerf.

Poursuivi par le Loup, qui est demeuré depuis son plus dangereux ennemi, Cerf se sauva et ses bois, couverts du sang d’Ours, dégoulinèrent sur les feuilles des arbres à sucre. Depuis, elles prennent tous les ans la couleur du premier sang versé sur la terre. Ainsi l’a ordonné le Grand Esprit afin que les animaux se rappellent comment eux-mêmes ils ont mis fin à la Grande Trêve et pour qu’aussi les hommes profitent de cette leçon.

Enfin, pour punir Cerf, le Grand Esprit a aussi voulu que lorsque les feuilles rouges seront tombées depuis deux lunes, Cerf perde aussi ses bois et soit livré sans défense au Loup.

Légende tirée du livre Légendes indiennes du Canada de Claude Mélançon.