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Histoire de l'iconographie botanique
en Amérique française du 17e au 19e siècle
CHARLEVOIX

5. De l'Herbe à la puce en 1721 et en 1744.

La description du Lierre à trois feuilles* est commune à la fois au Journal* et à la Description. Voici comment Charlevoix la décrit dans son Journal:

"Un de mes Conducteurs éprouva dernièrement la vertu d'une Herbe, qu'on rencontre partout, & dont la connoissance est des plus nécessaires aux Voyageurs, non pas pour ses bonnes qualités, car je ne lui en ai encore vu attribuer aucune, mais parce qu'on ne sçauroit trop l'éviter. On l'appele l'Herbe à la Puce, mais ce nom n'est pas assez expressif pour marquer les effets, qu'elle produit. Ces effets sont plus ou moins sensibles, selon le tempérament de ceux qui la touchent: il en est même, sur qui elle ne fait rien: mais les uns, en la regardant seulement, sont attaqués d'une fièvre violente, qui dure plus de quinze jours, & qui est accompagnée d'une gale fort incommode, & d'une grande demangeaison par tout le corps. Elle n'opère sur d'autres, que quand ils la touchent; & alors la partie attaquée paroît comme toute couverte de lèpre. On a vû, qui avoient les mains toutes perduës. On n'y connoît point encore d'autre remède, que la patience; au bout de quelque temps tout se dissipe."*.

Voici de qu'il dit du Lierre à trois feuilles du Canada dans la Description:

"Ce lierre, non plus que le suivant, ne conserve point pendant l'hiver ses feuilles, qui sont, comme celles du Phaseole, soûtenuës trois à trois par de longs pédicules, d'où, lorsqu'on les rompt, il sort un suc blanc, qui peu de temps après devient noir comme de l'encre. Il n'y a rien de meilleur pour noircir les cheveux. Ses petites fleurs blanches pâles sont suivies de Bayes en grappes, qui n'ont presque point de chair. Les grains, qu'elles renferment, contiennent une semence ronde, très dure, de couleur de cendres couverte d'une membrane sèche & ridée. Ce lierre fleurit au mois de Juillet, & sa semence est mure en Septembre. Son bois est plus mou & plus moëlleux, que celui de notre Lierre; & ce qu'il a encore de particulier, c'est qu'il varie beaucoup dans sa manière de pousser: on en voit, qui se tiennent droits & sans appui; d'autres à peine sortis de leurs racines, rampent & s'attachent aux rejetons des Arbres. Si on les sème au pied d'un mur, ils s'y cramponnent par le moyen de petites fibres, qui s'insinuent dans les trous, y prennent racine, & poussent de petites branches, comme le Lierre commun. Ses feuilles rougissent au temps des vendanges, & de loin on les prendroit our de véritables Vignes; aussi lui a-t-on donné en France le nom de Vignes du Canada: mais il ne lui ressemble, ni par l'écorce, ni par la figure des feuilles. Au reste il n'y a presque point d'odeur, & ses Bayes sont entièrement différentes de nos raisins."*


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