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Histoire de l'iconographie botanique
en Amérique française du 17e au 19e siècle
CHARLEVOIX

4. La classification botanique au début du XVIIIe siècle (suite 1.)

Charlevoix les compare à ceux du Portugal par leur forme, leur grosseur et leur couleur. Il parle des usages culinaires, plus précisément en confiserie et termine sa description avec les propriétés médicinales de la racine du Citron.

Dans notre chapitre sur Louis Nicolas nous référons à un texte de Pierre Pomet de 1694 et réédité en 1735. Il est connu du jésuite Louis Nicolas et résumé par Charlevoix. Comparons sa description avec celle que Tournefort fait du Citronnier  :

"Citreum est plantae genus, flore A rosaceo, plurimis scilicet petalis B in orbem positis constante, ex cujus calyce C surgis pistillum D quod deinde abit in fructum E plenumque oblongum & crassa carne F donatum, in varia loculamenta G divisum, fucci & vesicularum plena, feminibusque callosis foeta. His notis addenda sunt folia simplicia K. Citrei species sunt. Citreum vulgare./.../ Citreum dulci medullâ /.../. Citreum magno fructu /.../. Citreum Corcyraeum /.../. Citreum Cretense /.../¨."* .

La traduction française pourrait se lire ainsi: Le Citron est une plante à fleur (A) rosacée, à plusieurs pétales (B) en cercle régulier, de son calice (C) sort le pistil (D) qui se change ensuite en fruit (E) la plupart du temps oblong et à chair épaisse (F) à ovaire pluriloculaire (G). De plus, il faut noter que les feuilles sont simples (K). Les espèces de Citrons sont: le Citron commun /.../; le Citron à chair agréable /.../; le Citron à grand fruit /.../; le Citron de Corcyre /.../; le Citron de Crète /.../.

Cette description diffère de celle de Charlevoix par la précision avec laquelle Tournefort montre les parties de la fleur et leur disposition, de même que la forme de la feuille. Il dresse aussi la liste des autres genres de Citronniers connus. Tournefort s'en tient uniquement à la connaissance exacte de la plante et évite de traiter de son usage. L'exemple choisi dans l'Histoire de Charlevoix n'est pas unique; il est plutôt représentatif de la plupart des descriptions de plantes qu'il fait dans ses lettres à la duchesse de Lesdiguières. Il faut voir comme assez distante la place de la classification de Charlevoix par rapport à celle de Linné qui écrit: "Pour ma part, je suis un sexualiste, favorable au nombre, à la proportion et à la position des étamines par rapport aux pistils."*.

À la différence de Ray et surtout de Tournefort, Linné bâtit son système de classification sur le nombre et la disposition des étamines; c'est-à-dire sur la partie mâle de la fleur et, pour les subdivisions des classes, sur l'organisation de l'ovaire ou pistil; c'est-à-dire de la partie femelle. Tournefort fait la différence entre la connaissance des plantes et celle de leurs vertus. Linné, par sa classification, utilisant une nomenclature binominale devra redonner un nom de genre et d'espèce à chaque plante. Il confère une forme rigoureuse à la systématique, une "méthode qui permet de connaître l'ordre de la nature qui est l'âme de la science "*. Du fait, Linné repousse à l'ultime limite tout le langage déposé par le temps sur les choses "Comme un supplément où le discours se raconte lui-même et rapporte les découvertes, les traditions, les croyances, les figures poétiques."*. La botanique existe alors comme une "formation distincte, ayant son archéologie propre*, son métalangage.


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