Quelles sont les limites des classes flexibles?

Les classes flexibles, au-delà des apports possibles, comportent aussi certaines limites. En effet, dans un espace d’apprentissage qui accueille un aménagement et une pédagogie flexibles, les acteurs et les actrices de l’éducation soulignent certains désavantages ou ajustements requis pour évoluer dans un tel environnement.

La classe flexible serait moins efficace pour des activités d’apprentissage sollicitant la mémorisation.

La classe flexible serait un environnement adéquat pour l'intégration des connaissances, mais moins efficace pour la mémorisation (Park et Choi, 2014), ce qui implique de considérer un alignement de la préparation du personnel enseignant, des pédagogies choisies, de la conception de la classe et des technologies sollicitées (Pointon et Kershner, 2000; Slotta, 2010, cité dans Mercier et al., 2014).

  • Le personnel enseignant ayant une approche d'enseignement davantage axée sur les cours magistraux peut ne pas apprécier l'espace flexible, le trouvant d’entrée de jeu encombré et confus, sans point central. Dans une approche magistro-centrée, il peut être difficile d'attirer l'attention des personnes apprenantes après qu'elles se soient séparées en petits groupes (Chen et al., 2016).
  • Il y aurait une certaine adéquation entre la configuration physique de la classe et les formules pédagogiques. Ainsi, l'engagement des personnes apprenantes dans les cours magistraux est plus élevé dans les espaces de classe organisés en rangées traditionnelles, tandis que ce même engagement dans les cours axés sur le travail d’équipe est plus élevé dans les espaces de classe organisés autour de tables groupées (Perks et al., 2016).

La littérature nous met en garde contre l’écart qu’il pourrait y avoir entre la conception de l'apprentissage actif du personnel enseignant et la situation perçue par la population étudiante ou réellement vécue dans la classe flexible (Morrone et al., 2014). Ainsi, un exposé magistral interactif peut être considéré comme actif par le personnel enseignant, mais passif pour les élèves.

La classe flexible pourrait créer un inconfort chez les étudiantes et étudiants.

Si la classe flexible peut représenter un certain effort d’adaptation pour le personnel enseignant, elle peut aussi s’avérer un défi pour les personnes apprenantes :

  • Le changement de rôle des personnes apprenantes n'est pas facile pour celles qui ont surtout connu un modèle d'enseignement traditionnel ou qui réussissent bien dans ce contexte (Clark et al., 2010). Il importe par ailleurs de tenir compte des situations où les personnes apprenantes se disent désengagées parce qu'elles ne comprennent pas bien l'objectif d'une tâche ou encore parce qu'elles se sentent bousculées par le temps alloué à chaque tâche (Norman et al., 2019).
  • Certaines personnes apprenantes résistent aux approches qui leur demandent de prendre davantage de responsabilités dans leur apprentissage; elles s'attendent que toutes les réponses viennent du personnel enseignant et préfèrent donc être passives (Petersen et Gorman, 2014).
  • Même si les personnes apprenantes tendent à avoir une préférence pour les sièges flexibles et les options de sièges alternatifs, plusieurs ont également indiqué qu'elles aimeraient toujours avoir un bureau, en particulier pour effectuer des travaux individuels. De plus, environ le cinquième des personnes apprenantes éprouveraient des émotions négatives en raison de la flexibilité des assises, que ce soit de la frustration, de la nervosité ou de l’inquiétude quant à l'endroit où elles pourraient s’assoir dans la classe (Havig, 2017).

Certains éléments de l’environnement physique de la classe flexible pourraient être distrayants.

  • Certaines personnes apprenantes ont noté qu'en raison de la mobilité des chaises, la classe était souvent « désordonnée » ou désorganisée (Rands et Topf, 2017).
  • Les personnes apprenantes ont mentionné que les TIC représentaient souvent une source de distraction, notamment l'utilisation du téléphone portable (Norman et al., 2019).
  • Les appareils électroniques en grande quantité, en plus du mouvement accru des personnes dans le local, entrainent un dégagement de chaleur qui dépasse celui d’une classe traditionnelle. La température plus élevée dans la classe d’apprentissage actif peut créer de l’inconfort (Norman et al., 2019) si cela n’est pas prévu lors de la conception de la classe.

Pour pallier les limites de l’environnement physique, les personnes qui évoluent dans une classe flexible intégrant les technologies doivent conjuguer avec ce qui peut être considéré comme des sources de distraction, notamment les conversations bruyantes, la possibilité de voir facilement les écrans des ordinateurs portables et des appareils électroniques des autres personnes apprenantes. Le personnel enseignant doit constamment se déplacer pour être en mesure de voir toutes les personnes apprenantes et d'établir un contact visuel avec elles (Petersen et Gorman, 2014).

  • Le personnel enseignant qui envisage une transition vers un apprentissage centré sur l'élève peut ressentir de la crainte quant au fait que la gestion de la classe sera plus difficile alors les personnes apprenantes collaboreront et se déplaceront entre les activités (Basye et al., 2015).
  • Une revue de la littérature (Abbassi et Fisher, 2010) a suggéré que des membres du corps professoral avaient une faible « compétence environnementale », c'est-à-dire la capacité limitée de savoir comment « comprendre et utiliser efficacement l'espace physique d'enseignement pour un avantage pédagogique » (Lackney, 2008, p. 133, cité dans Imms et Byers, 2017).

Dans certains textes utilisés pour dresser le portrait des classes flexibles, des défis à relever sont mentionnés ou des désavantages sont présents, sans qu’ils soient précisément identifiés. On peut convenir que les classes flexibles présentent des défis pour le personnel enseignant habitué à enseigner dans des classes plus traditionnelles et pour les personnes apprenantes qui sont habituées à apprendre dans ces environnements (Petersen et Gorman, 2014).

Enfin, il est suggéré d’agir avec prudence avec certains éléments identifiés comme des limites. Certaines postures traditionnelles sont utilisées pour aborder un espace et une pédagogie renouvelés. À titre d’exemple, on peut lire dans un écrit : « Si on commence par le décrochage du regard. On voit qu’avec l’utilisation d’assises flexibles les élèves continuent de décrocher le regard de temps en temps de la tâche avant de se recentrer sur celle-ci. » (Tiennot, 2018, p. 37). Le fait de « continuer de décrocher » est présenté comme une limite, ou du moins un désagrément. Toutefois, dans une classe flexible, le comportement observable ne peut pas à lui seul expliquer l’activité cognitive des personnes apprenantes.

Pour citer cette page : Parent, S. (2022). Limites. Quelles sont les limites des classes flexibles? Dans G. Bergeron, L. Bergeron, J. Caron, A. Gareau, J. Lacerte, S. Lefebvre, S. Parent, M. Point et L. St‑Vincent (dir.), L’aménagement de classes flexibles. Document produit dans le cadre des Projets inédits du ministère de l’Éducation. Université du Québec à Trois‑Rivières.

Séverine Parent, UQAR