Jean-Pierre BOURASSA

Jean-Pierre Bourassa

Parcours universitaire

Par Jean-Pierre BOURASSA, professeur émérite, Département des sciences de l'environnement

 

Doctorat en biologie-entomologie, Université Pierre et Marie-Curie, Paris, 1980.
Maîtrise en biologie-entomologie, Université Laval, Québec, 1969.
Baccalauréat en biologie-écologie, Université Laval, Québec, 1965.

Natif de Grand-Mère (aujourd’hui secteur de Shawinigan), le 3 mai 1943.

Préambule :

Je dois souligner avec immensément de gratitude et de reconnaissance que ma carrière universitaire s’est réalisée avec le soutien constant et les encouragements nourris de mon épouse Claire et de mes trois enfants, Dominique, Jean-François et Jean-Frédéric. Un grand merci et une reconnaissance immortelle. Je veux apporter à mes petits-enfants, Camille, Antoine, Jean-Samuel, Justine, Mathilde, Catherine et Rémi, mes encouragements à réaliser leurs rêves et ce, dans le plus grand respect de la Nature. Ils y trouveront beauté, quiétude et satisfaction !

Une jeunesse préparatoire à une carrière inespérée

Je suis né à Grand-Mère en 1943 en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale. Mes parents se sont mariés lors de l’une des célèbres courses au mariage. J’ai vécu ma prime jeunesse et mon adolescence dans cette ville où j’y ai réalisé les études primaires et secondaires. Déjà, mes résultats scolaires laissaient anticiper ce goût pour les sciences. De plus, la pratique de sports, tels le hockey et le tennis, m’a toujours accompagné. Avec mes parents Lucienne et Camille, avec mes sœurs Danièle et Louise ainsi qu’avec mes grands-parents maternels, je passais mes saisons estivales en pleine campagne, plus précisément à St-Jean-des-Piles, sur les bords de la rivière St-Maurice et à proximité d’une vallée enrichie d’un bel étang, où j’observais et contemplais têtards de grenouilles et divers insectes. À St-Barnabé, sur la ferme de mes grands-parents paternels, je m’amusais à observer le va-et-vient d’abeilles aux abords des ruches auxquelles elles avaient accès. Une passion se profilait! Avec mon père, j’ai appris à pêcher et à découvrir la vie en rivière. Il m’était difficile de ne pas retourner dans leur milieu ces pauvres perchaudes, barbottes et brochets capturés après avoir innocemment mordu à mes appâts.

Dans cette ville, je faisais partie de la troupe scoute. Ce mouvement m’a permis de réaliser une dizaine de camps, tantôt comme simple scout, plus tard comme chef de patrouille, puis comme assistant. J’y ai même reçu lors d’une cérémonie officielle, le totem de «Mouflon adroit», de quoi satisfaire un jeune dont les talents manuels étaient plutôt limités. La participation à un Jamborée international tenu à Niagara Falls fut importante pour moi. Mais, les camps réalisés en pleine Nature ont amplifié ce goût pour les composantes naturelles des milieux alors visités.

Au cours de cette jeunesse passée dans la ville du rocher, j’ai participé à des activités théâtrales avec les Copains de Grand-Mère. En premier, comme collaborateur au montage de décors et en second lieu, comme comédien. De bons amis s’y trouvaient dont un futur collègue de l’UQTR, Raymond Pagé. La préparation de l’une des pièces intitulée «L’Auberge des morts subites» de Félix Leclerc nous a permis d’accueillir dans notre local ce grand chansonnier et poète et de converser avec lui.

À la fin de mon cours secondaire terminé en 12e année sciences-mathématiques, le choix de ma carrière s’est précisé. Mes parents souhaitaient une orientation vers la médecine, le notariat ou la prêtrise. Mais, après avoir considéré mes explications et surtout mon goût pour la Nature, ils m’ont appuyé. Rapidement, ils se sont réjouis de ce choix. C’était en 1961 et je venais d’avoir 18 ans.

Des études préparatoires à toute une vie et des emplois motivants

Mon parcours de jeunesse m’a révélé une Nature remplie de mystères et qui allait m’intéresser au point où j’y consacrerai ma carrière. De 1961 à 1965, j’ai complété un baccalauréat en biologie à l’Université Laval de Québec. Au cours des périodes estivales concernées, des emplois pour différents ministères gouvernementaux m’ont conduit dans plusieurs régions du Québec. Des emplois m’ayant permis de relever différentes données sur les végétaux et animaux que j’ai appris à mieux connaître.

L’intérêt développé pour les composantes des milieux naturels m’a conduit, de 1967 à 1969, à réaliser des études de maîtrise à l’Université Laval. Le sujet portait sur l’importance des insectes dans l’alimentation de poissons d’un lac de la station universitaire de la Forêt Montmorency dans le Parc des Laurentides.

Voilà déjà un parcours m’ayant permis de cerner à ma grande satisfaction divers concepts m’éclairant sur la Nature.

Après mon baccalauréat en biologie, une offre d’emploi en enseignement de la biologie générale m’a été proposée, précisément au Collège de Lévis. Ce premier contact avec des étudiants allait décider de ma carrière et me consacrer à cette belle fonction d’enseignant. Bien installé dans cette ville, un appel du Supérieur du Séminaire St-Joseph de Trois-Rivières allait changer non pas mon destin, mais mon lieu de vie. On m’offrait le poste d’enseignant aux niveaux secondaire et collégial. J’ai accepté cette offre qui m’a ramené dans ma région. Tout allait si bien, à la grande satisfaction du Supérieur, qu’une entente exceptionnelle m’a permis de m’inscrire à la maîtrise en biologie à l’Université Laval tout en poursuivant des enseignements à Trois-Rivières. Les déplacements en voiture, entre Québec et Trois-Rivières, étant fort exigeants, j’ai dû, après la première année, me limiter aux études à l’Université Laval, ce qui m’a conduit à devoir suggérer un remplaçant pour les cours que je donnais au Séminaire St-Joseph. Dans la région de Québec, alors que je terminais ma maîtrise, j’ai enseigné la biologie au Collège des Jésuites et à l’École normale Notre-Dame de Foy de Cap-Rouge. Nous sommes alors à l’automne 1968.

Pour compléter mes études, c’est au cours de mes premières années à l’Université du Québec à Trois-Rivières que je m’inscrirai au doctorat à Paris, sous la direction du professeur Maxime Lamotte de l’Université Pierre et Marie-Curie. Suite à une entente, pour moi mémorable, avec mon directeur de recherche ainsi qu’avec la collaboration d’André Chodorowski, de l’UQAM, mes travaux ont pu se réaliser au Québec, sur l’écologie d’insectes aquatiques, mon sujet privilégié. Après cinq années de travaux et aussi d’enseignement, la soutenance eut lieu à l’université parisienne devant les membres de la faculté et le grand public alors invité à la présentation.

Un appel téléphonique déterminant

Au terme de mes études de maîtrise en février 1969, mon directeur de recherche, Robert Lagueux de l’Université Laval, m’informe qu’un dénommé Gilles Boulet avait communiqué avec lui faisant part de son souhait que je puisse le contacter par téléphone. Je suis donc entré en contact avec sa secrétaire qui m’informa que son patron, alors directeur du Centre des Études Universitaires (CEU) de la Mauricie, souhaitait me rencontrer le plus rapidement possible, précisément à son bureau de la rue Bonaventure à Trois-Rivières. Je prends rendez-vous. Quelques jours avant cette rencontre, mon collègue Guy Vaillancourt, m’avait informé qu’il pourrait s’agit d’une entrevue dans le cadre de l’émergence prochaine d’une nouvelle université dans la cité de Laviolette.

Un bon matin de fin février, je me suis rendu au bureau de monsieur Boulet. Je ne peux cacher que j’étais optimiste quant à l’objet de la rencontre, une caractéristique qui m’habite toujours. Son accueil fut chaleureux. Il m’informa qu’il avait quelques informations sur mon cheminement, entre autres sur mes enseignements au Séminaire St-Joseph de Trois-Rivières, sur ma collaboration à l’analyse d’artéfacts amérindiens trouvés par René Ribes, archéologue au CEU, et certainement sur de bons mots de la part de Guy Vaillancourt qui avait déjà rencontré le futur recteur. Il alla directement à l’objet de son invitation, soit une offre à devenir professeur de la nouvelle université qui verra le jour le 19 mars 1969. Me voilà tout à fait enthousiasmé par ce projet d’être enseignant et chercheur d’université. Sans hésiter, on le comprendra, j’ai accepté son offre.

À l’invitation du nouveau recteur ainsi que de Marcel Lefebvre, premier directeur du nouveau Département des sciences chimiques et biologiques, j’allais me joindre à deux collègues, Guy Vaillancourt et Estelle Lacoursière, afin de préparer le nouveau programme de baccalauréat en biologie devant débuter en septembre prochain. Nous sommes en mai, quatre mois avant le début de la toute première session de l’histoire de l’UQTR.

Sur un tableau noir du Collège Marie-de-l’Incarnation, rue des Ursulines, voilà que les trois collègues font la liste des cours qu’ils ont suivis dans leurs baccalauréats respectifs, en mettant en évidence ceux qu’ils ont fortement appréciés, moyennement appréciés et ceux qu’ils ont moins aimés! La liste retenue et proposée sera à l’origine du programme de baccalauréat en biologie qui débutera quelques mois plus tard. Cette liste de cours d’alors ne sera actualisée qu’à la fin des années ’90. Le baccalauréat allait débuter en accueillant une quinzaine d’étudiants. Les premiers cours furent dispensés dans les pavillons Pierre-Boucher et Benjamin-Sulte sur le campus du boulevard des Forges ainsi que dans des locaux d’édifices du Centre-Ville de Trois-Rivières.

Des enseignements au partage de connaissances

L’Université du Québec à Trois-Rivières est issue de la fusion du CEU et de l’École Normale Duplessis. Dès la première année, plus de 4,000 étudiants s’y sont inscrits. Dans mes fonctions de professeur, j’ai eu l’opportunité de transmettre des notions essentielles à une meilleure compréhension des lois de la Nature et de ses composantes animales, ma formation touchant plutôt ce dernier monde que le végétal, celui-ci relevant d’Estelle Lacoursière. Aussi, j’ai eu la responsabilité de cours portant sur la cellule, tissus et organes. Se sont ajoutés, à ma grande satisfaction, le cours d’écologie générale et celui de biologie des insectes, ces derniers répondant davantage à ma formation. Plus tard, un cours qui m’a vraiment marqué, tant par son intérêt que pour sa préparation, fut «Évolution des espèces», matière tentant de mieux comprendre la place exceptionnelle qu’occupent les êtres vivants sur cette petite planète flottant dans l’immensité de l’univers. Certains de ces cours, comprenant des travaux pratiques tant sur le terrain qu’en laboratoire, furent dispensés tout au long de ma carrière universitaire et même comme chargé de cours, une fois la retraite engagée.

Les travaux sur le terrain m’ont amené à sélectionner des lieux exceptionnels tels des espaces reconnus comme réserves ou parcs naturels, des lacs et rivières, des forêts exceptionnelles, des champs naturels ou en friche et ce, au grand plaisir de mes étudiants et du mien. Et je m’en réjouis toujours ! Certains de ces travaux se déroulèrent en des milieux où nous avons séjourné plusieurs jours, après ententes avec des responsables, entre autres de parcs. La collaboration de techniciennes et techniciens fut essentielle et manifeste. Je me rappelle notamment des Françoise Caron, Pierre Sasseville, Jean-Louis Benoit, Raymond Thibodeau, Diane Belle-Isle Bégin, Louis Lamontagne et Natalie Godbout.

Il m’apparaît important de mentionner qu’au tout début de l’UQTR et au cours des années 1970, j’ai transmis certaines notions de biologie aux futurs professeurs en formation à l’École normale de Rouyn en voie d’être intégrée à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Plus tard, j’ai enseigné dans les centres hors campus de Joliette, Drummondville, St-Hyacinthe.

Considérant aussi mes implications comme retraité de l’UQTR, ce sera aussi pour moi 48 magnifiques années à diffuser et partager des connaissances sur la Nature, à engager certaines fonctions administratives, à participer à divers comités internes et externes, à communiquer des données de recherches lors de congrès nationaux et internationaux. De plus, les responsables et aussi les collaborateurs dans les différentes sphères d’activités de notre université ont toujours été pour moi, des partenaires au fonctionnement de mes secteurs d’activités ainsi qu’à l’avancement des connaissances dans mon domaine d’interventions. Un grand merci à chacun d’eux.

Implications administratives et sociales

Le statut de professeur à l’université trifluvienne comportait les fonctions relatives à l’enseignement, la recherche, le service à la collectivité et possiblement à des tâches administratives. En plus d’assumer mes enseignements, j’ai été directeur du Module de biologie, vice-doyen de la Famille des Sciences pures, appliquées et de la santé et doyen des Études de premier cycle, cette dernière fonction m’amenant à siéger au Conseil d’administration de l’université. Exception faite de la fonction de doyen, les autres comportaient celle d’enseignant, mais allégée. Dans mon cas, avec la permission du Vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, Paul-André Quintin, j’ai dispensé un cours annuellement pendant deux années de ce décanat, ce que je souhaitais vivement afin de ne pas trop m’éloigner de cette passion d’enseigner. Comme doyen, j’ai dirigé plusieurs évaluations et révisions de programmes de premier cycle. Mais, à mes tout débuts comme doyen, un dossier exceptionnel m’a été confié. Le recteur d’alors, Jacques Parent, m’invita à choisir parmi plusieurs dossiers de programmes potentiels, lequel il me serait possible de donner suite. J’y ai retenu celui de la chiropratique qui s’est concrétisé par son application à l’UQTR en 1993, et ce, après quelques années d’analyses, de discussions et de visites d’institutions possédant un tel programme.

Comme membre de l’université, j’ai pu développer des liens importants avec divers organismes de la ville, de la région et de l’extérieur de celle-ci. Cette implication sociale m’a ouvert à des collaborations avec divers organismes dont la Corporation pour le développement de l’Île St-Quentin, le Conseil des loisirs scientifiques devenu récemment le Réseau Technoscience et dont les locaux administratifs sont à l’UQTR, la ZIP Les Deux-Rives, le Fonds d’action communautaire de Trois-Rivières auquel j’ai participé à la mise sur pied et l’Institut Québécois pour la biodiversité établi à l’Université de Montréal. Actuellement, je siège sur les conseils d’administration de ces organismes; j’ai assumé la présidence des deux premiers pendant quelques années.

Aussi, mes fonctions de chercheur et d’enseignant m’ont amené à faire partie de nombreux regroupements scientifiques dont la Société d’entomologie du Québec, l’Association des biologistes du Québec, les Amis de l’Insectarium, la Société d’histoire de la Mauricie, l’Entomofaune du Québec, la Fondation pour le développement durable de Trois-Rivières, le Musée de culture populaire de Trois-Rivières, la Société Provancher, le Conseil régional en environnement ainsi que le «Committee Heritage» de Saskatoon relevant de l’Association canadienne d’entomologie et destiné à recenser et diffuser divers événements ayant marqué des membres de ladite association.

Dans le cas de mon implication à l’Île St-Quentin qui remonte au début des années 80, j’ai créé un comité de mise en valeur écologique de ce lieu exceptionnel, notamment avec le soutien de la Fondation de l’UQTR, du Zoo de Granby et de la ZIP Les Deux-Rives. Un inventaire complet de sa flore et de sa faune a été réalisé au cours des cinq dernières années permettant d’anticiper dans un délai raisonnable la réalisation d’un parcours sur la Nature, l’Histoire et la Culture associées à ce lieu insulaire. Aussi, grâce à une subvention d’Hydro-Québec, une magnifique passerelle de quelque 700 mètres traverse la portion forestière de l’île, exposant au public de nombreux panneaux d’interprétation. Les collègues et chercheurs Jacques Boisvert et Esther Lévesque ainsi que des étudiants de l’UQTR ont participé à certains travaux requis à un tel projet.

Au cours des années 1986 à 1989, j’ai participé avec Georges Brossard, notaire de formation et passionné du monde des insectes ainsi qu’avec Pierre Bourque, alors directeur du Jardin Botanique de Montréal, à la création d’un concept visant à doter la métropole de son Insectarium. Compte tenu que l’année de la construction de cette institution, soit en 1989, je terminais mon mandat de doyen des études de premier cycle, on m’offrit la direction de ce Temple aux insectes, titre utilisé par Georges Brossard. Une entente exceptionnelle fut établie avec la Ville de Montréal afin que je puisse assumer cette responsabilité au cours de la première année, puis revenir à l’université par la suite. L’inauguration par le maire de l’époque, Jean Doré, eut lieu en février 1990. La fréquentation publique dépassa les attentes. J’ai eu à diriger une équipe exceptionnelle au niveau de l’animation et aussi à accueillir d’importantes personnalités provenant de différentes régions du monde. Une des plus marquantes pour moi fut celle de l’ancien maire Jean Drapeau que j’ai accompagné et informé de notions sur le monde des insectes.

Dans un ordre d’idées tout à fait différent des éléments précédents, mais qu’il me faut rapporter, touche cet intérêt pour la pratique de sports, intérêt remontant à ma tendre jeunesse. Après avoir sondé les opinions de collègues de différents départements et services de l’université, le goût de se rassembler occasionnellement était souhaité. Pour les intéressés, et ils étaient nombreux, j’ai proposé de créer une ligue de hockey destinée à de telles retrouvailles sur une base hebdomadaire. La Ligue des As rassembla assez de candidats pour quatre clubs, les Carreaux, les Cœurs, les Piques et les Trèfles. Cette ligue dura quelque vingt-cinq années au grand plaisir des participants qui, parfois, devaient ajuster leur horaire de travail à celui des joutes ! Encore là, des rencontres qui allaient renforcer les liens d’amitié entre des partenaires au développement de notre université. Il me fait plaisir d’ajouter que deux futurs recteurs en furent d’excellents partenaires de jeu!

Un engagement en recherches aux retombées majeures

Peu de temps après que l’UQTR eut pris son envol, le gouvernement canadien créa le Parc National de la Mauricie. Le ministre responsable de cette reconnaissance était monsieur Jean Chrétien. Il fallait engager des études scientifiques sur les composantes naturelles de ce nouveau parc et c’est à notre université qu’est revenu ce défi après des démarches dans lesquelles je m’étais engagé avec quelques collègues. Estelle Lacoursière, Antoine Aubin et moi-même avons effectué les études demandées, dont des cartographies bathymétriques des lacs de la partie sud du parc ainsi que des inventaires de leurs composantes biologiques. Il s’agissait du tout premier projet de recherches à être réalisé dans ce magnifique parc. L’important rapport qui en est sorti est désormais déposé dans la collection des documents importants de l’université.

Dès l’automne 1970, alors qu’il fallait préciser un créneau original de recherches, mon collègue Antoine Aubin et moi-même avons échangé sur divers aspects pouvant être explorés. Discutant lors d’un dîner à la cafétéria alors située dans le pavillon Suzor-Côté, nous nous sommes entendus pour choisir un sujet tout à fait unique qui ferait figure de proue dans la nouvelle université, soit la biologie et l’écologie des insectes piqueurs, en quelque sorte, les moustiques ou maringouins, les mouches noires, les brûlots et les taons ou mouches à chevreuils. Un créneau tout à fait inédit, mais pour nous fort prometteur. De quoi surprendre notre recteur; toutefois, les reconnaissances et les contributions majeures de bailleurs de fonds allaient le rassurer et l’enthousiasmer tant par le sujet que par ses retombées pour le confort et surtout pour la santé de gens de nombreux pays aux prises avec des maladies telles la malaria et l’onchocercose associées à certains moustiques. Aussi, il fallait réaliser les inventaires des lieux de développement de ces espèces dont le nombre au Québec seulement atteint la soixantaine. Il faut ajouter des dizaines d’autres espèces concernant les autres groupes d’insectes hématophages.

Comme membres du Département de chimie-biologie, mon collègue Aubin et moi avons fondé le GRIP ou Groupe de recherches sur les insectes piqueurs. Les collègues de départ qui se sont joints à nous furent Serge Belloncik, Estelle Lacoursière, Guy Charpentier et Marc Pellissier auxquels s’ajouteront par la suite Jacques Boisvert, Alain Maire et Christian Back. Une conférence internationale sur la démoustication (mot exprimant un objectif populaire) fut organisée les 8, 9 et 10 mai 1973 et à laquelle ont participé des chercheurs importants de différents coins de la planète. Un événement à succès suivi avec attention et couvert par de très nombreux médias du monde. Un sujet tout à fait original, nouveau, qui éveilla la population aux effets perturbateurs de ces insectes sur la quiétude des gens, mais aussi aux rôles qu’ils assumaient dans l’équilibre de la Nature. De cette conférence, un livre de 236 pages, «Le contrôle des moustiques – Mosquito Control» consignant les exposés et opinions des différents conférenciers fut édité par les Presses de l’Université du Québec en 1974. Parmi les bailleurs de fonds qui allaient soutenir et encourager les travaux engagés par le GRIP, il faut mentionner les gouvernements du Québec et du Canada par plusieurs de leurs ministères, l’Organisation mondiale de la santé de Genève et évidemment l’UQTR. De très nombreux étudiants y réalisèrent leur maîtrise et doctorat. Les études touchèrent les insectes de différents milieux naturels, semi-naturels et même urbains dans l’ensemble du Québec, dont le moyen-nord, notamment sur les chantiers de la Baie-James, de même qu’en Europe, en Afrique et en Asie. Des élevages d’insectes faisaient partie des laboratoires situés au début dans les pavillons Pierre-Boucher et Benjamin-Sulte; ils permirent de vérifier certaines approches biologiques pouvant s’appliquer à leur contrôle.

Les travaux du GRIP se sont réalisés en collaboration avec plusieurs universités, notamment d’Europe, du Canada et des États-Unis. Ils m’ont permis de collaborer avec les universités de Rennes, de Grenoble, de Montpellier et de poursuivre des études en des sites naturels exceptionnels dont les Îles Galápagos en Équateur, la Camargue et dans le Poitou en France. Dans tous les cas, l’université était impliquée. De plus, considérant l’expertise développée pour le monde des insectes, des études sur l’importance écologique des emprises autoroutières du Québec me furent confiées par le Ministère des Transports et poursuivies en différentes régions. Il en est ressorti cette préoccupation de limiter, sinon d’abandonner la tonte de ces emprises, considérant qu’elles abritent des insectes prédateurs s’avérant protecteurs de lieux agricoles avoisinant les autoroutes. Aussi, la maladie de Lyme occasionnée par des tiques ou acariens a fait l’objet d’études poursuivies avec mon collègue Jacques Boisvert et auxquelles furent associés des étudiants inscrits à la maîtrise et au doctorat.

À la lumière des préoccupations développées pour les domaines de la biologie et de l’écologie ainsi que pour celui de l’entomologie ou science des insectes, on m’a confié l’organisation à l’UQTR de 6 congrès scientifiques, dont deux d’envergure internationale. Aussi, les études réalisées en pleine Nature sur les insectes ont permis d’enrichir les collections institutionnelles auxquelles plusieurs chercheurs d’autres universités et centres de recherches se sont référés pour leurs travaux. Je tente actuellement de protéger de telles collections pour les générations qui suivront. Ce souci qui m’habite m’a conduit en 1981 à acquérir une partie des animaux naturalisés de l’Institut des sourds et muets de Montréal, matériel alors laissé à l’abandon. Avec le soutien du recteur Louis-Edmond Hamelin, nous avons pu le transporter vers des laboratoires et vitrines du Pavillon Léon-Provancher; plusieurs de ces spécimens remontent au 19e siècle, certains étant d’espèces rares ou disparues de nos régions.

Les travaux de recherches poursuivis dans le cadre de mon attachement à l’UQTR m’ont permis de diriger et de codiriger une vingtaine d’étudiants aux niveaux de la maîtrise et du doctorat en plus de publier quelque 150 articles, dont quatre livres chez des éditeurs reconnus et distribués dans de nombreux pays.

Je dois aussi cet attachement à l’UQTR à plusieurs événements ayant entre autres touché le territoire même du campus. Dans un geste méritoire et tout à l’honneur de l’instigatrice Estelle Lacoursière, des collègues et moi avons appuyé son projet de sauvegarde et de mise en valeur d’espaces boisés particulièrement ceux entre l’avenue Gilles-Boulet et la rivière Milette. Issues de très anciens peuplements végétaux caractéristiques de la plaine du St-Laurent, les essences végétales furent recensées et leur localisation figurée sur panneaux d’informations. De plus, des sentiers permettent aux amateurs de plein air de profiter en toute quiétude de ces espaces.

Rencontres et missions privilégiées

De très nombreuses rencontres et beaucoup d’échanges eurent lieu à l’intérieur de mes activités d’enseignant et de chercheur. Il me faut souligner un projet de recherche élaboré en correspondance avec le grand biologiste français Jean Rostand, la venue de Jean Dorst de l’Université de Paris et directeur de la Station Darwin aux Ïles Galápagos. De nombreux chercheurs de différents centres de recherches et d’université tant d’Amérique, d’Europe et d’Asie furent invités à prononcer des conférences, à nous accompagner dans nos laboratoires ou sur le terrain.

Parmi les missions de recherches réalisées, deux d’entre elles furent marquantes pour moi. Ainsi, j’ai participé et contribué à des expéditions hors du commun dans l’Archipel des Galápagos au large de l’Équateur, ce lieu ayant permis à Charles Darwin d’émettre sa théorie sur l’évolution des êtres vivants. La première remontant à 1983 avait comme objectif de relever divers aspects favorisant la venue de visiteurs dans cet ensemble insulaire plutôt fragile alors que la seconde, réalisée en 1986, avait comme objet principal la prise en considération des politiques mises en place par l’Équateur afin de protéger et mettre en valeur les composantes naturelles de ce lieu exceptionnel consacré comme patrimoine mondial par l’UNESCO. Une rencontre eut lieu avec des autorités de Quito. Les collègues de voyage furent le botaniste et écologiste Pierre Dansereau, professeur à l’UQAM, Jacques de Tonnancourt, artiste peintre et entomologiste de passion, Reynald Duberger, géophysicien et Jules Dufour, géographe de l’Université du Québec à Chicoutimi, Pierre-Jules Lavigne, responsable de la mise en valeur de la rivière Jacques-Cartier, Jacques Prescott responsable de la mission et biologiste au Ministère des loisirs, de la chasse et de la pêche du Québec et Patrick Alman, responsable de fixer sur pellicule les êtres vivants et les paysages des lieux visités. Un important rapport fut déposé aux autorités gouvernementales afin de considérer les politiques retenues par l’Équateur dans celles appliquées à nos milieux naturels.

Avec mes collègues Rogath Gagnon, alors directeur du Module de biologie médicale et Henri-Paul McGee, registraire, nous nous sommes rendus en France, en Belgique et en Suisse afin de signer des protocoles d’ententes avec différentes universités. Aussi, à l’invitation de l’université et du Ministère de l’Éducation, j’ai fait partie avec mon collègue Guy Charpentier, d’une mission en Thaïlande afin d’établir une collaboration avec l’Université Mahidol de Bangkok. J’ai eu le privilège de signer le protocole d’entente avec cette dernière université. Petite anecdote : comme chargé d’un cours à l’hiver 2016, j’ai eu la surprise d’avoir dans mon groupe, un étudiant associé à cette entente dont il en était très fier.

Mes déplacements personnels à l’étranger, plusieurs depuis mon entrée en retraite, m’ont permis de rencontrer souvent d’anciens étudiants de l’UQTR, soit lors de congrès ou sur des places publiques. Certains reconnaissant leur ancien professeur ou d’autres reconnus par le fait qu’ils portaient un signe de fidélité à l’université, tels une casquette ou un gilet.

Une retraite de passions et d’implications

Au moment où je planifiais ma prise de retraite, je me suis engagé dans l’écriture de livres destinés au grand public afin de partager les connaissances acquises sur la Nature tout au long de ma carrière universitaire. Ainsi, aux Éditions du Boréal fut publié un premier volume intitulé «Le moustique, par solidarité écologique» et dont la préface était de Pierre Dansereau, précurseur de l’écologie au Québec. Un second livre rédigé en collaboration avec mon collègue Jacques Boisvert et publié aux Éditions MultiMondes (Hurtubise) avait comme titre «Le virus du Nil occidental» et faisait suite aux craintes soulevées par la population possiblement exposée à ce parasite. D’ailleurs, nous avions été membres d’un Comité ministériel sur le problème soulevé au Québec en début des années 2000. Puis, deux volumes plus récents, toujours chez MultiMondes, décrivent la biologie et l’écologie des insectes afin de sensibiliser le public aux rôles essentiels de ces derniers dans l’équilibre de la Nature; ils ont comme titres «Le monde fascinant des insectes» (421 p.) et de composition abrégée, «Fascinants insectes» (191 p.). Les préfaces des deux derniers sont signées par Georges Brossard à l’origine de l’Insectarium de Montréal. Il me fut agréable de constater la présence de ces livres dans des librairies de France.

Plusieurs conférences devant de jeunes écoliers du Québec ainsi que devant des clubs sociaux ou lors de congrès m’ont amené à sensibiliser les gens face aux défis environnementaux tout en soulignant les travaux réalisés sur ces derniers par l’UQTR. Aux souhaits de jeunes voulant se familiariser avec la carrière d’un naturaliste, je suis à l’écriture d’un nouvel ouvrage. Pendant cette retraite, j’ai eu le privilège de donner deux cours d’une vingtaine d’heures chacun à l’Université du Troisième Âge (UTA), «Le monde des insectes» et «L’odyssée de la vie». Un vrai bonheur d’y rencontrer des étudiants adultes aux âges respectables, certains entre 80 et 90 ans, soulevant discussions et questions pertinentes.

Mes travaux de recherches ont fait l’objet de nombreuses entrevues radiophoniques et télévisuelles, tant au Québec qu’à l’étranger. Aussi, depuis quelques années, je participe à l’émission «La nature selon Boucar» diffusée l’été par Radio-Canada, animée par Boucar Diouf et où je rappelle souvent des travaux réalisés à l’UQTR sur les sujets traités.

Je poursuis cette passion qui m’anime depuis de très nombreuses années, soit celle de doter l’Île St-Quentin à Trois-Rivières, d’un centre d’interprétation de la Nature, de l’Histoire et de la Culture. Un projet auquel plusieurs étudiants et professeurs de l’UQTR ont participé et en voie de se concrétiser.

Quelques distinctions m’ont été accordées dans le cadre de mes engagements envers l’UQTR et la société :

  • Prix Hommage à un retraité dit remarquable 2017. Remis par l’Université du Québec à Trois-Rivières suite à mon implication dans divers secteurs de la société.
  • Hommage de l’Association des biologistes du Québec 2017. Comme pionnier du programme de baccalauréat en biologie à l’UQTR, hommage conjoint avec Estelle Lacoursière et Guy Vaillancourt.
  • Éméritat de l’Association des biologistes du Québec, 2006; Éméritat de la Société d’entomologie du Québec, 2005; Éméritat de l’Université du Québec à Trois-Rivières, 2002.
  • Mérite municipal du Gouvernement du Québec, 2001. Remis à l’Assemblée Nationale du Québec.
  • Prix Georges-Préfontaine de l’Association des biologistes du Québec, 2000.
  • Médaille de Gratitude aux Pionniers de l’Université du Québec à Trois-Rivières, 1969-1979. Reçue en 1993.
  • Membre fondateur de l’Insectarium de Montréal. Reconnaissance conjointe avec Georges Brossard et Pierre Bourque, reçue du maire de Montréal, Jean Doré, 1990.
  • Médaille Pierre-André Latreille de la Société entomologique de France, 1982; Mérite et reconnaissance du Ministère des Affaires étrangères de France, 1971.

Attachement impérissable

Tant et aussi longtemps que je le pourrai, je continuerai à m’impliquer dans la société toujours en rappelant aux gens rencontrés ce bonheur d’avoir contribué au développement de cette importante institution qu’est l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ce fut pour moi un privilège de faire partie de cette dernière. Elle m’animait et me permit d’engager des enseignements spécialisés et d’y réaliser des travaux de recherches qui, je l’espère, ont permis à des étudiants de s’approprier de cette délicieuse passion devant les composantes de la Nature tout en gardant espoir que ces études et travaux puissent avoir des impacts positifs sur le mieux-être des gens.

Un grand merci à tous mes collègues, collaborateurs des différents secteurs de l’université trifluvienne ainsi qu’à mes proches, Claire, mes enfants, conjoint(e)s et mes petits-enfants pour leurs appuis et encouragements.

Même à la retraite, je ressens toujours cet attachement à mon institution. Nul doute qu’il en est ainsi pour tous ces collaborateurs qui, comme moi, y ont certainement passé de bons moments, ce que je souhaite de tout cœur.

Jean-Pierre Bourassa, D.Sc. (biol.),
Retraité,
Université du Québec à Trois-Rivières.
27 mars 2018.