Robert CHAMPAGNE

Robert Champagne

Parcours de vie…

Par Robert CHAMPAGNE, professeur titulaire, Département des sciences de l'éducation

Je vous rappelle d’abord que je suis un professeur retraité du département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

Le départ …

Né à Woonsocket, Rhode Island (USA), le 21 août 1929, j’avais six ans lorsque mes parents se sont installés au Québec, après avoir vécu en Nouvelle-Angleterre pendant les premières années de la grande dépression de 1929 .

Après des études primaires à l’école paroissiale de Louiseville et des études secondaires au Collège St-Joseph (Berthierville), j’ai fréquenté l’école normale Jacques-Cartier à Montréal (1947-1950) où j’ai acquis une formation de base en enseignement (Diplôme supérieur en enseignement primaire et secondaire – 1947-1950).

Le statut civil :

Marié en premières noces à Andrée Gagnon en 1951 (décédée en 1983), je suis le papa de deux filles (Claude et Claire), d’un fils (Pierre) et grand-papa de quatre petits-enfants.

Quelques années après le décès d’Andrée, j’ai épousé Jeannette Léger en 1991, lors de l’une de mes missions de longue durée au Rwanda.

Également, au cours de cette mission en Afrique, nous avons convenu, Jeannette et moi, de prendre charge de deux jeunes orphelines rwandaises issues de la guerre de 1990. L’une d’elles vit toujours à Kigali l’autre, Djamila, est infirmière et elle vit maintenant à Ottawa.

L’enseignement …

C’est au début des années ’50 que j’ai amorcé ma carrière d’enseignant à titre de professeur de langues, dans une des écoles techniques de l’époque : à Sherbrooke (1950/52) et à Trois-Rivières ensuite-1952-1959.

Au cours de ces premières années, j’ai voulu consolider ma formation de base par un programme d’études supérieures en psychopédagogie et orientation scolaire, à l’Université de Montréal (1952-1954). Question de mieux comprendre le cheminement de mes élèves, au cours de ces années d’enseignement à l’école technique, je suivrai également des cours de formation dans quelques-uns des secteurs techniques de l’école (notamment, en menuiserie, dessin industriel, électricité et soudure).

En 1959, je deviens professeur à la nouvelle école normale Duplessis de Trois-Rivières, à titre de professeur titulaire des cours de méthodologie de l’enseignement de l’anglais aux futurs enseignants.

L’année suivante (1960) je m’inscrirai au Teacher’s College de l’Université Columbia de New York à un programme de maîtrise, avec spécialité en méthodologie de l’enseignement de l’anglais comme langue seconde.

Mais, après avoir compété 16 crédits dans le cadre de ce programme, j’ai convenu avec mes conseillers de l’époque, de modifier mon parcours, et de m’engager dans un programme de maîtrise en ‘’gestion et administration des collèges et universités’’ tel qu’offert à cette même université new-yorkaise.

Je complèterai cette formation par des cours d’été et une résidence de 9 mois, de janvier à août 1964, et obtenir, en novembre de cette même année, la maîtrise ès arts en « Management of Colleges and Universities ».

À l’époque, ce réalignement de mes études correspondait aussi aux changements intervenus dans ma carrière et une nouvelle concentration vers le domaine de la gestion. Dans une première phase, j’avais accepté une affectation à la direction des Affaires étudiantes de l’École normale (1962 – 1967) et, -

au départ de l’Abbé Louis Massicotte – j’assumerai la direction générale (‘’Principal ‘’) de l’École Normale Duplessis (1967-1969),

J’aimais bien l’enseignement, mais j’ai pu réaliser également que ce réalignement de ma carrière vers la gestion me convenait tout à fait et que j’étais aussi très attiré par cette mouvance qui visait à rénover le monde de l’éducation. J’ai donc été de plus en plus impliqué dans des mouvements qui affecteront les modes de gestion de nos institutions. C’est aussi à cette époque que je me suis engagé dans des mouvements régionaux et nationaux reliés à cette réforme du système.

Le gestionnaire …

Sous l’inspiration du Rapport Parent portant sur la formation des enseignants (Volume IV – 1964), entre autres, le Centre de formation des maîtres de Trois-Rivières s’est engagé dans le courant de la réforme annoncée en développant, à Trois-Rivières et la région, une concertation nouvelle entre les écoles normales. Les programmes de premier niveau (Brevet C, brevet B, notamment) ne seront plus offerts et - reconnu par l’Université Laval - le baccalauréat spécialisé avec diverses options nouvelles pourra être accessible aux filles, aux mêmes conditions que les garçons munis du diplôme d’une école secondaire.

Cette concertation nouvelle en formation des maîtres et les nombreuses interventions de la Fédération des écoles normales (la FEN), au cours de cette période, ont largement contribué à transformer le système de formation. C’est une nouvelle vision de la formation des maîtres qui nous était présentée par le Rapport Parent et c’est une véritable réorganisation académique et administrative des écoles normales qui devait s’imposer à compter de 1964 pour les nombreuses écoles normales publiques et privées du Québec. À titre de représentant de l’état en matière de formation des maîtres en Mauricie, j’ai été appelé à supporter cette réforme des programmes des écoles normales, et par la suite, à siéger au Comité R&D du Ministère de l’Éducation en vue de l’implantation du Réseau de l’Université du Québec.

À la suite des premières recommandations du Comité R&D, un Comité régional de planification a été constitué visant l’intégration du Centre de formation des maîtres de Trois-Rivières et du Centre des études universitaires de Trois-Rivières en vue de la création de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

La loi spéciale reconnaissant la création du réseau de l’Université du Québec a été votée en novembre 1968, et le nouveau Recteur de l’UQTR ( Gilles Boulet) sera désigné officiellement le 19 mars 1969.

Pour ma part, c’est le 1er juillet 1969 que je me joindrai formellement à l’équipe des premiers officiers de l’institution nouvelle, en acceptant le poste de directeur de la planification de l’UQTR. J’avais alors le mandat principal de voir à la mise en place d’une équipe en vue d’assurer la planification des besoins pédagogiques et physiques à long terme de la nouvelle institution, et la conception d’un plan directeur de développement physique du campus.

C’était un rôle nouveau pour lequel j’avais une expérience assez limitée et j’ai décidé, dès la première année de mon mandat, de m’inscrire à l’Université Cornell (N,Y.), à un séminaire spécial offert par cette institution, sur cette problématique de la planification du développement physique des institutions collégiales et universitaires .

De la sorte, avec l’équipe de mon service et grâce à une magnifique collaboration des différents personnels de l’institution avec qui je devais traiter de toutes ces questions, nous avons pu déposer au Conseil d’administration, dans les temps prévus par l’UQTR (3 ans), un plan complet du développement physique de l’ensemble du campus - le tout appuyé par un projet de prévision des clientèles pour la prochaine décennie.

Le plan a été accepté par la direction de l’UQTR, et le premier édifice mis en chantier au cours de l’été ’72 (Pavillon Ringuet).

Ma mission a donc été réalisée dans les délais convenus et à la satisfaction des autorités de l’institution.

Études doctorales :

Ainsi, et tel que convenu à la signature de mon contrat d’engagement avec l’UQTR, j’ai pu profiter d’un congé d’études et m’inscrire à un programme de doctorat. Mais, en raison de la durée d’une telle formation, et de ses implications sur la famille, nous avons convenu, en famille, d’oublier New York et je m’inscrirai, cette fois, à l’Université de Toronto, au département de la planification de la Faculté d’éducation (‘’Ontario Institutute for Studies in Education’’--OISE) » (1972-1975).

Je reprendrai le poste d’adjoint au Recteur et Responsable de la planification à mon retour à l’UQTR en juillet 1975.

Un retour à l’enseignement :

Au retour de ce stage d’études et jusqu’en septembre 1979, j’avais donc repris la direction de la planification de l’université. Mais, lors de la révision de la structure administrative effectuée par le nouveau recteur , en 1979, j’ai choisi de revenir à l’enseignement et d’intégrer le Département des sciences de l’éducation de l’Université.

Mais, au mois de novembre de cette même année, à la suite d’une démission prématurée du Directeur du département, l’Assemblée départementale m’invitera à prendre la direction du département, pour terminer le mandat en cours. J’ai évidemment dû agir rapidement en tâchant d’oublier temporairement les conséquences immédiates d’une telle décision sur mes travaux de recherche sur ma thèse en voie d’être réalisée ..

La retraite prématurée…

Peu de temps après la fin de ce mandat à la direction du département – c’était en décembre 1983 - un nouveau virage imprévu s’est amorcé lorsque la direction de l’université devait m’offrir – à la suite d’une politique incitative du gouvernement - un programme de retraite prématuré qui me permettrait de participer à temps partiel, et pour une période de 18 mois, à la mise sur pied du nouveau programme sur l’internationalisation de l’institution.

J’accepterai donc de prendre une retraite hâtive et d’agir à titre de conseiller du nouveau directeur du Service de la coopération internationale, en vue de la mise sur pied de ce nouveau service à l’UQTR. L’offre était généreuse et alléchante et après quelques délibérations avec les responsables du programme, j’ai accepté de m’engager dans ce nouveau plan de retraite et j’ai quitté le département le 1er juin 1985.

C’est ainsi que j’ai fait mes premiers pas dans la voie qui deviendra une véritable seconde carrière au cours des années suivantes.

Des interventions au plan international :

Je me suis rapidement senti très à l’aise dans ce nouveau champ d’intervention qui allait me permettre de mettre à profit les nombreuses expériences accumulées en cours de route, dans les différentes fonctions que j’avais occupées dans ma carrière professionnelle.

Et ma vie professionnelle à l’international s’est étalée jusqu’à la fin de 2003, en raison de trois ou quatre missions par année, ou j’ai pu graduellement intervenir à titre de consultant ou de conseiller, auprès des institutions ou des ministères de certains des pays en développement.

J’ai eu ainsi l’occasion de participer à des projets subventionnés par les grands organismes internationaux, notamment :

Sous financement ADCI/Banque Mondiale : ‘’Étude de faisabilité en vue de la création du Centre de formation en gestion et en sciences comptables à Madagascar ‘’. Membre de l’équipe sur l’étude de faisabilité du projet.

Sous financement Banque Africaine de Développement : ‘’Évaluation en vue d’une réforme du système de l’enseignement secondaire général au TCHAD’’ (Chef de la mission d’évaluation);

Sous financement PNUD/ UNESCO : ‘’Étude et mise en place d’une réforme de la gestion de l’enseignement supérieur au Rwanda’’ - Conseiller technique principal du projet – mission de longue durée dans le pays – mars 1991 à juillet 1992 – et plusieurs séjours de courte durée dans ce pays;

Sous financement PNUD : ‘’Réalisation de plusieurs missions de suivi du projet RWANDA’’ (1995-1999).

Sous financement ADCI : ‘’Conception d’un programme de recyclage des enseignants du pré scolaire/primaire en Haïti’’ (2002). Mission de 3 mois dans le pays.

Une nouvelle transition :

En 2000, à la demande de la Directrice du département des sciences de l’éducation, j’ai convenu d’agir comme dépanneur, et accepté à titre intérimaire, la direction du Bureau des stages du département des sciences de l’éducation à l’UQTR.

L’année suivante, toujours à l’UQTR, je m’impliquerai dans la campagne majeure de la Fondation de l’UQTR, en prenant la responsabilité d’organiser la sollicitation auprès de la communauté universitaire.

À la même époque, j’ai été élu président de la Fédération des écoles normales (la FEN), avec le mandat de réévaluer la mission de l’organisation et de prendre les dispositions pour assurer la pérennité de ses objectifs.

Dans ce dossier, en juin 2004, et grâce à la précieuse collaboration de la Fondation universitaire de l’Université du Québec, nous avons pu créer un régime de bourses destinées à des candidats inscrits à des programmes d’études avancées en sciences de l’éducation, dans l’une ou l’autre des universités francophones du Québec deux bourses de 3 000,$ seront offertes à chaque année à des candidats répondant aux critères établis pour l’obtention de cette bourse d’excellence.

Et maintenant…

L’année 2003 s’est cependant mal terminée… En effet, à l’occasion d’un examen de routine à l’hôpital, on m’informera que j’étais porteur d’une vilaine bactérie cancéreuse au poumon.

Dès lors, j’ai été forcé de mettre abruptement fin à toutes mes activités professionnelles afin de me concentrer sur la récupération de ma santé. Entre autres mesures, j’ai entrepris de me soumettre à un sévère programme de conditionnement physique supervisé - ce qui a dû contribuer à me permettre de retrouver un bon état de santé.

De fait, en janvier 2005, j’avais suffisamment récupéré pour entreprendre des premières activités et je me suis inscrit à l’Université du Québec à Montréal, à un programme court de maîtrise en sciences humaines intitulé « Bilan de vie et quête de sens ». La démarche proposée par ce programme sera une belle occasion d’engager une réflexion en profondeur sur mon parcours de vie et sur le sens à donner à mes prochaines années de vie…

Une fois ce programme (15 crédits) terminé, j’ai eu envie de poursuivre des activités de formation et j’ai été admis, à un Séminaire de recherche sur la culture québécoise, dans le cadre du programme de doctorat du département de philosophie de l’UQTR.

Dans le cours de ces évènements, en avril 2008, je serai invité à diriger un groupe de bénévoles, en vue de la mise sur pieds de programmes pouvant être offerts aux personnes du troisième âge.

Et, c’est en janvier 2009 que le Conseil d’administration de l’Université acceptera la proposition du Comité d’implantation et la signature d’une Entente de collaboration visant à assurer la création de l’Université du 3e âge (UTA-UQTR) destinée aux personnes de 50 ans et plus. Ainsi, des adultes de 50 ans et plus pourront s’inscrire à l’UTA sans condition préalable, à des activités de formation spécialement conçues et visant à répondre à leurs intérêts et leurs besoins.

J’ai quitté la présidence du Comité d’implantation au moment de la signature du protocole convenu avec le CA de l’Université, et c’est à la vice-présidente du Comité d’implantation à qui j’ai suggéré de signer cette entente et d’assurer ite la direction de l’UTA. Mme L. Lord-Bolduc signera donc cette entente au nom de notre organisme et elle produira un magnifique travail de mise en place de l’organisation.

Cependant, en décembre 2010, en raison du départ de notre présidente, je reprendrai la direction du Comité de gestion pour y assumer des responsabilités que j’ai tenues jusqu’en juin 2015.

L’UTA recrutait plus de quinze cents apprenants par année et constituait un service essentiel déjà bien reconnu, lorsque la Direction de l’éducation permanente de l’UQTR a convenu de prendre l’entière responsabilité de gestion de l’UTA. Seule une équipe de bénévoles-conseillers maintiendront des interventions au niveau, notamment, de la programmation,

Au fait… et la famille ?

J’ai eu le grand privilège dans ma vie d’être accompagné de compagnes extrêmement compréhensives et confiantes dans cette mission que j’ai choisi de poursuivre,

En ce qui concerne Andrée Gagnon, notamment, elle a certainement vécu la phase la plus difficile de mon parcours dans la profession. Lors de mes stages d’études au cours des années ’60 et ’70, nous avions quand trois enfants à la maison qui ont dû subir, avec leur maman, mes nombreuses absences.

Mais, je pense aussi qu’ils ont compris la situation et ils ont appris, au cours des années, à profiter pleinement d’un papa heureux et de partager avec leurs parents les grands bonheurs de la réussite. Évidemment, nous parlions beaucoup d’éducation à la maison et ils ont appris aussi à reconnaître l’importance et la nécessité de la formation dans le cours d’une vie professionnelle.

... s’il faut conclure :

Comme j’ai tenté de l’illustrer dans ce texte, je fais partie de cette génération d’éducateurs et de gestionnaires de l’éducation qui ont ‘’trimé dur’’ pour tenter de mener à bien et tirer le meilleur des nombreuses réformes et des changements profonds qui se sont invités dans la société québécoise et dans nos différents milieux d’éducation. Mes années actives ont été bien remplies et, comme de nombreux autres individus dans ma condition, je me suis engagé à fond pour donner un sens à ma vie et à celle de ma famille.

À ce moment-ci, j’ai encore l’énergie et les capacités physiques et intellectuelles nécessaires pour tenter de «vieillir dans la sérénité» .

À tout événement, c’est avec beaucoup de confiance que je veux relever les défis qui s’offriront à moi au cours des prochaines années.

Robert Champagne