La légende de la chasse-galerie

La légende de la chasse-galerie

 

Résumé :

Courir la chasse-galerie, c'est voler dans les airs en canot avec l'aide du diable.

Références :

BEAUREGARD, Honoré, Contes canadiens illustrés, Montréal, Librairie Beauchemin, 1919.

MARTIN, Jacqueline, L'art de l'expression orale et écrite, Ottawa, Éditions Ville-Marie, 1983.

Auteure :

Micheline Champoux

 

 

Sur internet, dans le moteur de recherche Google, faire les mots-clés  "légende de la chasse-galerie" (avec les guillemets)
pour trouver des documents intéressants sur la légende de la chasse-galerie. Voir aussi le site
http://www.telusplanet.net/public/dddware/chaise pour acquérir le cédérom "La chaise berçante" contenant le film
d'animation de Frédéric Back, avec de nombreux exercices de français, ainsi que la légende de la chasse galerie,
narrée en français standard et en français "de bûcheron".Voir enfin le site http://www.uqtr.ca/~bougaief/EFL , où
vous trouverez des textes de littérature, dont La chasse-galerie, avec traduction en ligne en anglais. Voir également
le poème " Les Djinns" de l'écrivain Victor Hugo, qui reprend ce thème.

La légende de la chasse-galerie raconte l'histoire d'un groupe de bûcherons qui, avec l'aide du diable, ont parcouru une
grande distance en canot volant pour aller voir leur parenté la nuit du Jour de l'An. L'action se passe dans un chantier
de l'Outaouais vers 1850.

C'était au soir d'un 31 décembre, juste avant que sonne minuit. Les bûcherons se préparaient à fêter le début de la
nouvelle année. Le cuisinier du chantier avait préparé le réveillon. Le directeur du chantier avait donné un petit baril
de rhum à ses bûcherons. Dehors il faisait un froid glacial. Le cuisinier était un peu « chaudasse » ; il s'était étendu sur le lit.

Le cuisinier dormait quand tout à coup, Baptiste, le chef des piqueurs, le réveilla et lui demanda s'il voulait aller voir Lise,
sa blonde. – Voir ma Lise, dit le cuisinier, c'est pas possible. Elle habite Lavaltrie. C'est près de Montréal. C'est à
400 km d'ici. Un voyage de presque un mois à pied dans la neige.

Baptiste répondit : « Pas question d'aller à pied. Nous ferons le voyage en canot dans les airs. Nous irons au bal du village
et demain à six heures, nous serons de retour au chantier.

Je comprends, répondit le cuisinier. Tu me proposes de courir la chasse-galerie ; de risquer mon salut éternel pour aller
embrasser ma blonde au village.

Oui, c'est ça ! Et il nous faut un nombre pair d'hommes ; tu seras le huitième.

Je suis un peu ivrogne, pas très religieux mais vendre mon âme au diable…

Cré poule mouillée ! Y a pas de danger. Avec la chasse-galerie, on fait 200 km à l'heure. Il s'agit simplement de ne pas
prononcer le nom du bon Dieu et de ne pas accrocher de clocher d'église en voyageant.

Oui, mais il faut faire un serment au diable.

C'est une simple formalité. Si on retient notre langue et qu'on dirige bien notre canot, on reviendra ici sans problème. »

Sans trop réfléchir, le cuisinier se dirigea vers le canot. Baptiste avertit ses hommes qu'à la danse, il ne faudrait pas
boire afin d'avoir l'esprit clair pour bien diriger le canot au retour.

Baptiste, debout derrière le canot, dit : « Répétez après moi : Satan, nous te promettons de te livrer nos âmes si, d'ici
six heures, nous prononçons le nom de ton maître et le nôtre, le bon Dieu, et si nous touchons une croix pendant le
voyage. À cette condition, fais-nous voyager au-dessus des montagnes et tu nous ramèneras au chantier. »

Le canot s'éleva dans les airs à une hauteur de 500 ou 600 pieds. Il s'élança dans l'air comme une flèche, fuyant plus
vite que le vent. Les hommes voyaient le cours des rivières et, volant au-dessus de la rivière Outaouais, ils arrivèrent
bientôt à Montréal. Puis, les villages défilaient et ils aperçurent très vite le village de Lavaltrie. Il était deux heures du matin.

« Attention, cria Baptiste, nous allons atterrir. » Cinq minutes plus tard, ils s'informaient de l'endroit où se tenait la veillée.
Les gens furent surpris de les voir. Baptiste leur dit : « Laissez-nous danser, on vous racontera notre voyage demain. »
Les hommes dansèrent pendant deux heures. Baptiste, manquant à sa parole, prit quelques verres de whisky blanc.

Très vite, l'heure du départ arriva. Les hommes repartirent sans attirer l'attention. Même le cuisinier est sorti sans dire
au revoir à sa blonde. Même si Baptiste était un peu ivre, c'est lui qui dirigeait le canot pour le retour. Il se trompa de route
et passa tout près du clocher de Contrecœur. Plus loin, il faillit accrocher la croix sur le haut du mont Belœil.

(N'oublions pas qu'en accrochant une croix, les hommes livraient automatiquement leur âme au diable).

Donc, pour reprendre la bonne route, Baptiste fit tourner le canot si vite que celui-ci se renversa dans la neige sur le
mont Royal. Aussitôt les pieds à terre, Baptiste se mit à sacrer. Les hommes pensaient à ce moment-là que si Baptiste
sacrait encore lorsqu'ils seraient remontés dans le canot, c'était l'enfer pour tous.

Alors, les hommes ligotèrent Baptiste et le bâillonnèrent avant de repartir vers le chantier. Ils étaient presque rendus
lorsque Baptiste commença à vouloir se détacher. Très vite, il réussit à enlever son bâillon et « lâcha un sacre » qui fit
tomber le canot.

Heureusement, le canot resta accroché dans les branches d'un gros pin. Les hommes tombèrent dans la neige molle.
Le cuisinier perdit connaissance et il se réveilla dans son lit le lendemain matin. Il avait quelques égratignures aux mains.

Les autre gars du chantier racontèrent qu'ils avaient trouvé le cuisinier, Baptiste et les six autres hommes cuvant leur rhum
blanc dans un banc de neige près du chantier. Personne ne les a démentis. Les gars n'auraient jamais raconté leur voyage :
c'était une honte d'avoir presque vendu son âme au diable pour aller embrasser sa blonde.

 

 

 

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