La grande inondation de 1896

 

Résumé :

Une digue de glace, à Grondines, a provoqué l'inondation de la moitié de la ville de Trois-Rivières au printemps de 1896.

Référence :

AUDET, Mario et Réjean HOULD, Les Grandes Catastrophes en Mauricie, Cahiers historiques, no 4, Trois-Rivières, 1982.

Auteure :

Micheline Champoux

 

Aujourd'hui, les brise-glace se promènent sur le fleuve tout l'hiver. Il y a donc peu de morceaux de glace, immenses et parfois
épais de quelques mètres, qui descendent le fleuve chaque printemps. Toutefois, avant l'époque des brise-glace, une digue
de glace se formait presque chaque printemps à la hauteur de Grondines, à mi-chemin entre Trois-Rivières et Québec.

Chaque printemps, l'eau envahissait les rues du bas de Trois-Rivières. Aussi, les gens se préparaient à l'inondation. On
montait les lits sur des chaises, au cas où l'eau atteindrait le plancher. On mettait des pièces de fer sur les trottoirs de bois
pour qu'ils ne puissent pas flotter et se retrouver dans le fleuve ou ailleurs après l'inondation.

Ceux qui habitaient près du fleuve barricadaient leurs fenêtres pour se protéger des blocs de glace qui, souvent, sortaient
du fleuve très violemment.

Toutefois, l'ampleur de l'inondation de 1896 a déjoué toutes les prévisions. Le 16 avril, le fleuve a débordé sur les deux rives
jusqu'aux environs de Montréal. Le quartier Saint-Philippe de Trois-Rivières a presque disparu sous l'eau. Le lac Saint-Pierre
s'étendait de l'église de Saint-Barthélémy, sur la rive nord, à Saint-François-du-Lac, sur la rive sud.

À Sainte-Angèle-de-Laval, le chemin de fer a été brisé ; les routes entre les villages de Saint-Grégoire et de
Bécancour étaient inondées. Trois-Rivières fut privé d'eau et d'électricité pendant trois jours. L'eau est montée
jusqu'à la côte des Forges ; elle a dépassé la voie ferrée pour s'étendre dans les champs où est située aujourd'hui
la paroisse Sainte-Marguerite.

Dans le quartier Saint-Philippe, 21 maisons ont été complètement détruites par les glaces. Les hangars des quais, ainsi
que le bois de sciage, ont échoué un peu partout dans les rues. Les amoncellements de glace ont poussé des bateaux
jusqu'en face des résidences de la rue du Fleuve. Dans certaines maison, l'eau est montée jusqu'à l'avant-dernière marche
du haut de l'escalier de l'étage.

Dans la partie sud de la rue Notre-Dame, toutes les maisons ont été détruites, sauf la plus menacée qui est demeurée
debout. Le propriétaire avait placé sur sa maison, face au fleuve, une image du Christ. Tous les gens du quartier ont été
convaincus que c'était grâce à cette image que la maison avait été épargnée.

Parce que l'eau envahissait toutes les rues du bas de Trois-Rivières, les gens du haut de la ville se moquaient de
ceux du quartier Saint-Philippe et les appelaient « les grenouilles d'en bas ». Les jeunes « frais » du haut de la ville se
moquaient des gens d'en bas parce que ceux-ci devaient se rendre à la cathédrale en chaloupe avec leurs grosses bottes.

Pour se venger, les jeunes d'en bas ont organisé des tours de chaloupe dans les rues. Ils demandaient 10 ou 25 cents
pour un tour. Pendant le voyage, on chantait gaiement jusqu'à ce que, sur un signe des « navigateurs » de Saint-Philippe »,
la chaloupe se mette à osciller dangereusement et se remplisse à moitié d'eau. Les jeunes d'en haut terminaient donc
leur promenade dans la peur et avec les pieds mouillés.

Pour s'amuser, les plus vieux ont improvisé de grands radeaux en attachant bout à bout des trottoirs de bois. Sur ces
estrades nouveau genre, des musiciens et des chanteurs se promenaient dans les rues. Leurs petites fêtes étaient
accompagnées de whisky et les hommes, devenus ivres, tombaient régulièrement à l'eau.

Malgré leurs malheurs, les gens trouvaient quand même le moyen de s'amuser. Selon les témoignages, l'eau est
demeurée haute pendant deux semaines et, pour la petite histoire de Trois-Rivières, 1896 est demeurée « l'année de
la grande digue ».

 

 

 

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